I. Les grands textes
La loi du 11 floréal an X
Au moment de Brumaire, l’enseignement était organisé en France autour d’un principe de décentralisation : les communes étaient chargées de l’enseignement primaire et les départements du secondaire avec les écoles « centrales ». Le supérieur dépendait quant à lui des différents ministères, en fonction de la spécialité des établissements. La loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) réorganisa l’ensemble du système éducatif primaire et secondaire.
L’article premier de la loi disposait que l’instruction serait donnée dans cinq grands types d’établissements.
1°) Les écoles primaires établies par les communes.
2°) Les écoles secondaires établies par des communes ou des particuliers avec l’autorisation du gouvernement
3°) Les lycées entretenus aux frais de l’État.
4°) Les écoles spéciales, constituant le « dernier degré d’instruction ». La loi de Floréal prévoyait la création de dix nouvelles écoles de droit, trois de médecine, quatre d’histoire naturelle, de physique et de chimie, deux d’arts mécaniques et chimiques, une de mathématiques, une de géographie, d’histoire et d’économie publique. Seules les nouvelles écoles de droit et de médecine furent créées avant la réforme de 1808.
5°) Une École spéciale militaire complétait la liste des cinq types d’établissements de la loi de Floréal.
Ainsi, même si on en a retenu souvent que la création des lycées, la loi du 11 floréal an X embrassait l’ensemble de l’instruction publique. Elle fut largement refondue en 1808, avec la création de l’Université impériale.
L’Université impériale (décrets des 17 mars et 17 septembre 1808)
Dès l’époque de l’entrée en vigueur de la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802), Napoléon est décidé à englober l’ensemble de l’Instruction publique dans une grande structure unique, selon sa maxime : toute éducation publique appartient à l’État. En accord avec Fourcroy, cheville ouvrière de ses projets en matière d’éducation, il commence par l’organisation du corps enseignant : « Mon but principal dans l’établissement du corps enseignant est d’avoir un moyen de diriger les opinions politiques et morales […]. Je veux surtout une corporation, parce qu’une corporation ne meurt point », déclare-t-il au Conseil d’État le 11 mars 1806. Le 10 mai suivant, il promulgue une « loi relative à la formation d’un corps enseignant, sous le nom d’université impériale ». Ce texte ne comporte que trois articles prévoyant, d’une part, la création d’un corps chargé exclusivement de l’enseignement public dans tout l’Empire et, d’autre part, que les membres de ce corps contracteront des obligations « civiles, spéciales et temporaires », sans plus de précision. Ce sont deux décrets des 17 mars et 17 septembre 1808 qui donnent vie à l’Université impériale.
L’enseignement public de tout l’Empire relève désormais de l’Université qui s’administre en principe elle-même, par délégation du chef de l’État. Elle dispose pour remplir sa mission d’une administration centrale dirigée par un grand-maître désigné par l’empereur. Il est assisté d’un chancelier pour l’administration, d’un trésorier pour les finances (tous deux nommés par l’empereur), d’inspecteurs généraux (nommés par le grand-maître) et d’un conseil de l’Université de trente membres. Le territoire de l’Empire est divisé en trente-deux circonscriptions appelées « académies » (une par ressort de cour d’appel) avec à leur tête un recteur assisté d’inspecteurs et d’un conseil académique de dix membres nommés par le grand-maître. L’Université est financée par 400 000 francs de rentes inscrites au Grand Livre de la dette publique. Son trésorier perçoit en outre les droits de collation des grades, divers prélèvements pour droits d’examen, un vingtième de la rétribution payée par chaque élève dans toutes les écoles de l’Empire et des dons et legs.
Aux termes du décret du 17 mars, l’Université impériale gère ou contrôle les établissements d’enseignement, soit :
1°) Les facultés pour les sciences approfondies. Elles décernent le baccalauréat.
2°) Les lycées où l’on enseigne les langues anciennes, l’histoire, la rhétorique, la logique et des éléments de sciences mathématiques et physiques, dans le cadre de la loi de 1802 qui n’est pas remaniée sur ce point.
3°) Les collèges dits « écoles secondaires communales », où l’on enseigne les éléments de langues anciennes et les premiers principes de l’histoire et des sciences.
4°) Les institutions, soit les « écoles tenues par des instituteurs particuliers », qui prodiguent un enseignement proche de celui des collèges.
5°) Les pensions appartenant à des maîtres particuliers et « consacrées à des études moins fortes que celles des institutions ».
6°) Les écoles primaires enseignant la lecture, l’écriture et les premières notions de calcul.
7°) Hors système général, enfin, les maîtres et professeurs doivent être formés dans des écoles normales de département (la première est ouverte à Strasbourg, en 1810) et une école normale parisienne accueillant 300 élèves.
Conformément à ce qui a été prévu initialement, il n’y a plus qu’un seul « corps enseignant ». Cela n’implique pas que tous les professeurs et maîtres deviennent « fonctionnaires ». Mais tous, indistinctement de leur statut, contractent des obligations envers l’État. Un système disciplinaire est inclus dans le décret du 17 mars. Il comprend un barème de sanctions allant des arrêts à la radiation.
L’administration centrale de l’Université est importante avec un secrétariat particulier du grand-maître, une chancellerie, une caisse générale, une division à trois bureaux pour les questions éducatives et une division à quatre bureaux pour les affaires financières, un architecte (Poyet), un graveur (Gatteaux) et un imprimeur (Fain). En dépit de l’importance et de l’étendue de ses compétences, l’Université impériale n’est pas un ministère. La tutelle du ministère de l’Intérieur est maintenue.
II. Les administrations
L’Administration générale de l’Instruction publique
A la fin du Directoire et au début du Consulat, l’Instruction publique est confiée, au sein du ministère de l’Intérieur, à un bureau puis une division. Ce secteur étant un des grands « chantiers » du régime, Bonaparte et le ministre Chaptal veulent donner plus de force à l’administration qui en sera chargée. Par un arrêté du 21 ventôse an X (12 mars 1802), la division du ministère est érigée en « administration générale » et le conseiller d’État Pierre-Louis Roederer (1754-1835) est « attaché au département de l’Intérieur ayant le département de l’Instruction publique ». Quelques mois plus tard, Antoine-François de Fourcroy (1755-1809) lui succède (arrêté du 27 fructidor an X, 14 septembre 1802) et reste directeur général jusqu’à la création de l’Université impériale (1808). Installée rue de Grenelle, en face du ministère de l’Intérieur, cette administration générale (dont le nom exact est : « Direction générale de la surveillance de l’Instruction publique ») est organisée en plusieurs divisions, à la tête desquelles on voit passer l’académicien et auteur de théâtre Antoine-Vincent Arnault (1766-1834), le critique d’art Pillet ou un ancien du ministère de l’Intérieur, Jean-Baptiste Dumouchel (né en 1748). Un bureau spécialisé dans la surveillance des théâtres existe jusqu’en 1804, car l’administration générale doit aussi se consacrer à l’esprit public, tâche qui lui échappe au profit d’autres démembrements du ministère ou migre vers le ministère de la Police générale. La direction de l’Instruction publique a la lourde tâche de mettre en œuvre la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802). Après 1808, elle redevient une division du ministère de l’Intérieur.
Grand maître de l’Université impériale
Le décret impérial du 17 mars 1808 portant organisation de l’Université impériale place celle-ci sous la direction d’un Grand maître. Il est nommé et révoqué par l’empereur. Il nomme lui-même et règle les promotions aux places administratives et aux chairs des collèges et des lycées. Il nomme et place dans les lycées les élèves nationaux. Il accorde les autorisations d’ouverture des établissements d’enseignement. Il a le pouvoir d’inspecter les établissements, le droit d’infliger des sanctions aux membres de l’Université, ratifie les résultats des examens, confère les grades et titres. Il préside le conseil de l’Université dont il nomme les membres, de même qu’il nomme les membres des conseils académiques. Il se fait rendre compte de l’activité de l’Université et de l’état de ses dépenses et recettes. Il présente chaque année, sous couvert de son ministre de tutelle (Intérieur), plusieurs rapports à l’empereur : tableau des établissements d’instruction, tableau des officiers des académies et de l’Université, tableau d’avancement du corps enseignant.
A la grande déception de Fourcroy qui espérait être récompensé de ses efforts et de sa réussite dans les fonctions de directeur général de l’Instruction publique, un second décret du 17 mars 1808 nomme Louis de Fontanes (1757-1821) aux fonctions de Grand maître de l’Université impériale, fonction qu’il remplira jusqu’à la chute de l’Empire. A plusieurs reprises, l’empereur lui rappelle qu’il n’est pas l’équivalent d’un ministre mais doit se soumettre à leur autorité. Fontanes ne peut donc pas être juridiquement considéré comme le premier ministre de l’Éducation nationale de l’histoire de France.
Recteurs d’académie
Le décret du 17 mars 1808 organise l’Université impériale et instaure un monopole d’État en matière d’instruction. Compétente pour l’organisation de l’enseignement de l’école primaire jusqu’aux facultés, l’Université jouit d’une organisation administrative propre reposant sur les académies. Ces dernières sont dirigées par un recteur qui chapeaute notamment des inspecteurs d’académie et un conseil académique. Il existe autant d’académies que de cours d’appel (art. 4 du décret du 17 mars 1808). Elles sont trente deux à l’origine, mais de nouvelles sont créées au fur et à mesure de l’extension de l’Empire ou des besoins : Genève (arrêté du 7 juillet 1809), Pise (décret du 18 octobre 1810), Groningue (décret du 22 octobre 1811), Leyde (décret du 22 octobre 1811), Parme (décret du 7 mai 1812), Rome (décret du 29 août 1813), Brême (décret du 29 août 1813), Munster (décret du 29 août 1813).
À l’instar du préfet au sein du département, le recteur d’académie est le rouage essentiel du fonctionnement de l’enseignement, sous l’autorité du Grand maître de l’Université qui le désigne pour une période de cinq ans parmi les officiers de l’académie (art. 94). Il est courant que soient choisis des professeurs de faculté, hommes d’expérience dans le domaine de l’enseignement. Le Grand-maître peut, s’il le juge nécessaire, maintenir en poste les recteurs au-delà de cinq ans. De nombreux recteurs conserveront d’ailleurs leur affectation sous l’Empire puis la Restauration. L’académie de Paris constitue une exception du fait de son importance stratégique et du grand nombre d’établissements à gérer. C’est le Grand-maître qui l’administre personnellement.
Le recteur représente le pouvoir central au sein de l’académie. Il est responsable de l’enseignement sur tout le territoire de celle-ci. Garant de la validité des diplômes qu’il délivre, il assiste aux examens (art. 96). Il entend les rapports des doyens des universités, des proviseurs des lycées et des principaux de collèges relatifs à l’état de leurs établissements et contrôle ceux-ci, sous l’angle de la pédagogie, du contenu des enseignements, de la discipline, mais aussi de la rigueur budgétaire. Pour cela, il fait surveiller par les inspecteurs d’académie les établissements et effectue lui-même des visites (art. 98). Il préside le Conseil académique et dresse la liste des ouvrages autorisés dans les établissements. Il doit lui-même visiter les lycées de l’académie au moins quatre fois par an et se rendre régulièrement dans les facultés (statut des facultés du 28 octobre 1808 et règlement du 10 octobre 1809).
Cette situation dure jusqu’à la réforme introduite par le décret impérial du 15 novembre 1811 voulue par Napoléon pour contrer ce qu’il considère comme l’échec du système de 1808. Les établissements privés continuent à se développer et à concurrencer les établissements publics. L’empereur nourrit aussi des préventions à l’encontre de son Grand-maître Fontanes qu’il soupçonne d’entretenir des relations privilégiées avec les milieux de l’enseignement secondaire catholique. La politique éducative de l’État est radicalisée, l’enseignement secondaire privé limité ; les recteurs voient leurs pouvoirs amputés, notamment au profit des préfets directement chargés de l’enseignement primaire. Le pouvoir d’inspection appartenant auparavant au recteur est transféré au représentant du gouvernement dans les départements.
Les recteurs d’académie
Aix | André-Alexandre d’Eymar (1809-1823) |
Ajaccio | Pas de nomination |
Amiens | De Maussion (1809-1823) |
Angers | Jean-Luc Ferry de Saint-Constant (1809-1811)
François Mazure (1811-1815) |
Besançon | Jean-Jacques Ordinaire (1809-1815) |
Bordeaux | Paul-Victor de Sèze (1809-1815) |
Bourges | Pierre Raynal (1809-1816) |
Brême | Pas de nomination |
Bruxelles | Charles-Joseph-Emmanuel Van Hultem (1809-1814) |
Caen | Pierre-Robert Alexandre (1809-1819) |
Clermont | Jean-Baptiste-Charles Vacher de La Tournemine (1809-1811)
Jean-Marie Desribes (1811-1815) |
Dijon | Pierre Jacotot (1809-1815) |
Douai | André Taranget (1809-1827) |
Gênes | Jérôme-François-Julien de Serra (1809-1814) |
Genève | Henri Boissier (1809-1814) |
Grenoble | Jacques-Benoît Pal (1809-1815) |
Groningue | Muntinghe (1811-1813) |
Leyde | Brugmans (1811-1813) |
Liège | François-Antoine Percelat (1809-1814) |
Limoges | Louis-Joseph d’Humières (1809-1815) |
Lyon | Louis Nompère de Champagny (1809-1815) |
Mayence | Louis-François-Alexandre Boucly (1809-1813) |
Metz | Clément-Joseph Duquesnoy (1809-1815) |
Montpellier | Charles-Louis Dumas (1809-1813)
Victor-Marie-Emmanuel de Bonald (1813-1815) |
Munster | Pas de nomination |
Nancy | Étienne Mollevaut (1809-1810)
Pierre-Denis Dregel (1810-1815) |
Nîmes | Pierre Tedenat (1809-1818) |
Orléans | Joseph-Nicolas de Champeaux (1809-1815) |
Paris | Le Grand-maître Louis de Fontanes |
Parme | Pas de nomination |
Pau | Dominique Elicagaray (1809-1816) |
Pise | Benjamin Sproni (1810-1814) |
Poitiers | Éloy de Bellissens (1809-1815) |
Rome | Pas de nomination |
Rennes | Augustin-François Germe (1809-1817) |
Rouen | Arnaud-Joseph de Laporte-Lalanne (1809-1814)
François-Antoine Percelat (1814-1815) |
Strasbourg | Simon-Louis-Joseph-Bernard de Montbrison (1809-1818) |
Toulouse | Alexandre-Auguste Jamme (1809-1815) |
Turin | Prosper de Balbe (1809-1814) |
J.-F. Condette, « Les recteurs d’académie sous l’Empire », Napoléon et les lycées, 2004, p. 333.
Inspecteurs d’académie
L’instauration du monopole de l’instruction publique au profit de l’Université impériale par la loi du 10 mai 1806 pose le principe de la centralisation de la formation des élites et plus largement du système éducatif. Cette volonté centralisatrice réponde à un besoin de rationalisation et de réorganisation du secteur. L’Etat doit, pour satisfaire les besoins de fonctionnement de l’Université impériale, installer des organes déconcentrés participant tant à la restauration de l’école qu’à sa surveillance. Cette mission est assurée au niveau national par les inspecteurs généraux de l’Université. Localement, les inspecteurs d’académie, créés par le décret impérial du 17 mars 1808 (art. 93), assurent cette mission sous les ordres du recteur. L’inspection des écoles primaires, des institutions, des pensions et des collèges relève en effet de la compétence de ce dernier : les inspecteurs d’académie en assument l’essentiel par délégation.
Il existe ainsi dans chaque académie un ou deux inspecteurs, désignés par le Grand maître sur présentation des recteurs (art 93). A Paris, ils sont au nombre cinq (les premiers nommés sont Becquey, l’Abbé Fraysinous, Chaubry, Ruphy et Frédéric, Cuvier). A l’occasion de leur nomination, ils prêtent serment d’obéissance au Grand-maître, de respect des règles de fonctionnement de l’Université impériale (art .39 et suivant du décret du 17 mars 1808). Tout comme les inspecteurs généraux, ils contrôlent le fonctionnement global des établissements. Leur action est d’abord comptable et administrative. Après une enquête poussée sur l’organisation de chaque institution contrôlée, appréciation de la discipline, de l’organisation du temps de travail, de celle des dortoirs et de l’état sanitaire, ils peuvent aussi se pencher sur l’enseignement lui-même. Ils émettent des avis dont la collecte au niveau national permet à l’administration centrale et à ses différents bureaux de réagir. De la même façon, ces avis sont utilisés tant pour le suivi disciplinaire et l’appréciation de l’évolution de carrière des enseignants que pour l’instruction des décisions de fermeture d’établissement (art. 105 du décret du 17 mars 1808).
Les inspecteurs d’académie, même si leur action n’a pas atteint en réussite et qualité celle des inspecteurs généraux, sont un rouage essentiel de l’Université impériale dont ils sont officiers (art 34). Ils y sont étroitement attachés, ne peuvent quitter le corps enseignant sans l’autorisation du Grand-maître, contraint seulement au bout de la troisième demande, d’autoriser les membres à démissionner. Il s’en suit une exclusivité au profit de l’Université, les inspecteurs ne pouvant, comme tous les autres officiers de l’Université, exercer d’autres fonctions publiques ou particulières sans l’autorisation du Grand-maître (art 45). L’étroitesse de ces liens dure au-delà de l’exercice des fonctions d’inspecteurs puisque trente années d’exercice permettent l’accès à l’éméritat et à une pension de retraite. Les inspecteurs ont aussi accès à la maison de retraite des officiers de l’Université ; ils peuvent en bénéficier en cas d’invalidité survenue pendant l’exercice de leur fonction (art. 123 et suivants du décret de 1808).
Inspecteurs généraux de l’Instruction publique
La loi du 1er mai 1802 (11 floréal an X) crée trois inspecteurs généraux de l’Instruction publique. Ils sont nommés par le chef de l’État. Ils doivent parcourir les établissements et informer le gouvernement de la mise en place des structures prévues par la loi, notamment les lycées, mais aussi donner des avis et produire des rapports sur tout ce qui concerne l’instruction. Les trois premiers inspecteurs (Delambre, Despaulx, Noël) sont nommés par arrêté du 11 juin 1802. Delambre est remplacé par Lefèvre-Gineau en mars 1803.
Par ailleurs, trois « commissaires pour la formation des lycées », tous membres de l’Institut national (Coulomb, Cuvier et Villar), leur sont ajoutés. Marie-Joseph Chénier remplace Cuvier l’année suivante avant de devoir lui-même céder sa place à Domairon en 1806. Ce dernier meurt un an plus tard et est remplacé par Pictet. Toujours afin de soulager les inspecteurs généraux dans leur tâche, le décret du 1er novembre 1804 crée des inspecteurs généraux des écoles de droit.
Inspecteurs généraux de l’Université
La loi sur l’Université impériale créée la fonction et le titre d’inspecteur général de l’Université. Leur nombre ne cesse de croître : ils sont vingt-six à la fin de l’Empire. Leur mission est d’inspecter toutes les écoles dans les différentes académies, d’y contrôler les études et la discipline, de s’assurer « de l’exactitude et des talents » des enseignants, des maîtres d’études et des gestionnaires des établissements, de surveiller l’administration et la comptabilité, de participer à l’évaluation des élèves. Ils complètent ainsi les inspections menées par les recteurs et les inspecteurs d’académie.
Inspecteurs généraux des écoles de droit
La loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) sur les écoles de droit place celles-ci sous la surveillance de cinq inspecteurs généraux nommés par le chef de l’État. Chacun doit inspecter deux écoles par an, y compris pour vérifier les compétences des professeurs et les connaissances des élèves. A l’origine, ces inspecteurs ont respectivement compétence pour Paris et Dijon, Aix, Grenoble et Turin, Poitiers et Toulouse, Rennes et Caen, Bruxelles, Coblence et Strasbourg. Ils proposent au chef de l’État deux noms par poste de professeur vacant. Leur traitement est fixé à 8 000 francs. Leur costume se compose d’un habit noir brodé en noir et de la même robe que les professeurs avec broderie en palmette noire sur la robe rouge (décret du 28 floréal an XIII, 18 mai 1805). Ils forment autour du directeur général de l’Instruction publique le « conseil général d’enseignement et des études de droit ». Les premiers inspecteurs sont nommés par un décret du 1er novembre 1804. Ils sont maintenus par la loi sur l’Université impériale.
Conseil général de l’enseignement et des études de droit
Créé par le décret du 4è jour complémentaire de l’an XII (21 septembre 1804), cette instance regroupe autour du directeur général de l’Instruction publique puis du Grand-maître de l’Université les cinq inspecteurs généraux des écoles de droit. Elle fait des propositions d’amélioration des études dispensées par les écoles de droit.
III. Les Établissements d’enseignement
Écoles primaires
Comme ses devanciers, l’État napoléonien laisse l’enseignement primaire entre les mains des municipalités, en dépit de quelques beaux rapports remis à l’empereur notamment par Cuvier en 1810. Depuis toujours, et la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) sur l’instruction publique le confirme, les écoles primaires doivent être établies par les communes qui peuvent se regrouper pour en créer une. Les maîtres sont choisis par les maires et les conseils municipaux qui doivent leur fournir un logement. Le reste de leur rétribution est assuré par les familles, selon un barème fixé par les conseils municipaux : modique, elle ne garantit pas un bon niveau des enseignants souvent obligés d’avoir un autre travail ou de donner des leçons particulières. Partant, les écoles municipales restent rares dans certains secteurs géographiques. Il n’y en a, à la fin de l’Empire que 31 000 accueillant environ 900 000 élèves soit à peu près un quart des individus en âge de les fréquenter.
Les ambitions du système ne sont pas élevées. Un décret du 15 novembre 1811 dispose que « les inspecteurs d’académie [devront veiller] à ce que les maîtres ne portent point leur enseignement au-dessus de la lecture, l’écriture et l’arithmétique ». René Grevet écrit cependant : « Dans l’histoire de l’enseignement primaire, la période impériale doit être située d’abord dans la moyenne durée, qui a vu se construire l’école contemporaine entre 1793 et les lois de Jules Ferry […]. L’époque impériale a été une période de construction, de centralisation, de stabilisation et d’impulsions […]. En 1814-1815, la situation de l’enseignement primaire était loin d’être excellente [mais] les fondations de l’école contemporaine étaient néanmoins posées et le mouvement d’essor pouvait s’amorcer ».
Écoles secondaires ou collèges
La loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) sur l’instruction publique définit les écoles secondaires comme des établissements où l’on enseigne les langues latine et française, les premiers principes de géographie, d’histoire et de mathématiques. Un enseignement religieux peut y être dispensé. Établies par des communes ou des particuliers, elles ne peuvent toutefois ouvrir sans l’autorisation du gouvernement, renouvelée annuellement. Les enseignants sont au départ choisis par le directeur de l’établissement et rétribués par les parents. A partir d’un arrêté du 5 octobre 1803, on impose la création d’un bureau d’administration par école, composé du sous-préfet, du maire, du procureur impérial, du juge de paix et de représentants du conseil municipal. Il propose les nominations au ministre de l’Intérieur et, après 1808, au Grand-maître de l’Université impériale. Autant dire que l’indépendance des établissements et la liberté d’enseignement voulue par les révolutionnaires sont dès lors annihilées. En contrepartie, l’État peut verser des gratifications aux établissements telles la concession d’un local, la distribution de places gratuites dans les lycées pour les meilleurs élèves, voire des primes aux meilleurs maîtres, pour encourager, dit la loi, « la bonne instruction ».
La formule de l’école secondaire connaît un certain succès puisque, selon un rapport de Fourcroy de 1806, on en compte près de 750 (370 communales, 377 privées) accueillant environ 50 000 élèves. On ajoutera qu’il existe encore 4 500 écoles ou classes privées de type secondaire accueillant environ 25 000 élèves.
L’arrêté de 1803 fixe aussi le costume des élèves : habit ou redingote de drap vert, chapeau rond ou chapeau français pour les pensionnaires ; les externes étaient dispensés d’uniforme mais devaient avoir « une mise décente ».
Rebaptisées « collèges », les écoles secondaires intègrent l’Université impériale après 1808. Elles sont divisées en deux classes par le décret du 15 novembre 1811, selon le degré d’enseignement qui est y est autorisé. Le même texte change la couleur du costume des élèves, qui passe du vert au bleu.
Lycées
Fleuron des réformes éducatives du Consulat et de l’Empire, les lycées sont créés par la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802). Il s’agit plus d’ailleurs d’une très profonde réforme des écoles centrales de la loi du 25 octobre 1795 que d’une œuvre originale. Il doit à terme y avoir un lycée entretenu aux frais de l’État par ressort de tribunal d’appel. On y enseigne les langues anciennes, la rhétorique, la logique, la morale, les éléments des mathématiques et de physique. Contrairement à la pratique qui s’était imposée sous les régimes précédents, les élèves suivent un cursus obligatoire et non plus un parcours « à la carte » déterminé par eux en fonction de leurs goûts. Chaque établissement doit avoir au moins huit professeurs, un proviseur, un censeur et un procureur pour l’intendance, tous nommés par le gouvernement. Le préfet du département préside le bureau d’administration composé notamment du président du tribunal d’appel et du président du tribunal criminel. Trois inspecteurs généraux de l’Instruction publique sont dédiés à l’inspection des lycées. Inspirés de l’expérience du Prytanée français, établissement secondaire qui a fait ses preuves à Paris sous le Directoire, quarante-cinq lycées sont progressivement créés, dont quatre à Paris : il faut parfois beaucoup de temps pour trouver des bâtiments adéquats et recruter les enseignants mais trente-cinq établissements ouvrent dès 1808.
Dates de création des lycées du Consulat et l’Empire
16 octobre 1802 | Bordeaux, Moulins |
10 décembre 1802 | Besançon, Bruxelles, Douai, Grenoble, Lyon, Marseille, Mayence, Rennes, Strasbourg, Turin |
6 mai 1803 | Amiens, Nancy, Rouen |
21 juillet 1803 | Angers, Bourges, Caen, Cahors, Dijon, Liège, Limoges, Metz, Montpellier, Nîmes, Orléans, Lycée (impérial) de Paris [Louis-le-Grand], Pau, Poitiers, Reims, Toulouse |
10 septembre 1803 | Lycée Napoléon de Paris [Henri IV] |
27 septembre 1803 | Lycée Bonaparte de Paris [Condorcet], Lycée Charlemagne de Paris |
8 octobre 1803 | Avignon, Bonn, Bruges, Clermont-Ferrand, Gand, Nantes, Rodez |
6 mai 1804 | Alexandrie [transféré ensuite à Casal puis Gênes], Nice, Pontivy, Versailles |
La discipline des lycées est stricte : les élèves portent un costume (habit veste et culotte bleue, collet et parement bleu céleste, chapeau rond jusqu’à quatorze ans, chapeau français au-delà, boutons jaunes avec le mot lycée gravé (arrêté du 5 brumaire an XI, 27 octobre 1802) ; ils sont répartis en compagnies (avec un sergent et quatre caporaux) commandées par le meilleur élève qui a le grade de « sergent-major » et pratiquent des exercices militaires. A partir de 1803, chaque établissement est doté d’un aumônier et l’instruction religieuse est inscrite au programme.
Les lycées sont ouverts à des boursiers appelés « élèves nationaux », aux élèves des écoles secondaires ou des collèges qui y sont admis par concours, à des élèves que les parents ont les moyens d’y mettre en pension.
Avec la création de l’Université impériale et un décret du 4 juin 1809, l’organisation interne des lycées est retouchée. Le bureau d’administration prend le nom de conseil académique. Tous ses membres sont nommés par le recteur. Il est présidé par un inspecteur d’académie.
Un décret du 15 novembre 1811 porte à cent le nombre de lycées à ouvrir sur le territoire de l’Empire.
École normale
L’École Normale [supérieure] a été fondée le 9 brumaire an III (30 novembre 1794) par la Convention qui voulait que fût établi à Paris un établissement « où seraient appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner ». Elle est refondée par le décret du 17 mars 1808 pour y former trois cents jeunes gens « à l’art d’enseigner les lettres et les sciences ». Elle ouvre ses portes pour accueillir la première promotion en 1810 : cinquante élèves, dont quarante-trois littéraires.
Le statut du 30 mars 1810 dispose que les élèves sont désignés par les inspecteurs généraux de l’Université impériale, parmi les meilleurs élèves des lycées « d’après des examens et concours ». Les élèves contractent un engagement décennal et sont exemptés de conscription. Leur scolarité est de deux ans. Pendant ce temps, ils doivent atteindre le grade de bachelier et celui de licencié dans les facultés de lettres ou des sciences de Paris. Ils doivent en outre suivre les cours du Collège de France, du Muséum ou de l’École Polytechnique, selon qu’ils se destinent à enseigner les lettres ou les sciences. A la fin du cours normal, les dix meilleurs peuvent rester à l’École pour une troisième année « afin de se livrer entièrement au genre d’études qu’ils [ont] embrassé : par exemple pour préparer le doctorat ». Les élèves sont internes ; le régime et la discipline sont ceux des lycées.
L’École normale est installée « rue Saint-Jacques, collège du Plessis », actuel lycée Louis le Grand jusqu’en 1813. Elle migre ensuite dans l’ancien séminaire du Saint-Esprit (actuelle rue Lhomond). Elle est dirigée par un « chef », Guéroult (1744-1821), conseiller titulaire de l’Université impériale, proviseur du Lycée Charlemagne. Le directeur des études est Basset, censeur du même lycée. Les professeurs sont ceux des facultés de sciences et des lettres et les répétiteurs les maîtres des mêmes établissements. En 1813, le Grand maître de l’Université Fontanes écrit : « Le moment n’est point éloigné où l’École normale suffira à tous les besoins de l’instruction publique. L’élite des écoles françaises vient de toutes part y chercher, non seulement des méthodes uniformes et l’art de communiquer l’instruction ; mais encore des impressions et des habitudes communes et les sentiments qui doit animer tout le corps enseignant. L’université a fait tout ce qui dépendait d’elle pour établir convenablement cette école fondamentale ».
Facultés
Aux termes du décret du 17 mars 1808, l’Université impériale gère ou contrôle les établissements d’enseignement dont les facultés qui remplacent, pour les sciences approfondies, les écoles spéciales de la loi sur l’instruction publique du 1er mai 1802. Il en est de cinq ordres : théologie, droit, médecine, sciences (mathématiques et physiques) et lettres. Les facultés sont dirigées par un doyen, choisi par le Grand maître de l’Université au sein du corps professoral. Les premiers professeurs des facultés sont nommés par le Grand maître. Par la suite, il est prévu que les postes soient obtenus par concours.
Les facultés décernent trois grades conférés à la suite d’examens et d’actes publics : le baccalauréat, la licence et le doctorat.
La licence s’obtient :
1°) en lettres, pour les bacheliers réussissant une épreuve de composition en latin et en français ;
2°) en sciences mathématiques et physiques, en réussissant une épreuve de statique et de calcul intégral et différentiel ;
3°) en médecine et en droit, dans les conditions d’obtention au sein des écoles de médecine et de droit ;
4°) en théologie, être bachelier depuis un an au moins et après avoir soutenu avec succès deux thèses, dont une en latin.
Le doctorat s’obtient :
1°) en lettres, avec une licence et après avoir soutenu deux thèses, une sur la rhétorique ou la logique (en latin) et une sur la littérature ancienne ;
2°) en sciences mathématiques et physiques, après avoir soutenu deux thèses, soit sur la mécanique et l’astronomie, soit sur la physique et la chimie, soit sur l’histoire naturelle ;
3°) en médecine et en droit, dans les conditions d’obtention au sein des écoles de médecine et de droit ;
4°) en théologie, après avoir soutenu une troisième thèse générale.
Il y a, en 1814, 6 131 étudiants dans les facultés françaises : le quart en droit, 1 332 en lettres, 1 194 en médecine, 326 en sciences.
Un décret du 4 juin 1809 complète les dispositions de la loi sur l’Université concernant les anciennes écoles spéciales.
IV. Les Écoles de service public
Sous Napoléon, on qualifie d’ « écoles de service public » des établissements qui ne dépendent pas de la direction de l’Instruction publique puis de l’Université impériale et sont placées sous la tutelle d’autres ministères que celui de l’Intérieur.
Les écoles dites « de Services publics » en 1810
Nom de l’école | Implantations | Objectifs |
École spéciale militaire | Fontainebleau puis Saint-Cyr | Formation des cadres de l’armée |
Prytanée militaire | La Flèche | Préparation au métier militaire pour les enfants de militaires |
École polytechnique | Paris | Formation pour l’artillerie, le génie, les ponts et chaussées, la construction civile, les mines, etc. |
Écoles d’artillerie | Metz, La Fère, Besançon, Grenoble, Strasbourg, Douai, Auxonne, Toulouse, Rennes, Alexandrie, Valence, Mayence | Formation des officiers d’artillerie |
École des Ponts et Chaussées | Paris | Formation des ingénieurs des ponts et chaussées |
Grandes écoles de navigation | 15 établissements dont Toulon, Marseille, Sète, Bayonne, Bordeaux, Rochefort, Lorient, Nantes, Brest, Anvers, Ostende | Formation des aspirants de marine |
Écoles secondaires de navigation | 30 établissements dont Dieppe, Honfleur, Rouen, Cherbourg, Granville, Saint-Brieuc, Morlaix, Vannes, Libourne, La Ciotat, St-Jean de Luz, Arles, St-Tropez, Antibes, etc. | Préparation à l’entrée dans les grandes écoles de la marine |
École des Arts et Métiers | Châlons-sur-Marne | |
École d’économie rurale vétérinaire | Lyon | |
École vétérinaire | [Maison-] Alfort |
Écoles militaires
Le Consulat et l’Empire ont tenté d’organiser la formation des officiers (c’est moins vrai pour les sous-officiers) en créant plusieurs écoles. Aux termes d’un décret du 1er juillet 1812 sont considérées comme écoles militaires proprement dites : l’école spéciale impériale militaire, l’école spéciale militaire de cavalerie et le prytanée militaire. Ces établissements sont placées sous l’autorité du ministre de la Guerre et surveillées par un inspecteur général pour les écoles militaires, fonctions confiées au général Jacques-Nicolas Bellavène (1770-1826). D’autres écoles dépendant de la Guerre ou de la Marine continuent à former les sous-officiers et officiers des armées françaises. La formation des soldats est elle aussi prise en compte mais de façon moins sophistiquée.
- École spéciale militaire
L’école spéciale impériale militaire est créée par la loi sur l’Instruction publique du 11 floréal an X (1er mai 1802) et organisée par un arrêté du 8 pluviôse an XI (28 janvier 1803). Destinée à former les officiers d’infanterie et d’artillerie, elle est d’abord installée à Fontainebleau avant de migrer vers Saint-Cyr (décret du 24 mars 1808). Pour y être élève, il faut avoir seize ans au moins et dix-huit ans au plus, être de bonne constitution, admissible en lycée et subir avec succès un examen d’entrée. L’enseignement militaire (école du bataillon, administration militaire, escrime, tir) est complété par des cours de mathématiques, de dessin et cartographie, d’histoire et géographie, de belles-lettres. Ces dernières matières sont dispensées par des civils. Par un décret du 3 juin 1811, il est décidé que les élèves souhaitant être orientés vers l’artillerie doivent suivre un cours de théorie et de pratique du niveau de celui de l’École polytechnique ou de celle de Metz. De 1803 à 1814, cette école forme 5 400 officiers.
- École de cavalerie
L’école spéciale militaire de cavalerie est créée puis organisée par des décrets des 8 mars et 17 mai 1809. Destinée à former les officiers de cavalerie, elle est installée à Saint-Germain-en-Laye et accueille avec les mêmes conditions d’entrée que l’école spéciale militaire des élèves de seize à dix-huit ans. Six cents places sont prévues, l’école devant « produire » cent cinquante sous-lieutenants par an. L’enseignement militaire est adapté à la cavalerie et l’enseignement théorique est organisé sur le même modèle qu’à Saint-Cyr.
- Prytanée
Ancien Prytanée français installé à Saint-Cyr, cette école devient « militaire » par un décret du 13 fructidor an XIII (31 août 1804). Elle s’installe à La Flèche le 20 juin 1808 (tandis qu’ont été abandonnés les projets de Prytanée de Compiègne et de Fontainebleau). Y sont admis les fils d’officiers ou des pensionnaires de l’empereur qui se destinent à être officiers. A l’issue de leur scolarité, ils présentent l’examen d’entrée dans les écoles de Saint-Cyr ou de Saint-Germain ou, avec l’autorisation du ministre, de Polytechnique. A partir d’un décret du 15 mars 1812, une section artillerie est créée au sein du Prytanée, qui possédait déjà une section d’infanterie et une de cavalerie. L’effectif de cette école montera jusqu’à cinq cents élèves, avec l’admission des élèves de l’école militaire hollandaise de La Haye (août 1810) et de deux cents jeunes croates (septembre 1810).
- Autres écoles militaires
A côté de ces écoles existent d’autres établissements de formation pour les futurs militaires : onze écoles d’artillerie (la plus importante est celle de Metz –artillerie et génie-, les autres étant dites « régimentaires »), une école pour former les sous-officiers de la Garde à Fontainebleau, etc. Le ministère de la Marine et des Colonies a lui aussi ses établissements. Ceux formant les officiers ne sont créés qu’en 1810 et organisés sur le modèle de Saint-Cyr à Brest et Toulon. Jusqu’alors, les cadres étaient formés dans des écoles de navigation de deux niveaux qui sont maintenues : « grandes » écoles (Toulon, Marseille, Sète, Bayonne, Bordeaux, Rochefort, Lorient, Nantes, Brest, Saint-malo, Le Havre, Dunkerque, Caen, Anvers, Ostende) et écoles secondaires (Dieppe, Honfleur, Rouen, Cherbourg, Granville, Saint-Brieuc, Morlaix, Vannes, Libourne, La Rochelle, La Ciotat, Saint-Jean-de-Luz, Arles, Saint-Tropez, Antibes, Agde, Martigues, Narbonne, Collioure, Les Sables d’Olonne, Paimbeuf, Le Croisic, Audierne, Tréguier, Fécamp, Saint-Valéry-sur-Somme, Boulogne, Calais, Saint-Pol-de-Léon, Quillebeuf).
Notons que le passage par une école militaire n’est qu’une des voies pour obtenir un grade dans les armées. Le chef de l’État peut légalement nommer des civils à un grade (la pratique veut qu’il ne dépasse pas celui de sous-lieutenant). Il peut aussi accorder des promotions aux hommes déjà sous l’uniforme. Pour les sous-officiers, un texte du 15 floréal an XIII (4 mai 1805) lui interdit de promouvoir à un grade supérieur à celui de sous-lieutenant. Napoléon s’affranchira quelquefois de cette limite, étant convaincu qu’il faut donner de la promotion aux soldats méritants à la hauteur de leurs mérites ou de leurs faits d’armes. Un décret du 2 août 1811 réclame cependant huit ans d’ancienneté à un sous-officier pour devenir officier.
Sous l’Empire, dans l’armée de terre, la proportion des officiers étant passés par une école bondit de 2 à 15 %.
Quant aux soldats, ils sont formés au sein de « pelotons » dans leur corps d’affectation. Cette instruction de base (maniement des armes, marche, manœuvre, etc.) est dirigée par des sous-officiers. Pour l’arme du génie, des écoles de sapeurs et mineurs existent et sont réorganisées par un décret du 21 décembre 1808. Un décret du 5 avril 1811 organise par ailleurs des écoles de tambours dans les régiments d’infanterie et de la garde impériale, tandis que l’école des trompettes (installée à Versailles puis Saint-Germain) poursuit ses activités. Elle est réorganisée par un arrêté du 14 ventôse an XI (5 mars 1803).
École polytechnique
Créée le 7 vendémiaire an III (28 septembre 1794), l’École polytechnique est réformée par une loi du 25 frimaire an VIII (16 décembre 1799). Aux termes de ce texte, elle est destinée « à répandre l’instruction des sciences mathématiques, physiques, chimiques, et des arts graphiques, et particulièrement à former des élèves pour les écoles d’application des services publics », soit celles de l’armée de terre, de l’artillerie de la marine, du génie militaire, des ponts et chaussées, de la construction navale, des mines, des ingénieurs géographes, des poudres et salpêtres. La grammaire et les lettres sont ajoutées au programme en 1806. Le nombre des élèves est fixé à trois cents, tous Français de seize à vingt ans au moment de leur admission. Un décret du 16 juillet 1804 leur impose l’internat, tandis que l’école est organisée en un bataillon à quatre compagnies. Le général Lacuée (qui sera aussi président de la section de la Guerre du Conseil d’État et ministre directeur de l’administration de la Guerre) en est le gouverneur. Au sein d’un état-major de l’école, le bataillon des élèves est placé sous les ordres d’un colonel d’artillerie et la direction quotidienne confiée à un directeur des études, lui aussi officier supérieur (successivement les colonels Gay de Vernon et Malus, puis le chef de bataillon Durivau). Quant aux enseignants, dénommés « instituteurs », ils sont tous des savants prestigieux, souvent membres de l’Institut national comme Prony ou Poisson (instituteurs d’analyse et de mécanique), Monge (géométrie descriptive), Gay-Lussac, Vincent et Thénard (dessin) ou Andrieux (grammaire et belles-lettres).
L’École polytechnique occupe jusqu’en 1805 l’hôtel de Lassay (actuelle résidence du président de l’Assemblée nationale) puis est transférée à l’ancien collège de Navarre, rue de la Montagne Sainte-Geneviève.
École des Ponts et Chaussées
La formation des ingénieurs du Corps impérial des Ponts et Chaussées s’effectue au sein de l’École polytechnique. L’École impériale des Ponts et Chaussées, lointaine héritière de l’École royale des Ponts et Chaussées fondée en 1747, n’est qu’une école d’application. Tous les enseignements qui y sont donnés ne servent en effet qu’à mettre en pratique les connaissances physiques et mathématiques acquises par les élèves les années précédentes en vue de « projeter et construire les ouvrages relatifs aux routes, aux canaux, aux ports maritimes et aux édifices qui y en dépendent ». On leur apprend également à rédiger des devis, à estimer le coût des travaux et à tenir une comptabilité régulière. Dépendante du ministère de l’Intérieur, elle accueille 75 élèves qui y restent casernés. Un inspecteur général des Ponts et Chaussées dirige l’école, assisté de trois ingénieurs en chef et d’un ingénieur ordinaire qui dispensent les cours. Ses locaux sont situés à Paris dans l’hôtel du Châtelet, rue de Grenelle.
Écoles pratiques des mines
Réorganisée par l’arrêté du Comité de Salut public du 24 messidor an II (12 juillet 1794) et placée sous l’autorité d’une Agence des mines créée par le même texte, l’École des mines est remplacée (sans être formellement supprimée) par deux écoles pratiques en application de l’arrêté du 23 pluviôse an X (12 février 1802). Ces deux établissements sont installés à proximité d’exploitations minières, l’une à Geislautern dans le département de la Sarre, l’autre à Pesey dans le département du Mont-Blanc. Pesey accueille dix élèves en 1803, et vingt-quatre à la fin de l’Empire ; ils sont tous anciens de l’École Polytechnique*. Faute de moyens, Geislautern ne fonctionne pas. Les deux succursales sont fermées en 1815.
Les Écoles pratiques des mines sont placées sous la tutelle du ministère de l’Intérieur*. A Pesey, l’inspecteur divisionnaire Schreiber est nommé directeur. Il est assisté de deux sous-directeurs et emploie trois professeurs (minéralurgie, exploitation minière, minéralogie) et un agent comptable. A Geislautern, seul le directeur (Duhamel) et l’agent comptable sont nommés.
École des Arts et Métiers
Fondé par François-Alexandre-Frédéric, duc de La Rochefoucault-Liancourt (1747-1847) au début des années 1780, l’enseignement des arts et métiers a été repris en main par l’État pendant la Révolution à la suite de l’émigration du fondateur. Celui-ci rentre en France après Brumaire. Il parvient à convaincre Bonaparte que le tour exclusivement militaire donné à l’école qu’il avait créée à Liancourt n’est pas adapté aux besoins de l’artisanat et des manufactures. Par arrêté du 6 ventôse an IX, l’établissement est transféré à Compiègne, rendu à sa vocation initiale et reçoit le nom d’« école nationale des arts et métiers ». Il migre encore, cette fois vers Châlons-sur-Marne où il s’installe dans l’ancien grand séminaire (1806).
L’Empereur envisage de développer ce type de formation : une seconde école est créée près d’Angers, à Beaupréau (19 mars 1804, réorganisation le 1er novembre 1811) et une troisième est envisagée à Saint-Maximin (département du Rhin). La Rochefoucauld-Liancourt est nommé inspecteur général de ces établissements placés sous la surveillance du ministère de l’Intérieur*. Les cinq cents élèves de Châlons sont nommés par l’empereur et entretenus aux frais du gouvernement. Ils reçoivent un enseignement essentiellement tourné vers les arts mécaniques et « toute l’instruction nécessaire pour les exercer d’une manière éclairée ». A leur sortie, ils sont destinés à être contremaîtres (Napoléon parle de « sous-officiers de l’industrie »). La discipline, qui reste calquée sur le modèle militaire, est très stricte et les élèves portent un uniforme. Chaque école doit être dirigée par un proviseur : Labate est nommé à Châlons et Molard à Beaupréau, alors même que l’école ne fonctionne qu’avec soixante élèves transférés de Châlons. Saint-Maximin ne verra jamais le jour : le projet sera abandonné à la première Restauration. L’école de Beaupréau est transférée dans les bâtiments de l’abbaye de Ronceray, à Angers, pendant les Cent-Jours.
Source : Dictionnaire des Institutions du Consulat et de l’Empire, de Thierry Lentz, Pierre Branda, Pierre-François Pinaud et Clémence Zacharie.