Les Masséna et Nice

Auteur(s) : MASSÉNA Victor-A.
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Il y a cent ans…

Victor-André Masséna, prince d'Essling, duc de Rivoli, président de la Fondation Napoléon
Victor-André Masséna, prince d’Essling, duc de Rivoli, président de la Fondation Napoléon

Il y a cent ans, le 23 septembre 1919, le maire de Nice, le général André Goiran inaugurait la Villa Masséna devenue propriété de la ville suite au don de mon père.

Deux ans plus tôt, le 31 octobre 1917, mon père avait en pleine guerre fait le choix de donner la demeure familiale à la ville. Jeune officier combattant sur le front, il s’inquiétait du devenir de cette propriété s’il venait à disparaître car il n’avait pas encore de descendance. Il préféra alors la confier aux Niçois plutôt qu’elle ne connaisse un avenir incertain.

Une grande fresque représentant mes grands-parents ainsi que leur descendance et que l’on peut toujours admirer dans le grand escalier de la Villa rappelle d’ailleurs le grand attachement de ma famille à la capitale azuréenne.

Bien sûr parfois je peux regretter la décision de mon père. Enfant, j’y aurais peut-être fait mes premiers pas dans son superbe jardin. J’aurais pu grandir avec comme toile de fond la grande bleue, la Méditerranée. Adulte, j’aurais sûrement continué de regarder vers l’horizon marin sous un ciel si souvent azuréen.

Mais au fond de moi-même, ces regrets s’effacent vite quand je songe à ce qu’est devenue cette superbe demeure, à savoir la maison de prestige de tous les Niçois. Comme l’avait désiré mon père, elle est d’abord le musée emblématique de l’histoire de la ville. Des portraits de mes ancêtres à l’évocation de l’histoire de la Promenade des Anglais, de jolies pages s’offrent aux visiteurs heureux de ce musée d’où qu’ils viennent. Au cœur de la Baie des Anges, le jardin de la Villa est un petit bijou de verdure

A chaque exposition qui s’y tient, j’en conçois une petite fierté quand la culture dans toutes ses composantes s’y déploie avec talent. Je réalise alors combien le geste de mon père fut important. Sans lui, la culture n’aurait sûrement pas autant rayonné dans cette ville incomparable.

La « Villa » est aussi un lieu de célébration comme de réception.

La Mairie de Nice en la personne de son premier magistrat, Monsieur Christian Estrosi, peut ainsi y accueillir en toute dignité aussi bien de courageux sauveteurs que les plus importants dirigeants de la planète. Une discrète joie m’anime quand elle se fait par exemple l’hôte du président chinois. Je me plais alors à penser que le charme de la Villa a renforcé son amour pour Nice. Près des tableaux représentant les plus belles victoires du maréchal d’Empire, d’autres histoires s’écrivent, les individus d’où qu’ils viennent échangent et partant se rapprochent.

Depuis 2016 et le terrible attentat qui a secoué la ville le 14 juillet, les jardins de la villa sont aussi un lieu de mémoire et de recueillement avec le mémorial dédié aux 86 victimes de cet acte barbare et atroce.

Des expositions aux réceptions, la Villa est donc aujourd’hui bien davantage qu’un musée.

Dans ses salons ou dans ses jardins, le passé favorise ainsi le présent comme le futur d’une cité très chère à mon cœur et où je retrouve toujours avec bonheur une partie de mes racines.

Les Masséna et Nice
La Villa Masséna, aujourd'hui Musée Masséna © Ville de Nice

Si la Ville de Nice n’a jamais oublié la figure de mon ancêtre, le maréchal André Masséna, on ne peut pas dire que celui qui allait donner son nom à une place emblématique, à un lycée fort réputé ou encore à une rue piétonne ait rêvé dans sa jeunesse de s’y établir. Ce fut plutôt tout le contraire.

Son père Jules et son oncle Augustin ont été parmi les premiers Masséna à s’installer à Nice dans les années 1740. Originaire du Piémont, la famille avait plutôt fait souche à Levens. Troisième enfant de Jules, André nait dans la capitale du comté le 6 mai 1758. Deux jours plus tard, il est baptisé en la cathédrale Sainte-Réparate. Sa prime enfance, il la passe à l’Est de Nice près de la Trinité, Jules tenant un négoce au lieu-dit La Bourgade mais ce dernier disparait en 1764. À l’âge de six ans, André est confié à sa grand-mère et continue à grandir à Levens. À l’aube de l’adolescence, il fait un court apprentissage dans la savonnerie de l’oncle Augustin avant de partir pour le grand large. Il a n’a pas encore quinze ans quand il s’embarque à Toulon. Après trois ans passés à nettoyer les ponts des navires, il retourne à Toulon et devient militaire au sein du Royal Italien. Sous-officier méritant, il quitte l’armée à la veille de la Révolution pour vivre à Antibes où il épouse Marie-Rosalie Lamarre.
Après avoir intégré la Garde nationale en 1791, il est promu lieutenant-colonel en second au deuxième bataillon du Var l’année suivante. Ce fut à la tête de ses hommes qu’il fit son retour à Nice lors de la guerre qui opposait la France au Royaume de Piémont-Sardaigne. Pendant cette campagne et les suivantes, il est victorieux et devient un général renommé. L’enfant du pays connaît ainsi le succès sur sa terre natale.
Mais en 1796 alors qu’il espère être nommé général en chef de l’armée d’Italie, c’est un autre général encore inconnu qui est désigné à sa place, Napoléon Bonaparte. Les deux hommes se croisent pour la première fois à Nice en mars de cette même année. Pour mon ancêtre, cette rencontre est décisive. Si de prime abord, il se méfie de ce général qui n’a encore rien prouvé à la tête d’une armée et qui surtout lui a soufflé le commandement dont il rêvait, ensuite, il est comme tout le reste de l’armée conquis par la fougue et le génie de ce jeune corse.

Portrait du maréchal Masséna, prince d'Essling, duc de Rivoli <br>© Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, RMN / Gérard Blot
Portrait du maréchal Masséna, prince d’Essling, duc de Rivoli
© Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, RMN / Gérard Blot

 

Commence alors une épopée qui ne s’achèvera qu’en 1815. En triomphant sur les champs de bataille à Rivoli notamment, mon ancêtre devient alors « l’enfant chéri de la victoire ». En 1804, il est maréchal d’Empire puis en 1809 il est fait par Napoléon prince d’Essling après sa résistance héroïque à la bataille du même nom.
Mais alors que le nom Masséna est connu de l’Europe entière, c’est aussi le temps de l’éloignement. À Nice, le maréchal comme son fils, François Victor, préfère Paris ou le château de la Ferté-Saint Aubin.

Il faut attendre mon grand-père, le petit-fils du maréchal, pour que ma famille fasse un retour remarqué dans la capitale azuréenne. Né en 1836, Victor Masséna est élu député des Alpes-Maritimes dans la circonscription de Grasse sous le Second Empire. Vers la fin du siècle, il acquiert de nombreux terrains à Nice dont l’un à proximité immédiate de la mer.

 

À l’époque, il ignore, comme tout le monde, que cet endroit de la Riviera deviendra un des plus courus du monde et le petit chemin qui le borde la Promenade des Anglais. Il y fait bâtir une résidence aujourd’hui connue sous le nom de « Villa Masséna ». Cette construction de belle dimension, dont la façade rappelle certains traits néoclassiques chers aux amateurs de style Empire, est conçue pour être une grande villa de plaisance, un peu sur le modèle de la villa des Rothschild à Cannes par les architectes Hans-Georg Tersling et Aaron Messiah. Passionné par la faune et la flore, il fait aussi aménager par le botaniste et paysagiste Edouard André un splendide jardin qui s’avance avec majesté vers la mer.

Une autre demeure d’agrément est aménagée par mon grand-père dans le quartier Saint-Augustin à l’Ouest de Nice. Il lui donne le joli nom de Victorine, en hommage à sa fille Victoire. La propriété deviendra ensuite un célèbre studio de cinéma après la vente par mon père André du domaine aux producteurs Louis Nalpas et Serge Sandberg. Marcel Carné y tournera notamment l’intemporel et fameux film Les enfants du paradis.

La Victorine, demeure des Masséna. Photo des années 1940 © D. R.

 

Après la première guerre mondiale et le don de la villa, André Masséna reste toujours très attaché à une cité azuréenne dans laquelle il a grandi et fait ses études, notamment au sein du lycée qui porte son patronyme.
Au côté de Jean Médecin, en tant que conseiller municipal, il participe à son développement. Toujours sur le plan local, il préside pendant de nombreuses années l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer.
Disparu en 1974, mon père m’a transmis son amour pour Nice, perpétuant ainsi ce lien indéfectible qui unit ma famille à cette ville.

André Masséna (1891-1974)
André Masséna (1891-1974)

 

Victor-André Masséna, prince d’Essling, duc de Rivoli
Président de la Fondation Napoléon
Septembre 2019

Ces propos sont également parus sous forme d’article dans la revue de Nice historique et son n° spécial intitulé De la Villa au Musée Masséna : histoires d’un centenaire 1919 – 2019.

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