Les opérations navales de 1805 et la bataille de Trafalgar

Auteur(s) : MURACCIOLE José
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Les opérations navales de 1805 et la bataille de Trafalgar
(Archives Musée de la Marine) Amiral de Villeneuve. commandant la flotte française à Trafalgar.

Après la rupture de la Paix d'Amiens, Napoléon s'est finalement décidé à tenter l'invasion de l'Angleterre en utilisant la flottille comme moyen de transport, et les manoeuvres des escadres en soutien des mouvements de la flottille. on a discuté et l'on discutera encore du bien fondé du plan qu'il a élaboré. Un certain nombre de remarques s'imposent avant. d'aborder son étude même. Ce qui s'est passé en 1805 est l'aboutissement d'une évolution qui a commencé vingt ans plus tôt. La marine française avait nettement décliné depuis la conclusion victorieuse de la guerre d'Amérique.
 

LA GENESE DU PLAN DE 1805

Déjà, à cette époque, de grosses difficultés financières handicapaient les travaux d'entretien et de constructions neuves. Les approvisionnements étaient réduits par la diminution des crédits et, en 1787, l'état de la marine royale donnait des inquiétudes au pouvoir. C'est une des raisons de l'abstention de la France au moment de la crise anglo-hollandaise. On sait comment, de 1789 à 1791, après les débuts de la Révolution commencèrent les désordres dans la marine et les départements maritimes, en Bretagne comme en Provence. Ces fâcheuses dispositions se manifestèrent en 1793, lorsque Toulon passa aux Anglais et quand la flotte du Ponant se mutina malgré l'intervention des représentants en mission.
Le Comité de Salut Public avait du reprendre vigoureusement les choses en main en 1794, et, grâce à Jean Bon Saint André, le redressement à Brest laissait espérer une renaissance navale quand les événements de Thermidor amenèrent au pouvoir des hommes moins soucieux des problèmes maritimes. En outre la fin du dirigisme du Comité de Salut public, le retour à l'économie libérale, entraînèrent un bouleversement des prix qui cassa le rythme de développement de la marine de 1794. Le ralentissement fut général dans toutes les branches du service. Ce manque de continuité dans la politique navale eut des conséquences néfastes. En dépit de grands efforts au moment de la Campagne d'Egypte en 1798 et de la Campagne de l'amiral Bruix en 1799, la décadence de la marine était un fait accompli à l'avènement du Consulat.
Malgré de sages dispositions institutionnelles prises a la demande de Bonaparte (création des préfectures maritimes et remise en ordre de l'administration), en dépit du dynamisme de l'ingénieur Forfait placé à la tête du Département, il s'en faut que la marine soit prête à affronter seule la marine anglaise qui se montre au mieux de sa forme. L'entrée en guerre de l'Espagne pouvait ouvrir d'assez larges perspectives, car l'appoint de ses vaisseaux n'était pas négligeable. La France se retrouvait un peu dans la position de 1778 où l'alliance avec l'Espagne avait rétabli l'équilibre des forces.
Tout naturellement, Bonaparte est amené à se référer aux plans de l'époque. Auprès de lui, dans son conseil d'Etat, se trouve Fleurieu qui a été la cheville ouvrière du département de la marine pendant le règne de Louis XVI, et qui a pris une part importante à la préparation de la guerre d'Amérique. Et c'est ainsi que s'ébauchera le plan de la manoeuvre de 18O5 qui s'inspire en partie du plan de Maurice de Broglie de 1777. Les données géographiques permanentes imposaient de réunir et concentrer les escadres de Brest, de Rochefort et de Toulon, malgré l'opposition des Anglais. Cette opération préalable était la condition sine qua non de toute action navale ultérieure.
En 1804, Napoléon pensait pouvoir réaliser la jonction en faisant appareiller l'escadre de Toulon qui rallierait successivement celles de Rochefort et Brest devant ces ports pour se rendre ensuite dans la région de Cherbourg et y soutenir les mouvements de la flottille. Mais les Anglais renforçant leur blocus, Bonaparte décida que les trois escadres iraient faire leur jonction aux Antilles, loin de la concentration anglaise.
Ces nouvelles dispositions avaient l'avantage de permettre l'envoi de troupes dans les Antilles pour y renforcer nos possessions et d'exercer une menace sur la Jamaïque, menace à laquelle l'Amirauté britannique ne pourrait rester insensible et qui l'obligerait à détacher plusieurs vaisseaux sur ce théâtre. Mais cette nouvelle conception avait aussi l'inconvénient d'introduire des délais importants en augmentant la durée des mouvements des escadres. Ce plan a connu plusieurs variantes de détail, mais son but a toujours été d'obliger l'Amirauté britannique à disloquer la concentration navale d'Ouessant pour répondre aux manoeuvres de diversion exécutées par les escadres de Toulon, Brest et Rochefort.
On a, un peu à tort, affirmé que la parade prévue par les Anglais condamnait le principe même du plan. En effet, chaque fois qu'une escadre anglaise perdait de vue une escadre française, elle devait rallier l'entrée de la Manche et par ce moyen l'Amirauté s'estimait assurée d'y avoir toujours la supériorité en cas de rencontre. Ce point de vue est théoriquement très séduisant, mais à la mer il y a loin entre la théorie et la pratique et l'exécution de cette parade n'est pas aussi simple-qu'il y paraît. L'inquiétude dans laquelle ont vécu les chefs responsables des forces anglaises, y compris Nelson, au cours de l'état de 1805, montre bien que l'éventualité d'un échec était constamment présente à leur esprit.
Il faut aussi remarquer que Napoléon n'imposait pas à ses amiraux de livrer bataille à tout prix pour détruire l'adversaire, ce qui n'est pas la ligne de sa stratégie habituelle. Ce faisant, il prenait le risque de voir la flottille aux prises avec le gros des forces anglaises ayant abandonné la garde de l'entrée de la Manche. En fait, une bataille était à peu près certaine dans la zone d'Ouessant et il s'agissait pour la flotte franco-espagnole d'arriver sur les lieux avec une supériorité numérique suffisante pour y accrocher la concentration anglaise et la fixer assez longtemps pour que la flottille puisse tenter le passage. Napoléon s'est exprimé à plusieurs reprises sur les limites de ce délai dans sa correspondance. Il parle tantôt de six heures ce qui est une boutade ou de six jours ce qui est raisonnable, étant donné la faible distance qui sépare Boulogne de la côte anglaise et les délais nécessaires à l'embarquement des troupes et la mise en route de la flottille.
 

LA SITUATION DES FORCES ET LES MOUVEMENTS DES ESCADRES

(Archives Musée de la Marine) Nelson; don du Commandant Pichon.(1)
A Toulon, l'escadre du vice-amiral de Villeneuve réunit onze vaisseaux et sept frégates. Au large, Nelson tient un blocus peu serré avec onze vaisseaux et deux frégates.
Le 17 janvier, Villeneuve appareille à la faveur d'un coup de vent qui a éloigné Nelson. Le général Lauriston et les troupes sont répartis entre ses différents navires. Eprouvant des avaries dans ses mâtures, il rentre quatre jours plus tard et il fait part de ses inquiétudes à Decrès auquel il offre même sa démission. Decrès n'en souffle mot à l'Empereur et remonte le moral du chef de l'escadre. Le 30 mars, il repart, longe les côtes d'Espagne, franchit le détroit et rallie à son pavillon six vaisseaux espagnols de l'amiral Gravina et un vaisseau français. Les dix-huit vaisseaux se retrouvent à la Martinique le 14 mai. Les troupes sont débarquées et Villeneuve fait preuve d'activité en s'emparant du rocher du Diamant tenu par une garnison anglaise.
Nelson, de son côté, apprenant que les Français sont passés en Atlantique se lance à leur poursuite en direction des Antilles. Il contrevient en cela au principe posé par l'Amirauté puisqu'il aurait dû rallier l'entrée de la Manche. L'Amirauté l'approuvera d'ailleurs.
Nelson arrive aux Antilles. Dès qu'il en est informé Villeneuve, qui attendait Ganteaume, prend le parti fort raisonnable de rentrer en Europe après avoir reçu la division de l'amiral Magon en renfort. A Rochefort l'amiral Missiessy est parti le 11 janvier avec cinq vaisseaux et trois frégates, après avoir trompé la vigilance de l'amiral Graves qui bloquait l'île d'Aix avec cinq vaisseaux et quatre frégates. Missiessy arrive à la Martinique à la mi-février et aussitôt se rend à la Dominique où il réduit plusieurs forts et lève une contribution. Le 1er mars, il débarque ses troupes à la Guadeloupe. Il impose une contribution à Saint Christophe, puis à Nièves et Montserrat. Il ravitaille ensuite le général Ferrand à Saint Domingue et, ayant appris la rentrée de Villeneuve à Toulon à la suite de ses avaries, fait route sur la France. Il mouille à Rochefort le 20 mai. Le premier rendez-vous a été manqué. L'escadre de Rochefort repartira sous les ordres du capitaine de vaisseau Allemand à la mi-juillet pour exécuter une très belle croisière où elle s'empara de 42 bâtiments anglais. Mais Allemand ne réussira pas à joindre Villeneuve à Vigo, comme le prévoyaient ses instructions.
A Brest, Ganteaume avec 22 vaisseaux attend l'occasion d'appareiller sans combattre. Dans l'Iroise (2) Cornwallis tient le blocus avec 20 vaisseaux. De son côté, Villeneuve après avoir échappé à Nelson, arrive dans les parages du Cap Finisterre (3) vers le 20 juillet. Le 22 juillet, il rencontre les quinze vaisseaux de l'amiral Calder et la bataille tourne plutôt à son avantage, en dépit de la perte de deux vaisseaux espagnols démâtés. Calder passera d'ailleurs en cour martiale à la suite de cet engagement où plusieurs de ses unités ont beaucoup souffert.
L'escadre franco-espagnole rallie Vigo puis, passant au Ferrol, se renforce de plusieurs vaisseaux français et espagnols.
Villeneuve a maintenant plus de 30 vaisseaux. Il reçoit des ordres de l'Empereur pour se rendre à Brest et se voit ainsi investi de hautes responsabilités car c'est à l'entrée de la Manche que se jouera l'enjeu de la partie.
Au 31 juillet la situation entre le Cap Finisterre et Brest est la suivante: les Anglais ont 20 vaisseaux devant Brest et 19 dans le golfe de Gascogne soit un total de 39. Les Français et les Espagnols réunissent 32 vaisseaux aux abords du Ferrol, ils peuvent se joindre aux S vaisseaux d'Allemand et rassembler ainsi une masse de 37 vaisseaux. Faisant route sur Brest, ils disposeraient avec l'escadre de Ganteaume de 59 vaisseaux, soit une supériorité globale de 20 vaisseaux sur les Anglais.
Mais cette supériorité ne peut durer longtemps et il ne faut pas perdre de temps pour exploiter la situation. Ces chiffres sont éloquents car, même en tenant compte de l'état peu brillant des vaisseaux espagnols, un chef énergique et décidé aurait pu tenter quelque chose. Mais Villeneuve, officier savant et personnellement brave, n'a pas l'allant nécessaire et trouve de bonnes raisons de ne pas persévérer dans la voie offensive.
Après son départ du Ferrol, il commence par faire route sur Brest, mais renonce bien vite à rallier l'entrée de la Manche pour se diriger sur Cadix. La manoeuvre de 1805 est définitivement compromise. Lorsque Napoléon, qui se trouve à Boulogne depuis le début du mois d'août, apprend que Villeneuve est à Cadix il se montre fort mécontent et envoie l'amiral à tous les diables, puis il en tire immédiatement les conclusions. Les préparatifs de Boulogne n'ont plus de sens. L'Autriche commence à s'agiter et il n'est plus question d'envahir l'Angleterre Préparant la conversion des sept corps d'armée échelonnés de Brest à Ostende, il ne tardera pas à donner le signal de la Campagne qui se terminera à Austerlitz.
 

LES CAUSES DU COMBAT DE TRAFALGAR

Villeneuve à Cadix se trouve à la tête d'environ 34 vaisseaux français et espagnols. Il a l'intention de rester au port tant qu'il est bloqué par les forces importantes de Collingwood, puis de Nelson. Depuis le début de septembre l'Angleterre ne craint plus l'invasion, car les troupes des Camps de Boulogne ont commencé leurs mouvements en direction du Rhin. Tout en renonçant à ses projets maritimes, Napoléon voudrait que la flotte combinée revienne en Méditerranée pour aller débarquer des troupes à Naples et regagner Toulon. Excédé par Villeneuve dont l'irrésolution le hérisse, il décide de le remplacer et désigne l'amiral Rosily (4). Décrès est chargé de prévenir le chef de la flotte combinée de sa disgrâce.

Apprenant la prochaine venue de Rosily et son remplacement imminent, Villeneuve prend la décision de livrer bataille aux Anglais dès qu'une occasion favorable se présentera et, bien entendu, avant l'arrivée de son remplaçant.
Il n'a pas voulu seulement défendre son honneur mis en cause par l'Empereur; il a décidé de sortir pour ne pas avoir à céder son commandement.
Dans le faisceau des fatalités diverses qui ont amené le combat de Trafalgar, le mobile de Villeneuve a joué un rôle fondamental. on ne peut prétendre qu'il a été forcé de se battre par la seule volonté de l'Empereur. Il pouvait parfaitement éviter de le faire et ne risquait rien à conserver ses vaisseaux à l'abri. Il eût seulement été remplacé et son successeur n'aurait pas agi différemment Villeneuve se serait ainsi trouvé placé à l'abri de tout reproche, d'autant qu'ayant réuni un conseil de guerre sur la conduite à tenir, la majeure partie de ses capitaines s'étaient prononcés en faveur du statu quo et avaient jugé inutile de livrer combat. D'autre part, son expérience ne lui permettait guère d'espérer vaincre Nelson. Les éléments nous font défaut pour apprécier les ressorts profonds de son attitude.
 

LA BATAILLE DE TRAFALGAR

(Archives Musée de la Marine)Villeneuve a choisi intelligemment le moment où Nelson a détaché deux vaisseaux à Gibraltar pour mettre à la voile. La répartition de ses forces est judicieuse. Il a placé les plus fortes de ses unités à l'arrière garde, ayant parfaitement prévu la tactique de Nelson qui essayerait de percer la ligne au centre et d'envelopper le Bucentaure, vaisseau amiral. L'arrière-garde serait alors en mesure de remonter la ligne et de lui prêter assistance. Il avait laissé à Gravina une dizaine de vaisseaux qui pourraient se porter où l'amiral espagnol jugerait leur présence la plus utile.
Mais le 21 octobre au matin, les chances ne sont pas du côté de la flotte combinée. Sortie de Cadix, elle se dirigeait vers le détroit de Gibraltar, quand elle aperçut les Anglais, au vent, séparés en deux colonnes, qui faisaient une route perpendiculaire à celle de la flotte. La brise était molle et les navires avaient assez de peine à former la ligne.
A la fin de la matinée, Villeneuve donne l'ordre de virer de bord lof pour lof et de se diriger sur Cadix, mais du même coup les plus forts vaisseaux se trouvent en tête et ne peuvent plus remplir le but qui leur est fixé, sans rebrousser chemin après avoir viré de bord, ce qui peut- être long en raison de la faiblesse de la brise.
La ligne est longue de près de 5 kilomètres et des brèches se creusent entre les groupes de bâtiments dont certains dérivent sous le vent. on est loin de la ligne serrée que Villeneuve aurait voulu présenter à Nelson. Un peu partout c'est le désordre et la confusion. L'avant garde sous les ordres de Dumanoir ne ralliera pas les eaux de l'amiral qui reçoit le choc des vaisseaux de Nelson, les mieux entraînés.
Vers 11 h. 30, la flotte anglaise approche en deux groupes distincts. A droite Nelson sur le Victory qui réunit 12 vaisseaux. A gauche Collingwood sur le Royal Sovereign qui conduit 15 vaisseaux. La mollesse de la brise empêche les Anglais de bien tenir leurs postes mais les vaisseaux sont toutes voiles dehors et marchent régulièrement. Cela suffit pour leur assurer l'avantage initial.
A 11 h. 5O, le Victory arbore le signal  » l'Angleterre compte que chacun fasse son devoir « .
A bord des vaisseaux français et espagnols tout le monde est aux postes de combat et l'on crie  » Vive l'Empereur  » avec autant de coeur que sur les champs de bataille terrestres. Le feu commence à l'arrière-garde où Collingwood a franchi la ligne entre le Fougueux et la Santa-Ana qu'il dévaste d'une bordée d'enfilade. Canonné par 5 vaisseaux le Royal Sovereign est bientôt démâté. Cependant les autres vaisseaux anglais arrivent et submergent la queue de la ligne française. Les Anglais bénéficient de la supériorité de leur tir.
Les uns après les autres succombent les vaisseaux de l'arrière-garde. Le Fougueux est pris à l'abordage, la Ana est désemparée, l'Algésiras amène ses couleurs, n'ayant plus qu'une pièce en état de tirer. L'Aigle se rend après une belle résistance; chacun a fait son devoir avec vaillance, mais la supériorité de manoeuvre des Anglais leur permet de surclasser leurs adversaires. Vers 5 heures du soir, les 16 vaisseaux de l'arrière-garde sont hors de combat.
Au centre le succès anglais est également assuré. Le Victory s'est heurté au Redoutable dont le tir précis lui a tué beaucoup de monde. Une balle a frappé Nelson qui agonise trois heures avant de mourir dans l'entrepont. Vers 4 h. 30 de l'après-midi, le Redoutable pris à partie par le Neptune et le Téméraire a du amener son pavillon après un combat épique.
Le Bucentaure, navire amiral, a du cesser la lutte et Villeneuve est fait prisonnier après s'être bravement battu. Quant aux vaisseaux de Dumanoir, sept d'entre eux seulement sont arrivés à la rescousse de Villeneuve et trop tard pour modifier l'issue du combat. Dumanoir a réagi tardivement et son attitude sera sévèrement critiquée. Plus tard un conseil de guerre l'acquittera en relevant toutefois son manque d'initiative.
En effet, il attendit les ordres donnés par Villeneuve à 1 h. 50 pour virer de bord et venir au secours de l'amiral. Son arrivée rapide aurait. pourtant causé beaucoup de gêne aux Anglais qui avaient trouvé une forte résistance à hauteur du Bucentaure et du Redoutable.
En fait, Villeneuve s'il avait eu plus de confiance en ses canonniers aurait du faire ouvrir le feu sur les têtes des deux colonnes anglaises qui marchaient très lentement en raison de la faiblesse du vent. Disposant de toute son artillerie battante il aurait pu infliger de sérieux dommages aux Anglais qui ne pouvaient lui répondre puisqu'ils ne devaient venir en route parallèle à celle des Français qu'au dernier moment et pour combattre de près. La supériorité anglaise fut aggravée par un certain fatalisme de Villeneuve qui subit la manoeuvre de Nelson sans essayer de tirer de loin.
Le résultat n'aurait sans doute pas été changé, mais les pertes britanniques auraient été beaucoup plus élevées. Français et Espagnols eurent près de 6 000 tués et blessés, les Anglais un peu plus de 1 500 seulement. 7 vaisseaux français et 12 espagnols ont amené leurs couleurs, mais finalement sur 19 vaisseaux capturés, les Anglais n'en conserveront qu'un. En effet les suites de la bataille se révélèrent difficiles pour les deux armées navales fort maltraitées par le mauvais temps qui se leva en fin d'après- midi et qui permit aux Français de reprendre certains bateaux amarinés par les Anglais.
Le 22 octobre, Cosmao eut l'énergie de sortir à nouveau de Cadix et d'aller reprendre deux vaisseaux français que les équipes anglaises de prise n'arrivaient pas à manoeuvrer tant ils étaient endommagés.
La défaite de Trafalgar a consacré le génie de Nelson et la science de ses capitaines, mais les Français et les Espagnols n'ont pas démérité sur le plan du courage personnel. Apogée de la Marine anglaise, Trafalgar marque le début d'une ère de prépondérance britannique sur les mers et océans. Il faudra attendre le XXe Siècle pour que cette notion soit remise en cause.
Trafalgar marque aussi la fin de la marine espagnole qui a subi le gros des pertes de la journée et dont le potentiel ne reviendra jamais plus au même niveau.
Napoléon, pour sa part, ne s'est pas résigné. Il n'a pas renoncé a construire des vaisseaux. Il a consacré, à partir de 1805, un effort particulièrement soutenu pour se doter d'une flotte puissante. Il y est parvenu sur le plan matériel, mais il n'est pas arrivé à reconstituer des équipages et un corps d'officiers suffisamment entraînés pour effacer de son vivant les conséquences de Trafalgar.
 

Notes

(1) L'opinion publique a cherché à suivre le déroulement des opérations maritimes et l'on trouve de fréquentes allusions à la situation des escadres dans les lettres de Cambacérès à l'Empereur récemment publiées.
(2) L'Iroise est une passe dangereuse, semée d'écueils, qui commande la sortie de Brest, entre les Iles d'Ouessant et de Sein.
(3) Pointe avancée du Nord-Ouest de l'Espagne, au Nord de Vigo.
(4) On a discuté le choix de Rosily. En fait, Rosily était un excellent marin qui avait navigué avec Kerguelen au cours de ses voyages de découverte. Pendant la Campagne des Indes il avait été capitaine de pavillon de Suffren à bord de la frégate Cléopâtre. C'était un officier des plus distingués.
 
Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
270
Numéro de page :
7-11
Mois de publication :
juillet
Année de publication :
1973
Année début :
1805
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