L’invasion française dans le nord du Mexique sous le Second Empire

Auteur(s) : DELAGE BERTRAND Géraldine
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Quelles sont les traces françaises de la campagne du Mexique dans le nord du pays ? Géraldine Delage Bertrand nous les détaille dans cet article.

L’invasion française dans le nord du Mexique sous le Second Empire
Bataillon français bloqué à l’Obispado, Monterrey, Nuevo León © DR

Dans l’État du Nuevo León, les municipalités d’Allende, Santiago et la ville de Monterrey

L'intervention française au Muexique expliquée par le musée d'Histoire de Santiago, au Mexique (Marie de Santiago) © Géraldine Delage Bertrand
L’intervention française au Mexique expliquée par le musée d’Histoire de Santiago, au Mexique (Mairie de Santiago) © Géraldine Delage Bertrand

Les municipalités d’Allende et de Santiago sont très populaires pour leurs attractions touristiques et leur gastronomie, mais ce n’est pas seulement cela qui distingue cette région du Nuevo León au nord du Mexique : c’est aussi le grand nombre d’habitants aux yeux colorés, bleus, verts… Les fameux « Güeros de Allende » et « Güeros de Santiago », autrement dit les Blonds d’Allende et les Blonds de Santiago, sont quelques expressions utilisées dans l’État du Nuevo León pour désigner certains habitants de ces petites villes.

Il existe plusieurs théories sur l’origine de ces caractéristiques physiques particulières, mais la plus fréquemment mentionnée est celle d’un bataillon français qui se serait installé dans ces territoires pendant la campagne du Mexique de Napoléon III, mais dans quelle mesure cela est-il vrai ?
Révisons l’histoire locale : le 1er mars 1866, les troupes impériales, au nombre de cinq cents hommes, y compris des Français, commandées par Don Julián Quiroga, se dirigèrent silencieusement vers la ville de Santiago dans le but de la surprendre. Après avoir passé l’Hacienda dite ¨Los Rodriguez¨, ils rencontrèrent les avancées républicaines, commençant immédiatement à tirer et renvoyant aussitôt un rapport au commandant Dávila, qui afin de sauver ses gens, les armes et l’argent qu’il avait collecté, ordonna à trente hommes de rester en arrière pour protéger leur retraite vers Montemorelos. Ils ont donc pu maintenir les forces de l’ennemi français en retraite, depuis l’Hacienda dite ¨Los Cavazos¨, en passant par la Ville de Santiago, et bien au-delà d’Allende.

L'intervention française au Muexique expliquée par le musée d'Histoire de Santiago, au Mexique (Marie de Santiago) © Géraldine Delage Bertrand
L’intervention française au Mexique expliquée par le musée d’Histoire de Santiago, au Mexique (Mairie de Santiago) © Géraldine Delage Bertrand

D’après le rapport que les autorités de la Ville de Santiago reçurent le lendemain matin, les avancées libérales et françaises passèrent par l’Hacienda de ¨San Pedro¨ à deux heures du matin, emmenant à Monterrey un nombre considérable d’habitants comme prisonniers de guerre. Lorsque les troupes françaises revinrent, après la persécution qu’elles firent des troupes libérales commandées par M. Dávila, le régiment appelé ¨Emperatriz¨ reçut pour quartier général la maison de Don Francisco Garza Treviño.

Des soldats français faits prisonniers de guerre

La croyance populaire indique qu’un bataillon français se serait « perdu » dans la zone du « Cañón del Huajuco », s’éloignant du reste des troupes pendant l’invasion française entre 1861 et 1867.
Ce qui a été vérifié, c’est qu’un groupe de prisonniers de guerre français a été offert comme esclaves à Linares, une municipalité de l’État du Nuevo León, au Nord du Mexique. Une lettre a été trouvée dans les Archives Générales de l’État dans laquelle cela est mentionné. La missive date d’octobre 1866 et a été émise par le secrétaire du gouvernement de Nuevo León, adressée au maire de Linares de l’époque, Vicente Garza Benítez :

Con el Ciudadano Aniceto Saldaña, se remiten por disposición del Ciudadano Gobernador, treinta y cinco soldados entre franceses y austriacos de los hechos prisioneros en las batallas de Santa Isabel y Santa Gertrudis con el fin de que los reparta usted entre los ciudadanos acomodados de esa ciudad.
Avec le citoyen Aniceto Saldaña, sont envoyés par disposition du citoyen gouverneur, trente-cinq soldats entre français et autrichiens de ceux faits prisonniers dans les batailles de Santa Isabel et Santa Gertrudis pour que vous les distribuiez parmi les citoyens aisés de cette ville.

De nombreux Français ont été emmenés à Linares où ils ont été vendus comme ouvriers. C’est ainsi qu’est née l’idée que la population de la région agrumicole comprenant les municipalités de Linares, Montemorelos, General Terán, Allende, Santiago et Cadereyta descendrait d’un bataillon d’origine française qui se serait caché dans la région.

Liste de prisonniers français à Linares, dans l'état du Nuevo Leon au Mexique © Université autonome du Nuevo Leon
Liste de prisonniers français à Linares, dans l’état du Nuevo Leon au Mexique © Université autonome du Nuevo Leon
Liste de prisonniers français à Linares, dans l'état du Nuevo Leon au Mexique © Université autonome du Nuevo Leon
Liste de prisonniers français à Linares, dans l’état du Nuevo Leon au Mexique © Université autonome du Nuevo Leon

À Monterrey

La ville de Monterrey était occupée depuis l’été 1864, mais les forces françaises sous le commandement du général Pierre Jeanningros ont été contraintes de partir pour Monclova en novembre 1865, laissant le colonel Julián Quiroga sur place à la tête des troupes mexicaines soutenant l’Empire.

L’attaque de Monterrey

Les soldats mexicains découvrent rapidement que le général Jeanningros et une forte colonne française sont en route vers Monclova, une ville de l’État de Coahuila, laissant la ville de Monterrey grandement affaiblie. Moins de mille hommes sous le commandement des colonels Felipe Tinajero et Julián Quiroga ont été laissés pour garder la ville.
Dans son livre ¨Histoire des opérations du Corps d’armée du nord pendant l’Intervention française (Reseña histórica de las operaciones del cuerpo de Ejército del Norte durante la Intervención francesa), l’historien et témoin des événements Juan de Dios Arias commente : « L’ensemble de la force rassemblée était égal en nombre à celle qui tenait garnison dans cette ville ».
L’assaut commença le 23 novembre 1865 par des combats dans la ville de Guadalupe, ville voisine de Monterrey, où se rencontrèrent les troupes impérialistes. La résistance fût féroce. La défense impériale s’effondra et ses troupes commencèrent à se replier sur la place principale, puis s’enfuirent sans contrôle hors de la ville, vers Santa Catarina et Saltillo. La cavalerie de Sóstenes Rocha s’est lancée à sa poursuite et a fait quatre-vingts prisonniers armés. « Deux heures ont suffi pour pénétrer la place », dit Juan de Dios Arias.
Alors que les premières batailles se déroulèrent autour du village de Guadalupe, la nouvelle de l’attaque républicaine sur Monterrey commença à parvenir jusqu’à la ville voisine de Saltillo, où le deuxième bataillon de la Légion étrangère gardait la capitale de Coahuila.
Un messager se présenta au major Alexis Hubert de la Hayrie, livrant une note rédigée à la hâte par le colonel Julián Quiroga, demandant le soutien du détachement français face à l’attaque imminente d’Escobedo sur Monterrey : « Les troupes de l’ennemi sont si nombreuses que nous ne pourrons pas tenir la place et serons obligés de nous rapprocher de l’Obispado ».
De la Hayrie, un Breton de quarante ans connus dans le régiment étranger pour son fort tempérament, décide de partir immédiatement pour aider ses alliés mexicains, mais faute de chevaux, il ne put quitter complètement Saltillo. Il laissa ensuite la majeure partie de son bataillon sous le commandement d’un de ses plus anciens capitaines et marcha lui-même vers Monterrey avec le plus grand nombre de légionnaires possible.
« Les chariots tirés par des mules ne sont évidemment pas conçus pour cet usage », commente l’historien Sergent, mais de la Hayrie est un officier qui ne peut pas rester à Saltillo pendant que l’ennemi attaque Monterrey. Malgré tous ses efforts, il ne parvint à obtenir que 150 hommes pour l’accompagner. Trop peu nombreux, mais il ne laissera pas passer l’affaire.
L’avant-garde est confiée au jeune lieutenant Louis Emile Bastidon, qui, avec une section de la cinquième compagnie, prend la tête de la colonne. Âgé de vingt-sept ans, Bastidon est originaire du village de Barjac, dans le sud de la France.

Le 25 novembre, à cinq heures du matin, les légionnaires arrivèrent donc dans les faubourgs de Monterrey. Bastidon arrête le convoi et de la Hayrie rassembla tous ses hommes et donna des instructions. La ville dormait, complètement silencieuse.
La bataille s’était terminée quelques heures plus tôt et les troupes républicaines se reposaient, ne s’attendant pas à une contre-attaque, ou du moins pas si tôt. Au pas de charge, les Français pénétrèrent dans la ville, surprenant complètement la garnison. Dans un spectaculaire coup, de la Hayrie atteignit le Palais du Gouvernement, la place principale et presque tous les postes et avant-postes républicains du centre de Monterrey.
En infériorité numérique, de la Hayrie prit une décision rapide. Au lieu de rester enfermé sur place, il ordonna une retraite sur la colline de l’Obispado, transformée en forteresse, à trois kilomètres à l’ouest du centre-ville.
Malgré le harcèlement et la poursuite par les Français dans les rues de Monterrey, la colonne du major de la Hayrie réussit à atteindre l’Obispado. Les légionnaires se mettant en sécurité tout en prenant possession du bâtiment, se barricadant dans ses murs en ruine.
Juan de Dios Arias écrira : « Les ordres appropriés étaient en train d’être donnés [pour les déloger] lorsque la nouvelle fut reçue des villages environnants que Jeanningros, avec huit cents hommes, était venu rapidement en aide à la garnison ».
Après plusieurs jours de violents combats, d’attaques et de contre-attaques pour la prise de Monterrey, Escobedo jugea plus prudent de quitter les lieux compte tenu de la force considérable qui s’approchait. Les troupes républicaines évacuèrent la ville alors que les Français étaient très proches.
Le général Jeanningros arriva quelques heures après eux et sauva les troupes impériales de l’Obispado et le détachement de la Légion étrangère du major de la Hayrie. La bataille était terminée. L’occupation de Monterrey par l’armée républicaine n’a duré que trois jours.

Parras, État de Coahuila

Deux batailles décisives se sont déroulées dans le nord-est mexicain, deux batailles qui ont donné lieu à la croyance qu’un bataillon français est resté vivre dans cette région: le 1er mars 1866 a eu lieu la célèbre bataille de Santa Isabel où Andrés Viesca, Francisco Naranjo et Jerónimo Treviño ont vaincu une force composée de 665 soldats dont 115 étaient d’origine française. Cela a eu lieu très près de Parras de la Fuente.
La bataille de Santa Isabel a eu lieu près de Parras de la Fuente, dans le Coahuila, en 1866. Lors de cette bataille historique, les troupes mexicaines sous le commandement du général Andrés S. Viesca ont vaincu l’armée française envahissante, qui avait confirmé son prestige en tant que force militaire la mieux équipée au monde.
À trois heures du matin du jour suivant, c’est-à-dire le 1er mars, le clairon français appelle à l’attaque et les français déchargent leurs fusils sur les troupes républicaines, déclenchant ainsi la bataille de Santa Isabel. Il y avait quatre cent cinquante tirailleurs et deux cent quinze fantassins français. Les soldats alliés à Benito Juarez répondirent à cette attaque surprise avec détermination et courage et empêchant l’ennemi français de prendre la colline située à côté de l’Hacienda de Santa Isabel ; Le colonel Pedro Gómez flanqua l’ennemi sur sa gauche, la bataille s’intensifia aux premières heures du jour, l’épisode le plus sanglant se produisit lorsque le combat se transforma au corps à corps, faisant de nombreux morts des deux côtés à cause de blessures au sabre et à la baïonnette, la réaction féroce des Républicains poussa les troupes françaises vers un ravin proche dans lequel des dizaines de zouaves tombèrent et moururent dans la chute,enterrés sous une chute de pierres.

Hacienda de Santa Isabel, Coahuila © DR
Hacienda de Santa Isabel, Coahuila © DR

La bataille se termina vers huit heures du matin, les impérialistes vaincus, le sol était couvert de dizaines de morts, offrant un spectacle macabre. Le comte de Briand, commandant en chef des forces impérialistes, perdu la vie dans cette bataille.

Certains Français, principalement ceux de la deuxième intervention française, sont restés vivre au Mexique, beaucoup d’entre eux se sont consacrés à l’artisanat, à l’orfèvrerie, entre autres, et il existe encore de nombreuses familles avec des noms de famille français descendant de certains soldats qui ont participé aux deux interventions françaises.

Géraldine Delage Bertrand

Août 2022

Géraldine Delage BertrandGéraldine Delage Bertrand , née en France originaire de La Charente, diplômée d’une licence en psychologie et d’une maîtrise en administration au Mexique à l’Universidad Regiomontana de Monterrey dans l’État du Nuevo Léon. Actuellement, professeure de français, philosophie et éthique à l’InstitutoTecnológico y de Estudios Superiores de Monterrey.

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