Lucien Corvisart (1824-1882), médecin et familier de Napoléon III

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Lucien Corvisart (Thonne-la-Long, Meuse, 9 juin 1824-Paris, 8e arrondissement, 24 décembre 1882), docteur en médecine et chercheur en physiologie devenu médecin de la maison de l’Empereur Napoléon III, a su relever – et profiter de – l’héritage de son parent éloigné, Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821). Quoi qu’ils ne soient cousins qu’à la mode de Bretagne, Lucien Corvisart considère le fils adoptif du glorieux médecin de Napoléon Ier, le baron Scipion Corvisart (1790-1866), comme un second père et obtiendra de plus la réversion du titre de son cousin, sans postérité, étant fait baron d’Empire le 1er juin 1867.

Lucien Corvisart (1824-1882), médecin et familier de Napoléon III

Reçu interne des hôpitaux de Paris en décembre 1848, docteur en 1852, il commence à publier la même année des travaux sur la digestion, les nutriments et sur la thérapeutique de la dyspepsie ou de la consomption, s’inscrivant dans l’histoire des importantes recherches sur la pepsine et les enzymes digestives amorcées dans les années 1830.

À côté de ses travaux de recherche, sa carrière est intimement liée au régime du Second Empire, étant attaché à la maison de l’empereur : il est nommé successivement, en 1853 médecin par quartier, en 1860 médecin ordinaire, en 1866 enfin adjoint au premier médecin, le docteur Henri Conneau. Proche de la famille impériale, il suit Napoléon III lors de la bataille de Sedan, partage sa captivité au château Wilhelmshöhe (septembre 1870-mars 1871) puis son exil à Chislehurst en Angleterre, restant auprès de l’impératrice et du prince impérial après le décès de l’empereur.

La fin de sa vie est marquée par son échec aux élections législatives de 1876. Lucien Corvisart décède brutalement le 24 décembre 1882, laissant trois enfants, Charles Corvisart (1857-1939), dit Scipion, Gaston Corvisart (1858-1895) et Lucie Corvisart (1859-1895).

En 2023 et 2024, la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine a pu acquérir, lors de ventes qui se sont tenues à Issoudun et à Nantes, une série de lots documentant la vie privée de Lucien Corvisart. L’ensemble est constitué de 199 pièces, majoritairement des lettres reçues par Lucien Corvisart sous le Second Empire – la dernière décennie principalement – et dans les années qui en suivent la chute.

Quelques lettres éclairent le parcours ou les intérêts scientifiques du chercheur, notamment les recherches effectuées en collaboration avec Abel Niépce de Saint-Victor (1805-1870) sur la lumière.

Surtout, cette correspondance est celle d’un homme bien inséré dans les réseaux de la famille impériale et de son entourage. Lucien Corvisart est très proche de la famille impériale et partage, avant même l’exil, les mêmes plaisirs mondains. Ses deux fils sont amis avec le prince impérial. L’éducation des enfants, d’ailleurs, le préoccupe, comme en témoignent plusieurs lettres, allant jusqu’aux vives inquiétudes exprimées en août 1876 à son fils aîné Charles dit Scipion, lui reprochant son attitude et ses résultats, et l’adjurant d’obtenir son baccalauréat dans l’année. Le jeune Charles Corvisart finira par honorer son patronyme en suivant la carrière des armes et en s’illustrant comme général de division pendant la Première Guerre mondiale.

Les nouvelles familiales et les questions de santé le disputent aux préoccupations politiques et aux trivialités mondaines. La vie familiale et amicale est rythmée par les félicitations de rigueur à l’occasion d’une nomination, d’une naissance ou d’un mariage et les condoléances à l’occasion d’un décès, ainsi que par les invitations. Homme riche ou supposé tel, il est régulièrement sollicité pour apporter son aide financière. Mais plus que sa fortune, c’est bien son entregent et son influence qui font l’objet de requêtes, ou tout simplement sa capacité à parler directement à l’Empereur. De manière attendue, on le sollicite pour des places, de l’avancement, ou des décorations. Mais on lui écrit aussi pour atteindre l’Empereur et lui soumettre des projets, certains destinés à la régénération militaire de la France. Son métier comme sa proximité avec l’Empereur et sa famille en font un interlocuteur privilégié pour prendre des nouvelles de leur santé. Dès 1869 en effet, la dégradation de l’état de santé de Napoléon III suscite les plus vives inquiétudes de ses partisans.

Plus que tout, sa correspondance s’avère extrêmement précieuse par la présence de lettres évoquant les événements politiques de l’époque et qui placent Lucien Corvisart au cœur de l’histoire, de la révolution de 1848 à l’avènement de la République, en passant par la guerre franco-prussienne et la Commune de Paris. Tout d’abord, Lucien Corvisart est un témoin de la révolution de 1848, au cours de laquelle il a perdu un ami à qui il consacre des lignes poignantes dans un petit texte autobiographique, avant d’évoquer les journées de juin. Mais ce sont surtout les événements touchant à la guerre franco-prussienne comme à ses conséquences qui font l’objet de lettres extrêmement intéressantes. Elles évoquent l’humeur précédant l’arrivée des Prussiens à Paris, les pertes humaines ou encore les négociations de paix. D’autres racontent la Commune de Paris, tout particulièrement ses derniers jours et l’assaut versaillais. Quant à la République, elle ne saurait faire consensus dans l’entourage impérial, et la correspondance se fait l’écho des débats sur la nature du régime politique à adopter, d’autant que de nombreux bonapartistes croient encore dans la possibilité du rétablissement de l’Empire et de son régime d’autorité.

Jérôme van Wijland (janvier 2025)

Liens vers les inventaires

Ms 1422 (2293) n° 1-32

Ms 1423 (2294) n° 1-101

Ms 1424 (2295) n° 1-5

Ms 1425 (2296) n° 1-60

Ms 1426 (2297)

Pour en savoir plus

Jérôme van Wijland, « Le docteur Lucien Corvisart (1824-1882), baron du Second Empire, témoin d’une époque », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 29 novembre 2024.

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