Madame Campan et les Maisons Impériales Napoléon

Auteur(s) : DAVID Yvan
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Le cent cinquantième anniversaire de la mort de Madame Campan a été, en 1972, l’occasion de prendre une mesure exacte du rôle important, sinon déterminant, que joua l’ancienne lectrice de Mesdames, filles de Louis XV, plus tard première femme de chambre et trésorière de Marie-Antoinette, dans la fondation des Maisons d’Education de la Légion d’Honneur.
Très tôt, sous le Directoire, Bonaparte fut frappé par la multiplicité des dons, la belle autorité de la Directrice de l’Institut national de Saint-Germain à qui Joséphine avait confié sa fille Hortense, ses nièces Emilie et Stéphanie, et le général lui-même y envoya sa soeur Caroline, sinon Pauline qui ne fit qu’y passer. Ayant débuté fort modestement, après thermidor, Madame Campan vit très rapidement croître en nombre et en qualité des élèves qui affluèrent d’un peu partout, de la province comme de l’étranger. Sous le Consulat, l’institution Campan avait une réputation solidement établie, d’autant plus que l’éducation des jeunes filles était alors fort négligée en France.

Madame Campan et les Maisons Impériales Napoléon
Madame Jeanne Campan (1752-1822), par Julie Louise Duvidal de Montferrier © RMN-Grand Palais (Château de Versailles)

On s’était préoccupé, dès le Directoire, de l’éducation des garçons dont les parents étaient tombés sur le champ de bataille et le Premier Consul lui-même avait créé le Prytanée. Il en allait différemment pour les filles. La Révolution avait supprimé Saint-Cyr, mais aucun établissement officiel ne lui avait été substitué. Certains parents avaient recours aux institutions religieuses, dans la mesure où, après la tourmente, on les voyait rouvrir timidement ; d’autres aux institutions privées, lesquels fleurissaient sur une simple autorisation des municipalités. Confier de jeunes personnes à ces éducateurs occasionnels n’allait pas sans risque. Bonaparte préoccupé, comme il l’était, de l’avenir du pays et de tout ce qui y touchait, s’en émut. Il avait assisté aux exercices de fin d’année de Saint-Germain au cours desquels savants, artistes, écrivains, membres de l’Institut et autres personnages célèbres étaient invités par la Directrice à faire subir eux-mêmes, à ses jeunes élèves, un examen. La méthode d’enseignement, les résultats qu’elle en obtenait l’avaient frappé. Madame Campan, grâce à Hortense et à Caroline était devenue une familière de la Malmaison. Au cours d’un dîner auquel il l’avait conviée, le Premier Consul, selon sa manière toujours abrupte, lui avait demandé : « Pourquoi l’éducation des femmes ne vaut-elle rien en France ? que faut-il faire ? ». Et la réponse avait jailli prompte, ferme : « Général, il faut faire des mères ». Madame Campan aurait connu la réplique de l’Empereur à Madame de Staël qui lui demandait de désigner la femme qu’il admirait le plus (« pour moi, madame, c’est celle qui fait le plus d’enfants »), qu’elle n’eût pas répondu autrement. Il n’est pas étonnant qu’il ait pensé à la Directrice de Saint-Germain lors de la fondation des Maisons d’éducation destinées aux filles de légionnaires. En tout cas, elle s’employa activement à ne pas se laisser oublier.

Fondation des maisons Napoléon

On a dit souvent que c’est sur le champ de bataille d’Austerlitz et en proie à une forte émotion, à la vue de tous ces soldats morts, que l’Empereur « conçut la première pensée d’ouvrir, dans un institut spécial, un asile honorable et sûr aux filles des membres de la Légion d’Honneur que les guerres de cette époque rendaient trop souvent orphelines ». En fait, le projet était à l’étude depuis de longs mois, Madame Campan n’ayant pas perdu une occasion de suggérer à l’Empereur nouvellement couronné, l’idée de créer une institution inspirée du Saint-Cyr de Louis XIV, mais qui lui serait supérieure sur tous les plans. Par Hortense, elle avait même fait parvenir un plan au souverain. Le Conseil d’Etat, en ayant longuement délibéré, avait envoyé le projet de décret à Schoenbrünn le 9 frimaire an XIV (30 novembre 1805) et Napoléon le signa le 15 décembre suivant.
La confusion est venue de ce que, au lendemain de la victoire, l’Empereur signa deux décrets en vertu desquels, d’une part, il accordait une pension aux veuves de tous les militaires tombés, le 2 décembre 1805, d’autre part il adoptait « tous les enfants des généraux, officiers et soldats morts à la bataille d’Austerlitz ». Les garçons devaient être élevés au château de Rambouillet, les filles au château de Saint-Germain, l’un et l’autre devenus « Palais Impériaux ».
En fait, si les veuves reçurent effectivement des pensions variant selon le grade du mari, Napoléon renonça à l’adoption de tous les enfants d’Austerlitz, se contentant de leur faire attribuer une dotation qui était fonction du grade paternel.
Les filles devaient donc être élevées à Saint-Germain. C’était reconnaître implicitement le rôle déterminant joué par Madame Campan dans la genèse de ce projet. L’ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette en fut du moins convaincue.

La Correspondance de Madame Campan avec la reine Hortense (Bruxelles et Leipzig, 1835, 2 vol. in-16) donne une idée de l’état d’extrême agitation dans lequel se trouvait Madame Campan depuis que l’Empereur lui avait fait l’honneur de lui demander un projet. Le plan qu’elle avait conçu primitivement consistait, tout à la fois, à faire surveiller par le Gouvernement les établissements privés d’éducation de jeunes filles et, d’autre part, à créer des Maisons dans lesquelles seraient élevées, à titre payant ou gratuit, selon la situation des parents, les filles de certaines catégories de serviteurs de l’Etat. C’est ce projet qui, débattu en Conseil d’État et profondément modifié, avait été approuvé par l’Empereur à Schoenbrünn.
Madame Campan n’a jamais caché son admiration pour Madame de Maintenon et l’oeuvre par elle réalisée à Saint-Cyr. Napoléon avait, sur ce sujet, une opinion plus nuancée, Elisa, l’aînée de ses trois soeurs, y ayant été élevée tandis que lui-même était boursier du Roi à l’École Militaire. Mais Saint-Cyr, était destiné aux jeunes filles pauvres de la noblesse. L’Empire, tout nouvellement fondé, se préoccupait peu des nécessiteux de l’ancienne aristocratie. En revanche, la Légion d’Honneur, dans l’esprit de celui qui l’avait créée, constituait une nouvelle noblesse ; il était donc tout naturel que l’Etat prit en charge l’éducation des filles des membres de la Légion d’Honneur qui seraient dans le besoin.

La décision prise, le décret dûment signé, il convenait de choisir le ou les établissements, de nommer à leur tête ceux ou celles qui seraient appelés à les diriger.
Hortense, Caroline, Emilie et Stéphanie de Beauharnais, Marie-Antoinette Murat, les épouses de Ney, Davout, Moreau, Savary, tant d’autres venues de Grèce, de Pologne, d’Allemagne, voire des Etats-Unis avaient tiré de leur passage à Saint-Germain de tels bienfaits que sur le second point du moins, il ne pouvait y avoir aucun doute, la première personne désignée serait Madame Campan. Cette nomination, au gré de la principale intéressée, se fit cependant beaucoup attendre.

Caractère de Madame Campan

Il convient de s’arrêter ici sur la personnalité de celle à qui allait être confiée la direction de la première Maison Impériale Napoléon.
Madame Campan, plus instruite que la plupart des jeunes filles de son milieu et de son temps, parlant couramment l’italien (qu’elle avait appris avec Goldoni) et l’anglais, jouant suffisamment bien de la harpe et du clavecin pour avoir attiré l’attention de la Dauphine, alors qu’elle n’était que la lectrice de Mesdames, filles de Louis XV, entendait faire profiter de ses propres connaissances les élèves qui lui étaient confiées. Elle estimait que l’éducation, telle qu’on l’avait pratiquée dans les couvents de l’Ancien Régime, n’était plus de saison. Toutes les branches de connaissances devaient être accessibles aux jeunes filles, mais cela n’excluait pas la religion, bien au contraire. Mettant en pratique la vertu majeure du chrétien, la charité, elle avait accueilli à Saint-Germain gratuitement, mais en secret, six élèves pauvres. Elle tenait beaucoup à ce que chacune de ses pensionnaires, à tour de rôle, préparât un pot-au-feu pour les indigents du voisinage, ce qui n’allait pas sans réticences chez certaines demoiselles. Elle fut des premières, et assez intrépidement, à faire installer, dans sa pension de Saint-Germain une chapelle. Aux commissaires du Directoire venus lui intimer l’ordre de la fermer elle répliqua : « Citoyens, dans ma maison d’éducation, il faut donner des principes de morale ; si vous m’enlevez celle de l’Evangile, par quoi voulez-vous la remplacer, car il faut un code de religion pour le moral de l’homme comme il faut un code de lois pour vivre en société ». Voilà qui rappelle étrangement la réflexion de Bonaparte à Thibaudeau lorsque, dans les jardins de Malmaison, il entendit pour la première fois la cloche de l’église de Rueil : « Il faut une religion au peuple… ».
Avec la religion, Madame Campan enseignait l’amour de la patrie : « qu’elle vous soit toujours chère ! Ce sentiment est une des bases de toutes les vertus sociales ». Aussi l’amour du travail, et du travail poursuivi toute une vie durant : « L’éducation des jeunes filles ne saurait être terminée à seize ou dix-sept ans. Il n’y a de femmes instruites que celles qui continuent leur instruction avec persévérance et ne se livreront pas aux sorties perpétuelles qu’exige le monde ».

Elle avait cependant trop le sens des réalités pour ne pas s’aviser que beaucoup de jeunes filles, élevées chez elle, seraient appelées à jouer dans le monde un rôle fort important. Elle eut le mérite de donner à chacune l’éducation la plus propre à la servir dans le milieu où elle serait appelée à vivre, insistant par exemple auprès d’une jeune princesse française sur l’importance de l’histoire qui « est la connaissance indispensable aux êtres qui se trouvent placés au premier rang ». L’histoire, mais aussi la géographie, l’orthographe et la grammaire, les langues vivantes et les mathématiques. Ce programme un peu austère était complété fort heureusement par la pratique des arts d’agrément : solfège, piano-forte, harpe, chant, danse, peinture, dessin. Surtout, à l’instar de Madame de Maintenon, elle faisait donner, une fois l’an, une représentation dramatique. Esther eut tant de succès qu’on la rejoua souvent, mais on fit aussi appel aux petites comédies de Madame de Genlis ou aux propres textes de la directrice qui ne visaient qu’à élever l’âme de ces jeunes filles tout en leur enseignant cet art de bien dire qu’elle-même pratiquait à la perfection.

Tout, dans ce programme, n’entrait pas dans les vues de Napoléon, faut-il le préciser. En dictant à Finkenstein, le 15 mai 1807, sa fameuse note sur l’établissement d’Écouen, il a sûrement pensé que l’éducation trop brillante de Saint-Germain n’était pas des mieux adaptées au destin parfois modeste qui attendait certaines jeunes pensionnaires des Maisons Impériales Napoléon. Certes, il est d’accord sur l’importance de la religion qui est « quoi qu’on en puisse dire, le plus sûr garant pour les mères et pour les maris. Elevez-nous des croyantes, non pas des raisonneuses… Mais il faut ensuite leur apprendre à chiffrer, à écrire les principes de leur langue, afin qu’elles sachent l’orthographe. Il faut leur apprendre un peu de géographie et d’histoire mais bien se garder de leur montrer ni le latin, ni aucune langue étrangère… elles doivent savoir faire des bas, des chemises, des broderies enfin, toute espèce d’ouvrages de femme… La danse est nécessaire à la santé, mais il faut un genre de danse gaie et qui ne soit pas danse d’opéra. J’accorde aussi la musique, mais la musique vocale seulement… « . Il juge condamnable, « de faire monter les jeunes filles sur un théâtre et d’exciter leur émulation par des distributions de classes…  » et, ce qui est tout à fait significatif, le jour où lui est soumis le projet de carte de contentement que Madame de Balzac, professeur de dessin, a été priée d’esquisser, il fait remplacer la lyre et le luth qui y figurent par une bouilloire, un plumeau, une écumoire et une cuiller à pot. On voit ici tout ce qui peut séparer l’éducation telle que la conçoit l’Empereur de celle qui se pratiquait encore à Saint-Germain. Madame Campan n’en sera pas moins nommée directrice de la première Maison Impériale Napoléon le 5 septembre 1807.

La maison impériale d’Ecouen

(Collection particulière) La petite maison d'Ecouen.Le Palais Impérial de Saint-Germain, auquel Napoléon avait songé en décembre 1805, ne fut pas retenu. Il fallait cependant que le décret du 24 frimaire reçut un commencement d’exécution. Le Grand Chancelier fut assailli d’offres de toutes sortes, les propriétés, les édifices les plus divers lui étant proposés comme les plus aptes à recevoir de jeunes pensionnaires. Chacune des seize cohortes voulut avoir, sur son propre territoire, sa Maison. Châteaux, couvents, abbayes, monastères proposés furent successivement éliminés. Le 2 mai 1806, à Saint-Cloud, Napoléon décrétait que « le château de Chambord, chef-lieu de la 15e Cohorte serait mis en état pour recevoir, le 1er janvier 1807 cent jeunes élèves, filles des membres de la Légion d’Honneur ».

On s’avisa cependant très rapidement que Chambord n’était rien moins que propice à l’installation d’un pensionnat de jeunes filles et le choix se fixa définitivement sur Écouen. L’ancienne propriété des Montmorency, puis des Condé, avec son magnifique château construit vers 1540 par Jean Bullant convenait à tous points de vue à ce qu’on en attendait. Des travaux d’aménagement étaient cependant indispensables, car le château avait été dévasté sous la Révolution. D’autre part si, dès le 3 mars 1807, les 108 premières pensionnaires d’Ecouen furent désignées par décret, il fut bientôt question d’en accueillir 450. Entre le Grand Chancelier et Dejean, grand Trésorier, ce fut alors, pour obtenir des crédits, une lutte sans merci que l’Empereur seul devait trancher. Il fit octroyer les 813.475 francs indispensables tandis que l’architecte Peyre commençait des travaux qui durèrent interminablement, au gré de Lacépède, des premières pensionnaires désignées et de l’Empereur lui-même. Le 1er octobre 1807, il exigea l’achat des mobilier, linge, ustensiles indispensables, ainsi qu’un règlement provisoire pour qu’une centaine d’élèves pussent y être admises immédiatement.

Madame Campan, nommée depuis un mois, fut informée des ordres de l’Empereur le 2 octobre. Elle demanda un délai pour s’installer elle-même avant l’arrivée des premières pensionnaires et rédiger le règlement de sa Maison. Avec quelques contretemps, le programme prévu fut appliqué, les élèves arrivèrent par vagues successives et le 30 juillet 1808, Ecouen comptait 347 pensionnaires. Il est assez remarquable que tout, en définitive, se soit organisé progressivement, en fonction des besoins, des circonstances, sans plan rigoureusement préétabli. Cela ne signifie pas pour autant que Napoléon s’en soit désintéressé et les Archives nationales, comme celles de la Grande Chancellerie, permettent de voir avec quelle attention il suivit l’administration de la maison, l’établissement de son budget, la création d’un conseil d’administration, afin de prévenir toute gestion douteuse. C’était une sage précaution car la directrice – elle fut nommée surintendante le 29 mars 1809 – bien qu’ancienne « trésorière » de Marie-Antoinette n’était rien moins que bonne calculatrice et en fait de dépenses dépassait toutes les prévisions. Le Grand Chancelier prit sa défense et admit mal le reproche qui lui fut fait, à lui aussi, de trop dépenser pour Ecouen. Surtout, il insista pour que le traitement de Madame Campan et celui des autres dames fût enfin fixé.

La maison impériale de Saint-Denis

La visite que l’Empereur fit à Ecouen le 3 mars 1809 l’impressionna très favorablement. Le 12 du même mois, il signa à Rambouillet un décret concernant son budget et le 29, les statuts des Maisons Impériales Napoléon furent définitivement fixés. Entre temps, le 25 mars, l’abbaye de Saint-Denis, relevant jusque là de l’administration des domaines, fut rattachée, par décret, à la Légion d’Honneur. La naissance de cette seconde maison ne fut pas du goût de Madame Campan qui lui aurait préféré le Val-de-Grâce. Elle ne douta pas cependant que la nouvelle Maison dût être placée aussi sous sa direction. La reine Hortense, « princesse protectrice » fut, cette fois encore, assaillie de suggestions, de supplications, de prières : il fallait une intendante dans chaque maison mais une direction unique pour tous les établissements. Qui mieux qu’elle, eût pu en assumer la surintendance générale ? Madame du Bouzet, personnage effacé, timide, que Madame Campan avait formée en trois ans, dont elle avait fait une inspectrice efficace qui, en son absence, sut fort bien assurer l’intérim, pouvait rester à Ecouen tandis que la surintendante formerait une seconde inspectrice pour Saint-Denis. Lacépède, qui avait eu l’occasion d’apprécier lui-même les mérites de Madame du Bouzet et son caractère, infiniment plus souple que celui de Madame Campan, proposa à l’Empereur sa candidature. Sur un avis favorable de la Princesse Protectrice consultée – mais d’autres personnes de grand mérite étaient sur les rangs dont la reine Hortense communiqua la liste à l’Empereur avec une appréciation circonstanciée et le nom des présentateurs -, Madame du Bouzet fut nommée surintendante de Saint-Denis le 16 novembre 1810. Chacune des deux maisons aurait désormais sa vie propre sous l’autorité du Grand Chancelier.

Dès lors, entre Madame Campan et son ancienne collaboratrice, entre Ecouen et Saint-Denis, ce fut une lutte constante, de petites frictions dans le détail desquelles il est d’autant plus inutile d’entrer que le déclin de l’Empire était amorcé. Madame Campan, compromise, dut sous la Restauration abandonner une si belle oeuvre, tandis que sa rivale, pourtant titrée « baronne du Bouzet » par Napoléon, était maintenue à Saint-Denis. Le château devant être restitué au Prince de Condé, elle quitte Ecouen définitivement le 10 août 1814. Pendant les Cent Jours, elle se tint à l’écart de toute intrigue politique, bien que, par décret, Napoléon eût rétabli la Maison d’Ecouen ; mesure qui ne put d’ailleurs être suivie d’effet. Les interventions multiples de ses amis, notamment celles du maréchal Macdonald et de Lally-Tollendal, celles aussi de relations d’Ancien Régime qui n’avaient pas oublié, ne lui permirent pas de rentrer en grâce auprès de Louis XVIII. Du moins le nouveau Grand Chancelier, Macdonald, duc de Tarente, dont elle avait élevé trois filles, obtint-il pour elle, sous la seconde Restauration, une pension de 6.000 francs et le titre de surintendante honoraire. Elle se retira à Mantes, avec son fils, auprès d’amis fidèles et notamment de Sophie Crouzet, une ancienne élève, parmi les meilleures sorties d’Ecouen, qui était devenue l’épouse du docteur Maigne. C’est ce dernier qui l’assistera lorsqu’elle mourut d’un cancer du sein, le 16 mars 1822.

Les maisons d’orphelines

(Maison d'éducation de Saint-Denis) Fondation des Maisons d'orphelines, par Bazin.Cette évocation des Maisons Impériales Napoléon serait incomplète si l’on ne disait, pour conclure, quelques mots des Maisons d’Orphelines de la Légion d’Honneur. L’Empereur, en effet, n’a jamais cessé de songer aux veuves et aux orphelins d’Austerlitz, de tant d’autres batailles. Le 15 juillet 1810, il décidait, par décret, de créer « six maisons ou couvents destinés à recueillir et à élever les orphelins dont les pères sont morts officiers ou chevaliers de la Légion d’Honneur ou à notre service dans quelque grade que ce soit pour la défense de l’Etat, ou dont les mères étant mortes, les pères sont appelés par notre service hors de l’Empire ». Ces maisons furent confiées à la Congrégation de la Mère de Dieu et placées sous l’autorité de la Princesse Protectrice. Madame de Lézeau, la Supérieure de la Congrégation, était une femme d’un mérite éclatant, d’une piété, d’une bonté exceptionnelles et aussi parfaite éducatrice que le fut Madame Campan. Elle fut en outre une organisatrice d’une efficacité rare dont les comptes en particulier, étaient irréprochables. Il est bien certain que la surintendante d’Ecouen eut à souffrir, sur ce point là du moins, de la comparaison, elle qui jamais ne sut s’en tenir aux dépenses prévues et lassa la patience du Grand Chancelier lui-même. Cela n’enlève rien à l’importance de l’oeuvre qu’elle réalisa sous l’Empire. Les élèves, les professeurs de Saint-Denis, des Loges, seules maisons d’éducation de la Légion d’Honneur destinées aux jeunes filles qui subsistent encore – puisque Écouen, rouvert par le prince-président le 21 août 1851, définitivement fermé après la dernière guerre, sera bientôt musée national consacré à la Renaissance – ne s’y trompent pas qui continuent de vouer un culte fervent à celle qui, pour elles, demeure la fondatrice (*).

Notes

(*) Il serait injuste de ne pas citer ici le livre de Pierre Codechèvre, Napoléon et ses "Maisons" de la Légion d'Honneur, préface de Marcel Dunan, membre de l'Institut, Paris, 1972. Le général Codechèvre (P. Debeauce) avait déjà publié dans La Cohorte, revue illustrée de la Société d'entraide des membres de la Légion d'Honneur, une série d'articles sur les Maisons Impériales Napoléon et les Maisons d'orphelins de la Légion d'Honneur. Son livre récent fait définitivement le point de la question.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
269
Numéro de page :
11-15
Mois de publication :
mai
Année de publication :
1973
Année début :
1752
Année fin :
1822
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