Une chronique de Chantal Prévot : pain d’épice et chocolat pour la Saint-Nicolas !

Auteur(s) : PRÉVOT Chantal
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Pour nombre d’entre vous la date du 6 décembre n’est pas à cocher d’une croix rouge sur le calendrier, et Saint-Nicolas n’évoque rien.
Il en va tout autrement pour les natifs des lointaines contrées de l’est et du nord, en particulièrement en Belgique et tout spécialement en Lorraine, l’ancien duché s’étant rangé sous la protection du saint évêque de Myre en Asie mineure, car il avait reçu par les circonstances hasardeuses et mystérieuses des pérégrinations des reliques, un tout petit os (une phalange) devenu relique et objet de pèlerinage.

Une chronique de Chantal Prévot : pain d’épice et chocolat pour la Saint-Nicolas !
Chantal Prévot © Fondation Napoléon / Rebecca Young

D’une renommée aussi grande en Orient qu’en Occident, Nicolas est un thaumaturge œcuménique qui est fêté non seulement dans la catholicité et l’orthodoxie, mais également dans la très calviniste Hollande, bien que ce soit dans une version plus épurée. Sa légende est merveilleuse et semée de miracles, qui en font un protecteur pour les voyageurs, les navigateurs en eau douce ou salée, et un intercesseur pour les apothicaires, les épiciers, les meuniers, les marchands de vin, les étudiants, les jeunes filles à marier, les prisonniers, les bambins … et encore bien d’autres, la liste est longue.

De nos jours, la dévotion s’est estompée en Europe et le saint n’est plus connu que pour être un « bon papa » à longue barbe blanche (ancêtre du Père Noël) qui apporte jouets et friandises aux enfants. Son valet le Père fouettard ou Hans Trapp est censé effaroucher les garnements qui n’ont pas obéi à leurs parents. Bonbons, petites brioches en forme de bonhomme, pain d’épices et chocolat en silhouette de Saint-Nicolas envahissent les boulangeries. Il y encore quelques décennies, les « gros » cadeaux étaient distribués le 6 décembre et non le 24 (l’auteure de ces lignes peut en témoigner), et les processions de chars dans les rues à la tombée de la nuit étaient très attendus malgré le froid qui pouvait être glacial (là encore, les souvenirs restent vifs).

Si le défilé est une invention récente et marchande des années 1930, la fête des enfants puise ses racines profondément dans les siècles précédents. Ainsi à la veille du 6 décembre, deux hommes du village se déguisaient, l’un en Saint-Nicolas, l’autre en Père fouettard, et entreprenaient la tournée des foyers, faisant subir un petit interrogatoire moralisateur aux enfants. Le soir, les enfants mettaient leurs sabots au pied de la cheminée et s’endormaient difficilement, l’oreille aux aguets. Le merveilleux pouvait alors commencer : le saint revenait nuitamment en compagnie d’un âne croulant sous les friandises. Mais les portes étant fermées à double tour, ces deux-là étaient dotés de facultés incroyables pour escalader les maisons, se tenir debout sur les toits les plus pentus. Saint-Nicolas passait par les conduits pour déposer noix, noisettes, ou gâteaux au miel dans les galoches, et des jouets dans les souliers des plus riches. Mis à disposition de l’équilibriste, un verre de vin l’attendait pour le remercier, assorti d’une carotte pour son bourricot.

 

Saint Nicolas, Entre 1814-1829, Ledlen-Canda, Amiens, Gravure sur bols coloriée au pochoir 39.7 X 30.2 cm, Coll. Musée de !'Image, Épinal © Musée de !'Image -Ville d'Éplnal / cliché H. Rouyer
Saint Nicolas, Entre 1814-1829, Ledlen-Canda, Amiens, Gravure sur bols coloriée au pochoir, 39.7 x 30.2 cm, Coll. Musée de !’Image, Épinal © Musée de !’Image -Ville d’Épinal / cliché H. Rouyer

 

Cette fête connut un essor remarquable à la fin du 18e et au début du 19e siècles, et s’étendait alors aux jeunes gens non mariés, même loin de leur famille, même sous les drapeaux. Aussi un conscrit belge, caserné à Paris, eut la joie de recevoir la nuit de la Saint-Nicolas de 1809 un panier de douceurs, et en fit part à ses parents pour leur témoigner de son relatif bien-être. A n’en pas douter une personne de l’encadrement militaire, natif lui-aussi des pays de froidure, devait être tout aussi nostalgique de la douceur des Saint-Nicolas de son enfance.

Chantal Prévot

Décembre 2019

Chantal Prévot est responsable des bibliothèques de la Fondation Napoléon

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