Politique douanière française, blocus et système continental en Allemagne

Auteur(s) : DUFRAISSE Roger
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<< C'est d'Allemagne qu'émane la première suggestion du blocus continental, comme c'est d'Allemagne que Napoléon, seize ans plus tard, le décrètera. C'est qu'en Allemagne on voit passer les courants du commerce anglais et la tentation naît de rompre ces artères >> (1). On doit ajouter à cette opinion de Bertrand de Jouvenel que c'est en Allemagne, également, que Napoléon perdra la guerre économique à cause de la contrebande, comme c'est en Allemagne que se joueront, en 1813, les batailles diplomatiques et militaires décisives. >>
En 1913, dans une remarquable étude << Le système continental. Bulletin d'histoire économique (1900-1911) >>, publié par la Revolte des Etudes Napoléoniennes, Marcel Dunan, alors au seuil d'une longue et fructueuse carrière avait mis en lumière le rôle joué par l'Allemagne au coeur des deux problèmes qu'il distinguait nettement : d'un côté, le blocus continental, de l'autre, le système continental. Depuis 1913, comme avant, l'Allemagne reste le pays qui a suscité le plus grand nombre d'études historiques consacrées à ces problèmes.
Des travaux sur le blocus et sur le système continental se détachent, précisément, ceux de Marcel Dunan, au premier rang desquels : Napoléon et l'Allemagne. Le systéme continental et les débuts du royaume de Bavière 1806-1810 (2), Napoléon et le système continental en 1810 (3), Napoléon, l'Italie et le système continental (4). De ces remarquables exposés, il ressort qu'il faut distinguer nettement le << blocus continental >> du << système continental >>, mot inventé et employé couramment par l'Empereur, puis par son entourage. En effet, << les historiens confondent facilement blocus et système, Kontinentalsperre et Kontinentalsystem, comme à l'époque d'ailleurs – car nul académicien n'en a donné alors, ou depuis, une définition de dictionnaire – et accusent le blocus.., des méfaits du système, le protectionnisme égoïste et, si l'on veut, l'impérialisme économique de la France napoléonienne >> (5). Si semblable confusion est monnaie courante c'est parce qu'il est bien difficile de séparer les mesures et les effets appartenant à l'un, de ceux qui se rattachent à l'autre (6). C'est ce qu'ont fait, par exemple, les auteurs de l'ouvrage collectif, consacré à l'histoire de l'époque napoléonienne, rédigé sous la direction de Jean Mistler (7). Cette distinction intéresse au plus haut point l'histoire des pays allemands. En effet, dès le mois de juillet 1798, huit ans donc avant le début du blocus continental, les départements annexés de la rive gauche du Rhin furent soumis à la législation française, tout comme le seront, à compter du 22 janvier 1811, les départements hanséatiques.

Il est maladroit de limiter au seul blocus continental la gigantesque lutte économique qui a opposé l’Angleterre à la France plus ou moins fortement épaulée par le reste du continent. En effet, la guerre au commerce et à l’industrie britannique avait été déclarée une première fois le 21 février 1793 et, de façon définitive, le 10 brumaire V (31 octobre 1796), dix ans donc avant le fameux décret de Berlin. Il est impossible de saisir la nature et la portée profondes du blocus continental si l’on ne connaît pas, à fond, la politique douanière que suivait la France depuis la promulgation du tarif du 15 mars 1791 dont Jean Clinquart vient d’exposer clairement qu’il avait été rédigé dans le souci d’assurer les subsistances du pays et de protéger les fabriques (8). On voulait aussi faire en sorte que les produits des colonies françaises puissent, comme à la fin de l’Ancien Régime, être redistribués dans toute l’Europe. Garantir les subsistances, protéger l’industrie nationale contre la concurrence étrangère, redistribuer les produits coloniaux, tels furent les fondements de la politique douanière de la France révolutionnaire et impériale. La guerre entraîna, de surcroît, l’interdiction de vendre, aux puissances ennemies, des subsistances et des << matières stratégiques >>, ainsi que celle de leur acheter quoi que ce fût, même des matières premières ou des denrées coloniales.
Les exportations de grains étaient interdites lorsque menaçait la disette et, en tout temps, vers les pays en guerre contre la France. Sous certaines conditions, la sortie des céréales vers les pays neutres ou amis fut autorisée entre le 25 prairial X (14 juin 1804) et le 15 juin 1 810. Entre ces deux dates, la France connut un régime qui rappelait celui des corn-laws britanniques, à ceci près que l’échelle mobile des taxes douanières jouait à l’exportation, non à l’importation. L’exportation des grains était libre tant que le prix de l’hectolitre de froment était inférieur à 19 F et ce, moyennant le paiement d’une taxe de 2 F par hectolitre ; elle devait cesser dès que le prix atteignait 24 F. Entre 19 et 24 F, elle n’était permise que contre le paiement d’une taxe d’autant plus élevée que le prix s’approchait davantage de 24 F, par exemple 2,50 F pour un prix de 20 F, 8 F s’il atteignait 24 F (9). Le seigle et les autres céréales étaient soumis à un régime analogue.
Les denrées coloniales d’origine non-française étaient lourdement taxées à l’importation, notamment par la loi du 30 avril 1806 qui, par exemple, frappait le sucre et le café d’une taxe de 150 F par quintal métrique, portée à 400 F par les tarifs de 1810, celles d’origine anglaise restant formellement prohibées.

Produits manufacturés et matières premières

En ce qui concerne les produits de l’industrie étrangère, la prohibition fut la règle et ce principe n’était pas seulement dirigé contre l’Angleterre (10). En effet, sur ce point, la loi du 10 brumaire V (31 octobre 1796) précisa, si besoin était, davantage encore les principes établis par le tarif de 1791. Cette loi du 10 brumaire V (11) prohibait à l’entrée, certes, tous les produits manufacturés d’Angleterre, mais elle précisait, dans son article 5, qu’étaient réputés provenir des fabriques anglaises << quelle qu’en soit l’origine >>, la quasi-totalité des produits fabriqués << importés de l’étranger >>. Ainsi se trouvait rappelé, par le Directoire, un principe auquel le Consulat et l’Empire allaient rester fidèles jusqu’au boutet selon lequel aucune fabrication d’origine étrangère ne devait être admise à l’entrée en France. Le sys tème des licences instauré en 1809 ne leur sera jamais appliqué et c’est contre eux, et contre eux seuls, qu’en octobre 1810 on inaugura la politique des brûlements.
Le gouvernement français, à l’inverse, veilla avec un soin jaloux aux approvisionnements en matières premières. C’est ainsi que le coton en laine fut toujours admis, d’abord en franchise, puis, moyennant le paiement d’une taxe de 3 F par quintal (3 themidor X), ramenée à 1 F (6 brumaire XII) ensuite portée à 60 F (22 février 1806) et, enfin, à 120 F (8 février 1810). Pour la même raison fut autorisée, par Cologne, l’importation du fil d’acier nécessaire aux manufacturiers du département de la Roër, pour la fabrication des épingles. En revanche, la faveur accordée au fil d’acier, matière première fabriquée, ne fut pas étendue au fil de coton dont l’entrée, prohibée par la loi du 10 brumaire V, fut autorisée, sauf s’il était d’origine anglaise, à partir du 6 brumaire XII, moyennant le paiement d’une taxe comprise, selon la qualité, entre 4 F et 6 F le kilogramme, portée à 7 francs le 22 février 1806, avant que ne soit définitivement instaurée, le 22 décembre 18U9, toute interdiction d’importer. Ces mesures avaient évidemment pour but de favoriser le développement de la filature du coton à l’intérieur de l’Empire français. Bien entendu, l’exportation des matières premières nécessaires aux manufactures françaises était strictement défendue.
Les décrets de 1810 n’apportèrent pas de modifications fondamentales aux lois douanières françaises. Les produits fabriqués étrangers demeurèrent proscrits, les denrées coloniales et certaines matières premières comme le coton en laine furent admises – sans que l’on se montrât trop exigeant quant à leur origine – moyennant le paiement de lourdes taxes au profit du Trésor. Le système des licences ne constitua jamais une contrebande légale. Jean Clinquart lui préfère l’appellation de << dérogation >> (12), en effet l’expression << contrebande légale >> n’a rigoureusement aucun sens, parce qu’on ne peut appliquer le terme de contrebande à un commerce qui se fait dans le cadre des lois. Jamais l’on ne délivra de licences pour importer des produits fabriqués, mais uniquement des denrées coloniales ou des matières premières comme le coton en laine. En résumé, la politique douanière de la France s’est ancrée dans un protectionnisme rigoureux admis, sinon approuvé, par la majorité des milieux intéressés.

L’extension du système français au Blocus continental

Le blocus continental doit être défini comme l’ensemble des mesures économiques, militaires, diplomatiques, prises par Napoléon pour amener, ou contraindre, l’Europe à appliquer, à l’industrie et au commerce britanniques, les mesures dont ceux-ci faisaient déjà l’objet en France. C’est l’extension, à l’échelle d’un continent, mais sans consultation des pays intéressés, de la législation douanière en usage, auparavant, à l’intérieur d’un seul. C’est dire que l’étude du blocus n’a de sens que si elle a pour cadre géographique un territoire autre que le territoire français : les pays du Rheinbund, par exemple, mais non les quatre dépanements de la rive gauche du Rhin devenus de facto français depuis 1’automne de 1797. Une preuve que le blocus n’apporte rien de nouveau à la législation douanière déjà en vigueur dans les départements français, c’est que les produits manufacturés européens continuèrent – en vertu de la loi du 10 brumaireV – à y être traités comme ceux de l’Angleterre, mesure contre laquelle ne cessèrent, en vain, de protester les industriels du grand-duché de Berg dont les adversaires les plus résolus étaient, comme Charles Schmidt l’a excellement montré (13), les manufacturiers du département français. Dans cette guerre économique, Napoléon demandait donc tout à l’Europe et ne lui offrait pratiquement rien en compensation. Il n’est pas exagéré, dès lors, d’affirmer que le système protectionniste français a tué le blocus. Il est non moins évident que, sans la guerre contre l’Angleterre, il n’y aurait pas eu de blocus continental et que le système douanier français aurait pu, dans la paix, se développer tout aussi bien que dans la guerre.

Les ambitions impérialistes des industriels français

Le système continental englobe un champ de problèmes infiniment plus vaste. On doit le définir comme une conception napoléonienne de l’organisation politique, institutionnelle, sociale et économique de l’Europe. Dans le domaine de l’économie, il ne fait aucun doute que le système est la traduction de la politique impérialiste poursuivie par Napoléon. Eugène Tarlé, dans plusieurs études, (font l’une consacrée aux relations économiques entre la France et l’Allemagne à l’époque napoléonienne (14), a remarquablement mis en lumière les efforts de Napoléon pour faire de l’Europe un réservoir de matières premières et un immense marché pour l’industrie française, c’est-à-dire pour substituer la domination de l’industrie française à celle de l’industrie britannique. Non pas qu’il ait cherché, directement, à anéantir les industries existant alors en Europe, ainsi que l’a prétendu, à tort, l’historien soviétique Narotchnitzki (15) – on peut même dire que certaines, comme celle du coton en Saxe, ont très laugement bénéficié de la guerre faite à l’Angleterre – mais il est patent qu’il a voulu, par tous les moyens, favoriser les manufacturiers français, même aux dépens de ceux des pays alliés. Il leur a tout d’abord, comme on l’a vu, réservé l’exclusivité de l’immense marché que constituaient les cent trente départements de l’Empire, mais encore celui formé par le royaume d’Italie. Ensuite, il leur a assuré une priorité dans les approvisionnements en matières premières d’origine continentale, laines d’Espagne, par exemple ; enfin, il a rendu à toute l’Europe, aussi difficile qu’il pouvait l’être pour son Empire, le ravitaillement en matièrcs premières exotiques, coton en laine par exemple, d’où l’achamement qu’il mit à obtenir de ses alliés et des autres états du continent, une stricte application des décrets de 1810.
Dans le domaine économique, le système continental se trouva donc vicié par des contradictions analogues à celles qui ont été signalées à propos du blocus, auxquelles s’ajoute ce fait, capital, qu’il était impossible de faire croire à l’Europe que, derrière la guerre défensive contre l’Angleterre, à laquelle elle aurait pu, à la rigueur, se rallier bon gré mal gré, ne se cachaient pas, en fait, les ambitions impérialistes des industriels français.
Bien entendu, le système continental n’avait pas que des fondements économiques. Sur le plan politique, il tendait à une organisation fédérative de l’Europe dont chacun des Etats – en particulier par le moyen du Code civil – aurait profondément transformé ses institutions, ses moeurs, sa civilisation, sur le modèle de la France napoléonienne, c’est-à-dire ùe la France issue de la Révolution. Les tentatives d’expansion économique de la France tuèrent, à l’intérieur du système continental, les rêves d’organisation politique, tout comme le système protectionniste français avait tué le blocus. Napoléon échoua parce qu’il se refusa à sacrifier les intérêts égoïstes de la France (16). Mais comme l’a écrit M. Dunan : << Peut-être à agir en Européen, se fût-il heuné à des oppositions françaises irréductibles ? >>.
François Crouzet a montré (17) qu’il était artificiel et dangereux, pour une bonne compréhension des problèmes, de dissocier les phénomènes qui, à l’époque, affectèrent concurremment les différentes économies : la britannique, les europénnes, les américaines, à savoir : la guerre, l’auto-blocus du continent imposé par la France, auxquels sont venues s’ajouter les conséquences des grandes modifications apportées à la carte politique, donc douanière, de l’Europe, autant de facteurs qui devaient bouleverser profondément la géographie économique traditionnel le du vieux continent.
Quelles en furent les conséquences pour l’économie des territoires alleiuands ? Parmi les effets fâcheux, François Crouzet souligne le déclin, irrémédiable, de la vieille industrie des toiles de Westphalie, de Saxe, de Silésie qui fut privée de ses débouchés d’outre-mer et, en particulier, de l’immense marché hispano-américain. Ce déclin définitif apparaît d’ailleurs à l’auteur comme tout à fait conforme à l’évolution générale de l’économie car l’ascension irrésistible du coton condamnait, à longue échéance, l’industrie des toiles de lin ou de chanvre au déclin. La fermeture des mers, le blocus britannique des ports européens n’intervinrent que pour accélérer un mouvement inévitable.

Rive gauche contre rive droite

François Crouzet a mis en lumière les bienfaits du protectionnisme français pour les industries des pays de la rive gauche du Rhin : industrie du coton (avec apparition et enracinement de la filature), de la laine, de la soie et même industrie métallurgique. On se permettra d’ajouter que ce n’est pas un hasard si, en Allemagne, les régions qui furent le plus longtemps annexées à la France sont celles où l’industrie progressa le plus. Il est vrai qu’à l’élimination de la concurrence anglaise s’ajouta celle de la concurrence des autres états allemands tels que le grand-duché de Berg, tandis que l’immense marché de l’Empire français s’ouvrait aux produits cis-rhénans. Tarlé avait décrit dans son Napoléon (18) que les industriels de la rive gauche du Rhin furent traités par Napoléon en concurrents de l’industrie française qu’il fallait abattre << pour transformer leur territoire en un champ d’action du capital français >>. Cette opinion ne résiste pas à la simple étude des faits et, sur ce point, Crouzet a confirmé ce que les historiens allemands avaient établi depuis longtemps (19).

Pour les pays de la rive droite du Rhin, François Crouzet rappelle les coups portés aux industries du pays de Berg : cotonnades, quincaillerie, coutellerie, par la fermeture des marchés d’outre-mer et du marché français (y compris celui des départements de la rive gauche du Rhin) et signale que leur situation s’améliora très rapidement après 1815. Pour le reste des états allemands, il faut retenir les progrès de l’industrie cotonnière, particulièrement en Saxe, alors que les industries de la laine, de la soie et la métallurgie progressèrent moins que leurs homologues de la rive gauche du Rhin. Dans l’Allemagne prise dans son ensemble, si la politique napoléonienne n’a pas créé l’industrie du coton, elle en a permis l’enracinement et protégé les premiers développements et on lui doit les premiers pas de la filature. Examinant les conséquences à plus long ternie, Crouzet indique que le Rhin, à la suite du déclin de la façade atlantique du continent, allait devenir l’axe économique du continent, que 1’accumulation des capitaux gagnés dans la contrebande par les commerçants dcs grandes villes rhénanes allait permettre les investissements ultérieurs dans l’industrie. Il s’agit là d’un probléme très important qui mériterait d’être étudié à fond.

Les deux directeurs généraux des douanes sous le Consulat et l’Empire

Jean-Baptiste Collin (1750-1826).
Il est le premier titulaire à la création du poste en 1801 et le restera jusqu’en 1812. Fils d’un employé des Fermes, lui-même entré dans la Compagnie, il est, en 1792, un des trois Régisseurs des douanes nationales. Préfet de la Drôme et de la Seine-et-Marne au début du Consulat, il retourne dans son administration d’origine pour en devenir le premier directeur général.
<< Commandant >> de la Légion d’honneur à la création de l’Ordre, comte de Sussy, il est l’un des collaborateurs directs de l’Empereur.
En 1812, devenu ministre du Commerce et des Manufactures, il garde les douanes sous sa tutelle.

François Ferrier, directeur des services extérieurs, dévoué à l’Empereur, lui succède de 1812 à 1814, bien que Collin eût préiéré Pierre de Saint-Cricq qui a été son secrétaire général en Seine-et-Marne et qui l’a suivi aux douanes.
Ferrier sera remplacé par Saint-Cricq sous la première Restauration, reprendra la direction générale sous les Cent-Jours pour la laisser de nouveau àS aint-Cricq qui la conservera jusqu’en 1824. Ferrier aura eu le plus court directorat de l’histoire des douanes. Le plus long sera celui de Théodore Gréterin (1794-1861) directeur général de 1831 à 1860, (il avait pu ainsi faire entrer plus d’une vingtaine de ses parents dans son administration) et que Napoléon III fera remplacer après le traité franco-anglais de 1860.

Sous le Consulat et l’Empire, et jusqu’en 1825, la direction générale des Douanes était installée dans l’ancien Hôtel d’Uzès, rue Montmartre.

L’uniforme des douaniers sous le Consulat et l’Empire

L’uniforme des douaniers apparut sous le Consulat, et la couleur verte qu’on lui attribua, devait subsister au moins partiellement jusqu’au début du XXe siècle. La culotte était verte comme l’habit et le gilet, rouge, en théorie. Le chapeau était << à la française >> et fut remplacé à la fin de l’Empire par le shako pour le personnel non-officier.
Tous portaient l’uniforme, le personnel des brigades comme les employés des bureaux qui ne l’abandonnèrent que sous la Restauration.
Iconographie en couleur voir pages 3 et 4 de couverture. Page 4 :
officier et préposé des Douanes sous le Consulat et l’Empire.
Il n’existe pas d’ouvrages traitant de tous ces sujets pour l’ensemble des pays allemands ; en revanche, les études sur tel ou tel point particulier, sur telle ou telle région ne manquent pas. On regroupera les enseignements qu’on peut en tirer sous deux rubriques : l’application des mesures imposées par la domination française, protectionnisme, blocus, système continental et les conséquences de l’application de ces mesures.

Des douanes impériales en dehors de l’Empire

L’application de la législation douanière française est mieux connue pour les départements annexés de la rive gauche du Rhin que pour ceux de l’Allemagne du Nord, il est vrai annexés treize années plus tard. Jean Clinquart (20), outre la législation, s’est surtout attaché à étudier l’implantation, l’organisation et le fonctionnementt de l’administration des douanes françaises ainsi que les organismes chargés de réprimer la contrebande. Il a consacré des développements originaux à l’activité, hors des frontières de l’Empire, donc dans des territoires indépendants, d’une administration douanière française parce que, en vertu du décret de Berlin, Napoléon se réservai t le droit de faire intervenir directement ses douaniers dans les états << protégés >> de la Confédératiun du Rhin. << C’est l’une des plus grandes singularités de l’administration des douanes impériales que sa présence hors du territoire national, tout d’abord fugitivement… puis de manière permanente >> (21). Dès 1803, des raids de douaniers français avaient été menés à travers les territoires allemands limitrophes de l’Empire afin de saisir des marchandises réputées anglaises. À partir de 1807, l’on assiste à l’installation permanente de postes de douanes français dans les états allemands. En 1807, peu après la signature du décret de Berlin, ils se fixent à Hambourg et disposent des postes le long de l’estuaire de l’Elbe. En juillet 1809, une nouvelle ligne de douanes est constituée à travers le grand-duché de Berg depus Rees sur le Rhin, elle englobe la principauté de Salm, court le long de la frontière du royaume de Westphalie, rejoint Brême et, de là, les postes qui ont été installés sur l’Elbe depuis 1807. De la même façon, le 18 juillet 1810, un bureau de douanes français est ouvert à Dantzig. Lorsque, le 10 décembre 1810, on se prépare à l’annexion des futurs départements de l’Allemagne du Nord, il est décidé que l’organisation des douanes françaises sera maintenue dans l’état où elle se trouvait antérieurement, preuve éloquente que celles-ci y étaient en activité bien avant que ces régions ne fussent incorporées à l’Empire. Enfin, un décret impérial du 15 novembre 18 ii décidait l’établisseiuent d’une ligne de douanes sur la Baltique.
Alors que, dans les territoires annexés, les douanes veillaient à l’application du systéme protectionniste français, dirigé non seulement contre les produits de l’industric et du commerce britanniques, mais également contre les produits fabriqués des autres pays, les << douanes extérieures >>, ainsi qu’on peut les appeler, ne surveillaient que l’application du blocus continental dirigé contre la seule Angleterre (22). Ainsi, dans les villes hanséatiques furent-elles, d’abord, chargées d’appliquer le décret de Berlin ct celui de Milan puis, après l’annexion, les lois douanières françaises. Avant l’incorporation, elles laissèrent passer les produits industriels allemands, après, elles en interdirent l’importation.
Les autorités françaises furent conduites à apporter quelques aménagements au système prohibitionniste, afin de favoriser le commerce de transit, c’est-à-dire les relations commerciales entre pays étrangers par emprunt du territoire douanier français. C’est ainsi que, par une loi du 16 pluviôse XI, 5 février 1803, Cologne ct Mayence se virent accorder un entrepôt réel, c’est-à-dire un port franc. Mais, sauf entre janvier et juillet 1805, cette faveur ne s’appliqua jamais aux marchandises dont l’importation était prohibée (produits industriels de toutes origines, marchandises coloniales d’origine anglaise ) mais uniquement à celles qui pouvaient être importées moyennant paiement d’une taxe (coton d’Amérique, par exemple) (23). Hambourg bénéficia des mêmes faveurs après son annexion. La nécessité de bien surveiller l’entrée des marchandises lourdement taxées à l’importation fit que l’on concentra celle-ci sur quelques points des frontières terrestres de l’Empire. C’est ainsi que l’importation des tabacs en feuilles ne provenant pas de l’industrie ou du commerce britannique fut autorisée par les seules places de Mook (près de Clèves), Uerdingen, Cologne, Cohlence, Mayence, et que l’exportation des tabacs fabriqués ne put se faire que par Cologne, Mayence, Worrns, Spire (24). Tant que fut permise l’imponation des fils de coton originaires des pays avec lesquels la France n’était pas en guerre, c’est-à-dire entre le 6 brumaire XI (29 octobre 1803) et le 22 décembre 1809, elle ne put se faire que par les bureaux de Culogne et de Mayence. Quant à l’importation du fil d’acier nécessaire aux fabricants d’épingles du département de la Roër, elle ne fut permise que par Cologne. Les décrets de 1810 prévoyaient que les cotons du Levant, arrivant par terre, ne seraient admis en paiement des droits que par Cologne, Coblence, Mayence.
Les ouvrages qui, d’un point de vue général, ont étudié l’établissement et l’application du blocus continental ont, souvent, signalé le rôle essentiel tenu par l’Allemagne dans ce phénomène, rôle rappelé, par exemple, par Bertrand de Jouvenel (25). Plus récemment, François Crouzet a, lui aussi, montré (26) que le blocus continental avait été, entre 1800 et 1806, précédé, en Allemagne, par toute une série de mesures économiques dirigées contre l’Angleterre, marquées notamment par l’occupation du Hanovre (1803 ) puis sa cession à la Prusse (1806), bref par la mise en place du << système des côtes >>, première version mais incomplète du blocus. Quant au décret de Berlin, il eut été impensable sans la victoire de Iéna : << L’écrasement de la Prusse transformait la situation stratégique dans la guerre au commerce anglais car Napoléon était maître désormais des côtes allemandes de la mer du Nord et de la Baltique, c’est-à-dire des principaux ports par lesquels les marchandises anglaises pénétraient en Europe (27). L’adhésion de l’Autriche au blocus en 1810, l’annexion des côtes allemandes de la mer du Nord, le 22 janvier 1811, figurent panai les mesures importantes, prises en Allemagne pour renforcer la guerre économique contre l’Angleterre.

Le bon vouloir des états étrangers

Si l’on excepte les cas où les douanes françaises pouvaient agir en toute liberté hors du territoire national, l’application du blocus dépendait donc du bon vouloir des états étrangers. Il en allait de même pour la mise en vigueur des décisions napoléoniennes relevant plutôt du système continental. Les décrets de Trianon et de Fontainebleau (5 août, 18 octobre 1810) modifiaient les tarifs douaniers français et renforçaient la répression de la fraude. Ils permettaient l’entrée dans l’Empire, contre paiement de droits très élevés, des denrées coloniales et des cotons en laine d’origine permise. Une différence trop grande entre les prix français et les prix étrangers pouvait en être la conséquence, donc favori ser la contrebande et handicaper l’industrie cotonnière française obligée de fabriquer à des coûts plus élevés que ses homologues étrangères. Contraindre les pays allemandsà frapper les denrées coloniales et les cotons des mêmes droits que ceux qu’ils acquittaient en France, c’était placer sur un pied d’égalité les commerçants et industriels de France et ceux de l’Allemagne : mesure tout à fait caractéristique du système continental sous son aspect économique.

Marcel Dunan a exposé tous les efforts poursuivis par la diplomatie française, auprès des princes de la Confédération du Rhin afin de les conduire à appliquer ces décrets de 1810 (28). Non sans regrets, ces princes s’inclinèrent ou se résignèrent docilement, peut-être parce qu’ils constatèrent que l’application des décrets pouvait procurer des recettes importantes aux finances de leurs états. Max-Joseph de Bavière précisait : << Je ne ferai aucune difficulté d’adopter ces mesures dont quelques-unes sont tout à fait inexécutables et qui toutes frappent plus sur les amis que sur les ennemis de la France >> (29). Napoléon fut, néanmoins, obligé d’utiliser la terreur même chez ses alliés. Ce fut alors le coup de main exécuté par les douaniers français, épaulés par l’armée, contre les négociants de Francfort. Le décret de Fontainebleau prévoyait la saisie et le brûlement des produits fabriqués existant, non seulement en France, mais encore, dans le grand-duché de Berg, les villes hanséatiques, les régions entre le Mein et la mer, ainsi qu’à proximité des lieux occupés par les troupes françaises. Ce fut la consternation et la fureur : les bûchers s’allumèrent à Cologne, à Stolberg, à Aix-la-Chapelle (30). Dunan souligne avec force que ces mesures accrurent considérablement l’hostilité des populations envers la domination française.

Fernand L’Huillier a étudié, dans le détail, la mise en application des décrets de 1810 dans le grand-duché de Bade (31). Après avoir rappelé que le gouvernement badois avait toujours << protesté de ses bonnes intentions quant au blocus continental >>, tout en tolérant la contrebande (32), il expose, minutieusement, que tous ses efforts, à partir de l’automne de 1810, ont consisté à trouver des formules permettant de satisfaire les exigences françaises (brûlements des produits fabriqués anglais, lourdes taxes sur les denrées coloniales) tout en sauvant le commerce de transit, entre la France et l’Allemagne, entre l’Allemagne du Nord et la Suisse, transit qui constituait une richesse pour le pays. Pour l’auteur, le grand-duché a rempli honnêtement ses obligations d’allié de Napoléon et s’il n’a pu empêcher la contrebande e’est parce qu’il << n’avait pas plus de prise dans ce domaine qu’un autre gouvernement d’Europe >>.
L’ouvrage de M. Dunan sur le royaume de Bavière entre 1806 et 1810 (33) apporte une riche moisson de renseignements sur l’application du blocus et sur celle du système continental, non seulement dans cet état mais encore dans d’autres pays allemands. On y voit, par exemple, que contrairement à ce que l’on pourrait croire, le décret de Berlin ne fut pas introduit dans les états de la Confédération du Rhin en tant que tels, mais uniquement dans les provinces, d’Allemagne occupées par les troupes françaises ou administrées par des fonctionnaires de l’Empereur. C’est ainsi qu’il ne fut présenté à la Bavière que comme document d’actualité politique et ne lui fut pas officiellement communiqué : << A plus forte raison, n’y fut-il pas adopté. La Confédération du Rhin ne semblait encore à l’Empereur qu’un cadre de recrutement militaire. L’entrée et le trafic des marchandises anglaises demeurèrent autorisés dans le royaume. En cette première période de l’alliance qui va jusqu’aux revirements de la politique allemande de Napoléon et aux aggravations de la lutte franco-anglaise, datés les uns et les autres de 1810, le blocus anti-britannique n’agit que d’une manière plus ou moins contrôlable sur l’Allemagne du Sud >> (34). Dans l’ouvrage, l’étude du front du sud-est occupe une place importante. Trieste joua, alors, un rôle considérablc pour l’introduction, sur le continent, des cotons du Levant et d’Amérique, ainsi que des cotons filés anglais qui, les uns et les autres, après un long détour par l’Autriche et l’Allemagne du Sud, finissaient par aboutir à Strasbourg (35). Napoléon s’efforça, malgré la résistance de l’Autriche, de capter ce transit par Trieste et l’Allemagne méridionale, pour le ramener plus à l’ouest, par le Simplon et le Cenis.
Marcel Dunan a également analysé les côtés conquérants du système continental et montré que celui-ci, une fois la ruine de l’Angleterre assurée par le blocus, devait ouvrir aux manufacturiers français, par la contrainte, puis par habitude, << tous les débouchés, toute la consommation, de l’Allemagne, de la Hollande, de la Prusse et de l’Italie >>. Comme le disait Montgaillard, << l’un des inventeurs du blocus continental >>, << les princes et les états de l’Allemagne doivent être les lieutenants et, pour ainsi dire, les colonies continentales de l’Empire >> (36). C’est pourquoi les produits fabriqués français bénéficiaient de faveurs à l’entrée des états du Rheinbund alors que les produits industriels allemands étaient, en France, comme s’ils avaient été anglais. Mieux, Napoléon s’ingénia à leur rendre le plus difficile possible l’accès au marché que constituait le royaume d’ltalie. La Bavière devait en faire l’expérience : l’Empereur s’opposa à la mise en vigueur du traité de commerce avantageux qu’elle avait signé avec le royaume d’Italie.

L’opposition par la contrebande

Un autre problème important est celui de l’accueil réservé par les populations allemandes aux différentes mesures prises parles autorités françaises, tant pour l’application de leur régime douanier, que pour celle du blocus ou celle du système. Et l’on pense, tout de suite, à la forme la plus efficace de leur opposition : la contrebande. Il n’existe pas d’étude d’ensemble du phénomène pour les pays allemands. Que se soit dans sa thèse sur l’économie anglaise à l’époque du blocus continental (37) ou dans ses analyses générales du blocus, François Crouzet n’a pas manqué, en présentant les grandes lignes de ce phénomène, de mettre en évidence le rôle considérable qu’avaient joué les territoires allemands. Durant les six ou huit premiers mois qui suivirent la publication du décret de Berlin, celui-ci resta lettre morte. Napoléon était en Pologne avec son armée et les côtes de l’Allemagne étaient mal surveillées. L’incurie ou la corruption des agents français, surtout à Hambourg, laissaient se développer une contrebande à peine déguisée. Le petit port danois de Tönningen sur l’Eider servait de place de transit et, de là, d’énormes quantités de marchandises se déversaient sur Hambourg. Après la paix de Tilsitt, la Prusse, l’Autriche, la Russie, le Danemark se joignirent au blocus, le commerce britannique fut pratiquement exclu de l’Allemagne et, à la fin de 1807, le continent semblait fermé aux produits anglais. Avec le soulèvement espagnol, Napoléon fut contraint de dégarnir les côtes de la Baltique et de la mer du Nord et, en 1809, la guerre avec l’Autriche attira ses forces vers le Danube. A partir des énormes dépôts que les Anglais constituèrent à Héligoland, à Malte et à Göteborg, une active contrebande reprit en direction de l’Allemagne du Nord et du littoral dalmate. L’échec du blocus continental semblait complet. La paix revenue en Europe centrale, les côtes purent à nouveau être surveillées et, de la fin de 1810 au désastre de Russie en 1812, il n’y eut plus que l’Espagne à rester ouverte aux Anglais. Bien entendu, la catastrophe de Russie permit à Héligoland de reprendre son rôle de distributeur des produits anglais et, après la bataille de Leipzig, plus rien ne s’opposa plus à leur entrée en force.
Des études d’histoire régionale ou locale ont permis, sur plusieurs points, de préciser ces vues d’ensemble. Jean Mistler a mis en évidence le rôle de Hambourg, tant avant son annexion à l’Empire français, qu’après (38), tout en s’attachant à l’étude des influences exercées par le blocus continental sur le grand port hanséatique. Grâce à des témoignages de contemporains, il a pu présenter les formes revêtues alors par la lutte entre la puissance maritime et l’empire continental, petite guerre larvée entre le libre-échange et l’économie planifiée, entre la contrebande et la douane. Le blocus continental a favorisé à Hambourg, ailleurs aussi, toutes les corruptions possibles. A la tête des profiteurs, l’ambassadeur impérial Bourrienne, mais la malhonnêteté des uns ne doit pas faire oublier que l’administration française à Hambourg eut aussi ses incorruptibles.

La contrebande dans les pays rhénans

C’est la contrebande dans les départements de la rive gauche du Rhin qui a suscité le plus d’études, Félix Ponteil ayant, en 1931, ouvert une voie qui devait se révéler fructueuse, ce qui ne veut pas dire que la question soit épuisée (39). Il convient de ne pas négliger les études analogues consacrées à l’Alsace où la contrebande ne se comprend pas sans son arrière-plan allemand (40). Les sources que l’on peut utiliser : archives de la police, de l’administration, des tribunaux ne permettent de connaître de façon précise que les cas de contrebande ayant échoué. Il est donc impossible de connaître le volume de celle-ci par rapport à celui du commerce légal et l’on est à peine plus heureux lorsque l’on tente de mesurer ses chances de succès. Une enquête a permis de constater qu’entre 1801 et 1808, les tentatives frauduleuses d’un trafiquant de Normandie qui s’approvisionnait par Wesel, Düsseldori et Francfort, avaient réussi dans la proportion de 87 % (41), mais sans doute serait-il imprudent de généraliser à partir de ce seul cas.
Comment expliquer l’ampleur que la contrebande a prise dans ces régions ? Le système douanier français avait brisé la solidarité économique qui existait entre les deux rives du fleuve et la contrebande est intervenue pour tenter, tant bien que mal, de remédier à cette rupture. Le système prohibitif a contraint les deux domaines économiques séparés par le Rhin à échanger, par la contrebande, ce qu’ils ne pouvaient échanger autrement. De plus, les pays rhénans, comme toutes les régions situées sur les frontières terrestres de l’Empire, ont vu se valoriser leur rôle dans le commerce extérieur, du fait du blocus des ports français par les navires anglais, si bien qu’on peut légitimement penser que, par eux aussi, se faisait une notable partie de la fraude intéressant l’intérieur de l’Empire. Ceci explique pourquoi y opérèrent de nombreux contrebandiers qui n’y habitaient pas. Telle maison de Londres avait vingt-et-un correspondants, répartis sur toute l’étendue de l’Empire, sauf toutefois dans les pays du Rhin, et c’est pourtant par Wesel qu’elle leur faisait parvenir, toiles de coton blanches, tabac, dentelles, poivre et denrées coloniales. Les raisons de la contrebande tenaient en peu de mots : à l’importation, pénurie et cherté, à l’exportation, surproduction et effondrement des prix, dans les deux cas, profits qu’elle pouvait procurer à ceux qui s’y livraient. A l’importation, pénurie et cherté, cela était vrai, surtout des denrées coloniales, sucre et café, des produits fabriqués comme le tabac, le fil de coton, les étoffes à base de coton. En 1812, par exemple, le coton en laine de Louisiane, coûtait sur la rive gauche, après paiement des droits, 14 francs le kilogramme, alors qu’on ne le payait, sur la rive gauche et en Suisse, que 6 francs. Dans ces conditions, le fil et les toiles blanches originaires de ces régions ne pouvaient qu’être moins chers, ce qui poussait les industriels du tissage, de la teinture et de l’impression à s’y approvisionner et explique pourquoi ces produits se rencontraient, souvent, dans les saisies effectuées par les douaniers.
A l’exportation, la fraude était provoquée non par la pénurie et la cherté, mais par les phénomènes contraires. Cela était particulièrement vrai pour les céréales qui constituèrent d’ailleurs, dans ce domaine, le principal objet de la délinquance. Les trois départements bordant le Rhin, surtout le Mont-Tonnerre et la Roër avaient, en année commune, une production largement excédentaire et exportaient de notables quantités sur la rive droite et, plus encore, en Hollande et, par delà, en Angleterre. Les exportations frauduleuses de céréales furent très importantes avant 1804, alors elles cessèrent parce que, sous certaines conditions, exposées plus haut, la sortie du territoire français leur était permise, sauf en direction de l’Angleterre. Après 1810, malgré la remise en vigueur de l’interdiction d’exporter, il n’y eut pour ainsi dire pas de fraude, parce que les excédents de récoltes étaient absorbés par le marché intérieur.
Troisième explication de la contrebande : le fait qu’elle constituait, en elle-même, une activité lucrative faisant vivre un grand nombre de gens pour qui elle constituait, soit l’activité principale, soit un métier secondaire. Un simple porteur de marchandises prohibées pouvait recevoir, en une nuit, huit à seize lois le salaire quotidien d’un joumalier agricole. Que dire alors des gains réalisés par les assureurs qui, pour garantir les fraudeurs contre les pertes qu’ils pourraient subir du fait des saisies, percevaient des primes représentant au moins 2,5 % de la valeur des marchandises ? Que dire des grands organisateurs de la contrebande qui brassaient des affaires par centaines de milliers de francs, comme le banquier Schaafhausen de Cologne qui put payer aux douanes une amende de 100.000 francs, sans que sa fortune en soit ébranlée ? Ces grands entrepreneurs, le plus souvent négociants ou banquiers, adaptaient les courants de contrebande à l’extension progressive de l’emprise napoléonienne sur les côtes du continent. A la route Amsterdam-Rotterdam-Cologne, ils ont substitué la route Brême-Hambourg-Francfort, puis celle de Stettin-Dantzig-Leipzig, en même temps qu’en Alsace leurs << homologues >> strasbourgeois substituaient, à la route Milan-Suisse, où aboutissait tout le trafic originaire de Malte et de la Sicile, la liaison par Trieste et Munich, puis par Salonique et Vienne. C’est grâce à ces gros trafiquants que Cologne et Mayence, ainsi que Strasbourg en Alsace, ont collecté, durant toute la période tous les grands courants du trafic illicite. Le fait qu’un nombre difficile à déterminer de fonctionnaires des douanes et de la police, de la gendarmerie et de l’armée, de juges aussi, se laissèrent corrompre explique, en partie, le succès de la fraude.
Tout au long de la période, le tabac, les denrées coloniales, les étoffes, surtout de coton, figurent au premier rang dans les saisies opérées par les douaniers. Les autres articles, tels que la quincaillerie ou le coton en fil, se rencontrent de façon moins constante. A partir de 1810, la part du tabac augmenta en pourcentage, en raison de l’établissement du monopole d’Etat dans l’Empire et celle des denrées coloniales eut tendance à diminuer parce que les décrets de Saint-Cloud et de Trianon en permettaient l’introduction contre, il est vrai, le paiement de lourdes taxes.

La fortune des grands << contrebandiers >>

L’étude de l’influence de la contrebande sur l’économie de la rive gauche du Rhin peut servir à juger, tout d’abord, les résultats de la politique douanière de Napoléon. Pour ce qui est du tabac et des denrées coloniales, café, sucre, l’ampleur de la contrebande prouve que cette politique fut un échec à peu près total. Si l’on regarde, non plus du côté de l’État napoléonien mais du côté des populations, on peut penser que beaucoup de petits commerçants, pas assez riches pour s’approvisionner chez les gros entrepreneurs de contrebande, ont dû beaucoup souffrir de cette dernière. A Cologne, le commerce des denrées coloniales, au premier rang avant l’arrivée des Français, subit un choc qu’il ne put jamais retrouver son ancienne primauté. A l’égard de l’industrie, la fraude a eu des résultats divers. L’industrie du tabac souffrit au moins autant de la législation douanière que du monopole. La fraude aggrava sa situation car elle portait, non sur le tabac en feuilles, mais sur du tabac déjà préparé pour être fumé ou prisé. Avant l’arrivée des Français, elle était à Cologne, l’industrie la plus dynamique, la première par la valeur des produits fabriqués, la seconde par le nombre des ouvriers employés. À l’époque napoléonienne, la législation douanière et la fraude poussèrent nombre de fabricants à partir s’établir sur la rive droite. Par contre, dans l’industrie cotonnière, la contrebande ne put empêcher ni le développement du tissage ni celui, plus important encore, de la filature.
Parmi les conséquences, heureuses pour certains, de la contrebande, il faut rappeler qu’elle a fourni leur gagne-pain à beaucoup d’indigents et a permis la constitution de grandes fortunes parmi les entrepreneurs les plus importants. Pour Cologne, par exemple, la fraude fut un vrai pactole. Alors qu’avant l’arrivée des Français, il n’y avait que six négociants dont la fortune était estimée à plus de 150.000 F, en 1812, alors que le commerce licite avait diminué considérablement, les maisons dont l’avoir se montait à plus de 350.000 F n’étaient pas rares, il en était pour lesquelles il se montait à plus de deux millions. Cet argent, gagné dans la contrebande, devait, après 1814, s’investir dans le commerce et l’industrie et participer à l’essor économique de la région.
Pour ce qui est de l’influence de la contrebande sur l’esprit public, on remarquera que, sur la rive gauche du Rhin, il n’y eut pas, lors du départ des F’rançais, d’expédition punitive contre les douaniers, comme cela fut le cas à Hambourg et dans le grand-duché de Berg. Ce n’est pa; par hostilité au système français que les populations de la rive gauche commencèrent à se livrer à la fraude mais tous ceux qui avaient à souffrir des douaniers tendaient à devenir des opposants au régime qu’ils représentaient.

Francfort fut une des grandes plaques tournantes de la contrebande. Bertrand Gille, dans son étude sur les Rothschild (41 a) a montré comment, malgré le blocus, la ville sut développer considérablement ses fonctions financières. Ses banquiers s’orientent d’autant plus facilement sur Londres, que Napoléon tolérait la circulation des papiers d’affaires et des lettres de change entre l’Angleterre et le continent. Une des causes de l’ascension de l’illustre famille de banquiers réside, sans doute, dans l’habileté avec laquelle elle sut s’adapter au blocus continental. Avant celui-ci, Mayer Ainschel s’était déjà signalé dans la négociation du papier venant de Grande-Bretagne. Son fils Nathan, installé à Londres à partir de 1798, en expédiait en fraude vers Francfort : tissus, tabacs, sucre et autres denrées coloniales. Entre 1807 et 1811, à cinq reprises, la maison de Francfort eut maille à partir avec la police française, pour des affaires de contrebande, et s’en tira toujours grâce à la protection du prince-primat Dalberg. La famille se mit enfin en vedette lorsqu’il fallut adapter les deux systèmes de licences : l’anglais et le français. Ce fut la tâche de James, un autre fils de Mayer Amschel, installé à Paris. Il s’occupa activement du trafic licite des guinées anglaises que les smogglers débarquaient à Gravelines. En relations avec certains grands banquiers français, il échangeait son numéraire métallique contre les traites qu’ils avaient sur Londres et en tirait, au passage de substantiels bénéfices. Toute la famille participa au transfert des subsides anglais aux Alliés mais, au total, le plus important est bien que les activités des Rothschild confirment que, dans le domaine financier comme dans le domaine commercial, c’est en Allemagne que se joua le succès ou l’échec du blocus continental.

Les conséquences pour l’économie allemande

Quelles furent les conséquences du système douanier français, du blocus continental et du système continental, sur l’économie allemande, ou plu; exactement sur celle des pays allemands ?
Les travaux de Martin Kutz sur le commerce extérieur allemand permettent de dégager les grandes tendances des relations économiques anglo-allemandes et franco-allemandes à l’époque napoléonienne (42). Il est intéressant, pour une bonne connaissance du commerce anglo-allemand, de comparer ses données avec celles de François Crouzet (43).
Les chiffres des deux auteurs diffèrent pour les exportations. Kutz a cru devoir rectifier les données officielles britanniques, celles qu’a utilisées Crouzet, parce que la valeur réelle des exportations allemandes lui paraît avoir été sous-estimée. En proportion, les exportations anglaises furent plus touchées que les exportations allemandes mais, dans un sens comme dans l’autre, les années 1807 et 1808, 1811 et 1812, furent celles au cours desquelles le blocus continental fut le plus efficace.
Quoi qu’il en soit, l’évolution du commerce anglo-allemand est bien, durant cette période, le reflet des événements politiques. A partir de 1793, l’entrée en guerre de l’Angleterre contre la France s’est traduite par une spectaculaire augmentation des exportations britanniques de denrées coloniales en direction de l’Allemagne. En 1803, il y eut recul global des importations en provenance de Grande-Bretagne, en raison du blocus anglais des estuaires de l’Elbe et du Weser. À partir de cette date, on constate que les routes commerciales s’adaptent aux nouvelles conditions politico-militaires. Lorsque l’Elbe et le Weser sont bloqués par la France, le recul des exportations britanniques vers les villes hanséatiques est, à peu près, compensé par une augmentation des ventes anglaises à la Prusse et au Danemark, du moins tant que ces pays restent accessibles, ce qui ne fut pas le cas en 1807, 1808, 1811 et 1812, années où, dans ces régions, la surveillance française semble avoir été efficace. Le chiffre élevé atteint par les exportations anglaises en 1809 est à mettre en rapport avec le développement de la fraude sur les côtes allemandes de la mer du Nord lorsque Bourrienne était chargé des affaires à Hambourg et lorsque l’armée française était occupée en Espagne et sur le Danube. Que ce soit dans un sens ou dans l’autre, les chiffres des années 1807, 1808, 18 il et 1812 donnent l’image d’un commerce très perturbé par le blocus continental.

Pour la Grande-Bretagne, les pays allemands étaient considérés comme des fournisseurs de céréales et comme des acheteurs de produits manufacturés et de denrées coloniales.
Ces indices qui mesurent des valeurs ne rendent que très imparfaitement compte des quantités exportées, en raison des grandes variations des prix à la production (exemple 1804 et 1805), en raison, aussi du fait que la Grande-Bretagne importait moins lorsque ses propres récoltes étaient meilleures. Le recul constaté de 1806 à 1808 est à mettre au compte du blocus continental et du blocus anglais des côtes allemandes de la mer du Nord. La reprise qui s’amorce en 1809 est la conséquence du système de licences français. Kutz ne donne aucune raison du recul de 1811 et de 1812. Certes, on peut penser à l’efficacité du blocus continental mais, en 1811, ont dû venir s’ajouter les très gros achats faits, par le gouvernement français, en Allemagne du Nord, pour les départements de l’intérieur de l’Empire où la récolte avait été catastrophique. De la même manière, en 1812, les quantités disponibles pour l’exportation avaient été réduites en raison des énormes achats faits pour les troupes à la veille de la campagne de Russie.
François Crouzet a montré que les mesures prises par Napoléon, pour exclure les produits manufacturés de Grande-Bretagne des marchés allemands, avaient été, le plus souvent, couronnées de succès.
On retrouve, pour les années 1807, 1808, 1811 et 1812, l’efficacité, déjà signalée dans d’autres secteurs, du blocus continental ; il faut y ajouter que, durant la période, jamais les ventes anglaises de produits fabriqués à l’Allemagne, ne retrouvèrent le niveau de 1802 qui suivit la paix d’Amiens.

Des développements que Kutz a consacrés au commerce franco-allemand, il ressort que, sauf en 1797, en 1801, 1802 et 1803, le solde des échanges fût toujours favorable à la France et souvent de façon considérable. Il faut toutefois remarquer que, dans les statistiques françaises, figurent sous la rubrique << Allemagne >> des marchandises transitant par voie de terre pour la Russie, la Scandinavie, les Balkans, l’Autriche, toutes régions pour l’approvisionnemcnt desquelles les foires de Leipzig jouaient un grand rôle, et que les sources officielles, et pour cause, ignorent la contrebande même si celle-ci ne fut peut-être pas toujours aussi importante quc pouvaient le laisser supposer les plaintes des industriels français. De 1798 à 1813, les états allemands furent les premiers clients de la France ; de 1801 à 1804 et de 1809 à 1813, ils furent également ses premiers foumisseurs, ses seconds en 1808, ses troisièmes en 1799 et de 1804 à 1807, ses quatrièmes en 1798.

Alors qu’avant 1789, les deux tiers des importations allemandes venant de France se faisaient par les villes hanséatiques, cette proportion ne cessa de baisser à partir du début des guerres révolutionnaires, si bien qu’à partir de 1798 (an VII, la voie de terre l’emporta sur la voie maritime. Jamais les villes hanséatiques ne devaient, après 1815, retrouver le rôle qui avait été le leur avant la Révolution, de principal importateur et redistributeur des produits venus de France. Une des principales raisons de ces changements était que les Anglais avaient pris la place des Français comme pourvoyeurs de l’Allemagne en produits coloniaux. D’une façon générale, le mouvement des importations allemandes est le reflet des événements politiques, militaires et diplomatiques : le recul constaté en 1800 (an VIII) est la conséquence des guerres de la deuxième coalition, la hausse est continue entre la paix de Lunéville (an IX) et 1806, le recul de 1807 est dû aux difficultés qui opposent la Prusse à Napoléon, etc. Selon Kutz, le haut niveau atteint en 1810 est provoqué, en grande partie, par la baisse des prix français en raison de la crise économique. Il est certain que, du fait du blocus anglais, la France a perdu définitivement son rôle de fournisseur de l’Allemagne en denrées coloniales, mais une bonne partie des pertes qu’elle a subies de ce côté ont été compensées par un accroissement dans l’exportation des produits fabriqués, y compris les textiles. De ce point de vue, le système continental a permis à la France de renforcer, en Allemagne, sa position de fournisseur de produits industriels.
Le commerce extérieur de l’Allemagne ne fut pas seul à subir l’influence du système protectionniste français, des blocus et du système continental. Les travaux de Schwann sur la chambre de commerce de Cologne (45), ceux de Eckert, de Gothein, de Kuske sur la navigation rhénane (46), ont mis en lumière l’influence des bouleversements survenus entre 1797 et 1813 pour le commerce du Rhin. Sans chercher à faire la part de l’accidentel et du durable, il faut constater, au moins pour les pays de la rive gauche du Rhin, 1deg./ que le transit recula considérablement devant le commerce spécial : importations et exportations ; 2deg./ que les exportations l’emportèrent de beaucoup sur les importations mais que, les statistiques, et pour cause, ne tenaient pas compte de la contrebande qui a dû, certainement, faire remonter le total réel des importations à un niveau qu’il ne sera, sans doute, jamais possible de connaître ; 3deg./ que ces changements se sont traduits par un renversement des courants commerciaux sur le fleuve, avant l’arrivée des Français, le trafic Nord-Sud était le plus important, à l’époque napoléonienne ce fut le contraire (47).
La vie des grandes foires allemandes fut elle aussi profondément troublée. Celles de Francfort furent désertées par beaucoup de marchands qui n’y revinrent plus après 1815 et ne retrouvèrentjamais leur ancienne splendeur (48). Celles de Leipzig, plus éloignées des douaniers de l’Empereur, purent, non sans perturbations, maintenir leur ancienne importance, grâce à la vente des marchandises introduites en fraude sur le continent et grâce à la valorisation des routes terrestres pour les échanges avec les pays de l’Est européen.

L’industrie allemande, victime de la bourgeoisie française ?

Depuis longtemps un grand débat est ouvert à propos de deux grandes questions touchant l’influence de la politique économique française en Allemagne, c’est-à-dire au système continental vu sous ses aspects économiques : 1deg./ cette politique a-t-elle favorisé le développement de l’industrie allemande, en mettant un frein à la concurrence britannique ? 2deg./ au contraire, ne lui a-t-elle pas nui en faisant de l’Allemagne une chasse gardée pour les produits de l’industrie française et en excluant les produits fabriqués allemands de l’immense marché que constituait l’Empire des cent trente départements ?
Les excellents travaux de Künig sur l’industrie cotonnière de Saxe, ceux de Charles Schmidt sur le grand-duché de Berg, de Richard Zeyss sur l’industrie dans le département de la Roër ont, pendant longtemps, fait triompher l’idée que le protectionnisme français avait favorisé le développement des industries de la rive gauche du Rhin, frappé durement celles du pays de Berg privées de tout débouché en France, tandis que l’industrie cotonnière saxonne avait dû sa prospérité à l’élimination de la concurrence britannique et à son éloignement des douaniers de l’Empereur, ce qui avait favorisé ses approvisionnements en matières premières (49). En 1914, et entre les deux guerres,les études de Tarlé (50) sont venues confirmer ce qui, dans les thèses précédentes, intéressait les états de la rive droite du Rhin mais les départements de la rive gauche ont été, à leur tour, présentés comme des victimes de la bourgeoisie française. Sans aller tout à fait jusque-là, l’historien est-allemand Hans Mottek dont F.-G. Dreyfus a adopté les conclusions (51), pense que la domination française s’est traduite, à partir de 1800 ou 1805, par un ralentissement considérable des progrès de l’industrie dans les pays de la rive gauche du Rhin et que,sur la rive droite, sauf en Saxe,l’industrie allemande a beaucoup souffert de la domination napoléonienne. Au fond, il n’existe qu’un seul point d’accord entre ces interprétations successives : les progrès de l’industrie en Saxe. Que penser de ces interprétations successives et souvent divergentes ?
Deux points ne souffrent aucune discussion : le recul des importations de produits manufacturés anglais, l’augmentation des ventes françaises de ces mêmes produits à l’Allemagne.
On constate donc un recul, souvent très sensible, des exportations de produits manufacturés britanniques vers l’Allemagne qui, à aucun moment de la période, ne retrouveront leur niveau de 1802. Toutefois, en 1804 et 1805, puis en 1809 et 1810, se produit un accroissement notable des exportations anglaises de ces mêmes produits, respectivement vers la Norvège et le Danemark, puis vers la Suède, accroissement qui, selon toute vraisemblance, s’est traduit par une amplification de la contrebande en direction de l’Allemagne.

En 1804, puis de façon continue de 1806 à 1812, les exportations françaises de produits industriels à destination dépassèrent, en valeur les exportations anglaises. Il faut attendre, toutefois, 1810, pour que la valeur totale des importations allemandes de produits fabriqués français et anglais dépasse le niveau constaté en 1802. Faut-il en conclure, qu’entre temps, la production industrielle allemande avait augmenté et, du même coup, rendu moins nécessaire le recours aux importations ? Il est impossible de le vérifier. Il est, en outre, peu probable que le pouvoir d’achat des consommateurs allemands se soit accru au point d’être la seule cause du chiffre très élevé atteint, en 1810, par les importations allemandes de produits fabriqués. Il faut, sans doute, comme le suggère M. Kutz, penser que d’importantes quantités de produits fabriqués français ne faisaient que transiter, à travers l’Allemagne, en direction d’autres marchés.

On ne peut nier que les produits industriels français ont bénéficié, sur le marché allemand, dans une proportion qui serait à vérifier, de l’élimination, au moins partielle des produits britanniques. Toutefois, des travaux récents ont montré que l’Allemagne ne s’était pas laissé aussi facilement envahir par les produits français que certains avaient pu le croire. La publication qu’a faite Bertrand Gille des procès verbaux du Conseil général des Manufactures de l’Empire français est remplie des plaintes que les industriels français émettent en 1810 et 1811 devant les difficultés qu’ils éprouvent à trouver des débouchés outre-Rhin (55). La concurrence qu’ils rencontraient du fait des industriels allemands est confirmée par l’échec éprouvé par Oberkampf, le grand industriel français du coton, lorsqu’il tenta de se constituer une clicntèle outre-Rhin, échec signalé par Bergeron (56).

Les analyses les plus récentes confirment l’opinion déjà ancienne selon laquelle les industries de la rive gauche du Rhin, qui avaient déjà connu une brillante croissance à la fin du XVIIIe siècle, tirèrent le maximum d’avantages du système protectionniste français auxquelles elles jurent soumises à partir de 1798. Herbert Kisch l’a démontré dans une étude consacrée à l’industrie textile des régions du Rhin inférieur, dans laquelle il a mis en évidence l’heureuse influence du système douanier français et celle de l’intégration de la contrée au vaste marché de l’Empire français où la Rhénanie trouva des débouchés pour ses produits et put s’y fournir en outillage moderne fabriqué, en particulier, dans la région de Liège. Ceci a conduit H. Kisch à écrire : << French domination proved, in its long run effect a true blessing >> (57). Kisch a également comparé la situation de deux industries textiles allemandes, l’une située à l’abri de la ligne douanière française, celle de Rhénanie, l’autre, celle de Silésie, située en dehors et il a mis en lumière les avantages qu’avait pu en tirer la première et, en particulier, la facilité avec laquelle elle s’adapta aux déplacements de frontières de 1814 et à la crise économique générale qui suivit la fin de la guerre (58). Les recherches d’Herbert Milz sur la grande industrie à Cologne confirment ce qui précède (59). Au déclin considérable, déjà signalé, de l’industrie du tabac, s’oppose la prospérité de celle du coton, de la soie, de la dentelle, du cuir, tandis que la fabrication du sucre de betterave fait des débuts prometteurs (60). Grâce au protectionnisme français, l’industrie cotonnière fut celle qui remporta les plus brillants succès : inexistante en 1789, elle comptait, en 1811, 29 entreprises employant 1 675 ouvriers. Le capital investi était passé de 150 000 F en 1800 à 3 millions en 1810, la valeur de la production de 150 000 F en 1800 à 4 348 000 en 1811, dont 500 000 étaient exportés surtout vers les royaumes d’ltalie et de Naples. Les bénéfices nets d’exploitation passaient de 25 000 F en 1800 à 450 000 F en 1810. C’est dans la filature que les progrès furent les plus spectaculaires.

Certes, ce fil coûtait cher : 20 F le kilogramme, en 1811, lorsqu’il était teint. Dans ces conditions, les étoffes que l’on en tirait étaient d’un prix plus élevé que celles que l’on pouvait trouver sur la rive droite. Les contrebandiers qui introduisaient les cotonnades de Saxe et de Suisse faisaient un tort considérable aux fabricants de Cologne. Il n’en reste pas moins vrai que, dans leur ensemble, les industries du coton de la ville, au douzième rang encore en 1800, occupaient, de très loin, le premier en 1810, tant par l’importance de la main-d’oeuvre, que pour le volume des capitaux investis, la valeur de la production et les bénéfices réalisés. Les études de Marieluise Schultheis-Friebe et d’Albrecht Eckhardt (61), respectivement sur le département de la Roër, le plus industrialisé de l’Empire (62), et sur celui du Mont-Tonnerre, pourtant essentiellement agricole, confirment qu’ily a eu notable accroissement de la production industrielle dans son ensemble, que celle-ci a été importante dans l’extraction charbonnière, la métallurgie même primaire, la soie et la laine, et spectaculaire dans l’industrie cotonnière. Marieluise Schultheis-Friebe émet un jugement prudent et balancé : << L’influence de la politique économique napoléonienne dans ce qu’elle eut de favorable pour le développement économique du département de la Roër dépassa, jusqu’en 1810/11, ses conséquences néfastes >>. Pour le Mont-Tonnerre, Eckhardt conclut de la même façon, tout en prévenant que, de toute manière, en ce domaine, le dernier mot n’est jamais dit. Il est sûr, quoi qu’il en soit, que les effet bénéfiques du protectionnisme français pour l’industrie de la rive gauche du Rhin, se sont prolongés bien audelà de 1810/11 comme le donne à penser la manière dont, après 1814, elle a su s’adapter aux nouvelles conditions politico-économiques qui lui furent imposées.
Pour les pays de la rive droite du Rhin, Louis Bergeron avait montré, il y a quelques années (63), que globalement, la politique napoléonienne n’avait pas nui au développement des industries. Les travaux sur lesquels il fondait son opinion, et ceux parus depuis, confirment qu’un des grands acquis des recherches historiques des dernières années est d’avoir mis fin au mythe d’une Allemagne prospère et d’une Allemagne en proie aux pires difficultés selon qu’elle se trouvait en-deçà ou au-delà de la ligne des douanes françaises. Peut-être ne faudrait-il pas tomber dans l’excès contraire et oublier, du même coup, que si la région cis-rhénane a pris de l’avance sur le reste de l’Allemagne, c’est bien en raison de son rattachement à la France. Il faudrait se garder d’oublier, par exemple, que nombreux furent les fabricants de quincaillerie et d’étoffes du pays de Berg qui demandèrent à s’installer sur la rive gauche. De 1810 à 1812, sur 38 demandes d’implantation de nouvelles entreprises à Cologne, la moitié émanait de gens du duché de Berg qui, dans cette guerre économique, voulaient être du bon côté de la barricade.
Le grand-duché de Berg a certes beaucoup souffert de la politique douanière française (64). Toutefois il apparaît, ainsi que l’a montré Herbert Kisch, que dans le textile la crise a été tardive et n’est apparue qu’en 1809, et qu’elle ne fut durement ressentie que parce qu’elle faisait suite à une longue période de prospérité, commencée vers 1760 et qui s’était, en quelque sorte, nourrie de l’effacement de la production française durant la Révolution. Kisch affirme en outre que la fermeture du marché français et la perte des débouchés d’outre-mer ne peut tout expliquer. Il faut sans doute aussi incriminer des difficultés d’ordre structurel, telles que le vieillissement de certaines installations et les salaires trop élevés. L’extraction houillère ne semble pas avoir beaucoup progressé dans la région de la Ruhr mais, ainsi que l’a montré Guy Thuillier (65), le blocus continental en faisant monter les prix du charbon a permis aux entreprises de réaliser des profits exceptionnels qui leur ont permis de faire un gros effort de modemisation et de combler le retard technique dont leurs exploitations souffraient face à celles des bassins belges et français.
Bergeron a également rappelé la Gründergswelle qui a caractérisé l’industrie textile du pays de Bade, notamment dans le coton, entre les années 1806 et 1812 et qui ne fut pas anéantie par la fin du blocus. Celui-ci devait également stimuler l’industrialisation de la Bavière. On sait depuis les travaux de Kônig, confirmés par ceux de Forberger (66), que le blocus a permis à l’indu strie cotonnière saxonne d’être débarrassée de la concurrence britannique et de conquérir de nouveaux débouchés à l’est et au sud-est du continent.
Pour conclure, il faut citer H. Kutz : << Le rôle réservé à l’Allemagne durant le système continental ne doit pas avoir été, économiquement parlant, tellement mauvais ; certes, beaucoup d’industries traditionnelles ont sévèrement souffert, mais les avantages dûs aux conséquences vérifiables du régime de contrainte économique de Napoléon doivent avoir été considérables et ont, vraisemblablement au-delà de ce qui concerne la seule économie, compensé les pertes subies par les anciennes industries >> (67). On se permettra d’ajouter qu’il ne faut pas, juger les conséquences du protectionnisme français, du blocus et du système continental, uniquement en fonction de la production, qu’il faut aussi tenir coiupte de la situation des consommateurs, car que pouvaient bien signifier les notions de progrès ou de stagnation de l’industrie pour des gens que le blocus privait de sucre, de café, de tabac ? Marx l’avait bien compris qui pensait que la pénurie de sucre et de café << occasionnée par le système continental napoléonien >> avait entraîné les Allemands à la révolte et constitué << la base réelle des glorieuses guerres de libération de 1813 >> (68).

Notes

 (1) Jouvenel (de) B., Napoléon et l'économie dirigée. Le Blocus continental, Paris, 1942, p.59.
(2) Dunan, M., Napoléon et l'Allemagne. Le système continental et les débuts du royaume de Bavière 1806-1810, Paris, 1942, spécialement ses deux exposés fondamentaux : " I. Le Blocus continental, II. La défensive et l'offensive économique française ", p. 273-288, 321-333, notes p. 674-688, 686-718.
(3) Dunan, M., Napoléon et le système continental en 1810, in Revue d'Histoire diplomatique, 60è année, 1946, p.71-98.
(4) Dunan, M., l'Italie et " le Système continental ", in Revue de l'Institut Napoléon, T.96, 1965, p. 176-192.
(5) Dunan, Napoléon et l'Allemagne, p. 294-295.
(6) C'est ce qui a été établi par Dufraisse, R., Blocus et système continental : la politique de Napoléon. Etat des travaux, in Revue de l'Institut Napoléon, Bd. 99, 1966, p. 65-78 ; du même, Régime douanier, blocus, système continental : essai de mise au point, in Revue d'Histoire Economique et Sociale, T.XLIV, 1966, p. 518-543.
(7) Thépot, A., Un nouveau colbertisme, in Mistler, J. (édit.), Napoléon et l'Empire, Paris, 1979, T.I, p. 282-309 ; Bouvier, J., l'Empereur et les gens d'affaires, Edb., p. 283-284 ; Crouzet, F., Le premier blocus continental, Edb., p. 220-227.
(8) Clinquart, J., L'administration des douanes sous la Révolution, p.p. Association pour l'histoire de l'Administration des Douanes, Neuilly-sur-Seine, 1978, P. 43-52. Bon résumé dans Bastid, J., Les Douanes, Paris, 1959, p. 9 f.
(9) Résumé de la législation sur le commerce extérieur des céréales in Dufraisse, R., La contrebande dans les départements de la rive gauche du Rhin à l'époque napoléonienne, in Francia, Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, P.P. Deutschen Historischen Institut in Paris, T.1, 1972, p.510.
(10) Sur le régime douanier français appliqué à l'industrie, Dufraisse, Régime douanier, p. 534.
(11) Edb., p. 532-534 ; La contrebande, p. 510-511.
(12) Clinquart, J., L'administration des douanes en France sous le Consulat et l'Empire (1800-1815), p.p. Association pour l'histoire de l'Administration des douanes, Neuilly sur Seine, 1979, p. 136-142.
(13) Schmidt, Ch., Le Grand duché de Berg (1806-1813), Etude sur la domination française en Allemagne sous Napoléon Ier, Paris, 1905, p.370 ff.
(14) Tarlé E., Deutsch-französiche wirtschaftsbezeihungen zur Napoleons zeit, in Schmollers jahrbuch für gesetzgebung, verwaltung und volkswirtschaft im Deutschen Reich, T. 38, 1914, p. 167-212 ; du même, Napoléon et les intérêts économiques de la France, in Revue des Etudes napoléoniennes, T. XXVI, 1926, p. 117-137 ; du même, L'Union économique du continent européen sous Napoléon. Idées et réalisations, in Revue Historique, T. 161,1931, p. 239-255.
(15)Narotchnitzki, A. L., De l'importance historique du blocus continental, in Bilan du monde en 1815, rapports conjoints, p.p. Comité international des Sciences Historiques. XIIè Congrès international des Sciences Historiques, Vienne, 29 août-5 septembre 1965, Paris, 1966, p. 39-49 (p. 41 : " (le blocus) était un instrument de domination de la bourgeoisie française sur les marchés européens et servait à réprimer le développement de l'industrie nationale dans les pays du continent européen ").
(16) Voir, à ce propos, la très brève mais suggestive étude de Halkin, L. E., Napoléon contre l'Europe, in Napoléon et l'Europe, p.p. Commission internationale pour l'enseignement de l'Histoire, Paris, 1961, p. 121-124.
(17) Crouzet, F., Wars, Blockade and Economic Change in Europe, 1792-1815, in The Journal  of Economic History, T. XXIV, 1964, p. 567-588 ; traduction allemande, Kontinentalsperre und wirtschaftliche Veränderungen in Europa, 1792-1815, in Sieburg, H.-O., (édit.), Naoleon und Europa, N. W. B., Köln, 1971, p. 231-250.
(18) Tarlé E., Napoléon. Traduit du russe par J. Champenois, Moscou, s.d. (1958), p. 316-317.
(19) A l'époque napoléonienne, les industriels du pays de Berg, rive droite du Rhin, ne s'y trompèrent pas qui cherchèrent, soit à s'installer sur la rive gauche, soit à faire supprimer la ligne douanière les en séparant.
(20) Clinquart J., L'administration des douanes...Consulat et Empire.
(21) Ebd., p. 155.
(22) Sur les difficultés rencontrées par les " douanes extérieures ", dans le grand duché de Berg et dans les villes hanséatiques, voir les documents très importants publiés par Clinquart, L'administration des douanes...Consulat et Empire, p. 367 à 380.
(23) Dufraisse, La contrebande, p. 512-513.
(24) Ebd., p. 510-511 (concerne toutes les facilités d'importation consenties en faveur de la rive gauche du Rhin).
(25) Ebd., p. 511.
(26) Crouzet, Le premier blocus, p. 150-157, (voir le texte du 29 décembre 1809 concernant la contrebande dans la région de Wesel : " M. Turc, directeur, de la douane à Clèves est désigné depuis longtemps comme fauteur de la contrebande... le prince Louis de Salm qui réside à Anhalt est le premier contrebandier de son pays... Il a pour associés un conseiller de la Régence et un orfèvre d'Anhalt) ; du même, le second blocus, S. 220-227.
(27) Crouzet, Le premier blocus, p. 152.
(28) Dunan, Système continental en 1810, p.91. L'auteur dit expressément qu'il s'agissait d'établir " une égalité de système sur le continent " et que la Prusse, la Russie, le Danemark, la Suisse, Naples et " tous les princes de l'Allemagne " furent invités à appliquer les décrets.
(29) Ebd., p. 92.
(30) Ebd., p. 95. Il faut y ajouter tous les lieux dont  le Moniteur donne complaisamment la liste : Hambourg, Hanovre, Berlin, Bayreuth, Darmstadt, Wiesbaden, Giessen, Arenberg, Kempten, Ansbach, Würsbourg, Rostock, Oldenbourg, Lübeck, Cuxhaven, Offenbach, Guestendorf, Aschaffenbourg, Bernburg, Munich, Detmold, Leipzig, Mannheim, Rastadt, Baden, Hechingen, Coburg, Weimar, Iéna, Eisenach, Memmingen, Dessau, Koethen, Gera, Schleitz, Sondernhaussen, Rudolstadt, Ulzen, Straubing, Passau, Freising, Brême, etc.
(31) L'Huillier F., Etude sur le blocus continental. La mise en vigueur des décrets de Trianon et de Fontainebleau dans le grand duché de Bade, Paris, 1951.
(32) Ebd., p. 24-25.
(33) Supra n. 2.
(34) Dunan, Napoléon, p. 291, 682.
(35) Ebd., p. 315, 703.
(36) Ebd., p. 333.
(37) Crouzet F., L'Economie britannique et le blocus continental, Paris, 1958.
(38) Mistler J., Hambourg sous l'occupation française. Observations au sujet du blocus continental, in Francia, Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, p.p. Deutsche Historischen Institut in Paris, T. 1, 1972, p. 451-466.
(39) Ponteil F., La contrebande sur le Rhin au temps du Premier Empire, in Revue Historique, T. 175, p. 257-283 ; Bertrand J., La cour prévôtale des douanes de 1811 à 1814, Faculté des Lettres de Nancy, mémoire pour le Diplôme d'Etudes Supérieures, 1951 (manuscrit) ; du même auteur, La contrebande à la frontière de l'Est en 1811-1812-1813, in Annales de l'Est, 1953, p. 273-305 (ces deux études montrent avec intelligence tout le parti que l'on peut tirer de l'utilisation des archives judiciaires pour l'étude de la contrebande) ; Dufraisse R., Contrebandiers normands sur les bords du Rhin à l'époque napoléonienne, in Annales de Normandie, 11è année, 1961, p.209-232.
(40) L'Huillier F., Recherches sur l'Alsace napoléonienne, Paris, 1947, p. 334-365 ; Dufraisse R., Les fonctions commerciales de l'Alsace napoléonienne, in Saisons d'Alsace, T. 5, p. 39-54.
(41) Dufraisse R., Contrebandiers, p. 228 ; du même, la contrebande, p. 513, tout ce qui a trait à la fraude sur la rive gauche du Rhin est tiré de cette dernière étude à laquelle on se permet de renvoyer une fois pour toutes.
(41a) Gille B., Histoire de la maison Rothschild, T. I : des origines à 1848, Genève, 1965.
(42) Kutz M., Deutschlands Aussenhandel von der französichen Revolution bis zur Gründung des Zollvereins. Eine statistiche Strukturuntersuchung zur vorindustriellen Zeit, in VSWG, cahier 61, 1974.
(43) Crouzet, Economie britannique, p. 883, 889.
(44) Calculé d'après Archives Nationales (Arch. Nat.) Paris, F. 12/251.
(45) Schwann M., Geschichte der Kölner Handelskammer, T. I, Köln, 1906.
(46) Eckert, Ch. Rheinschiffahrt im 19. Jahrhundert, in : Schmoller, G. (édit) Staats-und socialwissenschaftliche Forschungen, T. 18, cahier 1, Leipzig, 1900 ; Gothein E., Geschichtliche Entwicklung der Rheinschiffahrt im XIX. Jahrhundert, in Die Schiffahrt der deutschen Ströme, T. 2 (Schriften des Vereins für Sozialpolitik), Leipzig, 1903 ; Kuske B., Die Rheinschiffahrt zwischen Köln und Düsseldorf vom 17. bis 19. Jahrhundert (mit einer Darstellung der älteren  Kölner Schifferverbände), in Beiträge zur Geschichte des Niederrheins, T. 20, Dusseldorf, 1906, p. 250-254 ; ders., Die Bonner Schiffahrt im 18. Jahrhundert, in Anaalen des Historischen Vereins fin den Niederrhein, Heft 81, 1906, S. 1-48 ; du même, Der Kölner Stapel und seine Zusammenhänge als wirt-schaftspolitisches Beispiel, in Jb. des Kölnischen Geschichtsvereins, T. 21, 1939, p. 1-46.
(47) Dufraisse, Les fonctions commerciales, p. 39-54.
(48) Dietz A., Frankfurter Handelsgeschichte, T. I-IV (1-2), Leipzig, 1910-1925.
(49) König A., Die sächsische Baumwollenindustrie am Ende des vorigen Jahrhunderts und während der Kontinentalsperre, Leipzig, 1889 ; Schmidt, Grand-duché de Berg ; Zeyss, R., Die Entstehung der Handelskammern und die Industrie am Niederrhein während der französischen  Herrschaft. Ein Beitrag zur wirtschaftlichen Politik Napoleons Leipzig, 1907.
(50) p. v. note 14.
(51) Mottek, H./H. Blumberg/H. Wutzmer/W. Becker, Studien zur Geschichte der industriellen Revolution in Deutschland, Berlin, 1960, p. 19-23 ; Mottek, Wirtschaftsgeschichte Deutschlands. Ein Grundiss, T. II, Von der Zeit der französischen Revolution bis zur Zeit der Bismarckschen Reichsgründung, Berlin, 1964, p. 43-55, 78-118 ; Dreyfus, F.G., Bilan économique des Allemagnes en 1815, in Revue d'Histoire Economique et Sociale, 1965, p. 434-454.
(52) Les données numériques pour la Grande-Bretagne sont tirées de Crouzet, économie britannique, p. 885, et pour la France, de Arch. Nat. F 12/251.
(53) Crouzet, économie britannique, p. 885.
(54) Ebd. ; Arch. Nat. F 12/251
(55) Gille B., Le Conseil Général des Manufactures. Inventaire analytique des procès-verbaux, 1810-1829, Paris, 1961.
(56) Bergeron, L., Remarques sur les conditions du développement industriel en Europe occidentale à l'époque napoléonienne, in Francia, Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, p.p Deutschen Historischen Institut in Paris, T. 1, 1972, p. 554.
(57) Kisch H., The impact of the French Revolution on the lower Rhine textile districts, in Economic History Review, Bd. XV, S. 304-327.
(58) Kisch H., The textiles industries in Silesia and the Rhineland. A comparative study in industrialization, in Journal of Economic History, T. XIX, 1959, p. 541-564.
(59) Milz H., Das Kölner Grossgewerbe von 1750 bis 1835, in Schriften zur rheinisch-westfälischen Wirtschaftsgeschichte, p.p. Rheinisch-westfälischen Wirtschaftsarchiv zu Köln, N.F. Bd. 7, 1962.
(60) Kellenbenz H., Die Zuckerwirtschaft im Kölner Baum von der napoleonischen Zeit bis zur Reichsgründung, p.p. Industrie - und Handelskammer zu Köln, Köln, 1966.
(61) Schultheis-Friebe, Ml., Die französische Wirtschaftspolitik im Roër-Departement 1792-1814, Phil. Diss. Bonn, 1969 ; Eckhardt A., Die Industriestatistik des Departement Donnersberg (Hauptstadt Mainz) von 1811, in Geschichtliche Landeskunde, Veröffentlichungen des Instituts für geschichtliche Landeskunde an der Universität Mainz, T. VII, 1972, p. 140-208.
(62) Dufraisse, L'industrialisation de la rive gauche du Rhin à l'époque napoléonienne, in Napoléon et l'industrie, Souvenir Napoléonien, N°. 257, 1971, p. 28-33.
(63) Bergeron, Développement industriel, p. 542-546.
(64) Ebd., p. 547.
(65) Thuillier G., Les houillères de la Rhur, in Annales E.S.C., XXXIè année, 1960, p. 882-897.
(66) Forberger R., Die Manufaktur in Sachsen, Berlin, 1958.
(67) Kutz, Deutschlands Aussenhandel, S. 131.
(68) Marx K., L'idéologie allemande, 1845.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
389
Numéro de page :
5-24
Mois de publication :
juin-juillet
Année de publication :
1993
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