Premier acte de la Première Campagne d’Italie. Les opérations

Auteur(s) : JOURQUIN Jacques
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Premier acte de la Première Campagne d’Italie. Les opérations

En Italie la France se trouvait en présence de l'Autriche qui y possédait la Lombardie (capitale Milan) et du Royaume de Sardaigne à qui appartenait le Piémont (capitale Turin).
À part les Républiques de Gênes et de Venise qui gardaient une vague neutralité, tous les autres États ou principautés de la Péninsule faisaient cause commune avec l'Autriche.
L'Angleterre fournissait des subsides et une de ses flottes croisait au large de la Riviera.
L'armée d'Italie formée en 1792, luttait depuis quatre ans dans les défilés des Alpes. Elle avait conquis très rapidement Nice et la Savoie ; mais de 1793 à 1795, ce n'était qu'aux prix de grands sacrifices qu'elle avait pu s'élever d'échelon en échelon jusqu'à la crête des grandes Alpes et s'y maintenir.

Les forces en présence

Au début d'avril, au moment où Bonaparte vint en prendre le commandement en remplacement du vieux général Scherer, cette armée positionnée le long de la côte, occupait les emplacements suivants :
Avant-garde. ­ Masséna (18 000 h) : 2 divisions (Laharpe et Meynier) à Savone et Finale dont 1 brigade (Pijon) poussée à Voltri.
Division Augereau : à Loano, Albenga.
Corps principal (27 000 h). ­ Division Sérurier : Haute vallée du Tanaro. Division Macquart : Haute vallée de la Roya. Division Garnier : Sur la Tinée et la Vésubie.
Trois divisions de la Côte à faible effectif, gardent le littoral depuis Toulon et Nice, etc.
La cavalerie (Stengel) sur le Bas-Rhône ne rejoindra à Oniglia (Oneille) que fin avril.
En face de l'armée républicaine, l'armée austro-sarde maîtresse des pentes septentrionales de l'Apennin était en quartiers d'hiver au sud d'Alexandrie dans le dispositif suivant :
À droite, l'armée sarde de Colli (20 000 hommes) autour de Ceva et Mondovi.
À gauche, 30 000 Autrichiens sous les ordres directs de Beaulieu entre Novi et Gavi.
Au centre, le corps autrichien de d'Argenteau (10 000 hommes) sur la Bormida, de Dego à Acqui.
Enfin, un corps de liaison de 5 000 Autrichiens sous Provera vers Millesimo.
Les Sardes et les Autrichiens doivent agir de concert et prendre l'offensive en Provence avec la coopération de la flotte anglaise.
En résumé et défalcation faite des troupes nécessaires à la garde du littoral, les forces mobiles dont va disposer Bonaparte s'élèvent en infanterie à un peu plus de la moitié de celles de ses adversaires ; elles ne disposent que d'une cavalerie insignifiante et de seulement 40 pièces attelées contre près de 200.

Le plan de Bonaparte

Connaissant « comme sa poche » l'Italie, où il avait opéré en 1794, connaissant encore mieux les hommes, dont il savait tirer parti, prudent et audacieux à la fois, le jeune général allait dès le début s'imposer comme un maître.
Disséminées sur une circonférence de 75 lieues pour garder les principaux passages des Alpes, les deux armées des Alpes et d'Italie se tenaient dans une vaine défensive.
C'est avec un plan offensif que se présente Bonaparte. Ce plan longuement médité, proposé dès 1794, consiste essentiellement à tourner la barrière des Alpes en se jetant avec toutes ses forces par le col de Cadibone sur le seuil de Carcare, centre du vide laissé entre les deux armées ennemies ; à séparer les Autrichiens des Sardes et à chercher à les battre successivement.
Étant inférieur en nombre à ses deux adversaires réunis, il va profiter de leur séparation initiale, de façon à prendre entre eux deux une position centrale d'où il manoeuvrera pour les écraser successivement.
Cette position centrale, il va la prendre par une rapide et brusque offensive sur le seuil de Carcare, dépression qui sépare les Alpes des Apennins, et où les montagnes s'abaissent à 400 mètres, au point de n'être plus que des collines praticables en tout temps.

1°) De Savone à Carcare il n'y a qu'une marche : il peut donc fondre sur l'ennemi instantanément et s'ouvrir du premier coup les portes du Piémont et de la Lombardie, Carcare étant précisément le point où convergent les deux grandes routes de Turin (par Ceva et Cherasco) et de Milan (par Dego, Acqui et Alexandrie).
2°) En outre, une fois l'armée française à Carcare, ses deux adversaires, séparés par les longs contreforts des Alpes et de l'Apennin où n'existent que de mauvais chemins, ne pourront en fait, se réunir que par la route Cherasco, Acqui, Novi, à 70 kilomètres plus au Nord.
3°) Enfin en se portant à Carcare, Bonaparte table sur l'individualisme de ses ennemis. En effet, de nationalités différentes, unis seulement par une antipathie commune, bien plus que par des sympathies réciproques, ils étaient déjà séparés moralement. Et il était à peu près certain qu'une fois l'armée française à Carcare, ils lui faciliteraient la tâche en prenant des lignes de retraite divergentes, pour s'empresser de couvrir directement leurs capitales respectives, Milan et Turin.

La manoeuvre de Montenotte

Dès sa prise de commandement, Bonaparte fait sentir partout son activité : il organise les convois et les approvisionnements, renforce les divisions actives par des éléments prélevés sur celles de la côte, installe ses avant-postes dans des positions fortifiées et bien choisies, met l'armée en état de passer à l'offensive d'un moment à l'autre, et prend toutes les dispositions préparatoires à sa manoeuvre.
Pour réussir son coup offensif sur le seuil de Carcare, il menacera de vouloir se porter d'une part sur Turin, de l'autre sur Alexandrie et la Lombardie.
 
1°) Vers Turin il prépare deux démonstrations : l'une, des divisions Macquart et Garnier par le col de Tende, l'autre de la division Sérurier, par la haute vallée du Tanaro.
De plus il organise à Ormea et à Garessio des magasins considérables qui achèveront d'abuser Colli, et qui d'ailleurs, une fois l'armée à Carcare, permettront de raccourcir ultérieurement la ligne de communication qui le relie à la France.
2°) Vers Alexandrie, il va retenir le gros des Autrichiens autour de Novi, en utilisant la pointe intempestive faite vers Gênes (la route de Gênes à Alexandrie passe par Novi) par la brigade Pijon portée à Voltri sur ordre de son prédécesseur, en vue d'appuyer une demande d'emprunt auprès du grand conseil et aussi de s'emparer des grands moulins de Voltri pour avoir la farine nécessaire à la subsistance de l'armée.
Jugeant qu'il était trop tard pour revenir sur cette mesure, et pensant que la retraite de cette brigade dévoilerait ses véritables intentions, plus sûrement que ne le faisait sa présence, il résolut de tirer parti de cette position et de la transformer en stratagème qui donnerait le change à Beaulieu. Il accentua donc le mouvement en la faisant renforcer par un détachement, de façon à faire croire à une marche de toute l'armée sur Gênes, bien convaincu d'ailleurs qu'avec le soutien qu'il lui envoyait, cette brigade serait en état de contenir l'ennemi jusqu'à l'exécution de ses projets définitifs.
3°) Enfin il concentre vers Savone le gros de ses forces (soit 28 000 hommes environ) avec lequel il compte le 15 avril entamer son opération sur Carcare.

Disposition et offensive des Autrichiens

Mis en éveil par le mouvement de la brigade Pijon sur Voltri, Beaulieu, prévenu d'ailleurs par le sénat de Gênes alarmé, s'était empressé de prendre toutes ses dispositions pour passer à l'offensive à la date du 10 avril.
Tandis que, lui, Beaulieu se porterait par Novi et le col de la Bochetta sur Voltri pour couvrir Gênes directement, le corps de d'Argenteau (10 000 hommes) marcherait par Montenotte sur Savone, pour couper la route de la Corniche à l'armée française, qu'on croit en marche sur Gênes.
Mais le général sarde Colli, dont les avant-gardes occupaient les hautes vallées de la Bormida et du Tanaro n'était même pas avisé du mouvement.

Le 10 avril, Beaulieu attaque à Voltri la brigade qui s'y trouve : celle-ci devant des forces supérieures, se retire en défendant le terrain pied-à-pied.
Quant à d'Argenteau qui s'était attardé, il attaque le 11 nos avant-postes de Montenotte et se voit immobilisé devant la redoute du Monte Legino par l'énergique résistance du chef de brigade Rampon.

Titre de revue :
Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro de la revue :
406
Numéro de page :
30-51
Mois de publication :
mars-avril
Année de publication :
1996
Année début :
mars
Année fin :
mai 1796
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