Dépenses de la Caisse des Théâtres pour l’année 1809
Chapitre I
Académie impériale de musique | 800 000 |
Théâtre de l’Opéra Comique | 96 000 |
Opéra Buffa | 120 000 |
Total du chapitre I | 1 016 000 |
Chapitre II
Au surintendant des spectacles (Rémusat) | 36 000 |
Au grand-maître des cérémonies (Ségur) | 48 000 |
Au directeur général des Postes (Lavalette) | 24 000 |
Au secrétaire d’État de la famille impériale (Regnaud de Saint-Jean d’Angély) | 24 000 |
A la disposition de la reine de Hollande (Hortense) pour le soulagement des pauvres | 60 000 |
A la disposition de Madame Mère | 60 000 |
A la disposition de la princesse Pauline | 60 000 |
A la disposition du Grand Aumônier (Fesch) | 60 000 |
Total du chapitre II | 372 000 |
Chapitre III
Pour l’acteur Talma | 24 000 |
Pour d’autres artistes (Mlle Duchesnois, Fleury, Lafond, Beaucourt, Levert, Laÿs, Mme Branchu, Mme Gardel, etc.) | 66 000 |
Total du chapitre III | 90 000 |
Solde
Sera donné en encouragement aux artistes, sous la surveillance du grand-maréchal (Duroc) | 322 000 |
Source : Archives nationales, 400 AP 137
Académie impériale de musique
Héritier de la prestigieuse Académie royale de musique fondée sous Louis XIV, l’Opéra se voit rebaptiser Académie impériale de Musique le 29 juin 1804, après avoir été successivement « Théâtre national », « Théâtre de la République et des Arts » et « Théâtre de l’Opéra ». Sis rue de la Loi (près de l’ancienne Bibliothèque Nationale), il bénéficie seul, dès le 25 avril 1807, du privilège de porter à la scène les pièces en langue française entièrement en musique. Bien que l’établissement soit placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, le chef de l’État approuve lui-même le répertoire avant même la législation contraignante de 1807. C’est d’abord la direction de l’Intsruction publique puis un préfet du palais (en l’espèce Legendre de Luçay) qui servent de « courroie de transmission » de ses volontés.
Cette mainmise est confortée par la désignation d’hommes de confiance aux postes clefs de l’administration dramatique. Ainsi, par un décret du 1er novembre 1807, Augustin-Laurent de Rémusat (1762-1823) est nommé à la tête de la Surintendance des spectacles. Cet ancien administrateur du Théâtre Français se voit confier la surveillance des quatre grandes scènes parisiennes subventionnées (Académie impériale de Musique, Opéra buffa, Théâtre de l’Opéra-comique et Théâtre-Français). C’est cet homme de confiance qui transmet les volontés gouvernementales au directeur de l’établissement, Louis-Benoît Picard (1769-1828).
L’organisation générale de l’Académie est précisée par le décret du 1er novembre 1807. L’administration est confiée à un directeur, un administrateur comptable, un inspecteur et un secrétaire général, tous trois nommés par l’empereur. Le directeur est défini comme « le principal responsable et le supérieur immédiat de tous les artistes » (art. 17). Il nomme à tous les emplois et préside le conseil d’administration composé de lui-même, de l’agent comptable, de l’inspecteur et de « trois sujets, les plus méritants pour leur probité, leurs talents et leur esprit de conciliation, désignés chaque année par le surintendant » (art. 19). Le conseil se réunit chaque semaine mais n’a qu’une voix consultative, la décision finale appartenant « dans tous les cas » au directeur. L’activité artistique est quant à elle divisée en plusieurs sections : chant, danse, orchestre. Au total, l’Académie impériale emploie entre 470 (1807) et 400 (1810) personnes.
Organisation de l’Académie impériale de Musique en 1813
Administration
Picard, membre de l’Institut, directeur Wante, administrateur comptable Despréaux, inspecteur général Bonnemer, caissier Courtin, secrétaire général
Conseil d’administration Picard (président), Courtin (secrétaire général), Wante, Despréaux, Lays, Gardel (membres)
Chant MM. Berton, Adrien, Lebrun et Plantade, maîtres chefs de scène
Danse M. Gardel, premier maître de ballet ; M. Milon, second maître de ballet
Orchestre M. Persuis, premier chef ; M. Rochefort, second chef
Services MM. Boutron (machiniste en chef), Hery (machiniste en second), Isabey (dessinateur, chef de l’atelier des décorations), Menageot (dessinateur des costumes), Rebory (inspecteur de la salle), Duclos (inspecteur du théâtre), Jamont et Mitthouard (gardes magasins), Demanse (préposé à la location). |
Le financement de l’Académie impériale de Musique consiste en une subvention mensuelle de 50 000 francs, à laquelle s’ajoutent 700 000 francs de recettes annuelles. Ces recettes se révèlent insuffisantes : pour la seule année 1810, elle accuse un déficit de 160 000 francs. Il est vrai que la moyenne de billets vendus par représentation ne dépasse pas les six cents, pour une salle de deux mille places.
De 1800 à 1815, on représente rue de la Loi une quarantaine d’opéras, opéras-ballets et tragédies lyriques. Longtemps, la période napoléonienne n’a pas été considérée comme très propice à la création dans ces domaines. On redécouvre aujourd’hui nombre d’œuvres oubliées datant de cette époque. Il n’en est pas moins vrai que la fonction laudative et représentative de l’Opéra a souvent pris le pas sur les considérations artistiques comme l’illustre Le triomphe de Trajan de Lesueur ou l’arrêt des représentations de Fernand Cortez ou La conquête du Mexique de Spontini, œuvre pourtant commandé par le souverain lui-même mais qui lui a déplu.
Théâtre impérial de l’Opéra-comique
Situé rue Feydeau, le théâtre de l’Opéra-comique est l’ancienne « comédie italienne » puis « théâtre de Monsieur ». Elle dispose d’une salle de 1 800 places et a fusionné avec la troupe du théâtre Favart (1801) afin de favoriser le retour à Paris des chanteurs et comédiens italiens, répertoire dont Napoléon est très friand. Finalement, le théâtre se consacrera à un autre genre. En 1805, Napoléon nomme le chambellan Auguste de Talleyrand à sa surveillance, en même temps qu’il entreprend de la subventionner (100 000 francs environ), plus une loge à 12 000 francs par an. Un arrêté du ministre de l’Intérieur du 8 juin 1806 dispose que l’Opéra-comique « est spécialement destiné à la représentation de toute espèce de comédies ou drames mêlés de couplets, d’ariettes ou de morceaux d’ensemble. Son répertoire est composé de toutes les pièces jouées au théâtre de l’Opéra-comique avant et après sa réunion à la Comédie-italienne pourvu que le dialogue de ces pièces soit coupé par du chant ». L’Opéra buffa et seria, sis au théâtre de l’Odéon, est considéré comme une annexe de l’Opéra-comique. Il ne doit représenter que des pièces en italien. Il a cependant sa propre administration avec un directeur général (Paër), un inspecteur des opéras italiens (Balocchi) et un administrateur comptable (Gobert).
Le théâtre est organisé autour des comédiens qui en sont sociétaires ou pensionnaires (sur le modèle du Théâtre-Français). Un commissaire impérial (Campenon) est nommé par le gouvernement.
Le théâtre impérial de l’Opéra-comique (hors Opéra buffa) réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ un million de francs.
Conservatoire impérial de musique et de déclamation
Le Conservatoire de musique et de déclamation est issu des initiatives des régimes ayant précédé le Consulat et l’Empire. Le 28 juin 1669 a été fondé par Louis XIV, une Académie royale de musique. Le 3 janvier 1784 a vu le jour l’École royale de chant et de déclamation, installée dans l’Hôtel des Menus Plaisirs à Versailles. Ces deux institutions sont les premiers signes d’une volonté de structurer et de formaliser l’enseignement des arts dramatiques et musicaux. Sur un projet de Marie-Joseph Chénier et par la loi du 16 thermidor an III (3 août 1795), la Convention décide une réforme du Conservatoire de musique. La nouvelle structure est gérée par un directoire composé de Gossec, Méhul, Cherubini et Sarrette. Les cours ouvrent le 23 octobre 1796, avec une équipe de 115 professeurs, l’établissement ayant pour mission essentielle de former des musiciens jouant des instruments à vent pour compléter les musiques régimentaires
En 1800, le compositeur Bernard Sarrette (1765-1858) devient directeur du Conservatoire dont les missions s’élargissent à l’art dramatique et à la danse, d’où son appellation de « Conservatoire de musique et de déclamation ». Il s’installe dans les locaux de l’ancienne École royale de chant, 11 rue du Faubourg-Poissonnière. Quatre cents élèves suivent les cours qui se divisent en deux écoles, une pour la déclamation et une pour la musique. L’administration est installée rue Bergère. Pour la musique, Sarrette est assisté d’un comité d’enseignement dont les « inspecteurs » sont Gossec, Mehul et Cherubini, avec Catel comme suppléant. Parmi les professeurs, on relève les noms de Kreutzer (violon), Paër (composition), Crescentini (chant), Rode (piano). Les correspondants étrangers sont des compositeurs aussi prestigieux que Paisiello (Naples), Salieri (Vienne), Zingarelli (Rome) ou Winter (Munich). Le comité d’enseignement pour la déclamation n’est pas moins bien composé avec Talma, Lafond, Baptiste ou Saint-Prix.
Ce Conservatoire coûte cher, si bien que son budget est divisé par plus de deux sous le Consulat (de 320 000 à 130 000 francs) et le corps professoral réduit à 54 professeurs. Sarrette n’en obtient pas moins, le 31 mars 1806, la création de deux pensionnats gratuits pour les élèves de chant, hommes et femmes. Un orchestre des élèves est crée en 1806 par François-Antoine Habeneck : c’est sous sa baguette que sont jouées pour la première fois en France les symphonies de Beethoven.
Écoles départementales de musique
Le projet abandonné par le Directoire de créer sur l’ensemble du territoire des succursales du Conservatoire de Paris est réactivé en 1801. Sont prévues : trente écoles de premier degré de quinze élèves, quinze écoles de second degré de quarante élèves et dix écoles de troisième degré de cent vingt élèves. Ces dernières doivent préparer les meilleurs élèves à intégrer le Conservatoire. Faute de moyens, ce grand programme ne sera pas mis en œuvre avant la Restauration.
Textes librement inspirés du Dictionnaire des institutions du Consulat et de l’Empire de Thierry Lentz, Pierre Branda, Pierre-François Pinaud et Clémence Zacharie