Initialement créée à Pont-à-Mousson en 1582, sous l’impulsion du duc Charles III de Lorraine et du cardinal de Guise, l’université de Lorraine est transférée à Nancy en 1768. À la veille de la Révolution, forte de ses quatre facultés – théologie, droit, médecine et arts –, elle est considérée comme l’une des 22 universités françaises les mieux équipées. Une première réorganisation de l’enseignement supérieur par le décret du 7 ventôse an III (25 février 1795) se traduit par la mise en place dans chaque département d’une École centrale, avant que la loi sur l’Instruction publique du 11 floréal an X (1er mai 1802) ne substitue aux Écoles centrales des Écoles spéciales. Ces dernières, dans le domaine juridique, ne sont plus que 12 pour tout l’Empire, Strasbourg assurant ce rôle pour tout l’Est de la France. Nancy disparaît à nouveau de la carte de l’enseignement supérieur.
Il faut attendre 1852 et l’obstination d’Auguste-Prosper Guerrier de Dumast pour que la question de l’enseignement supérieur à Nancy redevienne un sujet. Bien informé, il sait qu’un projet de loi prévoit la création d’académies, mais Nancy n’en fait pas partie. Une délégation du conseil municipal, menée par le baron, se rend à Paris le 3 mai 1852 et remet entre les mains du prince-président une demande officielle, qui est reçue favorablement. La loi du 14 juin 1854 crée finalement 16 académies, dont Nancy, ce qui se traduit par l’attribution, le 22 août 1854, d’une faculté des sciences et d’une faculté des lettres à Nancy. Mais ni la ville, ni Guerrier de Dumast, ne veulent s’arrêter là. Et dès l’automne 1854, les correspondances des différents acteurs locaux – le recteur récemment nommé, le maire, Guerrier de Dumast lui-même… – évoquent l’agrandissement des bâtiments universitaires, pour accueillir une école de médecine et une faculté de droit. L’idée de demander une nouvelle audience à l’Empereur est évoquée, mais on ignore si elle eut véritablement lieu. Le dossier est plaidé par le maire au ministère le 12 octobre 1854. La mise à l’étude, par le conseil municipal, de la construction du Palais des facultés, en 1857, est l’occasion, pour M. Rouland, ministre de l’Instruction publique, de faire savoir au recteur qu’il s’engage formellement à la mise en place d’une faculté de droit à Nancy, dès que « les ressources de la caisse de l’enseignement supérieur […] permettront d’assurer le traitement des professeurs et les dépenses diverses qui résulteront de la nouvelle création ». L’enjeu est d’importance et les avancées obtenues par Nancy ne sont pas vues d’un bon œil ni à Strasbourg ni à Metz, qui pétitionnent et font elles-mêmes le siège du ministre. Des tractations s’engagent, Nancy se voit en situation de perdre sa faculté des sciences, sans garantie réelle d’obtenir le droit. Finalement, Nancy choisit le statu quo, conserve la faculté des sciences et temporise sur le droit.
L’inauguration du Palais des facultés, en 1862, est l’occasion de relancer le sujet. Ce nouveau bâtiment fait de Nancy la seule université de province à bénéficier de locaux neufs et construits à cet effet : les autres occupaient communément soit un couvent libéré à la Révolution, soit un ancien hôpital, soit un collège abandonné… Le 16 avril 1863, le ministre de l’Instruction publique met en place une commission chargée officiellement d’évaluer « le nombre d’étudiants que pourrait recevoir la faculté de droit à Nancy ». Cependant, le véritable argument est financier. Sur neuf facultés de droit en France, trois seulement sont rentables. Le ministre met donc une condition à la création d’une dixième faculté à Nancy : que la ville s’engage à prendre à sa charge, pour au moins dix ans, l’ensemble des dépenses concernées – bâtiments, mobilier, entretien, salaires. Le décret de création d’une faculté de droit dans la ville de Nancy est signé par l’Empereur le 9 janvier 1864.
L’inauguration de la nouvelle faculté de droit a lieu le 25 novembre 1864, jour de la rentrée solennelle de l’enseignement supérieur. Elle se déroule malheureusement en l’absence du ministre Duruy, qui, ce jour-là, accompagne l’Empereur lors d’un voyage. Une députation, menée par le préfet de la Meurthe, se rend à Paris le 15 janvier 1865, où elle est reçue par l’Empereur et, le lendemain, par le ministre, afin de les remercier. Une médaille commémorative est également réalisée, sur lesquelles figurent, de façon plus ou moins explicite, les trois facultés nancéiennes, les villes lorraines ainsi que le rappel de la Lorraine d’Ancien Régime. Une inscription rappelle qu’il s’agit davantage d’une restitution, et il est rendu un hommage à l’auteur de ce bienfait : Napoléon III. Le premier exemplaire de la médaille est remis à l’Impératrice le 18 juillet 1866, à l’occasion des fêtes célébrant le centenaire du rattachement de la Lorraine à la France.
Camille Crunchant, Docteure en Histoire moderne et Responsable d’édition scientifique – Fondation Napoléon (octobre 2024)