Une chronique de Chantal Prévot : « un Montholon inattendu »

Auteur(s) : PRÉVOT Chantal
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Personnalité peu appréciée, voire franchement méprisée, de l’exil à Sainte-Hélène, le général comte Charles Tristan de Montholon est pourtant encore très présent sur l’île. Il l’est même davantage que son rival, autre général comte, Henri Gatien Bertrand. Comme s’il était resté l’ultime favori, le préféré de Napoléon dans les dernières années de la captivité au point de recevoir le legs le plus important du testament de l’Empereur.

Une chronique de Chantal Prévot : « un Montholon inattendu »
Chantal Prévot © Fondation Napoléon / Rebecca Young

Ainsi, le kiosque construit pour lui par les Chinois, à la demande de l’Empereur, se tient par exemple toujours debout dans les jardins de Longwood, face à l’immense océan qui miroite au loin. De là, il espérait et guettait les voiliers, seuls liens avec un monde désormais inaccessible. Le lit du couple Montholon, en bois sombre, entouré et surmonté d’une cousinière de tulle blanche, a rejoint l’aile des généraux reconstruite et accueille encore parfois des voyageurs. Plusieurs de ses portraits ornent les murs de ce qui fut la retraite des compagnons de relégation.

Tout cela n’a rien de vraiment étonnant. En revanche, sa présence, par peinture interposée, à Plantation House est plus surprenante. Si le nombre de gravures de Napoléon domine et rivalise presque avec les portraits de souverains britanniques dans la demeure des gouverneurs de l’île, seul Montholon représente la suite des exilés et le clan français. Il faut tout de même aller jusqu’à l’office (pièce attenante à la cuisine, destinée aux services et aux repas de la domesticité), où, entre deux Élisabeth II, jeune et plus âgée, il préside aux tea parties, où thé et gâteaux sont offerts aux visiteurs de la maison.

Son auteur, Henry Barrington, l’offrit au gouverneur Mark Capes, en poste entre 2011 et 2016, à l’occasion du 500e anniversaire de la fondation de l’île, sans justifier plus avant son choix thématique. Présenté, sur le cartel, comme un comte de l’ancienne aristocratie (en fait, il était marquis d’Ancien Régime et comte d’Empire) et un des « quatre [sic] généraux » français choisis pour accompagner l’Empereur Napoléon à Sainte-Hélène, au moins aurait-il la satisfaction de constater que le titre impérial refusé à Napoléon par le gouvernement britannique d’alors et Hudson Lowe a désormais place dans la demeure anglaise.

Le texte se poursuit sur ses activités de majordome au sein de la maisonnée de Longwood jusqu’à la mort de l’Empereur en 1821. Est-ce cette qualification de majordome (en réalité chambellan) qui l’a fait placer dans l’office ? Quoiqu’il en soit, la mention « To hang in Plantation House in perpetuity » (à suspendre éternellement) lui promet de beaux et nombreux jours de présence, toujours aux côtés de Napoléon, face à Lowe. S’agit-il d’une lointaine reconnaissance vis-à-vis de celui qui fut l’interlocuteur privilégié des Britanniques tout au long de la captivité y compris lors des moments de grande tension ? En tous cas, comme tous les autres exilés, le « diplomate » Montholon soupirait après son retour surtout après le départ de sa femme et de ses jeunes enfants en 1819. À Lowe qui lui demandait, au lendemain de l’inhumation de l’Empereur en mai 1821, « Quand désirez-vous prendre le large ? », il lui avait répondu « Le plus tôt [sera] tant mieux ».

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