Une chronique de Charles-Éloi Vial : Walter Scott et Napoléon, un début d’enquête

Auteur(s) : VIAL Charles-Éloi
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Peu connue des chercheurs français, la National Library of Scotland d’Édimbourg conserve parmi ses trésors les manuscrits de Walter Scott, le célébrissime auteur de Robin des bois : à quelques mètres de là, un musée conserve ses pantoufles et son cheval à bascule d’enfance, tout près d’un monument rappelant les temples d’Angkor dédié à sa mémoire, que l’historien en vacances en Écosse ne peut manquer de contempler. Une telle idole nationale ne pouvait que s’intéresser à notre grand homme, à une époque où la Napoléon-mania faisait des ravages parmi les sujets de George IV, comme le duc de Hamilton, qui racheta diverses pièces d’orfèvrerie de Biennais aujourd’hui exposées au National Museum d’Edimbourg. Justement, Walter Scott publia en 1827 une Life of Napoleon qui fit grand bruit des deux côtés de la Manche, même si elle n’eut guère de succès auprès des lecteurs et qu’elle n’enchanta pas les personnalités « qualifiées » : Louis Bonaparte publia une Réponse à sir Walter Scott en 1829, lui reprochant d’avoir écrit un roman historique et Gourgaud fit paraître une Réfutation où il reprochait au romancier d’avoir tiré à la ligne dans le seul but de gagner de l’argent.

Une chronique de Charles-Éloi Vial : Walter Scott et Napoléon, un début d’enquête
Charles-Eloi Vial © DR

Que nous disent les archives ? Contrairement à ce que prétendent ses détracteurs, notre écrivain a puisé aux meilleures sources puisque le colonel Neil Campbell lui fournit des renseignements sur l’île d’Elbe. Pour Sainte-Hélène, Scott obtint des documents des héritiers de l’amiral Keith, qui avait annoncé la nouvelle de son exil à l’empereur à bord du Bellerophon. Il sollicita également l’amiral George Cockburn, gouverneur provisoire de l’île qui lui confia une copie de son Journal, et lord Bathurst, secrétaire d’État à la guerre et aux colonies qui se fit un plaisir de lui montrer ses instructions à Hudson Lowe… qui fut humilié par le portrait que Walter Scott fit de lui. Le sous-secrétaire d’État Henry Goulburn, qui avait centralisé la correspondance de Sainte-Hélène à Londres, se fit aussi une joie de puiser dans ses archives. Ces manuscrits édimbourgeois ont le mérite de montrer à quel point l’ancien gouverneur de Sainte-Hélène fut abandonné par ses supérieurs et même par ses anciens subordonnés, comme le lieutenant-colonel Bingham, un autre correspondant de Scott.

Du côté français, sa documentation fut aussi abondante. Pour l’histoire des campagnes de l’Empire, des extraits des archives de Bernadotte lui furent expédiés de Stockholm. Joseph Masclet, consul de France à Édimbourg et ancien sous-préfet de Boulogne-sur-Mer, lui donna quelques noms de personnages à contacter lors d’un voyage que Scott fit à Paris en 1826, dont il subsiste les notes d’un entretien avec le maréchal Macdonald sur l’abdication de Fontainebleau en 1814. Il correspondit également avec Jermanowski, un des officiers polonais de l’île d’Elbe, avec le baron de Vincent, ambassadeur d’Autriche à Paris au début de l’Empire, et même avec Piontkowski, le mystérieux Polonais qui ne fit qu’un bref séjour à Sainte-Hélène. Pour le reste, l’écrivain, qui travaillait à l’époque de la fièvre des autobiographies napoléoniennes, disposait déjà de l’arsenal classique des mémoires et journaux sur la période, en commençant par le Mémorial de Sainte-Hélène, la Relation circonstanciée sur la campagne de 1813 du major Odeleben, les Manuscrits du baron Fain et l’Histoire de Napoléon et de la Grande armée pendant la campagne de 1812 de Ségur.

Charles-Éloi Vial
Juillet 2019

Archiviste paléographe, docteur en histoire, Charles-Éloi Vial est conservateur à la Bibliothèque nationale de France. Il a reçu le Prix Premier Empire-2017 de la Fondation Napoléon pour sa biographie de Marie-Louise (Perrin).

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