L’hôpital doit son nom à Elisa Roy (1794-1851), épouse d’Honoré de Lariboisière (1788-1868), fils du comte de Lariboisière, qui légua par testament une partie de sa fortune à la ville de Paris. Ce legs, estimé à 2,8 millions de francs-or, comportait une clause spécifiant que le nouvel établissement porte le nom de sa famille.
Disons quelques mots du comte ; Jean Ambroise Baston, comte de Lariboisière, naquit le 18 août 1759 à Fougères, dans une famille poitevine installée en Bretagne. Après ses études, il intègre l’école d’artillerie de La Fère et gravit les échelons jusqu’à devenir général de division et commandant en chef de l’artillerie de la Garde impériale. Il se distingue particulièrement durant les guerres napoléoniennes, notamment à Austerlitz, Iéna, et Wagram, où ses compétences en artillerie se révèlent cruciales. Sa conduite exemplaire lui vaut le titre de comte d’Empire. Il acquit le château de Monthorin, sa résidence préférée. En 1812, il suit Napoléon dans la campagne de Russie, où il perd son fils Ferdinand à la bataille de la Moskowa.
Honoré, le fils du comte de Lariboisière, pour perpétuer la mémoire de sa femme décédée en 1851, fit édifier dans la chapelle de l’hôpital un monument sur lequel figurent les armoiries familiales. En 1893, le quotidien La France écrivait : « Lariboisière serait bien peu connu du grand public, si la femme de son fils aîné n’avait pas laissé sa fortune à l’un des principaux hôpitaux de Paris, à la condition que cet hôpital portât le nom du général. Et pourtant ce soldat mérite mieux que le renom, fort honorable, sans doute, mais fort peu suggestif, qu’il doit à la charité de sa bru. Ce fut, en réalité, l’un des lieutenants les plus dévoués et les plus utiles de Napoléon, et dans bien des circonstances critiques, ce fut son énergie et son talent qui sauvèrent le grand empereur de désastres peut-être irréparables. »
Ce constat reste d’actualité. L’hôpital n’est pas le seul signe de la présence de la famille Lariboisière dans l’espace parisien. Le promeneur flânant rue de Rivoli remarquera une série de statues sur deux niveaux, dans des niches de l’aile de Rohan. L’une d’entre elles, au rez-de-chaussée, représente le Lariboisière. Cette commande étatique est l’œuvre du sculpteur Léo Roussel et fut installée en 1923. Le général y est représenté avec une carte en main droite et la main gauche posée sur le pommeau de son sabre.
Après avoir remonté les Champs-Élysées, ce même promeneur admirera l’Arc de triomphe, où le nom du général, orthographié « Lariboissiere », est gravé entre Montbrun et Gudin, sur la quinzième colonne du pilier est. Aux Invalides, son corps repose depuis 1814 dans le caveau des Gouverneurs [1]. Ses restes furent déposés dans l’église le 16 février 1813. Moncey, Lobau, Sérurier, Bessières, Berruyer et Dormoy l’accompagnent dans la sixième arcade.
Cette présence historique se tissa discrètement dans le paysage parisien. Les récents travaux de restauration, après l’incendie de Notre-Dame de Paris du 15 avril 2019, ont mis en lumière les armoiries des Lariboisière, enchâssées dans une rosace tout droit venue de la chapelle Saint-Ferdinand. Ces armoiries rendent hommage et perpétuent le souvenir d’une lignée ayant laissé une empreinte indélébile à Paris. De septembre 2020 à avril 2021, les chapelles Saint-Ferdinand et Notre-Dame de Guadalupe ont servi de chantier-test pour valider en conditions réelles les protocoles de nettoyage et de restauration [2].

Il a suffit qu’un maître-verrier, en fin de restauration, replace un vitrail portant les armoiries des Lariboisière dans l’une des rosaces de Notre-Dame de Paris, plus précisément celle de la chapelle Saint-Ferdinand, pour que l’histoire refasse soudainement surface. Pourquoi les armoiries du général Lariboisière furent-elles associées à la chapelle Saint-Ferdinand ?
La restauration de la chapelle en 1867 a été financée par le fils du général, Honoré de Lariboisière. C’est pour cette raison qu’Honoré a tenu à ce que soit inscrit les prénoms de :
• Son frère (1790-1812), le lieutenant Ferdinand de Lariboisière, ancien page de l’Empereur puis jeune lieutenant à la troisième compagnie du 1er carabiniers [3]. Ferdinand de Lariboisière fut blessé durant une charge de cavalerie sur les redoutes à la Moskowa. Il meurt cinq jours plus tard de ses blessures. La tragédie familiale est représentée dans le tableau de Lejeune intitulé « La bataille de la Moskowa » [4], peint en 1822, et visible à Versailles.
• Son fils (1856-1931), Ferdinand de Lariboisière, né de son second mariage avec Marie Françoise Antoinette de Robert d’Acquéria de Rochegude.
Paris ne détient pas l’exclusivité des hommages rendus au général Lariboisière. Il faut descendre dans la région des Marches de Bretagne pour en trouver de nouveaux.
Fougères, ville natale du général, a élevé une statue équestre en son honneur en 1893. Œuvre du statuaire Georges Récipon, elle fut enlevée en juin 1942 pour être fondue après qu’un moulage ait été réalisé. Le registre des délibérations municipales précisait : « La statue… ne peut être enlevée sans qu’il en soit conservé un souvenir tangible, permettant plus tard de la rétablir. » Elle fut refondue à l’identique en 1999, à partir des moules cinquantenaires.
Sa demeure préférée, acquise en décembre 1807, se situe à Louvigné-du-Désert. Honoré fit construire une chapelle dans le parc du château de Monthorin (inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du 11 mars 1936). Le domaine resta propriété familiale jusqu’en 1936. Les armoiries de la famille figurent sur les vitraux du chœur de l’église de la commune.
Ainsi, la famille Lariboisière continue de vivre à travers ces diverses hommages dispersés entre Paris et la Bretagne.
Dominique Bouyer (mars 2025)
Natif de Fougères en Bretagne, Dominique Bouyer est un ancien officier supérieur spécialisé de la Marine.
Notes
[1] Ses restes sont déposés dans l’église le 16 février 1813.
[2] Lire La fabrique de Notre Dame n°2.
[3] Ferdinand de Lariboisière par Dominique Bouyer et Olivier Lapray – Traditions n° 10 – Octobre 2016.
[4] La bataille de la Moskowa par le général baron Lejeune par Jérémie Benoit – Revue du souvenir napoléonien – décembre 2004.