Une chronique de Florence de Baudus : Élisa, d’une fidélité indiscutable

Auteur(s) : DE BAUDUS FLorence
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On a longtemps douté de la loyauté d’Élisa dans les semaines qui précédèrent l’abdication de Napoléon à Fontainebleau, pensant qu’elle avait comme d’autres abandonné un peu tôt la cause de l’empereur des Français. Or, un dossier trop peu exploité, conservé dans les archives du Service Historique de la Défense, donne un autre éclairage de sa conduite jusqu’en mars 1814 (SHD Vincennes GR4C18.).

Une chronique de Florence de Baudus : Élisa, d’une fidélité indiscutable
Florence de Baudus © Fondation Napoléon / Rebecca Young

La Toscane dont Élisa est la Grande-Duchesse n’a alors plus d’autre force militaire que la faible garde nationale du prince Félix, son mari. Roi de Naples, Murat accepte d’assurer la protection du grand-duché à condition qu’Élisa lui en remette le pouvoir. Perplexe, celle-ci interroge en décembre 1813 l’Empereur qui répond : « Les intentions du roi me paraissent extravagantes. Vous ne devez souffrir d’aucune manière qu’il prenne le gouvernement civil […] Que le roi vous emprisonne ou vous tue, mais ne souffrez pas qu’on manque à la nation. » Comme Élisa, Napoléon commence à douter de la fidélité de leur beau-frère qui est depuis longtemps en pourparlers avec l’ennemi autrichien.

Après cette lettre quelque peu exaltée du 25 décembre 1813, l’Empereur cesse d’écrire à sa sœur alors que celle-ci aurait grand besoin de conseils : « Si V. M. daignait éclairer mon zèle et m’aider de ses instructions, elle rendrait ma position moins embarrassante » lui écrit-elle en janvier 1814. Apprenant que le roi de Naples a signé avec l’Autriche, elle décide en conscience de rompre avec lui dans une lettre du 12 janvier : « La certitude malheureuse où nous sommes que S. M. a traité avec nos ennemis ne me permet pas de livrer un pays où je pouvais l’appeler pour nous défendre mais que je n’aurais pas le droit de lui céder même comme allié ou neutre ». Elle assure cependant au duc de Feltre, ministre de la Guerre de Napoléon, qu’elle n’abandonne pas ses compatriotes. « Je ne quitterai la Toscane que lorsque j’aurai pourvu à la sûreté de tous les Français et lorsque mon devoir ne me permettra plus d’y rester. »

Le 1er février, les troupes napolitaines entrent dans Florence. Sans aucun moyen de s’y opposer, Élisa est contrainte de quitter la ville sous les huées de quelque 10 000 Toscans. Réfugiée à Lucques, elle informe l’Empereur qu’elle a fait mettre Livourne en état de siège. Avec Gênes, c’est le seul point encore tenu. Mais, le 6 février, le général napolitain Lechi exige la remise des forts de Livourne et de Florence, ce qu’Élisa refuse, indignée. « Si V. M. ne me donne pas d’ordres contraires, écrit-elle à l’Empereur, je resterai ici tant que mon territoire sera intact. »

Or le 19, le ministre de la Guerre lui transmet l’ordre impérial : toutes les places du grand-duché doivent être abandonnées aux troupes napolitaines, et les troupes françaises doivent se replier vers le Mont Cenis. Élisa espère encore que Fouché, sur ordre de l’Empereur, pourra négocier une convention avec Murat. Vœu pieux !

Le 13 mars, les Anglais exigent de la grande-duchesse qu’elle quitte Lucques. Élisa, enceinte de quatre mois, prend alors la route de Gênes, espérant rejoindre l’Empereur. En réalité, commence pour elle une longue errance puis, jusqu’à Waterloo, une vie de prisonnière sous la férule autrichienne.

Florence de Baudus
June 2023

Florence de Baudus est essayiste, écrivaine, romancière, historienne, auteur de plusieurs livres dont Caroline Bonaparte : Sœur d’empereur, reine de Naples (Perrin, 2014),  Pauline Bonaparte, princesse Borghèse (Perrin, 2018) et Napoléon face aux souveraines de son temps (Perrin, 2021).

 

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