Une chronique de Jacques Macé : quand Napoléon prédisait les effets du Brexit

Auteur(s) : MACÉ Jacques
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Le 30 décembre 1816 à la veille de son expulsion de Sainte-Hélène, le comte de Las Cases a une ultime conversation avec le général Gourgaud, lequel n’est pas mécontent du départ dde celui qu’il surnomme Le Jésuite. Il demande avec insistance au général de rappeler à l’Empereur « les quatorze paragraphes ». De quoi peut-il bien s’agir ? Le Mémorial de Sainte-Hélène, notamment Le manuscrit original retrouvé, publié en 2017 par Perrin/Fondation Napoléon, nous fournit partiellement la clé de l’énigme.

Une chronique de Jacques Macé : quand Napoléon prédisait les effets du Brexit
Jacques Macé © jubileimperial.fr

Le 26 août 1816, Las Cases écrit : « L’Empereur se mettait en jugement devant tous les peuples de l’Europe. Et chacun d’eux l’absolvait successivement. Il a passé en revue tous les actes de son administration, jusqu’à l’affaire du duc d’Enghien même, et les a tous justifiés : ‘Les Français et les Italiens, a-t-il dit, gémissent de mon absence ; j’emporte la reconnaissance des Polonais, et jusqu’aux regrets tardifs et amers des Espagnols mêmes. L’Europe pleurera bientôt la perte de l’équilibre auquel mon Empire français avec ses limites naturelles était absolument nécessaire . . . On amènera les choses à ce que la postérité, les gens instruits, les vrais hommes d’Etat, les vrais hommes de bien regretteront amèrement que je n’aie pas réussi dans toutes mes entreprises’ ».

Las Cases ajoute : « L’Empereur a eu des moments sublimes . . . Il a promis la pièce entière. Il a dit en avoir déjà arrêté le cadre et les bases en quatorze paragraphes’ ». Il s’agit donc du plan d’un ouvrage à écrire en quatorze paragraphes, ou chapitres, pour expliquer et justifier la vision politique européenne de Napoléon. Las Cases trouve ce plan si sublime qu’on peut se demander s’il n’a pas joué un rôle notable dans son élaboration . . .

Le 18 novembre 1816, Las Cases insiste : « Il [Napoléon] venait de dicter un fort beau chapitre sur les droits maritimes. Il exposait d’autres plans d’ouvrages. Je lui ai rappelé les quatorze paragraphes dont il avait déjà eu l’idée. Il m’a écouté les ressouvenir avec plaisir, s’est dit qu’il y viendrait certainement. Il a arrêté la forme du premier numéro de l’Italie, etc., etc. »

L’affaire trouve néanmoins tout son sel (et son actualité) quand, après avoir expliqué que la domination française était nécessaire à l’équilibre de l’Europe, Napoléon termine en disant : « Et vous, Anglais, vous pleurerez votre victoire de Waterloo ».

Nous ne connaissons pas les titres de ces quatorze paragraphes mais Las Cases nous met sur la piste en révélant que le premier était relatif à l’Italie. Les suivants devaient donc concerner les autres pays  qui, dans son esprit, auraient constitué son Grand Empire napoleuropéen. Le concours est ouvert et je propose la liste suivante : Italie, Naples/Sicile, Hollande, Danemark, Suède, Allemagne, Prusse, Autriche, Pologne, Espagne, Portugal, Illyrie/Grèce, France, Angleterre. Quatorze : le compte est bon !

Jacques Macé

Avril 2019

Jacques Macé est historien et administrateur de la Fondation Napoléon.

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