Une chronique de Pierre Branda : Dès que paraît le célèbre bicorne

Auteur(s) : BRANDA Pierre
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Une chronique de Pierre Branda : Dès que paraît le célèbre bicorne
Pierre Branda © Fondation Napoléon - Rebecca Young

Il reste l’objet napoléonien emblématique par excellence. Au seul bruit d’une vente à venir, les collectionneurs deviennent fébriles, la presse diffuse la nouvelle mais très rapidement l’on s’interroge aussi sur l’authenticité du couvre-chef en question. Le 27 octobre à Londres sera vendu aux enchères un bicorne réputé avoir appartenu à l’empereur. Cette fois, son histoire n’est pas connue mais il aurait été authentifié, chose nouvelle, grâce à un test ADN.

Son heureux propriétaire l’avait acquis il y a quelques années en Allemagne sans connaître sa provenance apparemment prestigieuse. Réalisant qu’il ressemblait à un chapeau de l’Empereur, il vérifie que ses dimensions ainsi que plusieurs de ses caractéristiques correspondent, au feutre près, à ceux autrefois portés par le vainqueur d’Austerlitz. Première bonne nouvelle, tout semble concorder.  Mais comment être absolument certain de sa valeur ? Et là, miracle, il reste quelques cheveux à l’intérieur. Et si …

De l’ADN est recherché puis trouvé, et les généticiens l’affirment : il s’agit de celui de Napoléon Bonaparte. Avouons-le, l’histoire est belle, digne d’une enquête policière menée par les plus fins limiers de Scotland Yard. Dans ces affaires d’ADN, il convient cependant de rester extrêmement prudent. Malgré les progrès de la science, tant d’interrogations demeurent puisque l’on ne possède pas l’ADN complet de l’Empereur mais seulement des fragments. Donc, on peut dans ce domaine affirmer tout et son contraire. Pour le bicorne vendu à Londres, le mieux serait de disposer d’une provenance indiscutable, membre de la famille ou compagnon de gloire par exemple. Mais rien en l’espèce. La maison de vente suppose qu’il pourrait s’agir d’un chapeau laissé par Napoléon en Allemagne lors de la campagne de 1806. Là encore, hypothétiques supputations.

Nul doute que cet autre couvre-chef trouvera preneur à un prix dépassant l’entendement, comme il y a quelques années lorsqu’un milliardaire coréen dépensa près de deux millions d’euros pour en acquérir un. Le prix de la rareté tout d’abord. Pour une somme assez modique, soixante francs, Napoléon faisait acheter ses chapeaux chez la maison Poupard, marchand chapelier galonnier, installé au Palais Royal. Le palais en commandait quatre chaque année pour lui, livrés en début de trimestre. En tout, entre 120 et 160 ont été ainsi achetés afin que la garde-robe de Napoléon puisse toujours en avoir douze à disposition. Mais en campagne, ils souffrent beaucoup et donc ne durent pas. Sur le pont de Kehl à Strasbourg, il pleut si fort qu’un cavalier de son escorte voit le derrière du chapeau de l’empereur retomber sur ses épaules. Parfois, les cornes des chapeaux tombent telles des gouttières. Quand ils ne peuvent plus servir, ils sont donnés à la lingère du palais qui les transforme en poignées de fer à repasser. Triste fin pour ces objets de légende.

Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une vingtaine. Mais plus que leur rareté, ce qu’ils incarnent explique avant tout l’engouement qu’ils suscitent. Depuis 1804, ce chapeau est devenu un symbole, admiré par les uns, détesté par les autres. Il ne coiffe pas seulement l’Empereur, il EST l’Empereur, se confondant avec lui. En posséder un revient à s’approprier en quelque sorte Napoléon. Mais attention, on le sait, le chapeau ne fait pas l’homme ou la femme !

Pierre Branda, Septembre 2021
Pierre Branda est chef de service Patrimoine à la Fondation Napoléon

Titre de revue :
inédit
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