Une chronique de Pierre Branda : les Français et Napoléon

Auteur(s) : BRANDA Pierre
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Dans le vacarme médiatique autour du film de Ridley Scott « Napoléon » sorti en novembre, un sondage sur l’empereur était passé plutôt inaperçu. Il est riche d’enseignement. Réalisé par l’institut Yougov du 12 au 14 septembre 2023, il a été conçu exactement comme s’il s’agissait d’un sondage sur une personnalité politique bien vivante, ce qui en fait son originalité et donc son intérêt.

Une chronique de Pierre Branda : les Français et Napoléon
Pierre Branda © Fondation Napoléon/Rebecca Young

La première question était « Les Français ont-ils une bonne image de Napoléon ? » La réponse est oui. Napoléon recueille 34 % d’opinion favorable contre 21 % d’opinion défavorable, 34 % n’ayant pas d’opinion et 9 % ne se prononcent pas. Une popularité bien supérieure à la quasi-totalité de nos hommes politiques actuels qui ne dépassent pas les 30 %. Et surtout, les opinions défavorables (21 %) sont assez faibles en regard des scores obtenus de nos jours pour nos gouvernants ou chefs de partis quels qu’ils soient. Une différence toutefois, un tiers de l’échantillon représentatif déclare n’avoir aucune opinion, signe que pour beaucoup Napoléon est un personnage historique disparu depuis deux siècles et sur lequel il n’y a pas lieu de se prononcer.

Si l’on entre dans les détails, les réponses entre hommes et femmes diffèrent sensiblement : 44 % contre 26 % mais ces dernières sont plus nombreuses à ne pas déclarer d’opinion (43 % contre 24 % pour les hommes). Et quant à leur niveau d’opinion négative, il n’est que de 20 %, inférieur à celui des hommes. Une conclusion s’impose : Napoléon intéresse plus les hommes que les femmes. Selon l’opinion politique, les résultats ne sont pas les mêmes non plus. Pour les sympathisants NUPES, les mauvaises opinions l’emportent nettement sur les bonnes. Pour ceux proches des partis de la majorité et de l’opposition de droite, c’est exactement le contraire.

Dans ce même sondage, il a été demandé également « Comment l’héritage de Napoléon est-il perçu en France et comment doit-on se souvenir de lui ? ». La réponse est nette : 48 % des Français interrogés indiquent leur souhait de le voir « commémoré comme un personnage historique notable de manière neutre ou équilibrée ». Ils ne sont que 13 % à vouloir le « célébrer » et à peine 2 % à vouloir qu’il soit « condamné » tandis que 8 % estiment que l’on ne devrait en aucun cas le commémorer. La volonté de voir Napoléon commémoré comme il se doit l’emporte donc largement.

De même l’héritage de Napoléon est vu comme plutôt positif, 37 % des Français interrogés le pensent et ils ne sont que 10 % à le voir comme négatif. Ils sont donc plus nombreux à penser que la situation de la France s’est améliorée (31 %) grâce à lui, plutôt que l’inverse. Dans le même temps, 32 % estiment que la France devrait être fière de son héritage contre seulement 8 % qui déclarent avoir honte.

Un autre sondage réalisé par l’Ifop-fiducial pour le JDD donne de meilleurs résultats encore. Pour 74 % des Français interrogés, les actions de Napoléon ont eu un impact positif. A la même question posée en 1969, ils étaient moins nombreux (70%) à suivre cet avis. En 54 ans, Napoléon a donc progressé dans l’opinion. Plus intéressant encore, ils sont 40 % à estimer qu’il faut avant tout retenir de lui son code civil, 20 % la création des Lycées et 31 % ses conquêtes militaires. En 1969, le thème de la guerre était privilégié (50%) au détriment de l’œuvre civile (34 %). Comme il l’avait lui-même prédit à Sainte-Hélène, on se souvient aujourd’hui davantage des institutions qu’il a créées que de ses batailles.

Au-delà des chiffres et de leur analyse, on mesure à quel point Napoléon reste un personnage encore influent dans notre société. L’histoire ne doit donc pas seulement se conjuguer au passé mais aussi au présent. Nous aurons à en reparler…

Pierre Branda, directeur scientifique de la Fondation Napoléon (10 avril 2024)

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