Une chronique de Pierre Branda : quand la France était le pays le moins taxé d’Europe

Auteur(s) : BRANDA Pierre
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Pour un gouvernement, concevoir un budget et surtout le faire voter est loin d’être une sinécure. On s’en rend compte actuellement avec les difficultés du gouvernement Borne pour faire adopter celui de l’exercice 2023 quitte à passer en force grâce au fameux article 49.3. Si l’on revient deux cents ou cent cinquante ans en arrière, les discussions furent beaucoup plus faciles pour les deux Empereurs, Napoléon 1er comme Napoléon III, concernant leurs budgets respectifs. On dira que les oppositions furent plutôt contenues voire interdites de parole mais ce ne fut pas la seule raison de la facile adoption des budgets.

Une première constante pour les deux souverains : sauf circonstances liées à l’invasion du territoire, l’équilibre fut la règle ! Ce fut même Napoléon 1er qui, comme Premier Consul, parvient à cet exploit financier dès 1802 alors que la France sous l’Ancien régime comme sous la Révolution n’avait connu qu’une suite ininterrompue de déficits. Certes, il fallut parfois recourir à des recettes extraordinaires, de l’impôt à l’emprunt, pour y parvenir, mais sans compromettre les grands équilibres qu’ils soient financiers ou économiques. Aujourd’hui, il est difficile d’en dire autant.

Autre élément à signaler, les comptes de l’État étaient publics car publiés dans des comptes rendus spécialisés et peu avares de chiffres. À l’analyse de ces données budgétaires, on comprend à quel point les gouvernements impériaux ont pratiqué ce que l’on appelle la redistribution. L’économie fut au cœur des préoccupations. On souhaita à travers le budget limiter les crises de tout genre, une sorte de « quoi qu’il en coûte » avant l’heure, plus mesuré toutefois. Pour éviter que Paris ne manque de pain, Napoléon 1er fit par exemple acheter du grain. Plus tard, Napoléon III augmenta considérablement les fonds consacrés à l’assistance publique. Du social mais aussi de l’économique grâce à l’argent dépensé notamment pour les travaux, routes ou canaux.

Et pour quel résultat ? Un certain progrès économique est généralement admis pour le Premier Empire mais il est difficilement mesurable et tellement influencé par les guerres incessantes. En revanche, pour Napoléon III, nous sommes mieux renseignés. En l’espace de vingt ans, le Revenu national – le P.I.B. de l’époque – a doublé passant de 10 à 20 milliards de francs. Dans le même temps, les impôts augmentèrent proportionnellement mais dans une moindre mesure car, tout au long du XIXe siècle, aucun impôt sur le revenu ne fut institué. Hormis les taxes sur la consommation liées à l’activité économique, les contributions impériales essentiellement assisses sur le patrimoine, notamment immobilier, progressèrent en effet plus lentement.

De ce fait, la pression fiscale diminua sous le Second Empire passant d’environ 12 % de la richesse nationale à moins de 9 %. Quand on sait que notre taux de prélèvement aujourd’hui est à 47 %, record de la zone euro, alors même que nous connaissons des déficits d’ampleur, cela laisse songeur même s’il n’est guère possible de comparer notre économie à celle de Napoléon III. Il n’en reste pas moins que, dans la décennie 1860, la France était le pays le moins taxé d’Europe. Nous n’avons donc pas toujours été des budgétivores patentés et ce, dans un passé somme toute récent.

Pierre Branda
Novembre 2022

Pierre Branda est le directeur scientifique de la Fondation Napoléon.

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