Une chronique de Pierre Branda : qui était vraiment Napoléon III ?

Auteur(s) : HANNOTIN Denis
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Surnommé le « sphinx », l’empereur Napoléon III était passé maître dans l’art de masquer ses émotions. Sa cousine, la princesse Mathilde, disait de lui : « Il n’est ni vif ni impressionnable ! Rien ne l’émeut… L’autre jour, un domestique lui a lâché un siphon d’eau de seltz dans le cou, il s’est contenté de passer son verre de l’autre côté, sans rien dire, sans donner aucun signe d’impatience… Un homme qui ne se met jamais en colère et dont la plus grande parole de fureur est : C’est absurde ! Il n’en dit jamais plus ».
À son propos, la princesse disait aussi : « Si je l’avais épousé, il me semble que je lui aurai cassé la tête pour savoir ce qu’il y a dedans ».

Une chronique de Pierre Branda : qui était vraiment Napoléon III ?
Pierre Branda © Fondation Napoléon/Rebecca Young

À bien des égards, Louis-Napoléon Bonaparte reste un mystère. D’apparence réservé, l’homme n’en fut pas moins un aventurier pas toujours chanceux dans sa jeunesse. En Italie, il joua au révolutionnaire. En France, il s’essaya avec peu de succès aux coups d’État, de Boulogne à Strasbourg. Emprisonné, il s’évada, déguisé en ouvrier, tel un héros d’Alexandre Dumas. Puis, il devint un habile homme politique, reprenant les idées progressistes de son temps.

Une fois élu président de la République, il dut contenir ses premières ambitions, ne disposant pas de tous les pouvoirs. Toujours impénétrable et secret, le président feignait l’indifférence pour mieux tromper ses adversaires. Son détachement était d’ailleurs tel que certains le croyaient sous l’emprise de l’opium ! Lors des conseils des ministres, l’un de ses passe-temps favoris consistait à confectionner des cocottes en papier. Comment s’inquiéter de pareil personnage ? Thiers avait dit de lui : « C’est un crétin qu’on mènera ». Sans que l’on y prenne garde, le « crétin » noyautait l’administration et l’armée, en désignant des hommes à lui, susceptibles le moment venu d’appuyer son action. Puis, le 2 décembre 1851, il s’empara du pouvoir dans les circonstances que l’on connait. Devenu empereur, il continua de cultiver le secret, notamment sur le plan diplomatique, méritant plus que jamais son surnom de « sphinx ».

Heureusement quelques archives retrouvées viennent nous en apprendre un peu plus sur ce singulier personnage. Dans Enquête sur certains comptes privés de Napoléon III, Denis Hannotin a pu mettre la main sur les comptes de la « petite cassette » de l’empereur, soit le décompte de ses dépenses personnelles durant son règne. Alimenté par les revenus de sa Liste civile, cette cassette servit essentiellement à deux choses : soutenir plusieurs communes, notamment les travaux du nouveau Paris, et venir en aide à près d’une centaine de personnes. Point donc d’extravagances mais une redistribution au service de sa politique sociale comme urbanistique. En 1856, il avait écrit à Eugénie que le but de son existence était « de faire le bonheur de 35 millions d’individus ». A la lecture de ces nouveaux documents, on ne peut que constater qu’il essaya de tenir parole.

Pierre Branda
Janvier 2023

Pierre Branda est directeur scientifique de la Fondation Napoléon.

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