Une chronique de Rebecca Young : le bicentenaire de la mort de Napoléon dans les médias internationaux

Auteur(s) : YOUNG Rebecca
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Comme les lecteurs de la Lettre d’information de napoleon.org le savent, à la Fondation Napoléon, le bicentenaire de la mort de Napoléon en 2021 est préparé depuis de nombreux mois ! Notre label « Année Napoléon 2021 » compte désormais plus d’une centaine de partenaires, naturellement majoritairement en France mais également à l’international, parmi les lieux et institutions étroitement liés à Napoléon ou à la France. L’équipe de la Fondation a également suivi les grands médias ces derniers mois, curieuse de voir comment ce bicentenaire serait perçu plus généralement par des non-spécialistes du monde entier.
Au cours des mois et des semaines qui ont précédé le 5 mai, nous avons observé que la couverture du bicentenaire de la mort de Napoléon dans une grande partie des médias du monde se concentrait principalement sur la polémique qui se jouait ici, en France, pour savoir s’il était même approprié (à la lumière de diverses controverses) de commémorer le bicentenaire. La presse spéculait plus spécifiquement sur la question de savoir si le président de la République lui-même participerait à une sorte de cérémonie pour marquer l’événement. Et en effet, c’est la décision d’Emmanuel Macron d’embrasser les commémorations (dont les détails n’ont été rendus publics que peu de jours avant les événements) qui a pris le pas dans la couverture mondiale grand public des événements du bicentenaire. Ces articles, dont beaucoup citaient des sections entières du discours présidentiel prononcé à l’Institut dans l’après-midi du 5 mai, étaient illustrés par des plans savamment chorégraphiés du Président Macron, masqué et à bonne distance sociale, et de sa femme Brigitte, juste éclipsés par la tombe de Napoléon aux Invalides à l’instant précis de la mort de l’empereur. La presse étrangère émettait beaucoup d’hypothèses sur une éventuelle stratégie politique en jeu, étant donné que les élections présidentielles se préparent en France l’année prochaine.

Une chronique de Rebecca Young : le bicentenaire de la mort de Napoléon dans les médias internationaux
© Rebecca Young/Fondation Napoléon

L’anniversaire du 5 mai a néanmoins été l’occasion pour certains médias internationaux de s’intéresser à l’histoire napoléonienne et de se pencher sur l’héritage de Napoléon en France et au-delà. Bon nombre de ces évaluations souvent critiques portaient sur un pays particulier. Arab Weekly et plusieurs médias sud-américains ont repris l’article de l’AFP sur « l’héritage controversé » de Napoléon en Égypte. El Nacional a discuté de la politique de Napoléon Bonaparte en Catalogne. Le péruvien El Comercio se demandait si une expédition latino-américaine avait vraiment tenté de sauver Napoléon de sa prison de Sainte-Hélène.
Dans le sillage de Black Lives Matter, une grande partie des articles et des reportages télévisés se sont concentrés sur la tache indélébile sur le cahier de Bonaparte – le sujet de sa réintroduction de l’esclavage. Haaretz a quant à lui développé le thème de la « libération » des Juifs par Napoléon (y compris à travers une interview avec notre directeur Thierry Lentz). The Spectator s’est penché sur les réalisations de l’homme qui lui ont valu l’admiration des descendants de ses anciens ennemis (Winston Churchill, …) pendant que plusieurs médias en Russie ont souligné que Napoléon autrefois envahisseur était désormais vénéré en Russie, du moins par certains, comme un icône. En Italie, où l’héritage de Napoléon est encore très présent, des dizaines d’articles de presse ont relayé les nombreux événements commémoratifs se déroulant dans l’ancien royaume de Napoléon, dont beaucoup se sont déroulés en ligne (des entretiens, des débats, des documentaires télévisés, des expositions, voire un marathon de lectures de Manzoni et de son Il cinque Maggio, mais aussi un simulacre de « procès » organisé 200 ans à titre posthume par l’Université d’Insubrie !).
Et, sans surprise, le bicentenaire s’est également accompagné d’une vague de ventes aux enchères à travers le monde offrant la possibilité d’enchérir sur des souvenirs napoléoniens de toutes sortes, des bijoux aux peintures, des chaussettes aux morceaux de drap tachés de sang, voire une bouteille de Groot Constantia de 1821 que Napoléon aurait pu goûter s’il n’avait pas poussé son dernier soupir alors que ces raisins étaient encore en train de mûrir au soleil sur leur vigne…

Oui, Napoléon vend toujours des journaux et bien plus encore. Mais ce ne sont pas seulement les controverses et les trésors qui comptent. Nous avons également été ravis d’apprendre que l’étude de l’histoire napoléonienne est toujours bien vivante dans le monde entier : en effet, la presse a relayé un certain nombre d’initiatives éducatives spéciales pour les étudiants à cette occasion. L’un d’eux résonne particulièrement : une classe en ligne reliait pour la première fois, via un « pont virtuel », les écoles des trois îles de la vie de Napoléon – la Corse, Elbe et Sainte-Hélène – avec les interventions d’éminents universitaires. « Derrière cet événement, il y a beaucoup d’enseignement et de recherche », déclarait le directeur Enzo Giorgio Fazio du lycée Foresi des sciences humaines de Portoferraio (Elbe, Italie) : « Nous essayons de rapprocher les enfants de l’Histoire en les faisant entrer dans l’Histoire. […] Faire du fil qui nous relie au nom de Napoléon quelque chose de tangible ».
Jusqu’à présent cette année, des centaines d’articles ont été écrits sur le bicentenaire et ils continuent de s’accumuler, sans que votre obligée ne puisse leur accorder le temps de lecture approprié ! Ils sont la preuve que Napoléon et son héritage suscitent encore des débats et remettent en effet en question la portée que les événements historiques en général peuvent avoir pour nous aujourd’hui.
« Napoléon est partout et personne ne peut le juger, même 200 ans plus tard », écrivait un professeur d’histoire italien dans son article du 5 mai 2021, après avoir donné un cours sur l’histoire politique de Napoléon. Donnant le dernier mot à l’un de ses jeunes élèves qui, lorsqu’on lui demandait son ressenti sur le cours, ce dernier répondit avec humour « ai posteri l’ardua sentenza » [citant un vers célèbre du poème de Manzoni qui est depuis entré dans le langage courant: « La postérité devra faire cette évaluation difficile »]. Alors oui, attendons de voir. Le 5 mai 2021 n’était pas la fin du débat, loin s’en faut, le bicentenaire commence à peine à prendre un rythme de croisière, d’autant plus que les expositions et les musées commencent à rouvrir. Il y a encore beaucoup à apprendre et à écrire pour de nombreuses générations à venir !

Rebecca Young
Mai 2021

Rebecca Young est web-éditrice sur napoleon.org/en.

Quelques liens vers des articles évoqués dans le texte

Split vision marks Mideast perception of Napoleon’s legacy | | AW (thearabweekly.com)
¿Intentó una expedición latinoamericana liberar a Napoleón Bonaparte de su prisión en la Isla Santa Elena?
«Fu vera gloria?». L’Insubria “processa” Napoleone. A 200 anni esatti dal 5 maggio
• Grand Constance 1821 on auction
• Napoleone, le tre isole della sua vita unite per celebrarlo: l’evento organizzato dalle scuole dell’Elba, di Sant’Elena e della Corsica
• 5 maggio, altro che ‘ei fu’: Napoleone è ovunque e nessuno lo può giudicare. Nemmeno 200 anni dopo – Il Fatto Quotidiano

Titre de revue :
inédit
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