J’ai pu constater sur place et sur pièces la vitalité, le sérieux et l’intérêt de cette recherche lors d’une récente mission à Moscou, dans le cadre d’un séminaire d’été organisé par le professeur Alexandre Tchoudinov au sein de l’Université pour les humanités de l’Académie des Sciences. Il s’agissait de la réunion de 27 doctorants soigneusement sélectionnés et venus des quatre coins de l’immense Russie, y compris la Sibérie orientale où, sans doute comme moi, vous ne vous doutiez pas que l’on préparait des thèses sur l’histoire de France. Le thème central du séminaire était « les résistances aux révolutions à l’époque moderne ».
Disons-le tout net, les présentations de ces jeunes gens, encadrés par des enseignants russes, français et anglais, ont été impressionnantes et encourageantes. Donnons d’abord une caractéristique de l’exigence de leur encadrement : tous doivent parler et lire parfaitement la langue du pays qu’ils étudient. Cela pourrait paraître banal, mais notre expérience « internationale » montre que ça n’est pas toujours le cas, y compris dans des pays dont les universités sont parfois montées en épingle. Ainsi, une chercheuse travaillant sur les relations de la France avec le monde arabe parle, outre le russe et l’anglais, le français et l’arabe. Tel autre, qui mène une recherche sur la départementalisation française de 1812 en Catalogne, se voit exiger un bon niveau de français, d’espagnol et même de catalan. Ainsi, sur les 27 étudiants présents, la moitié parlait un excellent français.
Quant aux sujets traités, ils sont parfois surprenants. En Russie, se préparent des thèses sur la chouannerie normande, le soulèvement de Vendée, des théoriciens de la contre-révolution, l’écho de la mort du duc d’Enghien dans le parti royaliste, les soldats anglais du siège de Cadix de 1810 à 1812, l’image de Waterloo dans la vie politique russe, certaines œuvres politiques de Benjamin Constant ou Mme de Staël, les révoltes du Tyrol, l’église d’Angleterre et la Révolution, mais aussi, non représentées à ce séminaire, des études strictement napoléoniennes, sur l’armée, l’administration ou la société.
Autre particularité, les étudiants sont évidemment tenus de se plonger dans les archives et de ne chercher leurs sources dans la littérature secondaire qu’en ultime ressort. Quoi de plus normal, me direz-vous ? Vous aurez raison. Sauf que venir de Volgograd ou de Saratov pour travailler dans les archives départementales de La Roche-sur-Yon ou de Rouen n’est tout de même pas banal, et encore moins pour de jeunes gens qui ne disposent pas de gros moyens.
J’ajouterais encore que, lors de ce séminaire, plusieurs ouvrages récents ont été présentés, tous sur des sujets originaux d’histoire révolutionnaire ou napoléonienne. J’ai même pu rencontrer une professeure moscovite qui connaît Guizot et son œuvre mieux que personne, se passionne pour la monarchie de Juillet et vient de publier un ouvrage important sur l’équipée de la duchesse de Berry.
Cette jeune recherche russe est pleine de promesses et la Fondation Napoléon se promet de vous en parler souvent. Vous la croiserez désormais souvent dans notre bibliothèque et ses professeurs, que nous avons déjà invités à plusieurs reprises, seront présents lors de nos prochains colloques.
Directeur de la Fondation Napoléon
Septembre 2019