Une chronique de Thierry Lentz : « Rock « N » roll : Johnny et Dylan chantent Napoléon ! »

Auteur(s) : LENTZ Thierry
Partager

Napoléon et la variété. C’est tout un programme qu’il faudra bien étudier un jour en long et en large.

Une chronique de Thierry Lentz : « Rock « <big>N</big> » roll : Johnny et Dylan chantent Napoléon ! »
© Fondation Napoléon/Rebecca Young

On pense bien sûr à Tino Rossi et son album enregistré en 1968 et opportunément sorti pour le bicentenaire de 1969, son inoubliable Ajaccienne, son Rêve passe et sa Complainte de Sainte-Hélène. Le grand chanteur corse avouait son admiration sans « Tchi-Tchi ».

On a une pensée pour la fameuse comédie musicale, créée et jouée de 1984 à 1986, par le « Napoléon de la chanson française », Serge Lama, qui nous a fait l’honneur d’une rencontre avec nos auditeurs des conférences de la Fondation Napoléon.

Les initiés se rappelleront de Gibert Bécaud chantant le testament de l’Empereur dans A remettre à mon fils lorsqu’il aura seize ans (1969) ou La Marche en avant de Michel Sardou sur une bataille imaginaire (1975). Les napoléonistes sourient moins avec le C’est d’la faute à Napoléon interprété par Annie Cordy (1965), ont oublié La chanson des maréchaux d’Yves Montand pour la bande-son de l’Austerlitz d’Abel Gance (1959), le Napoléon IV de Jean Ferrat, qui est en fait « le Napoléon des faubourgs » (1980) et encore plus le Waterloo de Gérard Lenorman, qui, pour ce titre, avait momentanément dû perdre les clés du succès (1972).

« Lui partout ! », disait Victor Hugo. Et même dans le rock !

Passons sur le Waterloo du groupe Abba (1974), trop connu pour qu’on s’y attarde. Ne passons pas plus de temps sur les morceaux consacré à la dernière bataille par le chanteur de country Stonewall Jackson (encore une histoire d’amour qui finit mal, 1959) et le Powerman du groupe The Kinks : il y a peu de chance que nos lecteurs les connaissent. Un petit détour par les Bee Gees qui chantent dans Walking back to Waterloo : « J’aimerais qu’il y ait une autre année, une autre époque / Où les gens chantaient et les poèmes rimaient / Mon nom pourrait être Napoléon / Un millier de navires / Une voile venteuse, si énorme et si haute / […] Mais je ne suis tout simplement pas né à temps. Retour à Waterloo. Par où dois-je commencer ? Dans la toute nouvelle rue, vous pouvez avoir une bonne place au bout ». Le tout chanté avec la voix du chat de Joséphine à qui on aurait coincé la queue dans la porte.

On a eu la surprise de découvrir dans un album d’inédits concocté par sa veuve que Johnny Halliday avait chanté, lui aussi, Waterloo, et trois ans avant Abba, s’il vous plaît ! Enregistré en 1971, le titre n’a pas été retenu pour figurer dans l’album Flagrants délits. Après l’avoir écouté, on comprend un peu pourquoi… Le texte avait été écrit par Philippe Labro, gage de qualité, mais l’interprétation et les arrangements furent jugés trop moyens. En voici le premier couplet :

Près d’un village du Brabant
Ce fut le dernier guet-apens
Le soleil s’est levé très tôt
Au rendez-vous de Waterloo
Il fait très clair, c’est le matin
Et le sang coulera sans fin, ouais

Il faudra se battre et mourir
Pour la seule gloire d’un empire
Pour la seule gloire d’un seul nom, celui de Napoléon

Dernière surprise, Napoléon apparaît deux fois dans des textes de Bob Dylan. Sur l’album Bringing it all back home (1965), d’abord. Dans le morceau intitulé On the Road Again, voici  le père du héros qui avance « en portant le masque mortuaire de Napoléon »… sans doute doit-il être très pâle. Deuxième apparition, la même année dans la célébrissime chanson Like a rolling stone (1965) :

Princesse sur ton clocher et tout ce joli monde
Qui boit et pense son avenir assuré
Echangeant toutes sortes de choses et dons précieux
Mais tu ferais mieux d’enlever ton diamant, tu ferais mieux de le gager, chou
Tu avais l’habitude de rire
De Napoléon en haillons et du langage qu’il parlait
Va le voir maintenant, il t’appelle, tu ne peux plus refuser
Quand on n’a rien, on n’a rien à perdre
Tu es invisible maintenant, tu n’as plus de secrets à dissimuler.

L’Empereur n’a rien à voir avec cet homme « en haillons » : c’est ainsi que Dylan surnomme le bluesman Robert Johnson (1911-1938). N’empêche que le Prix Nobel de Littérature 2016 a par deux fois appelé au secours de son inspiration notre personnage préféré. Cela méritait d’être signalé au moment où sort son « biopic ».

Thierry Lentz, directeur général de la Fondation Napoléon (février 2025)

Partager