Une chronique de Thierry Lentz : un hommage national et l’Année Napoléon qui continue

Auteur(s) : LENTZ Thierry
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Ainsi donc, le premier personnage de l’État a rendu le 5 mai un double hommage à Napoléon Ier : dans son discours prononcé à l’Institut de France et aux Invalides.
Le contraire eut été frustrant et inexplicable.

Une chronique de Thierry Lentz : un hommage national et l’Année Napoléon qui continue
Thierry Lentz © Éditions Perrin / Bruno Klein 2020

Cette prise de parole et ce dépôt de gerbe couronnent et légitiment, s’il en était besoin, une mobilisation importante de l’État, à travers ses institutions culturelles, muséales, préfectorales et autres, pour ce bicentenaire. On pourrait presque dire que celui-ci a été lancé, pandémie oblige, par son point culminant, quand bien même d’autres événements ont déjà eu lieu et que ces cérémonies manquaient sans doute de panache. On en retiendra cependant que, comme Alexandre Millerand en 1921 ou Georges Pompidou en 1969, Emmanuel Macron a parlé. Son discours n’appelle aucune critique particulière. Mieux, en abordant d’entrée les questions qui fâchent, le président a pu ensuite développer une vision en profondeur de l’œuvre napoléonienne et, c’était bien le moins, reconnaître aux historiens leur liberté d’étude. Tous ceux qui voulaient qu’il s’en abstienne, voire qu’il appuie les tentatives d’effacement de Napoléon de nos mémoires et de notre histoire, se sont donné beaucoup de peine pour rien. C’est heureux et bienvenu.
En observateur avisé des courants qui traversent notre société, il a bien compris que la majorité des Français n’entendait pas faire passer l’époque napoléonienne à la trappe, quand bien même celle-ci est aussi susceptible de discussions.
En un après-midi, les propositions les plus ineptes -comme « rendre le corps de Napoléon à sa famille »- et les vitupérations politiciennes – comme « on ne célèbre pas le fossoyeur de la République »- ont été balayées. L’arbitre a arbitré. Nous espérons tous que la doctrine qu’il a fixée sera stable et ne sera pas révisée dans l’avenir pour des raisons d’opportunité.
C’est tant mieux, mais probablement insuffisant pour que nous puissions nous dire quittes des billevesées, certes, mais aussi des tentations de la culture de remplacement (ou Cancel Culture) et des autres modes venues d’outre-Atlantique, tentatives d’imposer une post-modernité tellement entrée dans certaines têtes qu’on n’a pas même besoin de solliciter la « déconstruction » pour que certains se mettent à son service, ainsi que l’illustre l’affaire du cheval suspendu au-dessus du Tombeau des Invalides, dont il est question par ailleurs. Tout danger n’est donc pas écarté et la vigilance s’impose.
Si nous avons des désaccords, tant mieux. Si nous avons encore besoin d’étudier, chiche. Renoncer à une part de nous, sûrement pas.
Dans moins de deux semaines, heureusement, nous pourrons commencer à commémorer en « présentiel ». On doit ici remercier les radios et les télés, les animateurs des réseaux sociaux, les éditeurs de magazines et de livres d’avoir aussi bien travaillé pour nous faire patienter. Le moment est venu de distendre un ressort trop longtemps comprimé. L’heure approche de nous précipiter dans les expositions, les colloques, les conférences, les manifestations les plus diverses qui animeront (enfin) notre Année Napoléon.
Nous en avons faim.

Thierry Lentz
Mai 2021

Thierry Lentz est directeur de la Fondation Napoléon.

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