Quelles que soient nos lectures, elles peuvent distiller des éléments de contexte historique, de noms de personnages, de lieux que l’on réussira à rattacher les uns aux autres, que notre cerveau recoupera avec d’autres informations, d’autres lectures et qui nous aideront à avoir une vue parfois plus précise du siècle des Bonaparte.
Sans rien dévoiler des intrigues des œuvres qui seront citées, voici un petit florilège d’informations que l’on peut apprendre au gré de lectures, ici ce sont celles qui m’ont marquée (liste non exhaustive par ailleurs) mais bien sûr, chacun retiendra des indices historiques qui seront liées à ses connaissances antérieures, à ses passions, à ses centres d’intérêts, à sa réceptivité lors de sa lecture…
Sur le 1er Empire :
Du monument littéraire La guerre et la paix du non moins grand écrivain russe Léon Tolstoï, plusieurs choses ont marqué ma mémoire et mon esprit. La précision de la description de la stratégie militaire développée lors de la bataille de Borodino, ville que j’attribuais d’ailleurs à l’Italie du fait de la sonorité de ce nom. Je n’ai, depuis ce livre, jamais oublié ce qu’est un Shako puisque les tenues militaires sont décrites avec précisions et que ce nom m’étant inconnu j’étais allée voir sur internet à quoi pouvait bien ressembler ce couvre-chef. Et puis l’on n’oublie pas le nom du Général Koutouzov, qui s’est illustré lors de la campagne de Russie. Il y mena la politique de la terre brûlée qui força la Grande Armée à battre en retraite à la vitesse grand V autant que faire se pouvait.
Bercée par la voix de ma maman lisant soir après soir lorsque j’étais enfant les nombreux écrits de la Comtesse de Ségur, comme Les malheurs de Sophie, Les petites filles modèles, Le bon petit diable et autres, je me suis rendu compte il y a quelques années seulement que cette femme, originaire de la grande noblesse russe était la fille du gouverneur de Moscou, le comte Rostopchine qui refusa de livrer les clés de sa ville à Napoléon et préféra la laisser brûler et aux mains des prisonniers libérés qu’à son ennemi atavique.
Du très original voyage de Sylvain Tesson qu’il a choisi de retracer dans son livre Bérézina : la retraite de Russie en side-car soviétique (de la marque Oural), soit 4000km qu’il fit avec des amis en plein hiver, j’ai retenu le nom du Général Eblé. Commandant les pontonniers, ces hommes qui ont permis à l’armée napoléonienne en déroute et harcelée par l’armée du Tsar alors sous les ordres de Koutouzov (comme quoi on peut ici déjà faire des recoupements avec Guerre et paix), de traverser la vingtaine de mètres du fleuve qu’est la Berezina. Ce qui marque c’est le courage, la détermination, la fidélité à l’Empereur et surtout l’exemplarité de cet homme qui n’a pas fait que donner des ordres mais a rejoint ses hommes pour participer à l’effort monumental qui leur était demandé. La version illustrée de l’ouvrage apporte un vrai plus à la lecture. Il existe aussi une version en BD toute aussi passionnante.
Dans un tout autre style, Alexandre Dumas nous offre une aventure romanesque avec le Comte de Monte Cristo car n’oublions pas que sans la Restauration et les Cent-Jours l’époustouflante vie d’Edmond Dantès n’aurait pas pris forme sous la plume de son auteur. Je ne peux aller plus loin sans gâcher le plaisir de la lecture à ceux qui ne l’ont pas encore découvert. Mais Dumas nous offre aussi avec La San Felice un aperçu très précis des situations militaires et politiques dans le royaume de Naples, gouverné par le roi Ferdinand IV de Bourbon-Sicile (1759-1825). Toujours sous couvert du romanesque qui englobe une intrigue amoureuse, des complots, des batailles, des rebondissements, l’engagement politique du protagoniste on découvre :
– Un Amiral Nelson au physique ingrat. Qui se serait douté que ce héros anglais amputé d’un bras, était également borgne ? Ce n’est pas le roman national britannique qui en fait la publicité, et la statue de Trafalgar Square de Londres érigée en son honneur se limite à le représenter avec un seul bras. Cet homme courageux et intelligent se laissa pourtant prendre par péché de vanité en devenant l’amant de Lady Hamilton (la femme de l’ambassadeur anglais à Naples) et ne se rendit pas compte qu’il était manipulé par les Bourbon-Sicile !
– Ce qu’est la république parthénopéenne/napolitaine : en 1798, le royaume de Naples s’engage dans une guerre contre la France. Au début victorieuse, cette aventure se termine par un désastre. À la suite des combats qui se déroulent les 22 et 23 janvier 1799, les troupes françaises entrent dans Naples, tandis que la cour fuit à Palerme. Les troupes françaises, soutenues par un groupe de jeunes Napolitains proclament en janvier 1799 la « République parthénopéenne ». Le nouveau gouvernement construit dans la foulée un nouvel ordre républicain avec, entre autres, l’abolition de la féodalité et la suppression des fiefs. Cependant, le 24 juin 1799, les Français retranchés dans Naples et acculés par les armées alliées se rendent et cette éphémère république cesse d’exister.
Parmi d’autres ouvrages, et notamment certains écrits par Balzac, je me souviens avoir entendu parler pour la première fois de « l’exil » des royalistes et de la mort du duc d’Enghien en lisant Le Lys dans la vallée ; ou bien encore d’avoir ressenti une sensation de froid en lisant les descriptions si précises, détaillées et glaçantes de la débâcle en Russie près de la Bérézina (tiens, comme on la retrouve !) dans Adieu, courte nouvelle s’il en est, sur un amour contrarié par la guerre, ses atrocités, sa réalité, loin de la gloire que le roman national français nous livre traditionnellement.
Sur le Second Empire :
Avant de revenir à des ouvrages dont le récit se déroule en France on peut s’arrêter par l’Italie. En effet, dans le royaume de Naples, (dont on a parlé un peu plus haut) se passe l’intrigue du roman Le Guépard de Guiseppe Tomasi di Lampedusa. Il s’agit de la période révolutionnaire italienne, le Risorgimento qui signifie « renaissance » et qui marque le début de l’unification Italienne vers 1860 qui commence avec L’expédition des mille (Spedizione dei Mille) et les chemises rouges (Camicie rosse) commandées par Garibaldi.
Du travail faramineux qu’a entrepris et mené à bien Zola avec Les Rougon-Macquart. Certains titres m’ont marquée plus que d’autres à savoir :
• L’argent dans lequel on nous révèle le fonctionnement de la bourse, et, même s’il était beaucoup moins évolué que le système actuel on y retrouve les mêmes travers et dérives qu’aujourd’hui et notamment l’appât du gain ou encore la spéculation.
• Nana qui répertorie nombre de fournisseurs de la jeune courtisane et parmi eux la Maison Boissier, célèbre confiseur parisien. J’ai regardé par curiosité si c’était un nom inventé ou un confiseur réel de l’époque et je me suis rendue compte que la maison existait toujours. Le confiseur parisien incarnait pour tous luxe et volupté et il profitait des succès au théâtre et en librairie pour adapter sa carte et le nom de ses bonbons.
• Son Excellence Eugène Rougon : où l’on retrouve des pages de descriptions de Paris lors de la cérémonie grandiose qui fut donnée en l’honneur du baptême du fils de Napoléon III.
• Au bonheur des dames : passionnant et déroutant dans le sens où l’on se rend compte que le marketing moderne n’a rien inventé, tout est déjà précis et détaillé sur la façon d’appâter les clientes avec différentes stratégies déjà bien rodées.
Enfin, Le ventre de Paris, une œuvre magistrale qui nous immerge totalement dans le monde des halles parisiennes de l’époque. Tout y est décrit jusqu’aux effluves plus ou moins ragoutantes des différents étals. Du boucher à la fleuriste en passant par le poissonnier, le troquet du coin, les maraichers apportant à la capitale leur marchandise dans la lueur blafarde de l’aube avec des charrettes. C’est le titre de la saga qui m’a le plus marqué, et si, l’enjeu ici n’a pas de rapport direct avec des intrigues de cour, tout comme dans Au bonheur des dames, c’est la société et son fonctionnement qui y sont dépeints de sorte que l’on croit être au sein même des lieux.
Incontestables grands auteurs de leur temps, reconnus par la postérité, qu’ils soient romantiques, réalistes, naturalistes il n’est pas trop tard pour se (re)plonger dans leurs écrits dans lesquels ils décrivent avec acuité et nombres précisions les faits historiques puisqu’en tant que témoins privilégiés de leur époque ils ont su retranscrire avec leur géniale maitrise du verbe, les meurs, les événements, les transformations sociales qu’ils ont vécues.
Bien sûr, au-delà des nombreuses biographies sur les personnages importants/historiques de ces époques, il existe aussi une multitude de romans dont les intrigues se déroulent sous le Premier et/ou le Second Empire (qu’ils soient historiques, romantiques, d’aventures…), le choix est assez large pour que chacun y trouve son compte.
Alors bonne(s) lecture(s) !
Livres mentionnés :
Guerre et paix, feuilleton entre 1865 et 1869 dans Le messager Russe, Léon Tolstoï.
Les Malheurs de Sophie, Les petites filles modèles, Les vacances, La Comtesse de Ségur, Hachette, 1858-59, Le bon petit diable, 1865.
Bérézina, Sylvain Tesson, Gallimard, 2015.
Le Comte de Monte Cristo, feuilleton d’août 1844 à janvier 1846 dans Le journal des débats et La San Felice, 1864, Alexandre Dumas père.
Le lys dans la vallée, Ed. Edmond Werdet, 1836 et Adieu, dans l’hebdomadaire La Mode, 1830, Honoré de Balzac.
Le Guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Feltrinelli, 1958.
Les Rougon Macquart. Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire, Émile Zola, (1871-1893) qui comprend 20 titres.