Une chronique d’Éric Anceau : Napoléon III en majesté dans les nouveaux programmes de lycée

Auteur(s) : ANCEAU Eric
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Les nouveaux programmes d’Histoire du lycée qui entreront en vigueur à la rentrée de septembre 2019 dans le cadre de la réforme portée par le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer, marquent une petite révolution dont on peut se réjouir.

Une chronique d’Éric Anceau : Napoléon III en majesté dans les nouveaux programmes de lycée
Éric Anceau (Source : Twitter.com)

La périodisation, les repères chronologiques et géographiques, les portraits vivants des grands acteurs de l’histoire et le récit font un retour spectaculaire. Cela redonnera de la chair à l’histoire et permettra à l’esprit critique des lycéens de se développer réellement, en s’exerçant non plus sur des schémas généraux, mais sur une histoire vivante, incarnée et saisissable.

Les programmes eux-mêmes  ne sacrifient pas les mondialisations, les migrations, l’histoire des femmes et celle de tous les « sans grades », qui étaient au centre des programmes précédents, ceux de 2010, car ces champs ont connu des avancées historiographiques majeures au cours des dernières décennies et répondent, sans nul doute possible, à une préoccupation de notre temps. Cependant, les concepteurs des nouveaux programmes ont jugé souhaitable, dans le monde tel qu’il est et avec les évolutions accélérées que connaît notre société, de faire davantage comprendre aux jeunes le lien charnel qui lie au pays et à son histoire.  Il y a là l’idée de rappeler à notre jeunesse qu’elle a des racines et pas seulement des ailes.

Cela ne signifie évidemment pas revenir à l’histoire telle qu’elle était enseignée sous la Troisième République, une histoire factuelle et téléologique, mais partir du processus de construction de la France, de son État et de sa nation, pour pouvoir ensuite élargir son horizon à l’Europe et au monde.

Si Napoléon, le Consulat et l’Empire ont toujours été plutôt équitablement traités jusque-là dans les programmes de l’enseignement secondaire en France, tel n’a généralement pas été le cas de Napoléon III et du Second Empire. Or, dans ces nouveaux programmes, ils occupent bel et bien une place inédite.

Ouvrons le programme de Première, car il est celui qui inclut les deux Empires. Ce programme couvre désormais un très grand XIXe siècle qui va des débuts de la Révolution française à la conclusion de la Grande Guerre (1789-1923). Alors que le volume horaire dont disposerons les enseignants pour le traiter n’augmentera pas – doux euphémisme – et que le Consulat et l’Empire présentés dans la continuité de la Révolution seront traités avec celle-ci dans le premier des onze chapitres, le Second Empire, associé à la Deuxième République, en occupera, pour sa part, pas moins de trois, pour un quart du volume global de l’année, représentant la totalité du deuxième des quatre thèmes à aborder. Ce thème est situé dans la progression à une place qui lui donne la certitude d’être abordé !

Le premier chapitre consacré à la Deuxième République et au Second Empire est purement politique et  souligne que la période marque l’entrée difficile de la France dans l’âge démocratique, la figure du premier président de la République et du dernier souverain de notre histoire, Louis-Napoléon Bonaparte-Napoléon III étant associé ici à celles d’Alphonse de Lamartine, le poète romantique égaré en politique et de George Sand, la romancière, égérie de Ledru-Rollin en un siècle misogyne. Le deuxième chapitre met l’accent sur l’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales. Il ne le fait pas au prisme habituel et, pour tout dire, légitime et logique de la Grande-Bretagne ou de l’Europe, mais à celui exclusif de la France, de son souverain saint-simonien, du baron Haussmann et des frères Pereire ! Quant au troisième chapitre qui traite de la construction de deux grands États-nations en Europe, le royaume d’Italie et l’Empire allemand, il le fait, là encore, à partir du rôle de la France de Napoléon III ! Si le souverain français n’y aura évidemment pas toujours le beau rôle, les lycéens n’auront jamais autant entendu parler de lui depuis 150 ans qu’à partir de l’an prochain !

Éric Anceau

Février 2019

Éric Anceau est historien et maître de conférences à l’université Sorbonne Université, où il enseigne l’histoire du XIXe siècle et l’histoire des pouvoirs, de l’action publique et des sociétés en France et en Europe à l’époque contemporain.

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