Le Premier Ministre, le ministre de l’Éducation nationale se sont certes prononcés contre cette pratique, décrétant qu’elle serait bannie des textes officiels, mais rien n’y a fait. L’inclusif prospère dans les ministères et les institutions publiques.
Traditionnellement, c’est l’usage qui polit la langue, et la fait évoluer, pas l’intervention de Trissotin et Trissotine, armés d’entonnoirs pour faire ingurgiter de force au bas peuple un indigeste brouet de mots et de morse.
Au passage, Revel le notait aussi, ces militants distingués confondent tout, notamment le genre grammatical et le sexe : un homme peut fort bien être une canaille et une femme un génie, sans rien perdre de ce qui fait leur éminente dignité. D’ailleurs, qui a décrété que le « e » final féminisait forcément un mot : que fait-on alors de la clé, de l’amitié, et à l’inverse du lycée ?
C’est ainsi : la langue française est pleine d’exceptions, de chausse-trapes. Il suffit de les expliquer, et surtout d’apprendre aux élèves le recours fréquent au dictionnaire. Cette histoire serait risible si l’épidémie de points médians, et la cacophonie qu’elle entraîne, ne risquait pas de créer, selon les mots de l’Académie, « une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. »
À l’heure où le délitement du tissu national demanderait plutôt qu’on offre aux Français un langage commun, qu’on le nomme celui de Molière, de Senghor ou de Yourcenar, l’entreprise inclusive ressemble bien à une navrante expérience d’apprenti sorcier.
Étienne de Montety, rédacteur en chef du Figaro littéraire.
Éditorial du Figaro, 7 septembre 2018, avec l’aimable autorisation de l’auteur.