ALI (Louis-Etienne Saint-Denis, dit le Mameluk Aly ou), 1788-1856, valet de chambre de Napoléon

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D’une famille de domestiques attachée au château de Versailles où il naquit le 22 septembre 1788, il reçut une bonne éducation, fut d’abord petit-clerc de notaire à Paris puis, grâce à son père, maître de manège qui connaissait le grand écuyer Caulaincourt, entra aux équipages de la Maison en Espagne, en Allemagne, en Hollande jusqu’à ce jour du 11 décembre 1811 où il passa au service intérieur comme second mameluck. C’est alors qu’il reçut le surnom d’Ali qu’avait porté, avant lui, le compagnon de Roustam, ramené lui aussi d’Egypte par Bonaparte qui s’en était assez vite séparé. C’est en cette qualité qu’il fit les campagnes de Russie et de 1813, s’occupant des lunettes de campagne, du service de table et couchant, comme Roustam, en travers de la porte de la chambre. Il eut, en 1814, à Fontainebleau, la chance que Roustam se soit enfui. Il rejoignit l’île d’Elbe de lui-même après avoir été retenu prisonnier à Mayence et devint alors premier mameluck. Des Cent-Jours à Sainte-Hélène, il ne devait plus quitter Napoléon un seul jour. Jeune, il se montra infatigable, dévoué, discret et intelligent. Marchand, devenu son ami, et lui furent les deux domestiques qui adoucirent la captivité en rendant à leur maître tous les services possibles. Surtout, ses fonctions de copiste (nombre d’écrits de Longwood sont de sa main, y compris une partie du Mémorial de Las Cases) et de bibliothécaire – et on sait que la bibliothèque eut une importance capitale pour les exilés – lui donnèrent un rôle indispensable auprès de Napoléon dans ces années de la création de la légende.

Revenu en France, jouissant d’une petite aisance financière grâce à ses gages passés et à un legs de l’Empereur, il s’installa à Sens en 1827 et se dévoua corps et âme au culte du souvenir. Il rencontrait les anciens de l’épopée, échangeait avec eux une abondante correspondace, rafraîchissait la mémoire de Las Cases et de Montholon et de beaucoup d’autres anciens de Sainte-Hélène qui l’interrogeaient. Chargé, par le testament de Napoléon, de remettre 400 livres de la bibliothèque au duc de Reichstadt, il ne put que les faire remettre à Madame Mère. Après sa participation à l’expédition du retour des Cendres en 1840, il continua plus que jamais à fréquenter les milieux bonapartistes. De passage à Sens en 1851, le prince-président eut avec lui une entrevue sans témoin et, le 23 février 1854, devenu Napoléon III, combla son vœu le plus cher en le nommant chevalier de la Légion d’honneur. Membre du conseil municipal de la ville, père de trois filles qu’il avait eues de son mariage avec Mary Hall, gouvernante des enfants Bertrand épousée à Sainte-Hélène – où avait d’ailleurs vu le jour son aînée -, il laissait à sa mort, survenue à Sens le 3 mai 1856, une oeuvre écrite considérable qui l’avait occupé pendant de nombreuses années.

Ses Souvenir publiés en 1826 (quoique partiellement et très imparfaitement) fournissent sur la vie à Longwood des renseignements qu’on ne trouve chez aucun autre mémorialiste. Mais les inédits sont importants, plus divers et fort curieux. On lui doit entre autres, le catalogue complet (en voie de publication) de la bibliothèque de Longwood, dont la composition a déjà fait l’objet d’études savantes mais partielles. Bien qu’il n’ait pas pris de notes de 1812 à 1821, son extraordinaire mémoire visuelle, sa position neutre de domestique intime et un rare scrupule (qui le pousse, par exemple, à revenir souvent sur un même point pour préciser quelque détail) font de ses papiers une source originale sur la vie privée de l’Empereur pendant les dernières années du règne et celles de l’exil ainsi que sur le développement de la légende naopléonienne depuis 1821 jusqu’au Second Empire.

Jacques Jourquin

Notice extraite du Dictionnaire Napoléon, sous la dir. de Jean Tulard, Fayard, 1989, p. 64.
Avec l’aimable autorisation des éditions Fayard.

A lire : Journal inédit du Retour des Cendres 1840 du mameluck Ali, édition établie par Jacques Jourquin, Tallandier, 2003, 302 p.

Interview de Jacques Jourquin en 2003, à l’occasion de la sortie du Journal inédit du Retour des Cendres

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