D’Augereau, Napoléon dicte à Las Cases un portrait peu flatteur : « Sa taille, ses manières, ses paroles lui donnaient l’air d’un bravache, ce qu’il était bien loin d’être du reste, quand une fois il se trouva gorgé d’honneurs et de richesses, lesquelles d’ailleurs il s’adjugeait de toutes mains et de toutes manières. » Las Cases ajoute que Napoléon remarquait pourtant à la décharge du maréchal : « C’est Augereau surtout qui décida de la journée de Castiglione, et, quelques torts que l’Empereur eût à lui reprocher par la suite, le souvenir de ce grand service national lui demeura constamment présent et triompha de tout. »
Fils d’un domestique et d’une fruitière du faubourg Saint-Marceau, il fut prévôt d’armes aux carabiniers napolitains après avoir servi dans l’armée prussienne et combattu Turcs et Autrichiens. La Révolution fit de lui un garde national, un volontaire, un capitaine de hussards, un lieutenant colonel en Vendée, un général de division à l’armée des Pyrénées orientales. Passé à l’armée d’Italie en 1795, il est à Montenotte, Millesimo, Lodi, s’empare de Peschiera, reprend Brescia et s’illustre surtout le 3 août 1796 à Castiglione. Il combat à nouveau brillamment à Arcole. Aussi, le 17 février 1797, est-il envoyé à Paris au Directoire pour y présenter les drapeaux pris à Mantoue. De retour en Italie, il quitte à nouveau la péninsule à la demande du Directoire et sur désignation de Bonaparte pour prendre le commandement de la division militaire de Paris et effectuer le coup d’État du 18 Fructidor.
Général en chef de Sambre-et-Meuse et de Rhin-et-Moselle à la place de Hoche, puis commandant militaire à Perpignan, il se fit élire député de la Haute-Garonne au conseil des Cinq-Cents. Hostile au coup d’État de Brumaire, il se rallie pourtant au Consulat et exerce divers commandements en Hollande, comme commandant de l’armée de Batavie. Maréchal d’Empire le 19 mai 1804, il reçoit le commandement du 7e corps de la Grande Armée du 30 août 1805 au 14 février 1807; blessé à Eylau, il rentre en France. Le 19 mars 1808, il est fait duc de Castiglione. En Allemagne en 1809, il passe en Espagne pour prendre le commandement de l’armée de Catalogne le 8 février 1810. Rappelé en France, il est chargé, le 4 juillet 1812, du 11e corps de la Grande Armée en Allemagne. A Berlin, en janvier 1813, il combat à Leipzig puis rentre en France. Napoléon lui demande de « reprendre ses bottes et sa résolution de 93 ».
Il a pour mission d’arrêter l’invasion des Alliés dans le Sud-Est. Il est battu à Saint-Georges le 18 mars puis à Limonest le 20 et doit évacuer Lyon.
Déjà son comportement en Allemagne a été loin d’être brillant, et il apparaît désormais indécis et découragé. A-t-il trahi ? Il a eu des contacts avec le prince de Hesse-Hombourg et a lancé le 16 avril 1814 une proclamation prescrivant à ses soldats « la couleur vraiment française » de la cocarde blanche des Bourbons et dénonçant en Napoléon le tyran qui a « immolé des millions de victimes à sa cruelle ambition ». Napoléon, qui le rencontra sur la route de l’île d’Elbe, devait observer : « Depuis longtemps, chez lui, le maréchal n’était plus le soldat ; son courage, ses vertus premières l’avaient élevé très haut hors de la foule ; les honneurs, les dignités, la fortune l’y avaient replongé. » Le défectionnaire de Lyon fit oublier le vainqueur de Castiglione. Nommé par la Restauration gouverneur de la 19e division militaire à Lyon, puis de la 14e à Caen, il fut rayé, lors des Cent-Jours, de la liste des maréchaux. Il assista néanmoins à la cérémonie du Champ de Mai. Ultime reniement. Il fut mis en disponibilité en décembre 1815, et mourut quelques mois plus tard.
Jean Tulard
Source : Dictionnaire Napoléon, Paris : Fayard, 1987
Avec l’aimable autorisation des Editions Fayard