BESSIÈRES, Jean-Baptiste, duc d’Istrie (1768-1813), maréchal

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BESSIÈRES, Jean-Baptiste, duc d’Istrie (1768-1813), maréchal

« Si Bessières est maréchal, tout le monde peut l’être. » Le mot est de Marmont. Il n’est pas sûr que ce soit là l’expression d’une simple jalousie. II est en effet difficile de juger ce cavalier brave par fidélité, dont l’héroïsme et l’à-propos des charges semblent plus souvent signalés par les bulletins que par ses pairs. Le jugement de Napoléon dans ses « dictées » de Sainte-Hélène permet de mieux comprendre le contraste apparent entre son caractère et son ascension : « Bessières était d’une bravoure froide, calme au milieu du feu ; il avait de très bons yeux, il était fort habitué aux manœuvres de cavalerie, propre surtout à commander une réserve. Bessières était un officier de réserve plein de vigueur, mais prudent et circonspect. On le verra dans toutes les grandes batailles rendre les plus grands services. » Ce rôle, il le joue dans toutes les campagnes napoléoniennes jusqu’au jour fatal du 1er mai 1813.

Il naît le 6 août 1768 à Prayssac (Lot) d’un père médecin qui lui fait donner l’instruction nécessaire pour embrasser la même profession que lui. La Révolution lui fait changer d’orientation, et il s’engage dans la garde nationale de Prayssac où il devient capitaine avant d’être désigné, peu après Murat, pour servir dans la garde constitutionnelle du roi (7 avril 1792). Il n’y reste pas longtemps, car elle est licenciée deux mois après, et il entre alors dans la garde nationale parisienne (Murat, lui, en a été congédié le 4 mars et est retourné à son 12e chasseurs). Il est ensuite employé, avec le 22e chasseurs, à l’armée des Pyrénées puis des Pyrénées-Orientales. Il y est élu successivement lieutenant puis capitaine et prend part à toutes les affaires de la campagne avant de suivre son corps à l’armée d’Italie en 1795. Le 22e chasseurs et Bessières se distinguent dès le début de la campagne d’Italie ; aussi, lorsque Bonaparte crée le corps des guides, est-il mis à leur tête. Après la victoire de Rivoli, Bonaparte le fait partir, le 21 janvier 1797, pour porter au Directoire les drapeaux pris à l’ennemi, accompagné d’une lettre : « Citoyens directeurs, je vous envoie onze drapeaux pris sur l’ennemi aux batailles de Rivoli et de la Favorite. Le citoyen Bessières, commandant des guides, qui les porte, est un officier distingué par sa bravoure.» Le 9 mars 1797, seulement cinq jours après avoir été confirmé chef d’escadron, il est nommé chef de brigade (colonel) non seulement à cause de sa belle conduite mais surtout par suite de l’accroissement donné au corps des guides qui comporte maintenant, outre de la cavalerie, de l’infanterie et de l’artillerie. Il est ensuite de l’expédition d’Egypte, où il se distingue particulièrement à Saint-Jean-d’Acre (mars-mai 1799) et à Aboukir (25 juillet 1799) et fait partie du noyau de fidèles qui revient avec le futur consul. Murat le fonceur, Bessières le réfléchi : les deux amis seront conformes à leur image lors des journées des 18 et 19 Brumaire. Murat mène le nettoyage du Conseil des Cinq-Cents comme une charge de hussards ; Bessières reste constamment auprès de Bonaparte.

Mais, lorsqu’il s’agit de préparer le noyau de ce qui sera la Garde consulaire puis impériale, c’est toujours à ce dernier que Bonaparte pense : Bessières est mis à la tête de la garde du Corps législatif, dont les hommes deviendront bientôt les grenadiers de la Garde. Eugène de Beauharnais prend sa suite à la tête des guides, futurs chasseurs de la Garde. Une amitié se confirme, une solide inimitié se noue lors des projets de mariage de Caroline Bonaparte. Deux futurs maréchaux sont sur les rangs : Murat et Lannes. Caroline préfère le sabreur, son frère Napoléon a une préférence pour le second. Bessières met toute son influence dans la balance, et c’est Murat qui obtient la main de la sœur. L’origine de beaucoup de futurs heurts et rendez-vous manques entre les deux hommes ne seront pas à chercher ailleurs. Cependant, à Dijon, l’armée de réserve se forme pour être lancée dans les plaines de l’Italie du Nord. La bataille décisive contre les Autrichiens a lieu à Marengo (14 juin 1800). Des deux charges de cavalerie permettant la reconquête du champ de bataille, la plus déterminante ne sera pas celle de la Garde de Bessières, mais celle des dragons de Kellermann fils. L’amitié et l’intérêt politique aidant, la seconde sera qualifiée par Bonaparte d’« assez belle », la première de « glorieuse ». Après cette action, Bessières est nommé généra] de brigade (et Kellermann général de division, ce qui ne l’empêchera pas de crier partout à l’injustice) et commandant en second de la Garde consulaire. Quelques erreurs financières du commandant, le général Lannes, obligent le Premier Consul à réorganiser la Garde, qui aura quatre chefs au lieu d’un. Bessières est nommé à la tête de la cavalerie, puis promu général de division (13 septembre 1802). Le nouveau divisionnaire profite de la paix pour épouser Mlle Lapeyrière, modeste par la fortune, mais « modèle parfait de toutes les vertus de la femme et de la mère, de la fille et de la sœur » (duchesse d’Abrantès). Le jeune marié a alors trente-trois ans, il est d’une taille assez élevée, a de belles dents et une curieuse coiffure.

Le 18 mai 1804, Napoléon Bonaparte devient Napoléon Ier et décide de renouer avec la tradition en créant des maréchaux. Bessières est le dernier sur la liste des titulaires, mais il y figure, bien que certains puissent penser que « de tels choix scandalisent au lieu d’édifier ; ils ternissent le lustre qu’aurait eu sans eux la grande dignité du maréchalat » (général Thiébault). Pour faire bonne mesure, il est nommé colonel-général de la cavalerie de la Garde et grand-aigle de la Légion d’honneur.

Quand la guerre reprend en 1805, la Grande Armée est constituée, et Bessières mis à la tête de la Garde impériale. Après la prise de l’armée autrichienne à Ulm, Napoléon se retourne contre les Russes qui, après avoir reculé, acceptent la bataille à Austerlitz (2 décembre 1805). La charge de Bessières est un grand moment de l’affrontement : la cavalerie de la Garde, placée en troisième ligne derrière les grenadiers d’Oudinot et la Garde à pied, est formée sur une seule ligne comprenant 5 escadrons de grenadiers à cheval, 4 de chasseurs et un de mamelucks. Lorsque le 4e corps (Soult) s’est emparé du plateau de Pratzen, un bataillon du 4e de ligne, aventuré et ramené par la Garde impériale russe et la division Vandamme, qui amorce sa conversion à droite, est prise de flanc. Bessières envoie alors la cavalerie de la Garde à qui Rapp, l’aide de camp de l’Empereur, donne un élan irrésistible : les chevaliers-gardes de la Garde impériale russe sont dispersés.

L’année suivante, à Iéna, Bessières se tient toute la journée aux côtés de l’Empereur, avec Berthier et Duroc. A Eylau (8 février 1807), la réserve de cavalerie entraînée par Murat et la cavalerie de la Garde, commandée par Bessières, sauvent l’armée française. Lors de la campagne de 1806-1807 en Pologne, la Grande Armée, après le passage de la Vistule, forme un front fort étendu, qui plus est dans une région mal connue.

Napoléon forme donc une deuxième réserve de cavalerie (cuirassiers : d’Hautpoul ; dragons : Grouchy et Sahuc ; cavalerie légère : Tilly) et en donne le commandement à Bessières. Celui-ci, selon le général Thoumas, « s’acquitte de cette besogne en conscience et exécute le programme qui lui avait été dicté, mais, avec moins d’activité et de brio qu’en aurait mis Murat, dont c’était le rôle ordinaire. Il faut dire à sa décharge qu’il était loin d’avoir la liberté d’allure accordée à Murat et qu’il était mis sous les ordres de Bernadotte », maréchal « prudent ». En 1808, Bessières reçoit le commandement du 2e corps de l’armée d’Espagne, qui occupait la province de Salamanque. Après avoir établi son quartier général à Burgos, il apprend que le général Cuesta, à la tête de 40 000 hommes, menace de couper les communications de son corps. Bien qu’il ne dispose que de 14 000 hommes, il n’hésite pas à marcher à l’ennemi, le rencontre et le bat à Médina del Rio Secco (14 juillet 1808), puis retrouve l’Empereur lors de la courte campagne de la fin de 1808. En 1809, une nouvelle campagne s’ouvrant contre l’Autriche, il retourne à la Grande Armée à la tête de la cavalerie de la Garde et d’un corps de réserve de la même arme. Dès le 21 avril, au combat de Landshut, il met en déroute la cavalerie ennemie, puis sert avec Masséna à Ebersberg (3 mai 1809) et à Essling (21 mai). À Wagram, il conduit les charges de grosse cavalerie et, son cheval ayant été atteint par un boulet, il est renversé sous lui, ce qui lui vaut le mot de Napoléon : « Bessières, voilà un beau boulet, il a fait pleurer ma Garde. » Cette campagne terminée, sa belle contenance en face du débarquement anglais de Walcheren lui vaudra le titre de duc.

En janvier 1811, il retourne en Espagne où il montre les bons et les moins bons côtés de son caractère : il sait réprimer les désordres de l’armée et préserver les populations civiles. Mais il n’intervient que d’une manière toute théâtrale et dépourvue d’efficacité à Fuentes de Oñoro, alors qu’une meilleure coopération de sa part aurait valu la victoire à Masséna. Pour la campagne de Russie, c’est lui qui commande la Garde. Il a l’occasion de se signaler, notamment à Malo-Jaroslavetz (24 octobre 1812) : 8 000 cosaques de l’etman Platov attaquent le quartier général de l’Empereur. Bessières accourt au galop et charge à la tête de sa cavalerie, culbute les cosaques et leur tue un millier d’hommes.

À l’ouverture de la campagne de Saxe, en 1813, il est appelé au commandement en chef de toute la cavalerie de l’armée, mais, dès les premiers engagements, reçoit un boulet en pleine poitrine et trouve la mort. Son aide de camp, Baudus, raconte que le maréchal avait certainement eu le pressentiment de sa mort. En effet, en déjeunant le matin du 1er mai fatidique, il lui dit : « Au fait, si un boulet de canon doit m’enlever ce matin, je ne veux pas qu’il me prenne à jeun ! ». La mort de cet homme fidèle et intègre lui épargne, au moins, la vision des grands revers des années 1813 et 1814 : peut-être était-ce tout ce qu’il souhaitait.

Source
Dictionnaire Napoléon, éditions Fayard, 1999, notice : Jacques Garnier
Avec l’aimable autorisation des éditions Fayard

Bibliographie
Rabel (A.), Le Maréchal Bessières, 1903 ; Bessières (A.), Le Bayard de la Grande Armée. Le maréchal Bessières, 1941

Mise à jour : décembre 2024

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