Il naquit le 11 novembre 1771 à Thoirette, dans le Jura, d'un père médecin qui avait épousé sa cousine germaine un an plus tôt grâce à une dispense de la Cour de Rome. A onze ans, il entra au collège des pères joséphistes de Nantua, puis, en 1790, au séminaire de Saint-Irénée à Lyon. Au cours de ses passages dans ces deux institutions, il se signala par son application au travail, une grande mémoire, la sûreté de son jugement et la douceur de son caractère.
En 1791, il aborde l'étude de la chirurgie à l'Hôtel-Dieu de Lyon sous la direction du célèbre Marc-Antoine Petit qui remarque son intelligence et son habileté à manier le scalpel. Bientôt Lyon est le siège d'une lutte ardente entre partisans et adversaire de la Révolution ; obligé d'interrompre ses études, le jeune Bichat s'engage dans la Garde nationale et, avec le grade de chirrurgien de 3e classe, est envoyé à Grenoble, puis à Bourg-en-Bresse. Le calme revenu, il se rend à Paris au début de 1794. Sur la recommandation de son maître Petit, il est admis dans le service de l'illustre Desault, au Grand Hospice de l'Humanité (ancien Hôtel-Dieu). L'usage voulait alors que les étudiants rédigent à tour de rôle un résumé de l'enseignement prodigué au cours de la journée. Appelé à lire en public les notes qu'il a recueillies sur les fractures de la clavicule, Bichat se distingue par la clarté et la précision de son exposé. Désigné ainsi à l'attention de Desault, celui-ci décide de le nommer chirurgien-externe et lui offre en même temps le gîte et le couvert dans sa propre maison. Pendant deux ans, Bichat va ainsi partager la vie de son patron, l'aider dans ses opérations, l'accompagner auprès des malades, rédiger ses ordonnances. Le soir, il travaille encore, donne des conférences aux étudiants, trouve même le temps de disséquer pour parfaire ses connaissances anatomiques ou de répéter sur des cadavres tel acte chirurgical prévu pour le lendemain. Le 10 prairial an III (29 mai 1795), Desault, à la suite d'une visite à » l'enfant Capet » emprisonné au Temple (Louis XVII) est pris d'une forte fièvre accompagnée de frissons. Deux jours plus tard, il expire, laissant sa femme et son fils dans une situation précaire. Bichat, payant sa dette de reconnaissance, leur apporte son soutien et entreprend la publication des oeuvres du disparu, en particulier de son Traité des maladies chirurgicales, le 4e volume de Journal de chirurgie et Les Nouvelles considérations sur les mamaldies des voies urinaires. Un an plus tard, il fonde, en compagnie de dix-neuf jeunes confrères désireux, comme lui, de poursuivre leurs recherches, la Société médicale d'émulation. Dans le même temps, il ouvre rue des Grès (actuellement rue Cujas) un cours privé d'anatomie auquel il ajoute, peu après, l'enseignement de la médecine opératoire. Mais pour ses démonstrations, il lui faut des cadavres, et pour s'en procurer, il est obligé de se rendre la nuit dans les cimetières de la périphérie de la capitale, de déclouer les cercueils à la lumière d'une lanterne sourde et de ramener les corps ainsi dérobés dans son amphithéâtre dans une mauvaise carriole. Le résultat de ses constatations anatomiques fait l'objet de diverses communications tant à la Société d'émulation qu'à la Société de médecine qui vient de l'accueillir à l'unanimité de ses membres. A son père qui, après cinq années d'absence, s'étonne de ne pas le voir revenir au pays natal, il repond qu'il lui faut demeurer encore quelques mois à Paris afin de faire imprimer un ouvrage qu'il intitulera Traité des membranes.
La publication de ce livre en pluviôse an IV (février 1796) retient d'emblée l'attention du monde savant, si bien que l'Institut le range au nombre des ouvrages méritant les honneurs de la proclamamtion à la fête du 1er Vendémaiaire. Peu après, il se voit dispensé du doctorat en médecine que semble lui conférer d'office sa notoriété, il est nommé médecin expectant de l'Hôtel-Dieu.
Le Traité des membranes es tsuivi, six mois plus tard, de ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort divisées en deux parties, l'une théorique, bourrée d'idées neuves sur les différentes fonctions de la vie organique : digestion, respiration, circulation, absorption, exhalations, sécrétions, nutrition ; l'autre expérimentale, exposant à l'aide de considérations tirées de l'anatomie, de la physique et de la pathologie, le passage de la vie à la mort et l'influence qu'exercent les uns sur les autres les principaux organes du corps humain. La Société d'émulation et la Société de médecine ayant fusionné en octobre 1800 pour devenir la Société de médecine de Paris, Bichat en devient le secrétaire. Quelques mois plus tard, il est nommé médecin-chef de l'Hôtel-Dieu. Il est tout juste âgé de vingt-neuf ans ! Sa vie sera dès lors encore plus laborieuse.
Dès sept heures du matin, il est à l'hôpital ; l'après-midi il dispense ses cours et pratique des autopsies (plus de 600 en une année). Le soir et une partie de la nuit, il travaille à son Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine qui verra le jour en août 1801. C'est une oeuvre gigantesque, puissante, rédigée dans une langue concise et imagée. Tout au long des 4 volumes, on retrouve la marque de leur auteur, faite à la fois d'érudition, de déduction, d'analyse, d'innovation. Le succès en fut tel qu'on prétendit que l'ouvrage, payé 500 francs lors de la remise du manuscrit, rapporta plus de 500 000 francs à son éditeur ! Pas un instant Bichat ne songe à ralentir son effort. Déjà il médite une réforme complète de la matière médicale. Il étudie à cet effet l'action de divers médicaments, en essayant un grand nombre sur lui-même afin d'en mieux connaître les propriétés. Les observations qu'il recueille ainsi sont notées, classées, commentées au cours de longues discussions avec ses élèves.
Mais à ce rythme, sa santé s'ébranle. A maintes reprises, ce petit homme aux yeux noirs, au regard vif, au teint jaunâtre, à l'air méditatif et triste, avait présenté des hémoptysies, certaines assez abondantes. Au début de l'année 1802, ses amis l'avaient encouragé à prendre un peu de repos, mais il s'était gardé de suivre leurs conseils et avait repris de plus belle ses travaux de pharmacologie. Ce fut son chant du cygne. Le 18 messidor an IX (7 juillet 1802), après avoir passé la journée dans son laboratoire à étudier l'action des purgatifs sur la muqueuse intestinale, il perd connaissance, tombe et se fait une plaie profonde au cuir chevelu. Après avoir passé la visite de ses malades de l'Hôtel-Dieu, il est saisi d'une nouvelle syncope. Le lendemain, apparaît une forte fièvre accompagnée de violents maux de tête que l'administration d'émétique et la pose de sangsues sur la nuque ne parviennent pas à soulager. Les jours suivants, la situation ne cesse de s'aggraver en dépit des soins que lui portent ses anciens maîtres Corvisart et Lepreux. Bientôt, il sombre dans le coma et succombe le 3 thermidor (22 juillet) aux premières heures de la matinée dans les bras de Madame Desault, qui depuis plus d'une semaine est demeurée fidèlement à son chevet.
Ainsi disparaissait, à l'âge de trente et un ans, un homme qui allait laisser une profonde empreinte dans les annales de la médecine. Tout à la fois chirurgien, psychologue, médecin, pathologiste, physiologiste, anatomiste, histologue, thérapeute, Xavier Bichat s'était intéressé, au cours de sa trop brève carrière, à tous les domaines de la science qu'il avait éclairés d'une lumière nouvelle, ce qui devait permettre à l'un de ses éminents successeurs de dire : » Jamais vie si courte n'avait été si brillante « . Une statue de Bichat, oeuvre du sculpteur David d'Angers, se dresse depuis 1859 dans la cour d'honneur de l'ancienne faculté de médecine de Paris, et en 1882, son nom est donné à un hôpital parisien.
Auteur : Paul Ganière
Dictionnaire Napoléon, 1999, 2e éd., vol. 1, p. 225-226
Avec l'aimable autorisation des Editions Fayard.