BLANQUI, Jean-Dominique (1757-1832), sous-préfet

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Si la réputation des fonctionnaires a souvent été altérée par le comportement de certains "ronds de cuir", J. D. Blanqui ne peut certainement pas être comparé à ces bornés de l’administration ; travailleur honnête, modeste, il fut mêlé à de grands événements et tout particulièrement au rattachement du comté de Nice à la France.

Pendant 14 ans il administrera, en qualité de sous-préfet, un des arrondissements les plus déshérités de France ; victime des fluctuations politiques, il s'éteindra dans l'obscurité. Deux de ses enfants : Adolphe et Louis-Auguste bénéficieront de célébrité à des titres divers.

Né à Nice, c'est au comté de Nice qu'il consacrera le meilleur de ses activités et de ses talents. Sur ses premières années, on connaît peu de choses mais, ce qui est certain, c'est qu'il reçut une bonne instruction et qu'il maniait la plume avec facilité, dans le style de son époque.
Le 29 septembre 1792, les troupes françaises entrent à Nice. Danselme décide rapidement de procéder à l'organisation d'une administration provisoire dont Barras prendra la présidence. Blanqui a été conquis par les idées nouvelles, alors que son frère, Pierre-Joseph, passera dans le camp des Barbets. La Société Populaire, émanation du Club des Jacobins, a émis le voeu, au cours de ses séances, de réunir définitivement Nice à la France. Deux membres sont désignés pour transmettre ce voeu à la Convention : Veillon, un protestant originaire du Canton de Vaud, citoyen niçois depuis 10 ans, et Blanqui. La Convention en accepte le principe car « ce n'est pas une conquête mais le voeu d'un peuple qui le réclame », toutefois, Barère propose, pour rester dans la légalité, de consulter le peuple par voie de référendum. On votera donc ! Blanqui, en termes enflammés, exprime son désir « de voir disparaître despotisme et esclavage » du comité. Par une majorité honorable, Nice et le comté se donneront à la France qui acceptera de respecter le désir de la population de continuer à pratiquer la religion catholique. Blanqui va prendre place sur les bancs de la Convention élu député avec Dabray. Le 24 mai 1793 il siège pour la première fois et se range parmi les Girondins. Quand la Commune aura définitivement pris le pouvoir, 29 Girondins seront arrêtés ; seuls ceux qui auront pu fuir échapperont à la guillotine. Le 6 juin, Blanqui proteste contre l'affront et l'atteinte portés aux Lois. Le 3 octobre 1793 il est arrêté et incarcéré dans des conditions parfaitement inhumaines, lieux sordides, conditions si atroces qu'il décrira plus tard son calvaire dans un livre intitulé : « mon agonie de 10 mois ». Il écrit alors au Président de la Convention prétendant « qu'il ignorait le texte de la protestation et qu'on a abusé de sa signature », il écrit aussi à Robespierre « le sauveur de la France » pour lui demander son appui ; ce sont là faiblesses et lâcheté de l'homme qui souffre. Le 28 vendémiaire an III, il est enfin remis en liberté ainsi que les députés arrêtés avec lui.
Cette affreuse détention avait pourtant été adoucie par la présence d'une enfant. En effet, lorsque Blanqui siégeait à la Convention, un ami lui avait fait connaître une femme de l'ancienne noblesse qui, pour vivre tenait une pension 75, rue Honoré et exerçait le métier de couturière. Près d'elle, sa nièce et filleule, une ravissante enfant de 12 ans, aidait de son mieux à faire marcher la pension où il s'installera. Dès son emprisonnement, Sophie sera le trait d'union avec l'extérieur, le réconfort, la seule note de gaieté en laquelle ses amis et lui puiseront un peu de courage. Cet ange consolateur va leur devenir indispensable. Pour les voir, elle usera de patience, de prières, de ruses, rien ne la rebutera. Blanqui, bouleversé de tendresse et de reconnaissance, jure que cet ange sera sa femme ; encore faut-il qu'elle grandisse un peu ! Le 8 octobre 1796, l'enfant, à peine âgée de 16 ans, épousera un quadragénaire qui ne pourra la rendre heureuse et souffrira lui-même mille maux car, devenue femme, honorée d'une vertu à toute épreuve, elle la fera payer de tous les abus. Il ne pourra, pour son malheur, lui offrir qu'une vie médiocre.

Blanqui a repris sa place à la Convention. Il est élu aux Cinq-Cents.

En floréal an V, il rentre dans la vie privée à Nice où il exerce la profession de manufacturier en cuir. Le 21 novembre 1798, naît Adolphe. Quand Bonaparte rentre d'Égypte, le coup de grâce est bientôt donné au Directoire. Le Premier Consul aura à accomplir une oeuvre immense de reconstruction. Avec la nouvelle organisation des préfectures, des nominations vont être décidées. Blanqui fera parti de la promotion. A Nice, l'année 1800 sera tristement marquée par une épidémie de peste et plus de 600 morts. Blanqui est nommé Juge au Tribunal Criminel, alors que le 25.4.1800, il est proposé comme sous-préfet. Il préfère ce poste et se rend à Puget-Théniers où il est affecté. Le voyage, par des chemins muletiers, est une véritable aventure. Sur place, il ne trouve pour se loger qu'une maison où il devra vivre trois ans avec sa famille, dans des conditions déplorables. Il couche dans son propre bureau et Sophie accouchera dans une chambre dont les fenêtres ne ferment pas alors qu'il n'y a même pas une cheminée. Six enfants naîtront à Puget-Théniers, 2 mourront en bas âge. Les difficultés se multiplient avec des propriétaires dont les mulets sont cause de la saleté, le fumier envahissant tout, obstruant la porte. La ville est aussi très mal tenue. Blanqui demande, en vain, son changement de poste. Il essaie, avec conscience, et malgré ses déceptions personnelles, de résoudre les problèmes : déboisement, d'autant plus inquiétant que les chèvres en sont responsables étant « pour les cultures ce que sont les loups pour les troupeaux, en pire… », misère des habitants, impossibilité d'obtenir du gouvernement ou de l'évêché, le moyen d'organiser l'enseignement. Dans une si petite ville, chacun se cotoie, se heurte. Il est découragé et ne songe qu'à fuir ce « lieu se supplice ». Pourtant, « le sous-préfet aux champs » trouvera un peu d'oubli en prenant la plume pour décrire la découverte « du rossignol blanc ». Comme Perrette, son imagination l'entraînera dans des projets : endiguement du Var qui enrichirait la région, mais face au septicisme paysan, le projet n'aura pas de suite et avec la fin de l'Empire, se termine la carrière de Blanqui. Sophie hérite alors de sa tante du château d'Aulnay et d'une somme de 100 000 F. Elle se croit riche et faite pour une vie de chatelaine. Après la vie médiocre qu'elle a connue, Aulnay semble un paradis. Le 7e enfant naîtra au château. Le gaspillage aura bientôt raison de ce pactole et Blanqui est contraint de chercher une situation. Il la sollicite du « nouveau Henri IV et du nouveau Sully ». Il obtient une lettre de naturalisation. Le retour de Napoléon change alors la situation et, par décret du 25.5.1815, il est nommé sous-préfet de Marmande. Il part laissant sa famille à Aulnay. Après un mois de présence difficile dans cette région royaliste, c'est « sans argent, le bâton à la main et sac à dos. » qu'il rentre à Aulnay. Alors que Sophie se fait appeler « Madame Blanqui de Brionville », son mari, ruiné, cherche une situation. Trois enfants naîtront encore. Auguste, le fils, est déjà un révolutionnaire fougueux qu'un procès retentissant a mis en vedette, quand Blanqui, victime du choléra, s'éteint le 1er juin 1832.
Auguste Blanqui, dont le nom a aujourd'hui bien effacé celui de son père, privé de liberté, ne pourra assister aux obsèques.

Auteur : Ernest Hildesheimer et Louise Linden
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 305
Mois : 05
Année : 1979
Pages : 27-28

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