BOUTIN, Vincent, (1772-1815), agent secret

Partager

Boutin, "le Lawrence français" comme l’a, si justement, appelé le commandant Lachouque, est né le 1er janvier 1772, près de Nantes.

Il sort sous-lieutenant de l'Ecole du Génie de Mézières, en 1793, et fait Campagne aux armées de Sambre et Meuse, du Rhin et d'Italie, de 1794 à 1800. L'Empereur le nomme chef de bataillon en 1804. Il est à Austerlitz et à léna.
En 1807, l'Empereur l'envoie seconder Sébastiani à Constantinople, qui le charge d'organiser les travaux de défense, car on s'attend à une attaque anglaise. En effet, le 3 mars 1807, l'amiral Duckworth se présente devant la ville mais, reçu par le feu violent des douze cents canons, savamment disposés par Boutin, il fut bien heureux d'avoir pu gagner l'île de Ténédos, non sans avoir essuyé de lourdes pertes. Et le Morning Chronicle écrira: << C'est à Sébastiani que revient tout l'honneur de l'expédition…>> et à Boutin, à qui Sélim III conféra immédiatement l'Ordre du Croissant. Napoléon le fait Chevalier de la Légion d'Honneur le 17 janvier 1808.
Sa carrière d'officier est finie; il va devenir agent secret de l'Empereur, qui l'envoie à Alger. Le 18 avril 1808, Napoléon écrit à son ministre de la Marine: << Monsieur Decrès, méditez l'expédition d'Alger… Je ne vous demande une réponse que dans un mois, mais alors, qu'il n'y ait pas de << mais>>, de << si>>, ni de << car>>, et il souhaite que l'officier chargé de cette mission soit << un peu officier de marine et ingénieur de terre et ne rapporte pas de rêveries>>. Sur l'avis de Clarke, Decrès confie cette mission à Boutin.
Sur le brick qui l'emmène, il passe pour un voyageur qui va voir son cousin, consul de Sa Majesté à Alger. Attaqué par un anglais, les marins du bord ne furent pas peu surpris de voir le passager, en chapeau rond et redingote, pointer un canon sur le navire ennemi qu'il démâta, l'obligeant à abandonner le combat.
La mission de Boutin est difficile et dangereuse; le Dey est sous la coupe des marchands juifs achetés par l'or anglais. Mais, quand même, il étudie les défenses de la ville, cherchant le point où débarquer, qu'il trouve enfin: Sidi Ferruch. Mission terminée, son navire est pris par un Anglais et Boutin est emmené prisonnier à Malte, d'où il peut s'évader peu après.
Arrivé à Paris, l'Empereur le charge de faire un rapport sur les relations de l'Afrique du Nord avec l'Angleterre. Et Decrès lui écrit que l'Empereur a été très satisfait de son travail.
Au début de mai 1809 Bertrand le charge de construire les ponts qui permettront à la Grande Armée de passer sur la rive gauche du Danube, réussite dont Napoléon dira: << C'est le plus beau travail fait depuis les Romains>>.
Boutin sera blessé à Wagram. Promu colonel le 2 août 1810, l'Empereur l'envoie en mission en Egypte, où il passe pour un savant en mission officielle, ce qui lui ouvre toutes les portes. Invité à une fête donnée à Alexandrie, Boutin a, à côté de lui, une très belle femme, distinguée; c'est Sa Grâce Lady Hester, Lucy Stanhope, nièce de Pitt, qui, elle, aime la France et les Français, et a une admiration, sans bornes, pour Napoléon. << Vous êtes un espion de Bonaparte, lui-dit-elle. _ Oh non, je ne suis qu'un pauvre archéologue>>.
En 1814, Boutin est envoyé en mission en Syrie, où il retrouve Lady Stanhope, dans l'intimité de qui il vivra un mois, et qui sera sa maîtresse. Mission terminée, avant de regagner la France, il voulut revoir les ruines de Baalbek. Il confia ses papiers à son amie, en lui disant que son absence serait de courte durée. Celle-ci se prolongeant, Lady Hester envoya ses gens à sa recherche, qui lui rapportèrent qu'ils avaient trouvé son corps, près d'Alep, où Boutin aurait été assassiné, vers juillet 1815.
Lady Hester put identifier les tribus coupables de ce crime et elle demanda à Soliman, pacha de Saint-Jean d'Acre, de venger la mort de son ami. Le châtiment de Soliman fut terrible; il fit raser cinquante-deux villages et mettre à mort trois cents personnes.
 
 

Auteur : Jean Montels
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 269
Mois : mai
Année : 1973
Pages : 21

Partager