CABANIS, Pierre Jean Georges (1757-1808), médecin, comte et sénateur de l’Empire

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Sa vie, son parcours

Cabanis naît le 5 juin 1757, à Cosnac. Sa scolarité étant laborieuse, son père l'envoie à Paris pour continuer ses études. Il est placé sous l'autorité de Turgot, ministre de Louis XVI.
 
Dans la capitale, il se passionne pour la poésie et se consacre à l'étude des textes d'Homère. En 1773, en qualité de secrétaire, il accompagne un seigneur polonais à Varsovie. De 1773 à 1775, Cabanis se retrouve en Allemagne et en Pologne où il demeure peu de temps (http://fr.wikipedia.org, 2010). Il lit les plus grands philosophes, mais c'est en 1777 qu'il s'oriente vers une carrière médicale sur les conseils d'un autre médecin, Dubreuil. Il est diplômé le 4 septembre 1784 et prête serment à Reims (Gourdol, 2010 ; Dupont, 1999). De 1785 à 1788, son nom apparaît sur la couverture de nombreuses oeuvres littéraires et de rapports scientifiques pour lesquels il a été missionné. En 1788, il publie Degré de certitude de la médecine. Selon Pierre Jean Georges, la médecine confine à de la philosophie et s'apparente à une science morale. Il est le premier à appréhender l'activité intellectuelle sur un plan biologique et scientifique (Baertschi, 2005 ; Levin, 1984 ; Mitchell, 1978 ; Turgeon & Whitaker, 2000). Après la prise de la Bastille, Cabanis devient un ami intime de Mirabeau dont il rédige les quatre discours sur l'instruction publique. En 1791, dans les derniers jours de Mirabeau, Cabanis l'assiste en tant que médecin traitant. Pendant la Révolution, le médecin, grand humaniste, s'insurge contre la peine de mort. Des débats houleux ont lieu concernant l'absence de conscience, ou non, du guillotiné (Chazaud, 1998). Cabanis défend avec ardeur et véhémence ses thèses sur le lien qu'il estime exister entre vie psychique et vie physiologique (Gourdol, 2010).

Entre 1790 et 1793, le directoire de Paris et la commission des hôpitaux dont il fait partie le requiert pour diverses missions avec obligation de rendre un rapport : Observation sur les hôpitaux (1790), Travail sur l'éducation (1791), Quelques principes et quelques vues sur les secours publics (1792), etc.(Staum, 1974 ; Staum, 1978).

En se liant d'amitié pour Mirabeau, Cabanis affiche des convictions républicaines convaincues. Mais, la Terreur et le massacre de ses amis décident le médecin à se tenir dans l'ombre et à rester le plus discret possible. En juillet 1794, lorsque ses proches prennent le pouvoir, lorsque la Terreur cesse enfin, il revient aux affaires. Ainsi, avec le décret du 4 décembre 1794 qui permet la réouverture des écoles de médecine, Cabanis prend la fonction de professeur adjoint à la clinique du perfectionnement entre 1794 et 1795. Entre 1797 et 1798, il devient l'adjoint de Corvisart. C'est à cette époque qu'il écrit une série d'articles pour le journal Le Conservateur dans lequel il publie tantôt des textes scientifiques, tantôt des textes de propagande antiroyaliste (Gourdol, 2010 ; Role, 1994).

Le 15 décembre 1795, il est élu à l'Institut de France. En 1796, il se marie avec la soeur du maréchal de Grouchy. Dans les textes visant à structurer et à réformer la médecine, tant sur le plan de la formation que de sa pratique (1er juillet 1796, 1er et 13 novembre 1796, 15 mars 1798, 2 janvier 1798, 24 février 1798 et 26 septembre 1798), Cabanis est omniprésent et il parvient, non sans mal, à faire adopter la majeure partie de son programme. En 1798, il est élu représentant du peuple pour le département de la Seine, au conseil des Cinq-Cents.

De retour d'Egypte (1799), Bonaparte fréquente assidûment les salons parisiens et semble adopter les idées prônées par l'élite intellectuelle. C'est à cette époque que Cabanis rencontre le futur empereur. Soucieux constant de la pérennité de la médecine, il est un vif partisan du coup d'état devant le conseil des Cinq Cents. Ainsi, est-il rencontré dans l'essentiel des complots fomentés autour du 18 Brumaire (Role, 1994). Mais, très vite, comme bon nombre d'idéologues pensant que les valeurs défendues par la Révolution seront immortalisées, il est attristé par les prises de position du général corse. Il se réfugie dès lors dans ses recherches et se remet à écrire. Il rédige alors en 1802, une oeuvre majeure dont le titre est Rapports du physique et du moral de l'homme, un ouvrage en deux volumes qui a connu un franc succès et a placé son auteur au rang de chef de file des idéologues. Il émet une théorie qui stipule que l'origine des idées de chacun proviendrait du cerveau qui absorberait les sensations extérieures (Baertschi, 2005 ; Levin, 1984 ; Mitchell, 1978 ; Turgeon & Whitaker, 2000). Cet organe aurait un rôle, selon lui, fondamental dans l'émission physiologique des idées (Staum, 1974 ; Staum, 1978).

Le 28 janvier 1803, l'Institut étant réformé, il intègre la classe de Langue et Littérature françaises et occupe le fauteuil 40 (future Académie française). La même année, il est fait commandeur de la Légion d'honneur (http://www.academie-francaise.fr, 2010).

En 1804, il publie un travail intitulé Coup d'oeil sur les révolutions et la réforme de la médecine à Paris qui est un ensemble de constats effectués sur le mode de fonctionnement de l'école de médecine.

Fidèle adepte des préceptes de Corvisart, Cabanis prône l'examen du patient, l'anamnèse et l'observation des symptômes d'une maladie au chevet du patient (Gourdol, 2010). Il émet une remarque dramatique concernant la mortalité effroyable qui sévit dans les hôpitaux. Fidèle à Bonaparte, il est promu sénateur d'Empire, mais refuse de siéger parce qu'antiroyaliste acharné, il ne veut pas entériner les décisions de l'Empereur. Sa carrière politique est terminée. Il est malade. Il reprend sa traduction de l'Iliade et finit d'écrire la Lettre à Thurot sur les poèmes d'Homère en 1807. Il décède le 5 mai 1808 suite à une congestion du cerveau et est enterré au Panthéon. A titre posthume, il est fait comte d'Empire, le 23 mai 1808 (Gourdol, 2010).

Ses publications :

Observations sur les hôpitaux, 1789.
Journal de la maladie et de la mort d'Honoré-Gabriel-Victor-Riquetti de Mirabeau, 1791.
Du degré de la certitude de la médecine, 1797.
Rapport sur l'organisation des écoles de médecine, 1799.
Quelques considérations sur l'organisation sociale, 1799.
Rapports du physique et du moral de l'homme, 1802.
Coup d'oeil sur les révolutions et la réforme de la médecine, 1804.
Observations sur les affections catarrhales et particulièrement sur les rhumes de cerveau, 1807.
Quatre discours sur l'Éducation publique (découverts après son décès).
Lettre à Fauriel sur les causes premières, 1824 (ouvrage posthume).
– Les ouvrages de Cabanis ont été réunis par François Thurot, en 5 volumes, de 1823 à 1825.
 
Les publications de Cabanis sont consultables sur :
http://www.academie-francaise.fr

Références bibliographiques

– Baertschi B., « Diderot, Cabanis and Lamarck on psycho-physical causality. », in History and philosophy of the life sciences, 2005; 27 (3-4): 451–63.
Bibliothèque Interuniversitaire (BIUM), communication personnelle, Paris, 2010.
– Chazaud J., « Cabanis before the guillotine. », in Hist. Sci. méd., 1998; 32 (1): 69–73.
Corlieu Auguste, Centenaire de la Faculté de Médecine de Paris (1794-1894), Alcan – Baillère – Doin – Masson (éd.), Paris, 1896.
– Dupont Michel, Dictionnaire historique des Médecins dans et hors de la Médecine, Larousse (éd.), Paris, 1999.
– Gourdol Jean-Yves, « Pierre-Jean-Georges Cabanis (1757-1808), médecin, philosophe et homme politique français », in http://www.medarus.org, 2010, pp. 1-5.
http://fr.wikipedia.org, Pierre Jean Georges Cabanis, 2010, pp. 1-4.
http://www.academie-francaise.fr, Pierre-Jean-Georges Cabanis (1757-1808), biographie et oeuvres, 2010, pp. 1-2.
– Levin A., « Venel, Lavoisier, Fourcroy, Cabanis and the idea of scientific revolution: the French political context and the general patterns of conceptualization of scientific change. », in History of science; an annual review of literature, research and teaching, 1984 Sep.; 22 (57 pt 3): 303–20.
– Mitchell H., « The passions according to Adam Smith and Pierre-Jean-Georges-Cabanis. Two sciences of man. », in The Society for the Social History of Medicine bulletin, 1979 Dec.; 25: 20–27.
– Role André, Georges Cabanis, médecin de Brumaire, Fernand Lanore (éd.), Paris, 1994.
Staum A. S., « Cabanis and the science of man. », in Journal of the history of the behavioral sciences, 1974 Apr.; 10: 135–143.
– Staum M.  S., « Medical components in Cabanis's science of man. », in Studies in history of biology, 1978; 2: 1–31.
– Turgeon Y. & Whitaker H. A., « Pierre Jean Georges Cabanis (1757-1808): an early nineteenth century source for the concept of nervous energy in European behavioral neurosciences.  », in Brain Cogn., 2000 Jun-Aug; 43 (1-3): 412-417.
 

Xavier Riaud
Septembre 2010
 
Docteur en Chirurgie Dentaire, Docteur en Epistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques, Lauréat et membre associé national de l'Académie nationale de chirurgie dentaire.

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