CHARLES, archiduc (1771-1847), maréchal italo-autrichien

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Troisième fils du grand-duc de Toscane Pierre-Léopold de Toscane (le futur empereur Léopold II) et de Maria-Ludovica de Bourbon, l’archiduc Charles-Louis est un des rares génies militaires que produisit la Maison d’Autriche.

CHARLES, archiduc (1771-1847), maréchal italo-autrichien
© Fondation Napoléon

Par son talent, son caractère, ses idées politiques, il contraste singulièrement avec son frère aîné l’empereur François II, le beau-père de Napoléon. L’archiduc Charles fit une carrière exclusivement militaire et atteignit le rang suprême de maréchal (kaiserlicher Feldmarschall) tout comme le prince Charles de Schwarzenberg, le vainqueur de Leizig. L’archiduc naquit le 5 septembre 1771 à Florence et ne vint à Vienne qu’en 1790, lorsque son père succéda à Joseph II. Il reçut une éducation plus libérale que son frère aîné, élevé à Vienne sous la tutelle de Joseph II, ou que son cadet l’archiduc Jean, éduqué lui aussi à Vienne par un vieux général après 1792. L’archiduc Charles avait été destiné à l’ordre Teutonique, ordre encore riche et puissant dont il devint le grand-maître, ce qui ne l’empêcha pas d’embrasser une carrière administrative et militaire.

En 1791, son père l’envoie à Bruxelles, chez sa tante l’archiduchesse Marie-Christine, car il le destine au poste prestigieux de gouverneur des Pays-Bas autrichiens. La guerre va bientôt l’orienter vers le métier des armes. Conformément aux traditions de l’Ancien Régime, il commence sa carrière avec le rang d’officier général. A Jemmapes, il commande une brigade; l’année suivante, à Neerwinden, Cobourg lui confie l’avant-garde et c’est l’initiative de l’archiduc qui décide de la victoire. En 1794, son frère le nomme gouverneur général des Pays-Bas, avec rang de général de corps d’armée: il commande d’ailleurs effectivement un corps d’armée à Landrecies et à Fleurus. En 1796, il reçoit le commandement de l’armée d’Allemagne, où il révèle ses talents de stratège, gagne les batailles de Wetzlar et de Wurzbourg, puis refoule Jourdan et Moreau sur le Rhin et finit par s’emparer de Kehl et de Huningue, sans pénétrer en Alsace.

Après les victoires de Bonaparte en Italie, on lui confie, au début de 1797, le commandement de l’armée des Alpes, mais il réussit juste à limiter les dégâts et à battre en retraite en bon ordre; il lui faudra signer l’armistice de Leoben.

Après la signature de la paix à Campo-Formio, il est nommé gouverneur de Bohème, région où il a d’ailleurs des intérêts, puisqu’il a hérité du duché de Teschen, en Haute-Silésie, que lui a légué son oncle Albert de Saxe-Teschen, ancien gouverneur des Pays-Bas. Le début de la seconde coalition le voit reprendre du service: il revient à la tête de l’armée du Rhin, qu’il mène à la victoire. Après avoir battu Jourdan à Stokach (en Souabe), il occupe Zurich, prend Mannheim et contraint les Français à repasser le Rhin. Le 17 mars 1800, en désaccord avec la politique du cabinet de Vienne, il démissionne et se retire dans son gouvernement de Bohême, où il organise un corps de 25 000 volontaires. Après la défaite de Hohenlinden, où son frère l’archiduc Jean exerçait le commandement nominal de l’armée autrichienne, il reprend du service, mais ne peut empêcher l’offensive de Moreau et doit signer le jour de Noël 1800 l’armistice de Steyr, empêchant ainsi les Français d’atteindre Vienne.

En 1801, après la signature de la paix de Lunéville, sa position n’est pas affaiblie

Son frère lui donne le bâton de maréchal et le nomme président du Conseil de la guerre, une institution archaïque qui tient lieu de ministère de la Guerre; toute l’administration militaire est soumise à cette direction collégiale, lente, très conservatrice, et traversée de luttes d’influence, de querelles de personnes, d’hostilité entre civils et militaires. Or l’archiduc Charles veut appliquer un programme de réformes, afin de préparer la revanche sur Bonaparte. Il est en effet à la tête d’un parti hostile à la Révolution, à ses conquêtes, à son idéologie et il a compris que le futur Napoléon était encore plus dangereux que les Jacobins. Il constitue, avec son frère l’archiduc Jean, Hormayr, Frédéric von Gentz, un véritable parti belliciste qui ne sera satisfait qu’avec la chute de Napoléon; les traités de Presbourg et de Schönbrunn ne représentent à leurs yeux que des trêves. Mais son goût des réformes inspirées de l’exemple français déplaît à son frère l’empereur François, résolument conservateur. Dans un premier temps, l’archiduc Charles réorganise le Conseil de la guerre. Il veut moderniser l’armée autrichienne, qui n’a pas changé depuis Marie-Thérèse. Il abolit le système du service militaire à vie en 1802, établit la conscription, avec exemptions et remplacement. En 1805, il abolit les châtiments corporels, très en vogue depuis Frédéric II.

A la reprise des hostilités, en 1805, il prend le commandement de l’armée de Vénétie; il livre une bataille de trois jours à Masséna, mais après la capitulation d’Ulm, il se replie sur la Carinthie, où il est rejoint par l’archiduc. Les deux frères gagnent la Hongrie, sans pouvoir aider l’armée principale. L’archiduc Charles ne se décourage pas et poursuit sa politique de modernisation de l’armée. Il développe l’infanterie (pendant longtemps la cavalerie était restée l’arme privilégiée chez les Impériaux), il crée des régiments de réserve et surtout une armée territoriale, la Landwehr, telle que l’a conçue l’archiduc Jean au Tyrol. Cela correspond à de vieilles traditions des provinces alpines, mais aussi au concept de la nation en armes, qui a si bien réussi à la France révolutionnaire. Mais y a-t-il une nation autrichienne? On peut en douter, il faut pour le moins développer le sentiment national et l’empereur François est hostile à une telle politique. Pendant trois ans, l’archiduc prépare fébrilement la revanche, créant des écoles militaires, un dépôt d’archives, une revue militaire, afin d’améliorer le niveau intellectuel des cadres. Il simplifie également le règlement de l’infanterie, afin de rendre l’armée plus mobile et c’est avec enthousiasme qu’il s’engage dans la guerre en 1809, alors que l’effort de modernisation n’a pas encore porté tous ses fruits. Dès la déclaration de guerre, il prend le commandement de l’armée d’Allemagne tandis qu’il confie l’armée des Alpes à l’archiduc Jean. La première rencontre avec les Français à Eckmühl, près de Ratisbonne, se solde par un cuisant échec et rafraîchit l’enthousiasme autrichien. L’archiduc décide alors de tenter une vaste manoeuvre: il passe par la Bohême, tandis que Napoléon emprunte la vallée du Danube et occupe Vienne sans difficulté. L’archiduc descend par la vallée de la Morava et accroche les Français au nord de Vienne dans le Marchfeld. Les 21 et 22 mai 1809, l’archiduc Charles remporte deux brillantes victoires à Essling et surtout à Aspern. Il faillit anéantir son adversaire, qui se replie dans l’île de Lobau, en attendant des jours meilleurs. Pour la première fois, Napoléon a été battu en rase campagne. Mais l’archiduc ne sut pas exploiter son succès. Les 5 et 6 juillet, Napoléon prenait une revanche éclatante à Wagram. Les archiducs et même l’empereur François songeaient à poursuivre la guerre en Hongrie, car ils disposaient encore d’une armée, mais Metternich et son parti finirent par triompher et convaincre l’empereur François de signer la paix de Schönbrunn, prélude à une éphémère alliance avec Napoléon.

Ainsi la politique de Stadion et de l’archiduc Charles était désavouée et il démissionna aussitôt après l’armistice de Znaïm.

Il se retira de la vie politique. Dès 1804, il avait renoncé à son titre de grand-maître de l’ordre Teutonique. Il ne se maria qu’en 1815 avec la princesse Henriette de Nassau-Weilberg; leurs quatre fils embrassèrent la carrière des armes et l’aîné, l’archiduc Albert, fut le vainqueur de Custozza en 1866. L’archiduc Charles consacra sa retraite à une réflexion sur l’art de la guerre et il publia en 1814 des Principe de la stratégie, illustrés par la campagne d’Allemagne de 1796, suivis en 1819 d’une Histoire de la campagne de 1799. Théoricien de la guerre de mouvement telle qu’on venait de la redécouvrir, ces traités ont une haute tenue intellectuelle et annoncent par bien des aspects la réflexion de Clausewitz.

L’archiduc mourut à Vienne, en 1847, à l’âge de 76 ans.

Ses talents n’avaient pas été vraiment apprécié par son frère ni par les milieux conservateurs autrichiens. Il appartiendra au prince Schwarzenberg de mener à la victoir l’armée qu’il avait forgée. L’archiduc n’avait plus sa place dans l’Autriche de l’ère Metternich.

Jean Bérenger

Source : Dictionnaire Napoléon, Paris : Fayard, 1987.
Avec l’aimable autorisation des Editions Fayard

Mise à jour : décembre 2024

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