Jean Nicolas naît le 15 février 1755 dans les Ardennes, à Dricourt. Il rejoint très tôt son oncle qui est curé près de Boulogne-sur-mer. Chez lui, il apprend le français et le latin. A 12 ans, il entame sa scolarité au collège Sainte-Barbe. Ses facultés brillantes, son esprit réfléchi et ses aptitudes sportives le distinguent des autres élèves. Corvisart fait la rencontre du professeur Antoine Petit, célèbre anatomiste, qui se révèle déterminante (Gourdol, 2010). Il commence alors des études à l'Ecole de médecine de Paris en 1777, à l'instar de son père qui le prédestine à une carrière d'avocat, lui-même étant procureur au Parlement de Paris (Rabusson Corvisart, 1988). Vexé, il lui supprime tous subsides. Devenu l'ami de ses maîtres, il prépare les pièces anatomiques dont ils se servent lors de leurs dissections. C'est au cours de l'une d'entre elles qu'il se blesse grièvement à la main gauche et aurait probablement perdu son bras si Desault, un de ses mentors, n'avait pas été là. Mais, après avoir été licencié de l'école de médecine en 1782, le jeune homme s'obstine, repasse des examens et devient docteur régent de la faculté de Paris la même année, après avoir soutenu deux thèses. Son père est rassuré (Rabusson Corvisart, 1988).
En 1783, il donne des cours d'anatomie, de pharmacie et de physiologie, son premier étant sur l'art d'accoucher (Rabusson Corvisart, 1988).
Tour à tour dans les services de Petit, de Desault, de Vicq d'Azir et de Portal, il côtoie les noms les plus fameux de la médecine du XVIIIème siècle, apprend d'eux et gagne leur respect. Devenu docteur régent de la faculté, Jean Nicolas répugne à porter la perruque, ce qui constitue un motif d'éviction de l'hôpital des Paroisses. Il entre en fonction dans un hôpital consacré aux pauvres et rejoint l'hôpital de la Charité où il rencontre celui qui allait devenir un grand ami, le médecin Desbois de Rochefort. Obsédé par les techniques de diagnostic, il développe les méthodes de percussion mises au point par Auenbrugger en 1761. En 1785, Corvisart soutient une autre thèse intitulée : « Les Agréments de l'étude de la médecine et les désagréments de la pratique. » Lorsque son ami décède en 1786, Corvisart prend sa suite et est titularisé à son poste en 1788. Très exigeant et très dur, il est promu professeur de pathologie et de physiologie. Il a eu dans son service, Laënnec notamment, l'inventeur du stéthoscope (Gourdol, 2010).
Confronté à l'agitation populaire et à la politique révolutionnaire, Corvisart décide de rester neutre et de ne pas prendre part aux débats. Il se dévoue au quotidien pour restaurer le moral des troupes.
Pourtant, il accuse le coup lorsqu'un décret de l'Assemblée législative est promulgué en 1792, qui mentionne la suppression de toutes les institutions médicales enseignantes. Cette ordonnance est confirmée par celle du 8 août 1793 de la Convention nationale qui décrète la fermeture des Facultés et autres organisations enseignantes et la suppression de toutes les académies ou sociétés savantes. N'importe qui peut exercer la médecine puisqu'aucun diplôme n'est plus requis. Les écoles de santé ne sont réorganisées qu'à la fin de l'année 1794 (Gourdol, 2010 ; http://www.histoire-empire.org, 2010).
La nouvelle école de santé de Paris ouvre ses portes le 4 décembre 1794. Corvisart est tout naturellement recruté au poste du professeur Petit qui est décédé la même année. Il y reste jusqu'en 1807. Il y perfectionne un protocole basé sur l'étude des symptômes d'une maladie. Il acquiert une notoriété internationale et voit des étudiants du monde entier assister à ses conférences. En 1795, il crée une école de clinique médicale. En 1796, il anime la Société médicale d'Emulation qui a été instaurée pour discuter des problèmes que les jeunes médecins rencontrent au quotidien. En 1797, les écoles de santé sont incorporées dans l'Université et le statut des professeurs est renforcé. Titulaire d'une chaire de médecine pratique, il véhicule ses idées novatrices au Collège de France où il distille son savoir. A la Charité, il institutionnalise l'observation du malade, l'examen clinique, l'anamnèse et l'étude étiologique. Sur ses directives, un amphithéâtre d'anatomie est bâti. En 1801, il est au commande du Journal de médecine, chirurgie et pharmacie qui reçoit des papiers des universitaires notamment (Gourdol, 2010 ; http://www.histoire-empire.org, 2010).
C'est cette année-là également qu'il rencontre le Premier Consul en juillet 1801, par l'entremise de Joséphine de Beauharnais. Séduit par l'homme et la sûreté de son diagnostic, Bonaparte s'attache ses services et en fait son premier médecin. Mais, le Corse n'en reste pas là. Il fait nommer Corvisart au poste de Médecin du gouvernement. Il a pour objectif de suppléer les Pouvoirs publics dans la prévention contre les épidémies et les maladies contagieuses. Il est aussi responsable de l'organisation et du fonctionnement du service de santé de la maison impériale. C'est en effet lui qui choisit les médecins susceptibles de remplir des fonctions auprès de la famille impériale. Les candidatures sont bien évidemment légion. Le choix n'en est que plus difficile. Pourtant, Corvisart l'assume avec une probité irréprochable et une sincérité remarquable envers ses confrères (Rabusson Corvisart, 1988).
En 1802, derrière les aphorismes principalement cardiologiques de Laënnec (1802), toute la rigueur scientifique, toute l'analyse méticuleuse de l'étiologie d'une maladie, tout le sens clinique de Corvisart sont palpables (Gourdol, 2010 ; Rabusson Corvisart, 1988).
Corvisart venait en consultation ses jours de service qui étaient le mercredi et le samedi. Il venait rarement autrement. Il assistait au lever de Napoléon et revenait pour son coucher. Il n'hésitait pas à réprimander son illustre patient si celui-ci n'avait pas respecté à la lettre ses prescriptions. L'Empereur appréciait particulièrement leurs échanges. Très méfiant envers les médecins, il provoquait Jean Nicolas en lui faisant part de son scepticisme quant à l'utilité de la médecine. Piqué au vif, Corvisart convenait de l'incertitude des sciences médicales, mais il en défendait pied à pied l'importance. Soucieux de conserver son autonomie, il refuse tout logement aux Tuileries (Rabusson Corvisart, 1988).
Ses nouvelles fonctions permettent à Jean Nicolas de réformer la médecine en profondeur. Ses préceptes sont toujours de rigueur aujourd'hui : la médecine ne peut s'exercer qu'après l'obtention d'un diplôme venant sanctionner des études ; il crée une police de la médecine et de la pharmacie ; un concours d'internat des hôpitaux est instauré, etc.
Premier médecin, il guérit en 1801, le Premier Consul qui présente des troubles digestifs en lui prescrivant un régime alimentaire strict. Le 14 juillet 1804, le médecin est fait officier de la Légion d'honneur et le 19 juillet, il devient Premier médecin de l'Empereur. Pendant 10 ans, le médecin ne quitte plus son illustre patient. Italie (1805), Autriche (1809), il est au côté de son patient en permanence. Appelé d'urgence par le docteur Lanefranque qui suit l'Empereur, il visite en 1809, un champ de bataille à Schönbrunn, pour la seule et unique fois (Rabusson Corvisart, 1988). En 1808, Napoléon anoblit son médecin et en fait un baron d'Empire avec une dotation de 10 000 francs (http://www.histoire-empire.org, 2010 ; Gourdol, 2010).
C'est Corvisart qui affirme la stérilité de Joséphine et qui essaie de la traiter. Mais, sa patiente lui demande toujours plus de médicaments. Le médecin finit par lui donner un placebo à base de mie de pain (Gourdol, 2010 ; Rabusson Corvisart, 1988 ; http://www.histoire-empire.org, 2010).
En 1806, Corvisart publie son oeuvre de référence intitulée Essai sur les maladies et les lésions organiques du coeur et des gros vaisseaux dont l'idée originelle aurait été suggérée par Napoléon lui-même au cours d'une conversation. En 1808, Jean Nicolas traduit l'ouvrage de Leopold Auenbrugger sur la percussion. En 1809, il est l'émissaire qui confirme à Napoléon que Marie Walewska est enceinte. Cette année-là, il assiste Joséphine en pleine détresse dans son divorce d'avec l'Empereur.
En 1811, Corvisart siège à l'Académie des sciences et est élu à l'Académie de médecine en 1820. De même, il est membre de toutes les sociétés savantes d'Europe (Dupont, 1999 ; Gourdol, 2010 ; Rabusson Corvisart, 1988 ; http://www.histoire-empire.org, 2010).
Le 20 mars 1811, il apporte son soutien à Antoine Dubois qui accouche l'Impératrice Marie-Louise. Commandeur de l'ordre de la Réunion, il est un des premiers nominés le 29 février 1812.
Lorsque Napoléon abdique en 1814, accablé, il suit Marie-Louise de Blois jusqu'à Vienne qu'il quitte le 20 mai. Se retirant à la campagne d'où il ne sort que très rarement, il quitte une première fois le monde médical. Malgré tout, il n'hésite pas à garder un oeil sur l'impériale épouse et sur son fils qu'il accompagne dans la vie tel un vieux maître. C'est aussi à la nouvelle de l'abdication qu'il fait sa première crise d'apoplexie (Gourdol, 2010 ; Rabusson Corvisart, 1988 ; http://www.histoire-empire.org, 2010).
Apprenant son comportement à la veille de son départ pour l'île d'Elbe, l'Empereur déchu lui tient ce propos : « J'ai vu avec plaisir la bonne conduite que vous avez tenue dans ces derniers temps où tant d'autres se sont mal conduits. Je vous en sais gré et cela confirme l'opinion que j'avais conçue de votre caractère. Donnez-moi des nouvelles de Marie-Louise et ne doutez jamais des sentiments que je vous porte ; ne vous livrez pas à des idées mélancoliques et j'espère que vous vivrez encore pour rendre des services et pour vos amis (http://www.histoire-empire.org, 2010 ; Gourdol, 2010). »
Corvisart voit le nombre de ses disciples se multiplier. Devenu membre de l'Académie de médecine, la plupart des futurs compagnons qui l'intègrent ont été ses élèves : Laënnec, Bichat, Dupuytren, Broussais, Bayle, Bouillaud, etc (Halls Dally, 1941 ; Davies & Hollman, 1997).
Pendant les Cent-Jours, il redevient le Premier médecin de l'Empereur. Il se retire après Waterloo. Atteint par la limite d'âge, il prend en charge le choix du médecin qui doit partir avec l'Empereur sur l'île de Sainte-Hélène. Il est l'un des derniers à saluer Napoléon avant qu'il ne débute son périple pour Rochefort. Napoléon dira de lui qu'il était « un habile et un honnête homme » (http://www.histoire-empire.org, 2010 ; http://napoleonbonaparte.wordpress.com, 2008).
En 1816, il est atteint d'hémiplégie. Il cesse toutes ses activités médicales et se voit lentement décliner.
Atteint de crises d'apoplexie répétées, il trouve la mort le 18 septembre 1821, à Courbevoie.
Il est enterré dans le cimetière d'Athis-Mons dans l'Essonne.
Une rue et une station de métro de Paris portent son nom. En 1964, un timbre à son effigie de 0,20 francs est émis par les Postes de la République française (Bouchon & Grau, 2008-201
Références bibliographiques
– Bibliothèque Interuniversitaire (BIUM), communication personnelle, Paris, 2010.
– Bouchon L. A. & Grau D., « Jean Nicolas Corvisart (1755-1821), Premier médecin de l'Empereur, commandeur de la Légion d'honneur, baron de l'Empire », in http://www.napoleon-empire.net, 2008-2010, pp. 1-3.
– Corlieu Auguste, Centenaire de la Faculté de Médecine de Paris (1794-1894), Alcan – Baillère – Doin – Masson (éd.), Paris, 1896.
– Davies M. K. & Hollman A., « Jean Nicolas Corvisart (1755-1821) », in Heart, 1997 ; 78 : 4.
Dupont Michel, Dictionnaire historique des Médecins dans et hors de la Médecine, Larousse (éd.), Paris, 1999.
– Gourdol Jean-Yves, « Jean-Nicolas Corvisart des Marets, Dricourt 1755 – Paris 1821, Premier médecin de Napoléon », in http://www.medarus.org, 2010, pp. 1-6.
Halls Dally J. F., « Life and Times of Jean Nicolas Corvisart (1755-1821) », in Proceedings of the Royal Society of Medicine, 1941 March ; 34 (5) : 239-246.
http://www.histoire-empire.org, Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821), Premier médecin de Napoléon, 2010, pp. 1-4.
– Jean Nicolas Corvisart (1755-1821), baron d'Empire, 2008, pp. 1-7 (http://napoleonbonaparte.wordpress.com).
– Rabusson Corvisart Didier, « Avis au lecteur », in Essai sur les maladies et les lésions organiques du coeur et des gros vaisseaux par Corvisart J. N. (3ème édition de 1818), Pariente (éd.), Paris, 1988, pp. 7-41.
Xavier Riaud
Docteur en Chirurgie Dentaire, Docteur en Epistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques, Lauréat et membre associé national de l'Académie nationale de chirurgie dentaire.
Septembre 2010