Issu d’une famille bourguignonne de vieille souche (XIII siècle), Louis-Nicolas d’Avout est né le 10 mai 1770 à Annoux (Yonne). Après de solides études à l’école militaire d’Auxerre, il entre en 1785, comme cadet-gentilhomme, à l’école militaire de Paris. À sa sortie en 1788, il est nommé sous-lieutenant au Royal-Champagne-Cavalerie, où avaient auparavant servi son père, son grand-père et même un oncle. L’année suivante, à la convocation des États généraux, le jeune Davout — il a dix-neuf ans et supprime la particule — embrasse avec fougue « les idées nouvelles ». En conséquence, il est mis aux arrêts une première fois pour avoir refusé de s’associer à un toast porté à la santé du roi et une seconde fois, à la suite d’une mutinerie du régiment, parce qu’il avait pris le parti des mutins. Il donne alors sa démission (1791), mais est élu lieutenant-colonel au 3e bataillon des volontaires de l’Yonne. On le retrouve à l’armée du Nord, sous O’Moran, puis en 1792 à l’armée de Belgique. Il participe aux combats sur la Roer et de Neerwinden. Lors de la trahison de Dumouriez, il maintient son bataillon dans le devoir et fait tirer, sans l’atteindre, sur le général en chef félon (1793). Il conduit en Vendée une demi-brigade qui comprend notamment le 3e bataillon de l’Yonne. Adjudant-général à l’armée des côtes de l’Océan, quinze jours plus tard général de brigade, le voici promu, le 25 juillet 1795, général de division à l’armée du Nord. Ayant refusé cette nomination par lettre, il démissionne pour se conformer au décret excluant de l’armée les ci-devant nobles. D’ailleurs, à la même époque, sa mère est accusée, non sans raison, de correspondre avec des émigrés. Il se retire à Ravières (Yonne), mais l’inaction lui pèse, si bien qu’après le 9 Thermidor, il demande à reprendre du service.
Affecté, comme général de brigade de cavalerie, à l’armée des Côtes-de-Brest, il passe le mois suivant (octobre 1794) à l’armée de la Moselle. Il participe au siège de Luxembourg, puis se retrouve à l’armée de Rhin-et-Moselle, sous Desaix, qui lui témoigne de l’amitié. Il prend Mannheim ; fait prisonnier, il est échangé, et prend part à l’attaque de Kehl, au combat de Haslach (juillet 1796), au passage du Rhin, dans la division Duchesne, pour finalement s’emparer, à Offenbourg, le 21 avril 1797, de la correspondance de Pichegru, contenue dans le fourgon de Klinglin, officier français chef du service secret du prince de Condé.
Louis-Nicolas Davout, désigné pour l’armée d’Angleterre, doit à son ami Desaix d’être présenté au général Bonaparte qui l’envoie incontinent à Toulon pour préparer l’expédition d’Egypte. À la tête d’une brigade de cavalerie de la division Desaix, il prend part à de nombreux combats, notamment aux Pyramides, à Louxor, et s’empare du fort d’Aboukir; il s’embarque pour la France avec Desaix, à Alexandrie, le 3 mars 1800. Le 6 mai, les deux généraux débarquent à Toulon après avoir été retenus à Livourne par les Anglais durant un mois. Le 3 juillet 1800, promu général de division, Davout est envoyé à l’armée d’Italie où il commandera les dragons, chasseurs et hussards puis Finalement tout le corps de cavalerie. Un an plus tard, le voici en France inspecteur général de la cavalerie, puis commandant les grenadiers à pied de la Garde consulaire, enfin, le 30 août 1803, chargé du commandement du camp de Bruges. À l’établissement de l’Empire, Davout reçoit, à trente-quatre ans, la dignité de maréchal (le plus jeune de la promotion du 19 mars 1804), colonel général de la Garde impériale (ils sont quatre), grand-officier et chef de la 6° cohorte de la Légion d’honneur, enfin grand-aigle (2 février 1805).
Cette année-là débute la première campagne d’Autriche. Davout commande le 3e corps de la Grande Armée, à la tête de laquelle il pénètre en Allemagne. À Auerstaedt (14 octobre 1806), il culbute avec trois divisions l’armée prussienne, beaucoup plus forte, facilitant la tâche de l’Empereur à Iéna. Napoléon n’en aura conscience qu’un peu plus tard en le désignant pour entrer le premier à Berlin à la tête de son corps d’armée (25 octobre). En Pologne, il remporte de nombreux succès : les Russes sont battus à Czarnowo et à Golymin, il entre en vainqueur à Custrin, à Posen et à Varsovie; à Eylau, il commande la droite de l’armée, s’empare de Koenigsberg, et Napoléon le nomme gouverneur général du grand-duché de Varsovie. Devenu duc d’Auerstaedt (28 mars 1808), il gouverne le nouvel Etat d’une main ferme, s’attirant la sympathie du peuple polonais, mais la méfiance et l’hostilité de ceux qui sont toujours prêts à trahir. Ses rapports sont difficiles avec le représentant de l’Autriche, le colonel de Neipperg, « un véritable intrigant et l’espion de toutes nos démarches », dit-il. Le séjour sur les bords de la Vistule prend fin le 6 septembre 1808. Le nouveau duc arrive avec son corps d’armée en Silésie. De Breslau, le 17 septembre, il écrit à l’Empereur : « Les Autrichiens continuent toujours leurs armements et ils font des préparatifs qui annonceraient que la Cour de Vienne est entièrement livrée aux intrigues anglaises. »
Le 12 octobre 1808, la Grande Armée est dissoute par un décret impérial, daté d’Erfurt, « portant organisation de l’armée du Rhin ». En février, le maréchal arrive à Paris pour les couches de sa femme, mais doit repartir le 6 mars, avant la délivrance. Venant de Berlin, il fixe son quartier général à Erfurt (1er décembre). Le 9 avril 1809, la deuxième campagne d’Allemagne commence; Davout est à la tête du 3e corps. Vainqueur à Thann, à Schierling, il s’illustre le 23 avril à Eckmühl, sous les ordres de l’Empereur. Durant la bataille d’Essling, à cause de la rupture du pont sur le Danube, le 3e corps est « privé d’avoir une part glorieuse à cette journée ». Mais à Wagram, placé à l’aile droite, il rejette l’ennemi, permettant à Masséna de rétablir sa situation (6 juillet 1809). L’armée autrichienne est en pleine retraite. Napoléon consulte ses maréchaux. Tous, Davout surtout, veulent poursuivre : « Non, c’est assez de sang versé, dit l’Empereur; j’accepte la suspension d’armes. » Le duc d’Auerstaedt se voit alors désigné pour l’occupation de Brünn et de sa région. Il devra « travailler à l’instruction de son corps d’armée, maintenir une bonne discipline, réorganiser les corps, l’artillerie, les équipages militaires, veiller à ce que l’on protège les habitants des campagnes et les moissons ». À Schönbrunn, le 15 août 1809, Napoléon lui confère le titre de prince d’Eckmühl.
Après la signature du traité de Vienne, le maréchal dirige l’évacuation de l’Empire austro-hongrois. Il s’arrête à Linz le 18 décembre après avoir informé l’Empereur que ses ordres, essentiellement la destruction des ouvrages fortifiés, ont été exécutés. Le 1er janvier 1810, le voilà commandant en chef de l’armée d’Allemagne. Un mois plus tard, il vient en permission en France. Le mariage avec Marie-Louise aura lieu les 1er et 2 avril 1810. Auparavant, le prince d’Eckmühl, colonel général de la Garde impériale, est appelé par son service à Compiègne où il restera plusieurs semaines dans l’entourage immédiat du souverain. Le 6 juillet, lors de la translation de la dépouille mortelle de Lannes au Panthéon, Davout prend la parole au nom de l’armée. Bien que le général Compans assure l’intérim en Allemagne, Davout est amené à s’intéresser aux agissements de Bourrienne qui, en poste à Hambourg, se livre à un fructueux commerce de marchandises coloniales tout en rançonnant les personnes fortunées. Bourrienne saura s’en souvenir et se vengera sous la Restauration… Le ménage Davout a fait l’acquisition du bel hôtel de Monaco, rue Saint-Dominique, actuellement ambassade de Pologne. L’installation en est à peine terminée que, « suivant les intentions de Sa Majesté », le prince et la princesse d’Eckmühl reçoivent à dîner, à l’issue d’une parade, plus d’une centaine d’officiers portugais. Son service l’appelle bientôt, avec la Cour, à Fontainebleau, où il doit faire venir de sa propriété de Savigny-sur-Orge couverts, batterie de cuisine, draps de lit, taies d’oreillers, et même bougies; en attendant l’arrivée de ces matériels, le maréchal-prince couche à même un matelas comme un simple palefrenier.
La contrebande sévit en Allemagne, et Francfort en est la plaque tournante. D’ordre de l’Empereur, Davout y envoie le général Friant, son beau-frère, avec deux de ses régiments, pour faire appliquer les dispositions des décrets du Blocus continental, portant séquestre de toutes les marchandises anglaises et coloniales se trouvant dans cette région. Celles-ci doivent être brûlées dans les vingt-quatre heures. L’émotion est si vive, les réclamations si nombreuses que Friant en réfère à son chef (10 novembre 1810) : « Les décrets de Sa Majesté doivent être exécutés sans restriction par tout le monde, principalement par ses soldats, répond Davout; il y a longtemps que les Anglais eussent été forcés à la paix si tous les agents qui ont été chargés de mettre à exécution les ordres de notre souverain eussent été fidèles: malheureusement, la corruption est parvenue à faire éluder une grande partie de ses ordres. […] Nous ne sommes pas habitués à commenter les ordres que nous recevons. Mettez-les à exécution avec la plus grande exactitude, sans vous embarrasser des résultats. » Le maréchal établit son quartier général à Hambourg et, le 1er décembre 1810, devient gouverneur général des villes hanséatiques qui vont former trois nouveaux départements français. Après que la princesse eut mis au monde un garçon, Louis, le seul fils qui survivra à son père. Davout assiste pour la dernière fois, en qualité de colonel général de la Garde, à une grande parade, puis quitte Paris le 1er février 1811 sans se douter qu’il ne reverra la France que dans trois ans et demi et dans de tristes circonstances. De nouveau à Hambourg, il se voit confier le commandement du corps d’observation de l’Elbe. Presque quotidiennement, il correspond avec l’Empereur qui lui attribue des forces assez considérables pour faire face à toute éventualité : une armée de 150 000 hommes. Avec la belle saison, il a la joie de voir arriver son épouse, qui donnera un éclat particulier aux fêtes célébrant, dans le grand port de la Hanse, le baptême du Roi de Rome. Elle ne repartira qu’au mois d’octobre.
Après avoir pensé un instant à supprimer la Prusse en tant qu’État, pour la punir de jouer sur les deux tableaux — Davout a même été chargé d’établir un plan de campagne qui restera dans les cartons du ministère —, l’Empereur prépare activement la guerre avec la Russie. Le Ier avril 1812, le 1er corps d’observation de l’Elbe devient le 1er corps de la Grande Armée sous les ordres du maréchal : 67 000 hommes. Le prince d’Eckmühl quitte Hambourg le 5 mars 1812. Son épouse le rejoint à Stettin pour passer quelques jours avec lui. Le 10 mars, il est au quartier général à Thorn. Ses relations avec Berthier, prince de Neuchâtel, major général, tendues depuis la dernière campagne d’Autriche, s’aigrissent, car celui-ci cherche manifestement à lui nuire. Davout revoit le souverain à Marienbourg, et douze jours plus tard, à Gumbinnen, Napoléon passe en revue le 1er corps, mais ce n’est que le 22 juin 1812 qu’une proclamation datée du camp de Wilkowyszki annoncera à l’armée, réunie sur la rive sud du Niémen, l’ouverture de la campagne de Russie. Le fleuve sera franchi par le Ier corps le 24 juin. « Dans cette masse, écrit le général de Ségur, le 1er corps formé par Davout se distinguait par l’ordre et l’ensemble qui régnaient dans ses divisions. L’exacte tenue des soldats, le soin avec lequel ils étaient approvisionnés, celui qu’on mettait à leur faire ménager et conserver leurs vivres, que le soldat imprévoyant se plaît à gaspiller ; enfin la force de ces divisions, heureux résultat de cette sévère discipline, tout les faisant reconnaître et citer au milieu de toute l’armée. » Alors commence la poursuite des armées russes qui reculent sans cesse, en incendiant leurs magasins militaires. Le maréchal presse la marche; le 8 juillet il parvient à Minsk pour trouver d’importants approvisionnements. Le lendemain, il prend Borisov. Inquiet de l’inexpérience de Jérôme, roi de Westphalie, Napoléon décide qu’« en cas de réunion des 5e, 7e et 8e corps et du 4e corps de cavalerie avec le corps commandé par le prince d’Eckmühl, le commandement soit déféré au prince d’Eckmühl comme commandant supérieur tant que les corps d’armée seront réunis ». C’est reconnaître implicitement l’indiscutable supériorité de Davout sur les autres chefs de corps.
Arrivé à Vitebsk, devant la désorganisation et la fatigue des troupes, Napoléon décide un repos de quelques jours. Le 15 août, le prince d’Eckmühl vient bivouaquer près du quartier général de l’Empereur, établi dans la maison de campagne de l’archevêque de Smolensk. Le corps du maréchal est au centre. Après de durs combats, les Russes évacuent la ville vers 2 heures du matin. Le 1er corps franchit le Dniepr le 19 août. Dès le lendemain, l’Empereur joint les cinq régiments d’infanterie de Davout à la cavalerie de Murat. Les premiers sont en bon état la seconde épuisée. Les deux hommes, qui ne sont pas faits pour s’entendre, ont, à Semlewo, en présence de l’Empereur, une explication des plus vives… Le 5 septembre 1812, l’armée française se trouve en présence des troupes du nouveau généralissime, le vieux Koutouzov. Une grande bataille a lieu, nommée la Moskowa pour les Français. Borodino pour les Russes. Napoléon refuse brutalement de prendre en considération la manoeuvre proposée par Davout qui s’illustrera, une fois encore, durant la journée, malgré ses blessures et un cheval tué sous lui. La victoire, chèrement acquise, est partielle; loin d’être détruite, l’armée ennemie peut se replier en bon ordre. Après la prise de Mojaisk, Koutouzov, se rendant compte de ses faiblesses, prend la décision de ne pas couvrir Moscou. Le 13 septembre 1812, le 1er corps est à 20 verstes (environ 21 km) de la capitale où Davout entre le 15 avec l’Empereur, pour occuper le faubourg de Kalouga et une partie de la ville. Mais bientôt, dans l’impossibilité de négocier avec le tsar Alexandre, Napoléon décide brusquement de se replier sur la Pologne. Au conseil de guerre réuni au Kremlin, Davout et Murat s’affrontent une nouvelle fois : le premier déclare qu’il faut partir, puisque la décision est prise, par Medyn et Smolensk, le second préconise l’itinéraire suivi à l’aller, par Mojaisk, transformé en désert par le passage des troupes. L’Empereur se ralliera, on ne sait pourquoi, à cette dernière solution.
Le 16 octobre 1812, le 1er corps quitte Moscou pour couvrir la retraite de la Grande Armée. Le 3 novembre, avec le prince Eugène, il livre une sanglante bataille à Wiazma, mais Napoléon retire le commandement de l’arrière-garde à Davout, arguant que la lenteur de la marche de son unité fait courir à l’armée le risque d’être coupée en deux. Le 11 novembre, le 1er corps, réduit — autant par les combats incessants que par le froid intense — à 10 000 hommes, arrive à Smolensk. Cinq jours après, il en repart, mais il n’a plus d’artillerie. Le 17 novembre, il livre à Krasnoë un furieux combat, où l’intervention de la division Morand est décisive. Après avoir passé la Bérézina, le prince d’Eckmühl parvient, le 5 décembre, à Smorgoni, par un froid de – 25°, avec quelques milliers d’hommes seulement. Voici le récit du général de Ségur : « Tous les maréchaux furent appelés; c’est ainsi qu’en apercevant Davout, on vit l’Empereur aller au-devant de lui, lui demander doucement pourquoi il ne le voyait plus, s’il l’avait abandonné. Et sur ce que Davout répondit, qu’il croyait lui déplaire, l’Empereur s’en expliqua doucement, accueillit ses réponses, lui confia jusqu’au chemin qu’il croyait devoir prendre et reçut ses conseils sur ce détail. » Napoléon partit pour la France peu après, laissant la Grande Armée rentrer seule. Il ne devait revoir Davout que le 20 mars 1815.
Le 8 décembre, le maréchal signale à Berthier que les caissons du trésor ne peuvent suivre et qu’il serait souhaitable de les remplacer par des traîneaux; autrement, tout sera perdu dès la première montée un peu forte. La prédiction se réalisera, près de Vilna, au pied de la montagne de Vaka. À Gumbinnen, Murat, qui commande les débris de l’armée, réunit les généraux en chef pour leur communiquer les instructions de Napoléon, puis, se laissant aller, s’écrie « qu’il n’est plus possible de servir un insensé! qu’il n’y a plus de salut dans sa cause ». Davout réagit vigoureusement : « C’est une noire ingratitude qui vous aveugle. » Et il informe le roi de Naples qu’il rapportera ses propos à l’Empereur. Le 23 décembre, de Thorn, il écrit à son épouse : « J’arrive, précédant de quelques jours le 1er corps. […] Je ne me serais jamais cru aussi fort, j’ai certainement fait les quatre cinquièmes de la route de Moscou à pied. »
Commandant le 1er corps de la Grande Armée lors de la nouvelle campagne d’Allemagne, il défend Dresde du 9 au 19 mars 1813, mais doit en faire sauter le pont sur l’Elbe. En avril, après avoir occupé Stade, Napoléon lui donne le commandement de la 32e division militaire ayant sous ses ordres le 1er corps de Vandamme. Il doit se porter sur Hambourg où il entre le 30 mai. Les consignes envoyées par Berthier, particulièrement dures, sont confirmées le 8 par lettre chiffrée; un mois plus tard l’Empereur donne des instructions qui vont encore plus loin que les précédentes. Le 1er juillet Davout est nommé commandant du 13e corps de la Grande Armée en Allemagne. Le 18 août, à la reprise des hostilités, il remporte la victoire de Lauenbourg, se retranche dans Hambourg où il fait entrer de très importants approvisionnements et entreprend des travaux défensifs. Malgré les manœuvres de séduction suivies d’attaques des ennemis, il tient bien la ville en main. Les circonstances l’obligent à prendre certaines décisions qui lui seront vivement reprochées par la suite, notamment la saisie des lingots d’or de la Banque de Hambourg (novembre 1813).
En 1814, à la suite de la campagne de France, Napoléon doit abdiquer et partir pour l’île d’Elbe. Envoyé par la maréchale, le colonel Davout, cousin de son mari, arrive à Hambourg le 28 avril avec des lettres et des journaux français. Le 13e corps prend alors la cocarde blanche et arbore le drapeau blanc. Le gouvernement dépêche d’abord un commissaire du roi, le général Foucher, bientôt suivi par le général Gérard, nouveau commandant en chef du 13e corps. L’évacuation de Hambourg aura lieu les 27 et 28 mai 1814; Davout tiendra à se mettre en tête d’une des colonnes. À peine arrivé à Paris le 17 juin 1814, il reçoit du général Dupont, ministre de la Guerre — dont le nom reste attaché à la capitulation de Baylen en 1808 en Espagne —, l’ordre de résider hors Paris. De sa propriété de Savigny, il envoie à Louis XVIII une lettre pour se justifier de trois chefs d’accusation articulés contre lui : d’avoir fait tirer le canon sur le drapeau blanc après avoir eu la connaissance certaine de la déchéance de Napoléon et du rétablissement des Bourbons; d’avoir enlevé les fonds de la Banque de Hambourg; d’avoir commis des actes arbitraires qui tendaient à rendre odieux le nom français. Louis XVIII reçoit bien ce Mémoire au roi mais ne bouge pas.
À Paris, le 20 mars 1815, c’est le retour de l’île d’Elbe. Davout, le seul des maréchaux de l’Empire qui n’ait pas prêté serment au roi — et pour cause —, se présente aux Tuileries. Napoléon va au-devant de lui et l’embrasse. Une fois la foule partie, l’Empereur lui déclare qu’il va lui confier le ministère de la Guerre. Devant le refus du maréchal, il insiste et finalement avoue : « Je suis seul, seul en face de l’Europe. Voilà ma situation. Voulez-vous m’abandonner? — Sire, je n’ai qu’une réponse à faire. J’accepte le ministère. » Davout se met immédiatement à la tâche et s’occupe des hommes, forme des régiments en récupérant les militaires valides démobilisés, prisonniers libérés, conscrits, gardes nationaux; il faut aussi les équiper — d’où un énorme effort de fabrication d’uniformes, de fusils, de canons et de toutes les pièces d’équipement —, trouver près de 40 000 chevaux, etc. Le résultat est étonnant : en quelques semaines, une armée est mise sur pied de guerre. L’Empereur part en campagne, laissant le maréchal dans la capitale avec, en plus de la charge du ministère de la Guerre, le titre et les pouvoirs de gouverneur de Paris ainsi que le commandement supérieur de la Garde nationale et des Fédérés.
Le 21 juin 1815 au matin, Davout apprend, par hasard, la nouvelle d’un grand désastre : c’est Waterloo (18 juin), que Joseph Bonaparte confirme, et convoque les ministres à l’Elysée, où l’Empereur arrive à 10 heures. Il prend le bain qui l’attend et fait immédiatement venir le prince d’Eckmühl qui trouve son souverain abattu moralement et physiquement. « Eh bien ! Davout, eh bien ! — Eh bien. Sire, je suppose que Votre Majesté m’a envoyé chercher pour me faire connaître où sont les débris de l’armée et les ordres qu’il y a à donner dans ces circonstances. […] — Que croyez-vous que cela va devenir? — Je crois, Sire, que tout est perdu, car si 4 000 hommes seulement étaient réunis, Votre Majesté serait à leur tête; et si moi, qui lui suis si affectionné et dévoué, je vois ainsi la chose, elle peut en juger de ce qui se passe dans les imaginations. » Il propose alors de proroger les Chambres pour que tous les pouvoirs soient concentrés dans les mains du gouvernement. Cette thèse, il la défendra également à la réunion des ministres avec l’Empereur. Aucune décision n’est prise, mais la Chambre des représentants contraint Napoléon à l’abdication. Devant les manifestations favorables au souverain déchu autour de l’Elysée, la commission de gouvernement décide de lui demander de quitter la capitale. Davout est chargé de cette pénible mission. L’entrevue a lieu, elle est froide; la séparation, glaciale. Alors commence une série de négociations et de tractations où Fouché joue un rôle essentiel cherchant à manœuvrer Carnot et Davout, tout prêt à reprendre la lutte s’il en reçoit l’ordre. Finalement, la commission de gouvernement ayant désigné des plénipotentiaires, Wellington et Blücher acceptent, le 3 juillet, de signer l’armistice.
Davout démissionne le 6 juillet 1815 du ministère de la Guerre, car il vient d’être nommé commandant en chef de l’« armée de la Loire », qui rassemble les restes des armées françaises. Bientôt, il apprend par la Gazette officielle la promulgation des ordonnances du 24 juillet qui annoncent l’épuration dans l’armée. Ayant protesté véhémentement et donné sa démission, il est aussitôt remplacé par le maréchal Macdonald.
Au procès du maréchal Ney, sa déposition est interrompue par le procureur général Bellart. Le 27 décembre 1815, en représailles, il se voit astreint à la résidence forcée à Louviers et est privé de ses traitements. Ne bénéficiant plus par ailleurs des revenus de ses dotations, il connaît, avec sa femme et ses enfants, la misère. Toutefois, le 27 août 1817, Louis XVIII lui remet le bâton de maréchal à fleur de lys, et, le 5 mars 1819, le gouvernement l’appelle à la Chambre des pairs avec d’autres anciens maréchaux de l’Empire : Suchet, Augereau, Lefebvre, Mortier, Jourdan.
Le seul maréchal de l’Empire qui n’ait jamais été vaincu mourut à cinquante-trois ans, le 1er juin 1823. Il avait épousé Louise-Aimée-Julie Leclerc, soeur du général Leclerc, le mari de Pauline Bonaparte.
Website : http://www.souvenir-davout.com/
Source
Dictionnaire Napoléon, éditions Fayard, 1999, notice : Napoléon Suchet d’Albuféra
Avec l’aimable autorisation des éditions Fayard
Bibliographie
Reichel (Daniel), Davout et l’art de la guerre, 1975 ; Correspondance du maréchal Davout, 1801-1815, par Ch. de Mazade, 5 vol., 1885 ; Opérations du 3e corps 1806-1807, rapport du maréchal Davout, 1896 ; Chénier (Gabriel de), Histoire de la vie politique, militaire et administrative du maréchal Davout, 2 vol., 1866 ; Vigier (comte), Davout, maréchal d’Empire, 2 vol., 1898 ; Hohl (Claude), Le Maréchal Davout pendant les Cent-]ours, plaquette de 7 p., Archives départementales de l’Yonne, s.d. ; Eloge funèbre du maréchal prince d’Eckmühl prononcé par le maréchal duc d’Albufera à la Chambre des pairs le 8 juin 1824, plaquette, 22 p., 1824 ; Mémoire de M. le maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, au Roi, 1814 ; Hambourg et le maréchal Davoust (sic), Appel à la justice par Th. de Haupt, 1814 [s. 1. ni d.] ; Quelques mots sur une brochure intitulée Hambourg et le maréchal Davout, 1814 ; Mémoires sur les événements qui se rapportent à la réoccupation de Hambourg par les Français par le Chambellan Aubert, 1845.
A consulter également la biographie que Pierre Charrier a consacré au Maréchal Davout, chez Nouveau Monde Editions, 2005.
Mise à jour : décembre 2024