DE LUÇAY Jeanne Charlotte, comtesse, née Papillon d’Auteroche, dame d’atours de l’Impératrice.

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Un peu plus d’un an après la nomination de son mari comme préfet du Palais, Mme de Luçay recevait, en frimaire an XI (début décembre 1802), une lettre signée Duroc : « Madame, le Premier consul vous a nommée pour faire auprès de Mme Bonaparte les honneurs du Palais. La connaissance personnelle qu’il a de votre caractère et de vos principes lui donne l’assurance que vous vous en acquitterez avec la politesse qui distingue les dames françaises et la dignité qui convient au Gouvernement. Je suis heureux d’être chargé de vous annoncer ce témoignage de son estime et de sa confiance. Agréez, Madame, l’honneur de mon respect ».
Ainsi, en tant que dame du palais, elle assiste, elle aussi, au sacre de Napoléon et au couronnement de Joséphine, le 2 décembre 1804. Pendant la cérémonie, elle portait une offrande, « le pain d’argent », avec, à côté d’elle, le général Lemarois, aide de camp de Sa Majesté.

En 1807, elle est nommée dame d’honneur, pour recevoir la princesse Catherine de Wurtemberg, lors de son mariage avec Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie (22-23 août 1807).

Ses aptitudes ? Elle avait un goût inné et l’instinct de la mode, la passion des broderies ; elle était à l’affût des nouveautés, elle les pressentait la première, parfois avant Joséphine (c’était une référence), toujours avant les duchesses. Elle inaugura une coiffure d’épis, bientôt adoptée par tout le monde, des formes de « spencer » inédites, une redingote à carrick, un petit sac de taffetas noir immédiatement copié par les élégantes.

L’Empereur n’ayant qu’à se louer de ses services auprès de Joséphine, l’attache à Marie-Louise, la nouvelle Impératrice, comme dame d’atours, au traitement de 30 000 francs par an.

Mme de Luçay fait partie de la délégation qui se rend à Branau, à la frontière austro-bavaroise, pour recevoir Marie-Louise et l’accompagner jusqu’à Compiègne. Elle assiste aux mariages civil et religieux, après les souverains et les personnalités de tout premier plan.

La générale Durand, dans ses Mémoires sur Napoléon et Marie-Louise (1810-1814, Calmann Lévy, 1886) écrit : « Mme de Luçay est douce, bien élevée, d’une conduite parfaite, incapable de nuire, même à son ennemi (si elle pouvait en avoir un), n’ayant de force et de courage que pour défendre les absents et nullement pour se défendre elle-même ; possédant le terme et tout l’usage nécessaire pour vivre à la cour, où elle était depuis bien des années… ».

Son rôle ? La dame d’atours doit veiller à ce que les fournitures nécessaires pour les atours de l’Impératrice soient faites d’une manière convenable et en proportion des besoins. Elle arrête les prix des choses commandées et ordonne le paiement aux fournisseurs (vêtements, objets et bijoux). Elle assurait aussi le service des fleurs et s’occupait, avec intelligence, des libéralités et aumônes de l’Impératrice (la duchesse de Montebello, qui avait cette dernière charge dans ses attributions, ne s’y intéressait pas).

En 1810, Marie-Louise lui adresse les instructions suivantes : « L’Empereur veut que des 50 000 francs qu’il me donne chaque mois, je destine 10 000 francs pour les aumônes, que je garde 5 000 francs pour les cadeaux ou besoins imprévus, 10 000 francs pour le remplacement de la corbeille. Il veut que je dépense seulement 25 000 francs en toilette et pas plus ; quand les 25 000 francs auront été dépensés, j’aime mieux mettre quatorze jours la même robe que d’en faire une de plus… L’Empereur ordonne que l’on ne prenne pas tout chez M. Leroy, mais chez plusieurs autres marchands aussi, pour faire gagner de l’argent à plusieurs ».

Mme de Luçay est présente, le 1er juillet 1810, rue de la Chaussée d’Antin, lors de la fête donnée par Schwarzenberg et du terrible incendie qui s’ensuivit (l’Empereur fait sortir immédiatement l’Impératrice et Mme de Luçay les suit). Elle est aussi au service de l’Impératrice lors de la naissance du Roi de Rome, le 20 mars 1811. En 1814, elle suit Marie-Louise à Blois et l’Impératrice se sépare d’elle à Rambouillet le 11 avril (avant de partir pour l’Autriche) (1).

Sous l’Empire, l’hôtel de la comtesse de Luçay, rue d’Angoulême-Saint-Honoré, devenue rue de la Boétie (Paris, 8e) est réputé pour son élégance. Le comte de Luçay, quant à lui, garde le vieil hôtel familial au 49, rue du Faubourg Saint-Honoré (Émile Pereire le fera démolir en 1860). Par ailleurs, le couple possède deux châteaux à Saint-Gratien, où M. de Luçay est maire (aujourd’hui Val-d’Oise) : le château Catinat, du nom du maréchal, qui date de 1610 (la princesse Mathilde l’achètera pour loger ses invités). Le second château, que Luçay a fait construire en 1806, actuellement 16, avenue Gabriel-Péri. Napoléon Ier vint l’inaugurer avec toute la cour et un feu d’artifice illumina le lac (la princesse Mathilde l’achètera en 1853).
Le 28 mars 1815, M. de Luçay reprend ses fonctions de Premier préfet du Palais, il les exercera pendant les Cent-Jours. Après la seconde abdication de Napoléon, M. et Mme de Luçay rentrent dans la vie privée.
Le comte de Luçay meurt le 1er novembre 1836, à 82 ans, il est inhumé à Paris, au cimetière Montmartre, 19e division (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, p. 288). Son épouse, la comtesse de Luçay, meurt à Paris, le 11 avril 1845, dans son hôtel de la rue de la Boétie.
Ils avaient eu deux enfants : 1) Antoinette Charlotte Lucie Legendre de Luçay, née le 16 avril 1787, mariée le 25 septembre 1806, à Philippe Paul comte de Ségur (1780-1873), chef d’escadron et maréchal des logis du Palais (il sera général et historien), décédée prématurément le 21 janvier 1813, « à la suite d’une imprudence » ; 2) Napoléon Joseph Charles Legendre, comte de Luçay (1805-1875), filleul de Napoléon Ier, officier du génie, maître des requêtes, préfet, marié à Antoinette Athénaïs Clémentine Chantal de Villeneuve de Vence, dont postérité.
On doit au comte Charles de Luçay : Description du département du Cher, 1802, in-8° (2).

Marc Allégret
Revue du Souvenir Napoléonien, n°446
Avril-mai 2003
Pp. 71-72

Notes

(1) Le docteur Lucien Graux a publié 22 lettres de Marie-Louise à Mme de Luçay, entre 1810 (celle citée dans la notice) et 1815. Les deux dernières, celles du 28 juin 1814 et du 6 septembre 1815, venaient d’Autriche…
(2) Autres sources : Michaud, Biographie universelle, t. 25, p. 44 ; Dictionnaire Napoléon, p. 1054, notice Legendre de Luçay, par J. Tulard ; Dr Lucien Graux, La comtesse de Luçay, dame d’atours de l’Impératrice Marie-Louise, Librairie ancienne Honoré Champion, Paris, 1930 ; Jean Tulard, Napoléon, le sacre, Imprimerie Nationale, 1993 ; J.-P. Tarin, Les notabilités du Premier Empire, t. 2, p. 494 (Duroc), p. 498 (Luçay) ; Leurs résidences en Ile-de-France, Éd. C. Terana, 2002

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