DEFERMON, Joseph, comte, (1752-1831), ministre d’Etat

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Joseph Defermon des Chapelières, fils de Jacques et de son épouse née Marie Lambert, frisait la cinquantaine lors de l’instauration du Consulat, puisqu’il était né le 15 novembre 1752 à la Basse Chapelière, près de Maumusson dans l’actuel canton de Saint-Mars-la-Jaille, du département de la Loire Atlantique.

Après des études de droit à Rennes, il s'y fit recevoir avocat puis, ayant épousé Jeanne-Joseph Duboys des Sauzais, il succéda à son beau-père, le 9 août 1783, comme procureur au Parlement de Bretagne.
Se disant noble et écrivant, parfois son patronyme en deux mots – de Fermon – tenant sa résidence de campagne pour un fief, ce pseudo-gentilhomme ne s'en fit pas moins élire aux Etats-Généraux comme député du Tiers de la Sénéchaussée de Rennes, avant de sièger à la Convention Nationale, puis au Conseil des Cinq-Cents. Dans toutes ces assemblées, il fit toujours preuve d'une grande modération et se fit remarquer par un travail acharné et réaliste, dans les nombreuses commissions, auxquelles il appartint. Peu porté aux interventions publiques à la tribune, adversaire des Parlements et partisan de la Constitution civile du Clergé, il s'intéressa essentiellement aux questions financières et fiscales. Comme membre du Comité de la marine, il fit débloquer des crédits au profit du port de Cherbourg et décider de l'envoi d'une expédition à la recherche de Lapérouse, dont il fit éditer « les Voyages ».
Ayant présidé le tribunal criminel de Rennes au temps de la Législative, il fut élu à la Convention, qu'il présida lors du dernier interrogatoire de Louis XVI, dont il ne vota pas la mort, lui préférant la détention ou le bannissement ; il se déclara favorable à l'appel au peuple, puis, après la condamnation, à un sursis à l'exécution jusqu'à la paix. Il fut ensuite envoyé en mission, avec Rechegude et Prieur de la Côte d'Or, dans les ports de la Manche pour les faire mettre en état de défense. Rentré à Paris, et ayant pris la défense de Lanjuinais, il fut accusé d'activités contre-révolutionnaires et de collusion avec les girondins par Levasseur, député de la Sarthe, déclaré traître à la Patrie, mis en accusation, puis hors la loi le 3 octobre 1793. Il n'échappa à la guillotine qu'en s'enfuyant en Bretagne, où il trouva un asile à Campénéac, près de Plöermel, où il se tint caché jusqu'au 3 décembre 1794.

Revenu dans la capitale en pleine réaction thermidorienne, il reprit sa place à la Convention puis devint membre du nouveau comité de Salut Public, où il s'occupa notamment de la Marine, des Colonies et des Finances et où il se déclara opposé à l'annexion de la Belgique.
Elu député de l'Ile et Vilaine au Conseil des Cinq-Cents, qu'il présida en mai 1796, il y siéga deux ans jusqu'au 5 juillet 1797, date à laquelle il devint commissaire de la Trésorerie nationale, et seconda de son mieux de Coup d'état de Brumaire, si bien qu'il fut appelé à siéger au Conseil d'état, dont il présida désormais l'importante section des Finances.

Devenu bonapartiste à tout crin, au point de déclarer que : “Tout cela ira bien tant que Bonaparte vivra ; mais le lendemain de sa mort, il nous faudra émigrer”.

Defermon fut pendant près de quinze ans d'un dévouement absolu et d'une obéissance sans limite. Surnommé « Fermons-la-caisse » il fut à divers titres un redoutable et inexorable régisseur des finances publiques. En 1803, le Premier Consul envisagea de le nommer ministre du Trésor à la place de Barbé-Marbois, qui serait allé remplacer Decrès à la Marine. Bien que l'affaire ne se soit pas faite, ce fut la consternation chez les financiers et munitionnaires devant une telle perspective. N'en fit-il pas emprisonner certains, notamment Ouvrard ?
Des titres et emplois furent variés. D'abord directeur général de la liquidation de la dette publique, il devint ministre d'Etat en 1807, directeur des Finances en 1808, comte d'Empire le 23 mai de cette année-là, grand officier de la Légion d'honneur, sénateur en janvier 1811, Grand-Croix de l'Ordre de la Réunion le 3 avril 1813. Mais ce fut comme intendant général de la caisse du domaine extraordinaire de l'Empereur qu'il se surpassa, allant jusqu'à la servilité dans le paiement des dotations des grands dignitaires, tout en étant, lui-même, grassement rémunéré, puisque ses multiples traitements cumulés atteignirent le montant annuel de trois cent mille francs, dont il est difficile de calculer l'équivalent en francs actuels, sans être proprement éberlué !
Soutenant que l'acte d'abdication de Napoléon était nul, Defermon se rallia évidemment à lui dès le début des Cents-Jours, pendant lesquels il reprit sa place au Conseil d'Etat et se fit élire député d'Ile-et-Vilaine, à la chambre des représentants. Il y défendit les droits de l'Aiglon, qui était pour lui Napoleon II.

Bien qu'il ne fut pas régicide mais connu pour donner raison à un homme qui avait dit dès le début du Consulat qu'il n'aurait qu'à émigrer en cas de disparition de Bonaparte, Louis XVIII rendit, le 17 janvier 1816, une ordonnance de bannissement qui obligea Defermon à se retirer à Bruxelles, d'où il ne put revenir qu'en 1822. Totalement éloigné ensuite des affaires publiques et n'ayant pris aucune part à la Révolution de 1830, il s'éteignit, en son domicile du 91 de la rue du Bac, le 15 juillet 1831, étant presque octogénaire.

Son épouse, décédée le 30 mai 1806, lui avait donné, tardivement, trois enfants : deux fils et une fille. L'aîné, prénommé Jacques (1796-1870) fut avocat, conseiller d'Etat sous la Monarchie de Juillet puis député d'Ile et Vilaine jusqu'en février 1848. Le cadet, Etienne-Joseph, (1800-1884) servit comme officier d'Artillerie sous la Restauration, puis fut courtement député de la Loire Inférieure, sous le règne de Louis-Philippe. Quant à la fille, Jeanne, née le 24 décembre 1801, elle épousa le 5 septembre 1825, un fonctionnaire des finances, du nom de Philibert Ginoux, son aîné de quinze ans.
Joseph Defermon avait un frère cadet, Jean-François, né à Chateaubriant, le 6 mai 1762. D'abord avocat, il devint préfet sous l'Empire, dans les Hautes-Alpes et dans l'Yvonne, puis, pendant les Cent-Jours, du Var. Il avait été fait baron le 14 avril 1810 et décéda le 9 juillet 1840.
Il s'agit donc là d'une famille d'origine bretonne, qui a fourni quatre hauts fonctionnaires et parlementaires à la Révolution, au Consulat, à l'Empire et à la Monarchie du Juillet, mais dont aucun membre ne servit le Second Empire.

Auteur : Colonel Henri Ramé
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 353
Mois : 06
Année : 1987
Pages : 343

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