GERICAULT, Jean-Louis-André-Théodore, (1791-1824), peintre

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GERICAULT, Jean-Louis-André-Théodore, (1791-1824), peintre
Théodore Géricault par Horace Vernet (vers 1822/1823) © CC0/Met Museum)

Théodore Géricault est né à Rouen, le 26 septembre 1791. Son père, Georges-Nicolas Géricault (1743-1826) était avocat et sa mère, Louise-Jeanne-Marie Caruel (1753-1808) « belle et sensible ». Tous deux appartenaient à des familles bourgeoises et de tradition monarchique. Ils s’étaient mariés le 16 février 1790 et Théodore sera leur seul enfant (1). Vers 1796, la famille Géricault s’installe à Paris, au 96, rue de l’Université. Le père, Georges-Nicolas, abandonne la profession d’avocat pour un emploi plus rémunérateur dans la manufacture de tabac créée en 1792 par un oncle de sa femme, P.A. Robillard.

Études et premiers tableaux

Après avoir fréquenté deux établissements scolaires situés à proximité, le jeune Théodore est admis en octobre 1806, en classe de 4e, au lycée impérial (actuel lycée Louis-le-Grand), en même temps qu’Eugène Delacroix, son cadet de sept ans (1798-1863). Ses études ne sont guère brillantes, mais elles révèlent une double passion : le dessin et les chevaux. La mort de sa mère, le 15 mars 1808, le met en possession d’une belle fortune, sous la tutelle de son père. Si bien qu’en juillet, à 17 ans, il décide d’arrêter ses études pour se consacrer à la peinture. Son père tente de s’opposer à cette vocation, mais Théodore bénéficie du soutien de son oncle Jean-Baptiste Caruel (1757-1847) et de sa jeune épouse, née Alexandrine-Modeste de Saint-Martin (1785-1875).

Théodore s’installe, avec son père, au 8 de la rue de la Michodière, dans un immeuble appartenant à un associé de Robillard. Durant l’été 1808, il séjourne à Mortain, chez son oncle Siméon Bonnesoeur-Bourginière et y peint son premier autoportrait (huile sur papier, 21 x 14 cm, Paris, coll. part.), dont la technique annonce déjà l’officier de chasseurs à cheval de la Garde impériale. Et, sur la recommandation de ses oncle et tante Caruel, il s’inscrit à l’atelier de Carle Vernet (1758-1836), le peintre des chevaux et des cavaliers, une spécialité qui passionne Géricault. C’est probablement Carle Vernet, membre de la loge des Neuf Sœurs, qui met son élève en contact avec la Franc-maçonnerie (2). Il se lie d’amitié avec Horace Vernet (1789-1863), le fils du maître, et s’installe un petit atelier dans une mansarde, au 8 de la rue de la Michodière. Au physique, Géricault est un beau jeune homme, grand, svelte, agile de son corps, agréable de compagnie, séduisant d’emblée les hommes et les femmes et conscient de cette séduction (plus tard, il portera un léger collier de barbe rousse).

En 1810, il passe à l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833), le peintre néo-classique, où il apprend à connaître l’art de David et la tradition des études d’après l’antique et les modèles. Il y fait la connaissance de Dedreux-Dorcy et d’Ary Scheffer, qui resteront ses fidèles amis.

Chez Guérin, Géricault est un rapin turbulent, il multiplie les frasques et ses rapports avec le maître sont assez difficiles. Par ailleurs, il fréquente assidûment le musée Napoléon, au Louvre, où il se familiarise avec les chefs-d’œuvre qui y sont exposés (Caravage, Titien, Rembrandt, Velázquez, Van Dick et Rubens) et effectue de nombreuses copies. En outre, il se rend souvent à Versailles, aux Grandes écuries impériales, où il exécute de brillantes études et où il peindra « Les poitrails » (coll. part.), « Les croupes » (Fontainebleau, coll. part.) et « Tamerlan, le cheval de l’Empereur » (Rouen, musée des Beaux-Arts) (3, 4). En février 1811, il s’inscrit à l’École des Beaux-Arts et, en avril, il échappe à la conscription, son père lui ayant payé un remplaçant.

Aux Salons de 1812 et de 1814

En 1812, Géricault décide de participer au Salon qui doit s’ouvrir le 1er novembre et compte tenu du prestige et de la gloire militaire de l’Empire (la Grande Armée victorieuse vient d’entrer à Moscou), il choisit de présenter le portrait d’un cavalier, le lieutenant Alexandre Dieudonné, officier des chasseurs à cheval de la Garde impériale.

Avant d’entrer en campagne, le lieutenant Dieudonné (5) avait posé devant Géricault dans son nouvel atelier, une arrière-boutique sur le boulevard Montmartre. Géricault fait le portrait de l’officier (Bayonne, musée Bonnat) et plusieurs esquisses du chasseur à cheval chargeant (3 d’entre elles sont à Paris, coll. part.; les 3 autres sont au musée du Louvre, à Bayonne, musée Bonnat et à Rouen, musée des Beaux-Arts). L’exécution de l’œuvre définitive est rapide (12 jours selon la légende, en fait moins de 2 mois). La toile, de grandes dimensions (294 x 194), est accrochée au Salon sous le titre « Portrait équestre de M.D… », devenu ensuite « Officier de chasseurs à cheval de la Garde impériale chargeant » (Paris, musée du Louvre; voir Napoléon, éd. Rencontre, t. 7, p. 8).

L’officier, dans son brillant uniforme et le cheval fougueux sont magnifiques. On dit que le maître David, surpris, se serait exclamé : « D’où cela sort-il ? Je ne reconnais pas cette touche ». Puis, à ses élèves, qui lui parlaient de l’œuvre d’un débutant, il avait dit : « Regardez donc plus attentivement la peinture de celui que vous appelez un amateur, voyez combien elle est solide, combien le ton est riche et vrai, quelle allure, quel mouvement ; c’est simplement superbe et moi, David, je serais heureux et fier d’avoir fait ce chasseur à cheval ». Le tableau de Géricault était d’ailleurs accroché en face du « Portrait équestre de S.M. le roi de Naples (Murat) » par Gros (Paris, musée du Louvre), ce qui constituait un hommage certain (6).

L’œuvre de Géricault, dans l’ensemble, est bien accueillie. Sur la proposition de Vivant Denon, directeur du musée Napoléon, une médaille d’or d’une valeur de 300 francs lui est décernée, mais l’État n’achète pas le tableau (il n’acquerra d’ailleurs aucune œuvre de Géricault avant sa mort). « L’Officier de chasseurs à cheval de la Garde » a souvent été interprété comme emblématique de la gloire de l’épopée impériale. Même si son visage apparaît pensif, l’officier est dans l’action et il semble courir à la victoire.

Au Salon de 1814, qui se tient sous la Première Restauration, Géricault expose sa deuxième grande toile : « Le cuirassier blessé quittant le feu » (huile sur toile, 358 x 294, Paris, musée du Louvre : voir L’Histoire de Napoléon par la peinture, par J. Tulard, A. Fierro et J.M. Leri, p. 267 ; études préliminaires : « Cuirassier blessé assis sur un tertre », 46,5 x 38, Paris, Louvre ; « Portrait de carabinier », 64 x 54, Rouen, musée des Beaux-Arts ; « Autre portrait de carabinier », 100 x 85, Paris, Louvre ; esquisse de l’œuvre définitive : « Cuirassier blessé quittant le feu », 55 x 46, New-York, Brooklyn-Museum).

« Le cuirassier blessé quittant le feu » a été interprété comme emblématique de la défaite des armées impériales. En ce sens, il aurait dû être bien accueilli par la Restauration. Or, il n’en fut rien : d’une part, on ne désirait plus rappeler le passé militaire récent de l’Empire (l’officier de chasseurs à cheval était exposé à nouveau), d’autre part, le dessin du cheval était critiqué, la tête de l’animal et sa croupe étant trop rapprochées. Géricault ressent douloureusement cet échec.

Un engagement inattendu

Attiré par l’armée, les uniformes et les chevaux, il s’était engagé le 1er juillet 1814 dans la compagnie des Mousquetaires gris de la Garde royale (7), où il portait une tenue superbe : habit écarlate à parements or, soubreveste bleu-roi avec une grande croix blanche sur la poitrine et dans le dos, culotte en peau blanche, bottes fortes, casque argenté avec plumet et crinière. Pourquoi cet engagement inattendu ? On suppose que Géricault y avait été encouragé par les jeunes aristocrates royalistes qu’il rencontrait et qui étaient, comme lui, passionnés de chevaux.

En mars 1815, après le retour de l’île d’Elbe, Géricault escorte Louis XVIII lors de sa fuite vers Gand. Alfred de Vigny, lieutenant à la compagnie des gendarmes du Roi, raconte qu’ils étaient suivis par « les lanciers de Bonaparte » qui montraient, de temps en temps, la flamme tricolore de leurs lances à l’horizon (Servitude et grandeur militaires, Laurette ou le cachet rouge). La Garde royale va seulement jusqu’à Béthune, où elle est licenciée par ordre de Napoléon. Géricault, déguisé en charretier, prend clandestinement le chemin du retour et pendant les Cent-Jours se réfugie près de Mortain, chez son oncle Bonnesoeur-Bourginière.

Sous la Seconde Restauration, l’atelier de Géricault est installé au 23, rue des Martyrs, Paris 2e (aujourd’hui 9e), dans un immeuble appartenant au colonel Bro (celui-ci l’avait acheté au père de Géricault et l’avait loué ensuite à son vendeur, pour lui-même et son fils). L’atelier du peintre se situait sur la gauche du jardin, dans un pavillon à arcades que l’on peut encore voir aujourd’hui. Géricault y travaillait dans la solitude et le silence. Dans la même rue, au n° 11, Horace Vernet, ami de Géricault, avait, lui aussi, son atelier. C’était un milieu pittoresque, bruyant et joyeux, où se retrouvaient des bonapartistes (les colonels Bro et Atthalin (8a), le commandant Langlois, les généraux Boyer de Rebeval et E. de Colbert, le chansonnier Béranger), des libéraux (les généraux Foy et Lamarque, le député Manuel), le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe, qui se faisait appeler « Valmy ». À l’époque, les nos 11 et 23 de la rue des Martyrs communiquaient par leurs jardins, derrière les immeubles sur rue (9a).

Outre les œuvres déjà citées, les peintures militaires de Géricault sont nombreuses : « Napoléon donnant un ordre à un officier supérieur » (huile sur toile, 46 x 55,5, Reims, musée Saint-Denis, voir « Napoléon par la peinture », p. 269) ; « Lancier rouge de la Garde impériale » (45 x 38, Paris, coll. privée) ; « Trompette de lanciers polonais » (40 x 32, Glasgow) ; « Trois trompettes à cheval » (60 x 50, Washington, National Gallery) ; « Officier supérieur de lanciers polonais » (45 x 36, coll. part., il s’agirait du général Krasinski) ; « Trompette de chasseurs à cheval » (70 x 57,5, Paris, coll. privée) ; « Trompette de hussards » (46 x 38, Vienne, Kunsthistorisches Museum) ; « Trompette de hussards à cheval » (96 x 72, U.S.A.) ; « Demi-solde, coiffé d’un bonnet de police » (60 x 48, Paris, coll. part. ; s’agit-il de Bro ? de Langlois ?) (9b).

Cependant, Géricault éprouve le « mal du siècle », « qui taraude une génération nourrie de rêves de gloire et qui ne trouve pas d’exutoire à son énergie et à son ambition ». En outre, sur le plan affectif, il voulait briser, par l’éloignement, des amours coupables et sans avenir, faites d’angoisses, d’exaltations et de remords, avec sa jeune tante, Alexandrine-Modeste Caruel (il la rencontrait en secret dans son château du Chesnay). Comme Stendhal, c’est l’Italie qui l’attire. Non admis lors de la phase finale du concours pour le Prix de Rome (mars 1816), il décide de partir, à ses frais, pour Florence, Rome et Naples, où il étudie Raphaël, Michel-Ange et Léonard de Vinci.

Revenu à Paris à la fin de l’été 1817, il peint le « Marché aux bœufs » (56,5 x 48, États-Unis), « Course de chevaux libres à Rome » (plusieurs toiles), plusieurs « Paysages italiens », « Le train d’artillerie », « Le passage du ravin » (89 x 143,5, Munich).

Il fait aussi des portraits : « Mme Laure Bro, née de Comères » (45 x 55, Toulouse, coll. part.), « Olivier Bro enfant » (59,5 x 49, U.S.A.), « Portrait présumé d’Alfred Dedreux » (45,5 x 37,5, Paris, coll. part.), « Alfred et Élisabeth Dedreux enfants » (98 x 80, coll. part.), « Portrait de Louise Vernet enfant », dit aussi « L’enfant au chat » (60,5 x 50,5, Paris, musée du Louvre), « Portrait d’oriental » (60 x 48, Besançon, musée des Beaux-Arts, portrait du mameluk Mustapha, domestique de Géricault), « Portrait du colonel Bon Jannot de Moncey », dit aussi « Dragon blessé » (14 x 12, Dijon, musée des Beaux-Arts) (8b).

Mais sa passion pour Alexandrine le reprend. Elle est enceinte. Pour éviter le scandale, elle accouche discrètement, chez un médecin, rue Pavée, le 21 août 1818, d’un fils déclaré « de père et de mère non désignés » et prénommé Georges-Hippolyte (10). Le choc de cette naissance cachée ainsi que le suicide du général H. Le Tellier, ami du colonel Bro (après la mort accidentelle de sa femme, il se tire une balle en plein cœur) perturbent Géricault. Pour échapper au désespoir qui l’étreint, il se lance à corps perdu dans le travail. Il peint le général sur son lit de mort (24 x 32,5, Winterthur; esquisse coll. part.). Et, cherchant un thème pour le prochain Salon, il songe au naufrage de La Méduse, dont deux survivants, Corréard et Savigny, viennent de publier le récit (nov. 1817)

Le Radeau de la Méduse (1819)

On connaît les faits : commandée par un ancien émigré ami du comte d’Artois réintégré dans le service actif malgré son manque d’expérience, le capitaine de frégate Duroy de Chaumareys, La Méduse (11) s’échouait le 2 juillet 1816, sur les bancs d’Arguin, près de la Mauritanie. Le nombre de canots de sauvetage étant insuffisant, un radeau est construit par l’ingénieur Corréard, sur lequel s’entassent 150 passagers. Les amarres qui devaient relier le radeau avec les canots ayant été rompues, le radeau dérive pendant douze jours marqués par des mutineries et des assassinats. Quand le brick L’Argus retrouve le radeau, il ne reste que 15 survivants, dont Corréard et le chirurgien Savigny (12).

Pour réaliser son œuvre, Géricault s’enferme pendant seize mois dans un vaste atelier qu’il loue rue du Faubourg du Roule (aujourd’hui rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris 8e). Il interroge Corréard et Savigny, fait établir une maquette du radeau par un charpentier, exécute de nombreuses études, notamment à l’hôpital Beaujon et arrête la conception de sa toile (plusieurs esquisses). Corréard et Savigny, d’anciens grognards, le noir Joseph, le peintre Lebrun, Delacroix, lui-même participent aux séances de pose. Enfin, « Le Radeau de La Méduse » (une immense toile : 4,91 m x 7,16 m, musée du Louvre) est exposée au Salon de 1819, sous le titre neutre de « Scène de naufrage » (13). Louis XVIII, accompagné de Gérard, et Decazes, complimente Géricault : « Monsieur, vous venez de faire là un naufrage qui n’en est pas un pour son auteur ». En effet, l’art de Géricault éclate : composition en pyramide classique, romantisme du clair-obscur et contraste dramatique entre les agonisants et les naufragés tendus vers la délivrance (R. d’Amat). Le tableau provoqua des réactions presque aussi houleuses que l’événement évoqué.

L’État n’ayant pas acheté « Le Radeau de la Méduse », Géricault entreprend, avec ses amis Charlet et Brunet, de la présenter en Angleterre, à Londres puis à Dublin (1820-21). C’est un grand succès, notamment financier. Il peint « Le Derby d’Epsom » (92 x 122,5, musée du Louvre) : « les chevaux sont suspendus dans un glissement immobile, comme hors du temps » (J. Thuillier) ; il adopte la lithographie et se lie avec les artistes anglais.

De retour à Paris (déc. 1821), il commence pour le docteur Georget, médecin-chef à la Salpêtrière, une série extraordinaire de portraits d’aliénés, dont 5 sont conservés : « Monomane du commandement militaire » (Winterthur), « Du vol d’enfant » (U.S.A.), « Du jeu » (Paris, musée du Louvre), « De l’envie » (Lyon, musée des Beaux-Arts), « L’Aliéné kleptomane ou le fou assassin » (Gand). Il peint aussi une « Charge de cuirassiers » (38 x 46, Londres, Wallace Collection).

En 1822-23, sa santé est altérée. Plusieurs chutes de cheval ont provoqué une lésion de la moelle épinière. Il souffre d’une « carie des os » (mal de Pott) et les opérations chirurgicales n’améliorent pas son état. Dès le milieu de 1823, il doit rester alité. Alexandre Dumas raconte que, dans les derniers temps de sa vie, il alla lui rendre visite avec le colonel Bro et le trouva couché. Veillé par son fidèle ami Dedreux-Dorcy, il meurt le 26 janvier 1824, à 6 heures du matin, 23, rue des Martyrs. Il n’avait que 32 ans (voir Ary Scheffer, « La mort de Géricault », musée du Louvre) (14).

Delacroix note dans son journal : « Pauvre Géricault, je penserai souvent à toi ! Je me figure que ton âme viendra quelquefois voltiger autour de mon travail… Adieu, pauvre jeune homme ! Au moins tes douleurs ont cessé« . Le 28 janvier, le service funèbre est célébré dans la petite église du Faubourg Montmartre. Le colonel Bro, Dedreux-Dorcy, le mameluk Mustapha entouraient le père de Géricault, très éprouvé. Le corps de Théodore est inhumé au cimetière du Père-Lachaise, provisoirement dans le caveau de la famille Isabey (15), puis définitivement dans la 12e division, avec une sculpture d’Étex (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, Éditions SPM, 1993, p. 297).

Lors de la vente de son atelier, Dedreux-Dorcy achète « Le Radeau de la Méduse », que l’État lui rachètera ensuite grâce à Forbin. « Le chasseur à cheval de la garde » et « Le cuirassier blessé » sont achetés par le duc d’Orléans et les deux toiles reviendront à l’État en 1851.

En conclusion, comme a pu l’écrire Henri Focillon, « Géricault a restitué à la peinture française la passion et la chaleur de la vie, la plénitude d’une matière solide. Par sa véhémence de nature, par ce qu’il a de fiévreux et d’emporté, il est le premier des maîtres romantiques. Par son sentiment du moderne, par l’ardente étude du vrai, il va plus loin qu’eux, il annonce le réalisme. Il tient de près à la réalité, il s’en abreuve, il s’en enivre« .

Ainsi la vie de Géricault a été brève, mais fulgurante et il a profondément marqué, pendant tout le XIXe siècle, l’évolution de la peinture française (16).

Auteur : Marc Allégret
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 410
Mois : Nov-Déc
Année : 1996
Pages : 51-52

Notes

(1) La famille Géricault était originaire de la petite ville de Ger, près de Mortain, d’où le nom de Gericault (sans accent). Toutefois de nombreux auteurs écrivent Géricault (avec accent). Il nous semble que les deux orthographes (avec ou sans accent) peuvent être utilisés.
(2) Il est généralement admis que Géricault était franc-maçon mais la preuve de son initiation n’a pas été apportée.
(3) En 1802, une École nationale d’équitation avait été créée à Versailles.
(4) Horace Vernet avait reçu de l’Empereur une commande officielle pour immortaliser les montures prestigieuses de ses Grandes Écuries.
(5) En 1812, Alexandre Dieudonné, né en 1778 à Bar-sur-Aube, était lieutenant en premier des chasseurs à cheval de la Garde impériale, ce corps d’élite qui assurait la protection de Napoléon lors de ses déplacements. En Russie, au cours de la retraite de l’Armée, il est blessé le 7 décembre 1812, sur la route de Vilna (après le passage de la Bérézina et avant celui du Niemen) et meurt de froid le lendemain, par – 28°. Lieutenant en second le 16 février 1807 et en premier le 6 décembre 1811; Légion d’honneur le 1er août 1805 (documentation Robert Chénier).
(6) La posture du cheval de Géricault a été critiquée : les spécialistes font valoir que l’animal, tout en étant cambré, présente ses pattes arrières dans une allure de marche. Néanmoins, comparé au cheval de Géricault, celui de Gros paraît être un « cheval de bois ».
(7) La couleur de la robe des chevaux différenciait les mousquetaires gris des mousquetaires noirs. Le commandement de la 1ère Compagnie des mousquetaires gris était confié au comte de Nansouty (1768, 12 février 1815).
(8a), (8b) Voir Dictionnaire des colonels de Napoléon, par Danielle et Bernard Quintin, éd. SPM, 1996.
(9a), (9b) Voir Dictionnaire du Second Empire, sous la direction de J. Tulard, éd. Fayard, p. 706, notice Langlois, par Philippe-Jean Vidal; Henri Bro de Comères, Mémoires du général Bro (1796-1844), Paris, Plon-Nourrit, 1914.
(10) Peu avant sa mort, Géricault lui léguera ses biens, ce qui valait reconnaissance. Une ordonnance du 10 décembre 1840 l’a autorisé à porter le nom de Géricault a fait des études d’architecture. D’une santé mentale précaire, il passera sa vie à rechercher le nom de sa mère, vainement : le secret fut bien gardé. Il est mort à Bayeux, dans une chambre d’hôtel, le 31 décembre 1882.
(11) La Méduse était une excellente frégate. Elle était en rade de l’île d’Aix en juillet 1815, avec une autre frégate, La Saale. Elles auraient été utilisées si Napoléon s’était rendu aux États-Unis.
(12) Sur le naufrage de La Méduse, voir Historia n° 130, sept. 1957, p. 279 ; et n° 598, oct. 1996, p. 8.
(13) Pour retrouver le nom des figurants, voir Historia n° 598.
(14) Devant le 23, la Mairie de Paris va faire poser une plaque sur borne indiquant que Géricault avait là son atelier et qu’il y est mort en 1824.
(15) Un discours est prononcé par un jeune avocat, Mocquard, ami du groupe de la « Nouvelle Athènes » (il sera chef de cabinet de Napoléon III).
(16) Sources : Roman d’Amat, Dictionnaire de biographie française, p. 1292 ; Dictionnaire Napoléon, p. 798, notice S. Laveissière ; J. Sagne, Géricault, Fayard 1991 ; Ph. Grunchec, Tout l’œuvre peint de Gericault, Flammarion 1978 ; Tout Géricault, Flammarion 1981; B. Noël, Géricault, Flammarion 1991; Exposition Géricault, Le petit journal des grandes expositions, Paris, 1991.

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