Né à Versailles le 14 novembre 1783, Gaspard Gourgaud était le fils de Etienne-Marie, musicien ordinaire (il était violoniste) de la chapelle du roi et d’Hélène Gérard, berceuse du duc de Berry. Il était le petit-fils du célèbre acteur Dugazon (pseudonyme de Pierre-Antoine Gourgaud) et le neveu de Mme Vestris (née Françoise Rose Gourgaud).
Doué pour les mathématiques, il entre, le 23 septembre 1799, à l’Ecole polytechnique. Sa fiche matricule portant le numéro 848 du 9 frimaire an VIII donne de lui le signalement suivant : cheveux et sourcils : bruns ; front : bas ; nez : gros ; yeux : gris ; menton : court ; visage ovale et plein ; taille de 1,68 m.
Le 22 septembre 1801, il rejoint l’école d’artillerie de Châlons comme sous-lieutenant. Affecté comme lieutenant en second le 23 septembre 1802 au 7e régiment d’artillerie à pied, en janvier 1803, il est adjoint au professeur de fortifications de l’école d’artillerie de Metz. D’un caractère très vif et d’un tempérament actif, Gourgaud s’accommode mal d’un pareil emploi, et nous le retrouvons, le 18 août de cette même année, au 6e d’artillerie à cheval, alors au Hanovre. Remarqué par le général Foucher de Careil qui le prend comme aide de camp, il le suit au camp de Boulogne.
Dès lors sa vie se confond avec l’épopée de la Grande Armée ; il participe à toutes les campagnes avec bravoure et fougue : il est aux prises d’Ulm et de Vienne au passage du Danube lors du franchissement du pont de Thabor, il s’empare du parc d’artillerie autrichien, à Austerlitz, il est blessé d’un éclat d’obus à l’épaule. Suivent les campagnes de Prusse et de Pologne, où le 3 mars 1807, à Pultusk, il reçoit Légion d’honneur ; le 30 août 1808, il est nommé capitaine. De retour au 6e d’artillerie à cheval le 29 septembre, il effectue de nouvelles campagnes : Eckmühl, Essling, Wagram. Détaché le 24 février 1810 à la manufacture d’armes de Versailles, il travaille à la mise au point d’un nouveau type de fusil et au perfectionnement de la fabrication des lances. Il n’y reste que peu de temps et se retrouve en Espagne où il se distingue particulièrement au siège de Saragosse. Bientôt rappelé, il est envoyé en mission à Dantzig en vue de préparer secrètement la campagne de Russie, puis ayant accompli cette mission avec succès, sur recommandation du général de Lariboisière, il est nommé, le 3 juillet 1811, officier d’ordonnance de l’Empereur qu’il ne quittera plus et qu’il suivra à Sainte-Hélène. Envoyé de nouveau en mission en Aunis et Saintonge, il visite les ports et place en particulier l’île d’Aix… Il recommande de faire fortifier le perthuis de Maumusson.
En récompense de ses services, il est fait chevalier de l’Empire avec un majorat de 2 000 livres de rente. Autre faveur, il accompagne l’Empereur au congrès de Dresde. Puis c’est la campagne de Russie. Le capitaine Gourgaud est de toutes les affaires et accomplit plusieurs coups d’éclat ; il est à Krasnoë, Vitebsk, Smolensk (où il est blessé d’une balle à l’épaule), Valoutina, la Moskowa. A l’issue de cette bataille, il est envoyé, accompagné d’un interprète, en parlementaire à Moscou. Il fait prisonnier 40 Cosaques qu’il envoie tout montés et équipés au camp de l’Empereur.
Cependant, sur ordre de Rostopchine, Moscou brûlait, mais l’incendie n’avait pas encore atteint le Kremlin qui renfermait sans qu’on le sût un énorme dépôt de poudre que Gourgaud eut le bonheur de découvrir avant qu’il n’explosât, ce qui sauva probablement la vie de l’Empereur et de son état-major, et sûrement le Kremlin d’une totale destruction ; en récompense, il reçut, le 3 octobre 1812, alors qu’il était simple capitaine, le titre de baron de l’Empire. Pendant la retraite, il se distingua à nouveau à la Bérézina qu’il traversa à cheval par deux fois – la rivière charriait des glaçons- pour en reconnaître les rives et permettre l’établissement des ponts qui permirent le passage de l’armée. Cet exploit lui valut le grade de chef d’escadrons et le titre de premier officier d’ordonnance, un emploi spécialement créé pour lui. Accompagnant toujours l’Empereur, voici à nouveau la litanie des batailles auxquelles il participa : Lützen, Bautzen, Wurschen. Après l’armistice de Pleiswitz, nouvelle mission d’inspection à la suite de laquelle, lors de la reprise des hostilités, l’Empereur s’apprêtant à marcher sur Koenigsberg, reçoit, le 24 août, de Gourgaud des informations qui le décident à marcher sur Dresde ; le 26, il y rencontre Moreau qu’il bat.
Gourgaud reçoit alors une dotation de 6 000 livres de rentes et la croix d’officier de la Légion d’honneur. Puis c’est Leipzig. Pendant la retraite, la garde du pont de Freyberg lui est confiée ; il doit le détruire en fin de journée pour arrêter l’ennemi qui ne se présente pas et prend sur lui de différer l’exécution des ordres ce qui permettra de sauver quantité de blessés et de traînards ainsi que le corps d’armée du maréchal Oudinot.
Voici enfin l’extraordinaire campagne de France : Brienne, Champaubert, Montmirail, Reims, Arcis-sur-Aube… A Brienne, le 29 janvier 1814, il sauve la vie de l’Empereur en tuant d’un coup de pistolet un Cosaque qui était sur le point de le transpercer de sa lance, et la tradition familiale raconte que lui-même aurait eu la vie sauve grâce à sa croix de la Légion d’honneur qui aurait bloqué la lance que Gourgaud avait fait dévier sur lui. En récompense, il reçoit l’épée de Lodi. De nouveau blessé à Montmirail et entré le premier dans Reims, il est nommé, par l’Empereur, colonel et commandeur de la Légion d’honneur ; c’est lui qui apprend à Napoléon la trahison de Murat.
Comme tous les officiers d’ordonnance, Gourgaud est admis dans les gardes du corps de Louis XVIII et de plus reçoit la croix de Saint-Louis. Il est ensuite nommé chef d’état-major de l’artillerie de la 1ère division militaire. Au retour de l’île d’Elbe, il rejoint Napoléon et se trouve à Ligny, à Fleurus, à Waterloo enfin, où il fait tirer les derniers coups de canon de la bataille. Nommé général de brigade et aide de camp de l’Empereur le 21 juin, il le suit sur la route de l’exil. De l’île d’Aix, il est chargé de porter au prince-régent d’Angleterre la fameuse lettre où Napoléon sollicite l’asile « du plus généreux de ses ennemis » ! C’est alors le départ pour Sainte-Hélène.
La vie sur l’île est particulièrement dure : le climat, l’exiguïté, les mesquineries d’Hudson Lowe ; les Bertrand, Montholon, Las Cases sont mariés, alors que Gourgaud, célibataire, a trente-deux ans et le sang vif. Ses seules distractions sont de prendre sous la dictée de l’Empereur des notes qui serviront à rédiger l’histoire de son épopée, et un peu de chasser. Certes, Gourgaud a mauvais caractère, il est jaloux, pas diplomate et son échine n’est pas très souple, mais il est droit, franc, intelligent, trop peut-être et il voit clair dans les intrigues qui se nouent à Longwood. Il part en 1818.
Le territoire français lui étant interdit il s’installe en Angleterre. A l’occasion du congrès d’Aix-la-Chapelle, il écrit aux empereurs de Russie, d’Autriche, à Marie-Louise pour tenter de faire adoucir le sort de Napoléon. Il publie aussi La campagne de 1815 qui déplaît à Wellington ; on saisit ses papiers et biens personnels et on l’expulse. Débarqué à Cuxhaven, il commence une vie errante à travers les Cours d’Europe pour plaider la cause du Prisonnier ; en vain tente-t-il de rencontrer Marie-Louise. Enfin, en mars 1821, autorisé à rentrer en France, il se consacre à la rédaction de divers ouvrages, car il a été rayé des cadres de l’armée « pour cause d’absence sans autorisation » : Mémoires pour servir à l’histoire de France sous Napoléon ; Lettre à Sir Walter Scott ; Napoléon et la Grande Armée en Russie ou examen critique de l’ouvrage de M. le comte Philippe de Ségur, qui lui vaudra un duel avec ce dernier qu’il blessera (Sainte-Hélène, journal inédit de 1815 à 1818 ne sera publié qu’en 1889). En 1822, il épouse Marthe, fille du comte Roederer, qui mourra en 1823 après la naissance d’un fils.
La Révolution de 1830 va transformer sa vie : réintégré dans son grade qui est confirmé avec effet rétroactif au 1er janvier 1816, il poursuit dès lors une belle carrière. Commandant de l’artillerie de Paris et de Vincennes, grand-officier de la Légion d’honneur (1831), aide de camp du roi (1832), lieutenant général (1835), inspecteur général de l’artillerie (1836), commandant en chef de l’artillerie sur la frontière du Nord (1839). En 1840, il accompagne le prince de Joinville à Sainte-Hélène pour ramener en France les cendres de l’Empereur qu’il a réclamées dès le 14 juillet 1821. Pair de France (1841), président du conseil de l’artillerie (1845), grand-croix de la Légion d’honneur (1847), il est mis à la retraite en 1848 par le gouvernement provisoire. Elu député des Deux-Sèvres en 1849, il perd toutes ses fonctions après le coup d’Etat du 2 Décembre 1851 et, après une longue maladie, meurt le 28 juillet 1852.
Baron Gourgaud, notice « Gourgaud », p. 813-814, in Dictionnaire Napoléon, publié en 1989 sous la direction du prof. Jean Tulard, avec l’aimable autorisation des Editions Fayard.