Célèbre sous-officier de cavalerie de la Grande Armée, Jean-Baptiste Guindey est né le 12 avril 1785 à Laruns (Pyrénées Atlantiques), à une trentaine de kilomètres de Pau.
Il était le fils de Pierre Guindey, commis de la Marine et de Jeanne Boutigue. Attiré par l'armée et l'aventure, il s'engage à Cahors le 30 mai 1803, à 18 ans, au 10e régiment de Hussards commandé par le célèbre colonel Lasalle. Comme le disait la chanson :
« Voulez-vous être aimé des belles ?
Engagez-vous dans les Hussards… ».
En août, le 1er escadron se trouve à Agen, les trois autres à Bayonne. Le 11 novembre, Guindey reçoit à Bayonne ses galons de brigadier. Au début de 1804, le régiment fait mouvement sur Saint-Omer, il rejoint l'armée des Côtes (camp de Boulogne), où l'on prépare activement l'embarquement des troupes et leur débarquement en Angleterre. Le 1er février 1805, Lasalle est nommé général de brigade, le colonel Beaumont le remplace à la tête du régiment. Devant les menaces de la 3e coalition, Napoléon réagit rapidement. Le 10e Hussards (brigade Treillard), attaché au 5e Corps (maréchal Lannes), l'un des » torrents » de la Grande Armée, s'enfonce dans l'Est, vers le Rhin et le Danube.
La brigade Treillard franchit le Danube près de Wertingen.ÀHolsheim, Guindey reçoit le baptême du feu : il a son cheval tué sous lui, il repart avec une autre monture et à la fin du combat se retrouve à l'ambulance, blessé de sept coups de sabre. Rétabli après un séjour de trois semaines à l'hôpital, il rejoint son unité.
À Austerlitz, le 2décembre 1805, il charge avec le 10e Hussards, son cheval est fauché par un boulet et il est grièvement blessé par une balle reçue dans le côté. Évacué sur la France, il est soigné à l'hôpital de Sélestat, où il se remet de ses blessures.
Après la paix de Presbourg (26 déc. 1805), le 10e Hussards reste en Allemagne. Depuis le 13 janvier 1806, il est commandé par le colonel Briche. Le 1er août 1806, Guindey est nommé maréchal des logis et rejoint son régiment pour participer à la campagne de Prusse.
Au début de cette campagne, le 5e Corps (maréchal Lannes), avec sa cavalerie (9e et 10e Hussards), se heurte à Saalfeld, le 10 octobre 1806, à l'infanterie prussienne commandée par le prince Frédéric-Christian-Louis-Ferdinand de Prusse (1772-1806), l'idole des jeunes officiers et soldats prussiens, partisan de la reine Louise et violemment anti-français. Vers 11 heures, l'action du prince Louis est arrêtée par le feu nourri des Français, beaucoup plus nombreux et à 13 heures Lannes lance l'attaque générale qui débute par la charge des 9e et 10e Hussards. Après la dislocation de ses troupes, le prince Louis, qui tentait de rallier des fuyards, est poursuivi par quelques hussards du 10e ; au passage d'une haie, son cheval s'entrave dans les branches, ce qui permet au maréchal des logis Guindey de le rejoindre et de lui barrer la route. Rendez-vous, général, ou vous êtes mort. – Moi me rendre ? Jamais, répond le Prussien. Et, sur son attaque, il fend la joue droite de Guindey d'un revers de sa lame. Le Français riposte et atteint le prince au visage et au bras. Guindey reçoit un deuxième coup au visage et, aveuglé de sang, traverse par un hardi coup de pointe la poitrine du Prince, qui s'écroule, mortellement blessé. Un hussard du 10e arrive et sauve Guindey, aux prises avec les ordonnances du prince ; il abat un ennemi d'un coup de pistolet, les autres s'enfuient (1).
On apprend, par les propos des prisonniers, qui déclarent que le prince Louis venait d'être tué par un hussard français, la véritable identité du général prussien. Guindey remet au maréchal Lannes le sabre et les décorations du Prince et va se faire soigner à l'ambulance. En fin de journée, Lannes fait porter ces trophées à l'Empereur en demandant une récompense pour le sous-officier. Napoléon est satisfait et observe : S'il me l'avait ramené vivant, je l'aurais nommé officier. Lannes passe à l'ambulance, et, rapportant à Guindey la remarque de l'Empereur, le sous-officier lui réplique : Monsieur le maréchal, voyez comme il m'a arrangé, je vous assure bien qu'il n'était pas d'humeur à se laisser faire (2).
Ensuite, Guindey est autorisé à rester au repos une quinzaine de jours. Il se rend, accompagné par le hussard Fritz, au village de Grossembourg, où le 10e Hussards avait cantonné avant Saalfeld, et demande l'hospitalité à la baronne de W…, châtelaine de l'endroit. Guindey est instruit et bien élevé.Elle le reçoit et le fait soigner, tandis que le hussard Fritz se restaure aux cuisines. Guindey dîne avec la baronne ; or, à la fin, du repas, un majordome entre et communique discrètement une nouvelle à la châtelaine. Celle-ci pousse un cri de douleur : on venait de lui annoncer la mort du prince Louis de Prusse (elle l'avait reçu au château) et le rôle de Guindey dans cette affaire. Le maréchal des logis, véritablement désolé, prend congé et quitte précipitamment le château avec le hussard Fritz.
Que s'était-il passé ? Fritz avoue que les domestiques s'étant moqué des Français, il n'avait pu s'empêcher, malgré la consigne de silence, de leur raconter le combat de son maréchal des logis et la mort du prince de Prusse.
Dans l'armée française, la nouvelle de la mort du prince Louis fuse de toutes parts, elle est célébrée par une chanson :
» C'est le prince Louis-Ferdinand
Qui se croyait un géant,
Ah ? l'imprudent !
Un hussard, bon là !
Lui dit : » N'allez pas si vite
Ou bien, sinon ça,
Je vous lance une mort subite
À la papa. »
Le 14 octobre 1806, Guindey est nommé maréchal des logis chef au 10e Hussards. Il fait ensuite toutes les campagnes.
Blessé à Pultusk d'un coup de sabre à la main gauche (26 déc. 1806). Nommé sous-lieutenant (10e Hussards), le 20 avril 1807, il reçoit la Légion d'honneur, il n'a que 22 ans! En Espagne, avec le 10e Hussards il est grièvement blessé d'un coup de feu devant Saragosse (21 déc. 1808) (3). Détaché auprès du général Piré, il est blessé à nouveau à Wagram d'un coup de pointe, deux chevaux tués sous lui (6 juillet 1809) (3, 4). Nommé lieutenant au 8e Hussards (11 septembre 1809) (5).
Puis, il est admis dans la Garde Impériale : nommé lieutenant en second aux Grenadiers à cheval de la Garde (24 juin 1811), lieutenant en second sous-adjudant-major (6 déc. 1811). Il fait la campagne de Russie (1812). Nommé lieutenant en premier, sous-adjudant-major (9 février 1813) (5). Officier de la Légion d'honneur (14 septembre 1813).
Après Leipzig (16-19 oct. 1813), les Bavarois, nos alliés d'hier qui ont changé de camp, prétendent empêcher la retraite française sur le Rhin. La Vieille Garde reçoit la mission de les neutraliser. Elle livre bataille à Hanau (29-30 oct. 1813), et assure la retraite de toute l'armée. Mais la cavalerie de la Garde a essuyé des pertes.
Guindey est » trouvé mort le soir, sur le champ de bataille, tout couvert de coups de sabre, au milieu d'une demi-douzaine de cadavres de chevau-légers bavarois, à qui il avait fait payer cher sa mort » (Souvenirs du commandant Parquin, p. 286).Ainsi, le lieutenant Guindey est mort glorieusement, à Hanau, le 29 octobre 1813 (3). Il n'avait que 28 ans.
Le 17 septembre 1903, à Laruns, a été inauguré, sur la place de l'église, le monument élevé par le Souvenir Français au glorieux soldat Jean-Baptiste Guindey (voir la revue Tradition magazine, n° 118, janvier 1997, p. 49 ; Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, éditions SPM, p. 222).
D'autre part, le 13 novembre 1903, on a aussi inauguré à Paris, au cimetière Montmartre (27e division), une réplique du monument de Laruns (sans le buste), le bas-relief représente le combat singulier de Saalfeld (Tradition magazine précitée, p. 48 ; Répertoire mondial…, p. 290).
À lui l'immortalité, À nous le souvenir (6).
Auteur : Marc Allégret
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 417
Mois : mars-avril
Année : 1998
Pages : 33-34
Notes
(1) Parquin, ami et compagnon d'armes de Guindey, relate, dans ses Mémoires, ce combat singulier (Souvenirs du commandant Parquin, présentés et annotés par J. Jourquin, Tallandier, 1979, p. 68). Thiers le rappelle aussi dans son Histoire du Consulat et de l'Empire (t. 7, 1847, p. 65).
(2) Guindey, dans une lettre à ses parents datée de Stettin, le 4 novembre 1806, écrivait : « … Je n'ai eu que des blessures dont je suis rétabli. Je vais être officier et membre de la Légion d'honneur. L'Empereur lui-même me l'a dit « . (Carnets de La Sabretache, 1904, p. 228-229).
(3) A. Martinien, Tableaux des officiers tués et blessés pendant les guerres de l'Empire, p. 628 (Saragosse et Wagram), p. 94 (Hanau).
(4) À Wagram, la brigade Piré (8e Hussards et 16e Chasseurs) était intégrée à la division de cavalerie légère commandée par Lasalle. Celui-ci est tué, le soir, par une balle en plein front, lors de la dernière charge.
(5) Documentation Robert Chénier.
(6) Autres sources : Roman d'Amat, Dictionnaire de biographie française, t. 17, p. 287 ; G. Lenotre, En suivant l'Empereur (autres croquis de l'épopée), Le brave Guindey ; J.-B. Guindey et Louis de Prusse, Un combat historique, par R. Alazet : Tradition magazine, n° 118, janvier 1997, p. 45 ; note A.Chappet : Revue du Souvenir Napoléonien, n° 260, oct. 1971, p. 25.