HAUY, abbé (1743-1822)

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L’abbé René-Just Haüy (1743-1822), minéralogiste.

René-Just Haüy est né le 28 février 1743, à Saint-Just-en-Chaussée (Oise), province de Picardie,  » en chaussée  » parce que situé sur la voie romaine qui menait à Amiens, au foyer de Just Haüy, tisserand, qui fabriquait une étoffe précieuse, le molequin, et de Madeleine Candelot, son épouse (1). René-Just commence ses études à l'abbaye des prémontrés, à Saint-Just.
En novembre 1751, la famille Haüy s'installe à Paris, rue Platrière, dans un quartier commerçant, près de l'église Saint-Eustache et des Messageries générales. René-Just fait ses humanités au collège de Navarre (École Polytechnique en 1805) où, ensuite, il enseigne en classe de quatrième. Ordonné prêtre en 1770, il est nommé régent de seconde pour l'enseignement du latin au collège du cardinal Lemoine (serait aujourd'hui rue du Cardinal-Lemoine, Paris 5e). Lié d'amitié avec l'abbé Lhomond (1727-1794), celui-ci l'initie à l'herboristerie.
Au jardin du Roi (Jardin des Plantes, où la Révolution fera installer le Muséum d'histoire naturelle), il suit les cours de minéralogie de Daubenton (1716-1800). Il se passionne et démontre que la forme cristalline d'un corps dépend de sa composition chimique et que les formes les plus compliquées des cristaux peuvent être considérées comme dérivant d'une forme simple. Daubenton signale ces découvertes à Laplace (1749-1827), qui demande à Haüy de venir les exposer à l'Académie des sciences (10 janvier-22 août 1781). Les académiciens admirent son savoir et l'admettent comme membre de leur académie (12 février 1783). Après vingt ans d'enseignement, il est nommé professeur émérite (1784).

René-Just Haüy est le véritable fondateur de la cristallographie et de la minéralogie modernes.  » Jamais science n'a été autant l'oeuvre d'un seul homme  » (A. Lacroix).
Sous la Révolution, l'abbé Haüy refuse de prêter serment à la constitution civile du clergé votée en 1790 par l'Assemblée constituante. Après le 10 août 1792, il est arrêté comme prêtre réfractaire et incarcéré au séminaire Saint-Firmin, contigu au collège du cardinal Lemoine.  » Cellule pour cellule, il n'y trouvait pas trop de différence et continuait de travailler sur ses cristaux  » (Cuvier). À la demande de Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), de Daubenton et de l'Académie des sciences, il est libéré peu avant les massacres de Septembre.
En 1793, la Convention le nomme membre (et secrétaire) de la commission des poids et mesures (l'uniformisation avait été demandée par de nombreux cahiers de doléances). Il participe à la définition du décilitre et à la fabrication du kilogramme-étalon (2).
Il est nommé professeur de tous les grands organismes d'enseignement et de recherches de la Révolution et de l'Empire : l'École des mines (1794), l'École normale supérieure (1795), le Muséum d'histoire naturelle (1801, à la mort de Dolomieu), la Sorbonne (1809), la Faculté des sciences (1811, avec A. Brongniart, 1770-1847, comme assistant). Membre de l'Institut dès sa création, il est aussi le premier conservateur des collections de minéralogie de l'École des mines (1795).
L'abbé Haüy n'a toujours porté que l'habit ecclésiastique. Maigre, d'aspect fragile et ascétique, il partageait sa vie entre ses exercices de piété, ses obligations d'enseignant et ses études sur la cristallographie. Passionné de musique, il jouait du clavecin et du violon. Très aimé de ses collègues et des étudiants.
Il était apprécié de Napoléon. Après le rétablissement du culte, le Premier Consul le nomme chanoine honoraire de Notre-Dame et lui accorde la croix de chevalier de la Légion d'honneur dès la création de l'ordre.

En 1803, Bonaparte lui demande d'écrire, dans les trois mois, un traité de physique pour l'enseignement secondaire. L'abbé Émery l'encourage et lui recommande de mentionner son titre de  » chanoine de la Métropole « . Son Traité de physique, en 2 tomes, eut beaucoup de succès (3 éditions : 1803, 1806 et 1825). Napoléon lui alloue une pension de 6 000 francs et accorde un petit emploi au mari de sa nièce. Mais l'abbé refuse d'être nommé sénateur. Lors des Cent-Jours, l'Empereur rencontre Haüy, le 6 avril 1815, au Muséum (voir J. Tulard et L. Garros, Itinéraire de Napoléon au jour le jour, p. 465) et lui dit :  » Monsieur Haüy j'avais emporté votre physique à l'Ile d'Elbe, je l'ai relue avec le plus grand intérêt « . Et, il lui remet la rosette d'officier de la Légion d'honneur.

L'influence des écrits de l'abbé Haüy a été immense et leur rayonnement véritablement international (Pays-Bas, Autriche, Bohème, Prusse, États-Unis, Brésil).
Lié d'amitié avec le savant prussien Alexandre de Humboldt (1769-1859), il le rencontrait chez Cuvier. Fin mars 1814, Humboldt obtient l'évacuation des troupes prussiennes qui occupaient le Muséum.
Lors de la seconde Restauration, les souverains étrangers de passage à Paris lui rendent visite. Les princes russes et le prince royal de Danemark suivent ses cours. Face à cet hommage européen, les ministres de Louis XVIII s'occupaient activement de faire annuler la nomination d'Haüy au grade d'officier de la Légion d'honneur…
En 1817, l'abbé Haüy accueille son frère Valentin, à son retour de Russie et l'héberge dans son logement au Muséum (actuellement bâtiment de la direction). Valentin meurt le 18 mars 1822. René-Just lui survit de peu puisqu'il s'éteint lui-même le 1er juin 1822, à 79 ans. Ses obsèques sont célébrées le 3, à l'église Saint-Médard et il est inhumé, avec son frère Valentin, au cimetière du Père-Lachaise (60e division) (3). Cuvier (1769-1832) prononce son éloge à l'Académie des sciences, le 2 juin 1823 (Journal des débats, 3 juin 1823).

Parmi ses écrits, on peut citer : Essai d'une théorie sur la structure des cristaux appliquée à plusieurs genres de substances cristallisées (1783), Exposition raisonnée de la théorie de l'électricité et du magnétisme (1787), Traité de minéralogie (1801), Traité de physique (1803), Traité des caractères physiques des pierres précieuses (1817), Traité de cristallographie (1822).
L'importante collection de minéraux et de cristaux de l'abbé Haüy a été vendue par ses héritiers au duc de Buckingham, mais elle a été rachetée en 1848, par le gouvernement de la Seconde République et déposée au Muséum (4).

 

Auteur : Marc Allégret
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 421
Mois : Déc-Janv
Année : 1999
Pages : 89-90

Notes

(1) Devant l'hôtel de ville de Saint-Just-en-Chaussée, un monument a été érigé en 1903, à la mémoire des frères Haüy (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, éditions SPM, p. 209). D'autre part, une stèle a été inaugurée, le 26 février 1993, à l'emplacement de la maison natale des frères Haüy.
(2) Un an plus tard, sous la Terreur, l'abbé Haüy a le courage d'écrire en faveur de Lavoisier (1743-1794), Borda (1733-1799) et Delambre (1749-1822), lors de leur arrestation.
(3) Au cimetière du Père-Lachaise, la tombe comportait seulement le nom de Valentin Haüy. Récemment, la municipalité de Saint-Just-en-Chaussée a fait poser une plaque en marbre indiquant Valentin et René-Juste Haüy.
(4) Sources : Michaud, Biographie universelle, t.18, p. 574; Roman d'Amat, Dictionnaire de biographie française, t. 17, p. 775; Dictionnaire Napoléon, p. 866 (J. Tulard); L'âme des cristaux, catalogue de l'exposition organisée à l'École des mines, 60, boulevard Saint-Michel, Paris 6e, en hommage à René-Just Haüy (3 déc. 1993-31 mars 1994).

(5) François Lesueur figure à côté de Valentin Haüy dans le monument élevé dans la cour d'honneur de l'Institut national des jeunes aveugles, à Paris, et dans celui des frères Haüy à St-Just-en-Chaussée.
(6) Aujourd'hui, l'Institut (d'enseignement) des jeunes aveugles est installé 56, boulevard des Invalides, Paris 7e, dans les bâtiments construits par Philippon et inaugurés en 1844. Le fronton représente Valentin Haüy, inspiré par la Charité et instruisant des aveugles, par François Jouffroy (1843). Dans la cour d'honneur se trouve une statue en pierre de Valentin Haüy avec François Lesueur, par B. de La Tronchère, inaugurée en 1861 par Napoléon III (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, éditions SPM, p. 270).
(7) L'un des élèves, Louis Braille (1809-1852), admis à l'Institut des jeunes aveugles en 1819, inventera en 1829, une méthode nouvelle de lecture et d'écriture au moyen de points en relief (alphabet Braille), qui est aujourd'hui adoptée universellement (voir Historia, n° 146).
(8) Sources : Michaud, Biographie universelle, t.18, p. 582; Roman d'Amat, Dictionnaire de biographie française, t. 17, p. 776; Histoire et dictionnaire de la Révolution française, p. 871; Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, p. 829; Dictionnaire Napoléon, p. 866 (J. Jourquin); Pierre Henri, La vie et l'oeuvre de Valentin Haüy, PUF, 1984; documentation de l'Association Valentin Haüy pour le bien des aveugles, créée en 1889, reconnue d'utilité publique en 1891, 5, rue Duroc, Paris 7e; Zina Weygand, Le temps des fondateurs (1784-1844), brochure de l'Institut national des jeunes aveugles.

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