HENRION de PANSEY, Pierre, baron (1742-1829), magistrat

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Celui qui était destiné à cette brillante carrière de juriste est né le 28 mars 1742, à Tréveray, près de Ligny-en-Lorraine (Meuse), où son père, de petite noblesse parlementaire, occupait une charge dans la magistrature.

Après le collège de Ligny, Pierre Paul Henrion fait des études de droit civil à la Faculté de Pont-à-Mousson et il est admis comme avocat au Parlement de Paris, le 10 mars 1763.
En 1770, il est remarqué par le succès qu'il obtient dans le procès d'un noir, esclave, qui, amené en France par son maître, réclamait sa liberté. Son brillant plaidoyer est imprimé et lui vaut les compliments de Voltaire. Mais Henrion plaide rarement ; poussé par son goût de l'érudition, il préfère le travail d'un avocat-consultant.
Pendant l'exil du Parlement de Paris, décidé par Louis XV à la suite du conflit provoqué par la réforme du chancelier Maupéou (1771-1774), Henrion revient vivre au château paternel de Pansey, près de Joinville (Haute-Marne). Il se fera d'ailleurs appeler Henrion de Pansey, pour se distinguer de son frère puîné qui, lui, s'appellera Henrion de Saint-Amand (Tréveray 1774-Pansey 1829). Le 19 décembre 1772, Henrion est initié à la Loge  » Les Frères Zélés  » de Ligny-en-Barrois ; il sera ensuite député de la Grande Loge Nahanet, puis au Grand Orient, en 1774-1778 (1).
De retour à Paris, Henrion publie en 1773, un Traité des fiefs de Dumoulin analysé et conféré avec d'autres feudistes, précédé d'une éloge de Dumoulin (2). En 1789, il complète son traité par ses célèbres Dissertations féodales.
Au début de la Révolution, Henrion quitte Paris et ses orages et se retire à Pansey. Ayant perdu sa charge d'avocat, il rend service à ses compatriotes par ses consultations juridiques et, après la Terreur, accepte certaines fonctions publiques dans l'administration centrale départementale de la Haute-Marne (an IV et V) et comme professeur de législation à l'École centrale de Chaumont (an VI).

Sous le Consulat, en germinal an VIII (avril 1800), Henrion de Pansey (encore dit de la Haute-Marne) est nommé juge au Tribunal de cassation,

où il retrouve d'éminents juristes : Muraire, qui sera Premier président en 1801 ; Tronchet et Maleville (3), Brillat-Savarin (chambre criminelle), Merlin de Douai, qui sera commissaire du gouvernement en 1801 et procureur général impérial par la suite.
Désormais, il se consacre à l'étude et aux commentaires des lois nouvelles : De la compétence des juges de paix (1805, 2e édition en 1809, traduction en allemand et en italien), De l'autorité judiciaire en France (1810), où il démontre les bienfaits de la séparation des fonctions et définit une doctrine originale sur le contentieux administratif.
En 1810, il s'installe dans le bel hôtel de La Trémoïlle, 50, rue de Vaugirard, à Paris (6e) (4), tout près du Luxembourg, avec son neveu et sa nièce, le général Joseph-Marie Pernety (Lyon 1766-Paris 1856) et son épouse Angélique Françoise née Henrion de Saint-Amand. Il y reçoit ses amis : Chaptal, Berthollet, Laplace, Monthyon, Royer-Collard, Brillat-Savarin, Lamartine (dont la mère était une soeur de la femme d'Henrion de Saint-Amand). Pendant les vacances judiciaires, il partage son temps entre les eaux de Plombières et Pansey. Dans son ouvrage sur la Physiologie du Goût, Brillat-Savarin écrit que le président Henrion de Pansey, s'adressant à Laplace, Chaptal et Berthollet, leur disait en 1812 :  » Je regarde la découverte d'un mets nouveau qui soutient notre appétit et prolonge nos jouissances comme un événement bien plus intéressant que la découverte d'une étoile ; on en voit toujours assez !  »

Napoléon l'estimait. Un jour que l'Empereur lui demandait pourquoi il ne s'était pas marié, Henrion lui répondit :  » Ma foi, Sire, je n'en ai pas eu le temps.  »
Le 10 mars 1809, l'Empereur le nomme président de la chambres des requêtes, l'une des formations de la Cour de cassation (5) et, en 1811, membre du Conseil de l'Intendance du Domaine extraordinaire. Aux audiences, il était toujours le premier arrivé et le dernier parti.
Chevalier de la Légion d'honneur depuis 1804, lors de la création de l'ordre, il est promu officier le 6 avril 1813 (et commandeur le 22 mai 1825). En outre, il est fait chevalier de l'Empire, par lettres patentes de mai 1808 et baron de l'Empire, par lettres patentes du 27octobre 1810.
Travailleur acharné (on dit qu'Henrion de Pansey resta douze ans sans dîner hors de chez lui pour ne pas perdre de temps), il est aussi un homme intègre et un esprit indépendant. Dans une affaire où le fisc avait succombé devant une Cour d'appel, Napoléon, qui désirait que l'arrêt soit cassé, charge le procureur général Merlin de Douai de sonder la Cour de cassation. Henrion de Pansey examine l'affaire, réunit la chambre des requêtes et, avec elle, estime que l'arrêt de la cour d'appel n'encourrait pas de cassation.  » Mais, que vais-je répondre à SM, demande le Procureur général ? – Répondez à l'Empereur, lui dit Henrion de Pansey, qu'il vaut mieux que SM perde quelques millions plutôt que voir la Cour de cassation se déconsidérer par une injustice. »
De même, lors de la réunion d'une Commission, Napoléon émet un avis que tous les membres s'empressent d'adopter. Henrion, seul, s'y montre opposé et expose ses raisons avec tant de force que l'Empereur, revenant sur son avis, dit à Daru :  » Pourquoi ce vieux bonhomme n'est-il pas de mon conseil ? Faites tout de suite le décret.  » Le dimanche suivant, à la cour, après la messe, Napoléon s'approche d'Henrion :  » Je n'entends pas, mon cher président, que vous quittiez la Cour de cassation, je ne vous demanderai que des conseils de vive voix. Il y a dix ans que vous devriez être de mon conseil, j'ai grondé Cambacérès de ne pas m'avoir parlé plus tôt de vous.  » C'est ainsi qu'Henrion de Pansey devient, le 3 avril 1813, membre du Conseil d'État, tout en restant à la Cour de cassation.

Lors de la première Restauration, le gouvernement provisoire le nomme, le 3 avril 1814, commissaire au département de la Justice (ministre),

fonction qu'il assume jusqu'au 12 mai 1814. Désigné, à nouveau, comme conseiller d'État en service extraordinaire, le 5 juillet 1814, tout en demeurant président de la chambre des requêtes. Il publie encore deux ouvrages, l'un sur Le pouvoir municipal (1822), l'autre sur Les assemblées nationales en France (1826). Enfin, pour couronner sa brillante carrière, il est nommé Premier président de la Cour de cassation, le 17 mai 1828, à 86 ans !

Henrion de Pansey meurt à Paris, le 23 avril 1829, dans son hôtel au 50 de la rue de Vaugirard. Après la cérémonie religieuse, le 25 avril 1829, à l'église Saint-Sulpice (voir le Moniteur et Journal des débats du 25 avril 1829), il est inhumé au cimetière Montparnasse, 4e division (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, éditions SPM, p. 280). Depuis 1856, le général Pernety repose dans la même sépulture.
La vie et l'éloge d'Henrion de Pansey sont excellemment retracés dans ce quatrain de Brillat-Savarin:
 » Dans ses doctes travaux, il fut infatigable ;
Il eut de grands emplois qu'il remplit dignement
Et quoiqu'il fut profond, érudit et savant,
Il ne se crut jamais dispensé d'être aimable.  »
(6).

Auteur : Marc Allégret
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 422
Mois : Fév-mars-avril
Année : 1999
Pages : 55

Notes

(1) Michel Gaudart de Soulages, Hubert Lamant, Dictionnaire des Francs-maçons français, J.-Cl. Lattès, 1995, p. 466.
(2) Charles Dumoulin (Paris, 1500-id. 1566) a été surnommé  » le prince des jurisconsultes  » en raison de ses importants travaux sur l'histoire et les sources du droit français. Après Louis XI, il sentit le besoin d'unifier le droit civil, ce que réalisera, beaucoup plus tard, le Code Napoléon (1804). 
(3) Tronchet et Maleville seront désignés ultérieurement pour élaborer un projet de Code civil applicable à tous les Français.
(4) Actuellement, presbytère de Saint-Sulpice et Oblates de Sainte-Thérèse, portail classé (J. Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, t. 2, p. 603).
(5) La chambre des requêtes statuait sur l'admission ou le rejet des pouvoirs en cassation, ce qui permettait d'alléger la tâche de la chambre civile. Elle a été supprimée en 1947. 
(6) Sources : Michaud, Biographie universelle, t. 19, p. 214 ; Roman d'Amat, Dictionnaire de biographie française, t. 17, p. 967 ; Dictionnaire Napoléon : p. 869, notice Jean-Jacques Bienvenu ; Revue du Souvenir Napoléonien, n° 259, juillet 1971,  » Henrion de Pansey « , par Marcel Rousselet ; Revue du Souvenir Napoléonien, n° 384, août 1992,  » La Haute-Marne napoléonienne « , par le bâtonnier Pierre Gérard Jacquot, p. 20.

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