HULIN, Pierre-Auguste, (1758-1841), général

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Fils d’Augustin Hulin, marchand fripier et d’Anne Françoise Trognon, Pierre Augustin est né à Paris, rue de la Grande Friperie (aujourd’hui rue Baltard, 1e arrondissement), le 6 septembre 1758.

D'une solide constitution (un homme de six pieds et fort en proportion de sa grandeur, selon la duchesse d'Abrantès), il est attiré, dès sa jeunesse, par l'état militaire.
Enrôlé comme soldat au régiment de Champagne-Infanterie, il sert ensuite dans les régiments de Navarre, de Touraine et des Gardes suisses, où il est nommé sergent (1). Il passe alors, comme sergent fourrier, au régiment de volontaires de la république de Genève, où il remplit les fonctions d'adjudant-major de cette place (1781-1782). Ayant déserté en 1785, il rejoint, comme sergent, les gardes suisses au service de la France, d'où il est congédié le 24 novembre 1787.
Rendu à la vie civile, il est employé comme domestique au service du marquis de Conflans, puis embauché par la buanderie royale de La Briche, près d'Épinay-sur-Seine, dont il devient rapidement le directeur (1789).
Mêlé de très près aux événements du début de la Révolution, il participe aux assemblées populaires des 12 et 13 juillet 1789, à l'enlèvement des canons et des armes aux Invalides et à la marche sur la Bastille. Il se met à la tête des gardes françaises et des émeutiers lors du siège et de la capitulation de la forteresse (14 juillet 1789). Ayant emmené avec lui le gouverneur du Launay à l'Hôtel de ville, il ne peut empêcher son exécution par les émeutiers (2).

Désormais, le « vainqueur de la Bastille » revient à l'état militaire.
Il est nommé capitaine commandant la compagnie des volontaires de la Bastille de la garde nationale de Paris, commandant la 8e Cie de chasseurs de la garde nationale parisienne soldée (24 août 1790), capitaine au 14e bataillon d'infanterie légère (3 août 1791). Il sert ensuite à l'armée du Nord (1792-1793) et il est blessé à Neerwinden (18 mars 1793). En août 1793, il est suspendu de tout commandement, mis en état d'arrestation et incarcéré à Paris, à la prison de l'Abbaye (elle se situerait aujourd'hui entre les nos 135 et 137 du boulevard Saint-Germain, 6e arrondissement). Le soir, Hulin joue aux dames et au piquet avec le général Choderlos de Laclos et Seffert, l'ancien médecin du duc d'Orléans, emprisonnés comme lui. Après le 9 thermidor an II, il est libéré et réintégré dans l'armée (3 décembre 1794).
Affecté à l'armée d'Italie, aide de camp du général Haquin, il fait la connaissance du général Bonaparte auquel il s'attache, commande un bataillon de grenadiers et la place de Livourne ; nommé chef de brigade par Bonaparte, confirmé par le Directoire (16 juin 1797) et commandant le château de Milan (1798).
Rappelé à Paris, auprès du gouvernement (janvier 1800), il est nommé chef d'état-major de la division Watrin, à l'armée de réserve et, avec cette division, fait la 2e campagne d'Italie (dans l'avant-garde commandée par Lannes). Il se signale au combat de Châtillon (18 mai) et à la prise d'Ivrée (22 mai). Commandant la place à Milan (3 juin) et commandant le château de Milan (juillet 1800).
Le 15 septembre 1802, il est nommé commandant des grenadiers à pied de la Garde des Consuls et, le 29 août 1803, général de brigade, tout en conservant son commandement.

En mars 1804, Hulin est associé à l’affaire concernant l’arrestation et la condamnation à mort du duc d’Enghien (1772-1804).

Le 19 ventôse an XII (10 mars 1804), le Premier Consul réunit son conseil. La description du prince français qui devait arriver à Paris pour diriger la conspiration royaliste faite par un complice de Cadoudal correspondant au duc d'Enghien, Talleyrand propose d'enlever le duc, qui résidait dans le pays de Bade et de le faire juger par un tribunal spécial. Fouché approuve bruyamment. Au contraire, Cambacérès et Lebrun sont opposés à cette opération, le second consul objectant que l'arrestation en pays étranger était illégale. En vain.
Le soir même, le Premier Consul, via Berthier, donne ordre au général Ordener de se rendre discrètement à Strasbourg, de se porter sur Ettenheim, de cerner la ville, d'y enlever le duc d'Enghien, Dumouriez, un colonel anglais et tout autre individu qui serait à leur suite et de revenir à Strasbourg (Cf. André Palluel, Dictionnaire de l'Empereur, Plon, 1969, p. 398).
Le 15 mars 1804, à l'aube, un détachement du 22e dragons arrive à Ettenheim, cerne la maison où demeure le duc d'Enghien et l'enlève. Par contre Dumouriez est introuvable (le renseignement était faux). Ensuite, le duc est transféré, de Strasbourg à Vincennes, dans la calèche du général Ordener.
Le 29 ventôse an XII (20 mars 1804), un arrêté du Premier Consul, rédigé par Réal, décide que le duc d'Enghien sera traduit devant une commission militaire composée de 7 membres désignés par le gouverneur de Paris et qui se réunira à Vincennes. La commission sera présidée par le général Hulin et composée de 5 colonels et d'un capitaine-rapporteur désignés par le gouverneur, le général en chef Murat.
Elle se réunit à Vincennes dans la nuit du 20 au 21 mars et après interrogatoire (3), condamne le duc d'Enghien à mort. Savary (en civil) veille aux débats et à l'exécution immédiate de la sentence (4). Le Moniteur du 1er germinal an XII (22 mars 1804) publie le texte du jugement (complété, dans l'après-midi du 21 mars, à la demande du Premier Consul : 6 chefs d'inculpation sont indiqués, dont 2 apparaissent fondés).
Ainsi finit le duc d'Enghien. La nouvelle de l'exécution se répand très vite dans Paris et soulève, selon les cas, approbations ou réprobations. Mais c'est surtout sous la Restauration que la discussion sur cette affaire sera reprise (5).

Par ordre du jour du 29 floréal an XII (10 mai 1804), la Garde des Consuls prend le titre de Garde impériale. Hulin conserve le commandement des grenadiers à pied de la Garde (l’élite de l’élite).

Il a avec lui le sergent-sapeur Gaye-Mariole, la musique et son chef Gebauer et le tambour-major Senot.
Il sert à la Grande Armée en août 1805, commande les places de Vienne (1805) et Berlin (1806). Nommé général de division le 9 août 1807, il est mis à la tête de la première division militaire et exerce la fonction de gouverneur militaire de Paris jusqu'au 30 mars 1814.
Comme beaucoup de généraux de l'époque, il était affilié à la France-maçonnerie (Premier Grand Expert du chapitre « L'Abeille Impériale », à l'Orient de Paris en 1808 (voir Revue de l'Institut Napoléon, n° 137, 1981, p. 77).
Membre de la Légion d'honneur (11 décembre 1803), commandant (14 juin 1804), grand officier (30 juin 1811), commandant de l'ordre de la couronne de fer d'Italie, Grand croix de l'ordre de la Réunion (3 avril 1813).
Créé comte de l'Empire, le 26 avril 1808 (J. Tulard, Napoléon et la noblesse d'Empire, Tallandier, 1979, p. 189), il obtient 25 000 francs de rente annuelle sur les biens réservés de Westphalie et 25 000 francs de rente annuelle sur les biens réservés en Hanovre.
Hulin avait épousé, à Paris, Louise Victoire Demachy, la fille du peintre et graveur Pierre Antoine Demachy (Paris, 1723-id. 1807, dont la Fête de la Fédération et la Fête de l'Être suprême, musée Carnavalet), et, après divorce, en secondes noces, à Paris, le 19 juin 1804, Jeanne Louise Tiersonnier, dont il eut un fils, Charles Auguste Désiré, mort jeune.
Selon un contemporain, « Hulin manquait de l'éducation nécessaire pour se classer dans la haute société gouvernementale, moins encore dans la société d'autrefois et vivait à peu près isolé, avec toutes les apparences d'une grande représentation » (Fiévée, tome 3, p. 283, notes).
En raison de ses fonctions, il réside place Vendôme (Paris, 1e arrondissement) dans son hôtel au n° 22, proche du n° 7 hôtel affecté à l'état-major de la 1re division militaire et de la place de Paris (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, éditions SPM, p. 257). C'est en ces lieux que se situera le dénouement de la conspiration du général Malet.

En octobre 1812, Napoléon et la Grande Armée sont en Russie. Dans cette situation, éclate à Paris, la conspiration du général Malet.

Le 23 octobre, à 3 heures du matin, avec une audace extraordinaire, Malet, évadé de la maison de santé du Dr Dubuisson (303, rue du Faubourg Saint-Antoine, près de la place de la Nation, où il était en résidence forcée), annonce que Napoléon est mort en Russie, produit un faux sénatus-consulte établissant un gouvernement provisoire et réquisitionne la 10e cohorte de la garde nationale à la caserne Popincourt (51, rue Popincourt, 11e, aujourd'hui démolie).Ensuite, il fait délivrer le général La Horie et le général Guidal, détenus à La Force, et arrêter Savary, ministre de la Police, Pasquier, préfet de Police et Desmaret, chef de la Sûreté.
Dans le même temps, Malet se rend au domicile du général Hulin, 22, place Vendôme. Hulin est en train de se lever. Il résiste et demande des explications. Malet lui fracasse la mâchoire d'un coup de pistolet, il s'effondre. Mais, sitôt après, au n° 7, hôtel de la place de Paris, les adjoints du gouverneur (le colonel Doucet et le commandant Laborde) démasquent Malet, le maîtrisent, appellent à l'aide et désormais c'est l'échec du coup d'État (6).
Peu après, la maréchale Lefebvre, duchesse de Dantzig, raconte à son mari, qui commande l'infanterie de la Vieille Garde en Russie, le déroulement de l'affaire Malet. Elle lui écrit : « Le général Hulin est hors de danger. Son secrétaire m'a fait une visite hier. Croirais-tu qu'on n'a pas pu trouver la balle, malgré quatre docteurs qu'il a eus près de lui, pour la chercher. Moi, je crois qu'il l'a avalée. Aussi, on l'appelle à présent Bouffe-la-Balle… ».

Le 29 mars 1814, le général Hulin prend le commandement des troupes chargées de couvrir la marche de l'Impératrice Marie-Louise, du Roi de Rome et du roi Joseph, en direction de Blois.
Le 8 avril 1814, il se rallie à Louis XVIII, mais ne peut conserver son commandement à Paris. Pendant les Cents-Jours, il retrouve ses fonctions de gouverneur de Paris et de commandant la 1re division militaire (20 mars-23 juin 1815).
Proscrit par l'ordonnance du 24 juillet 1815, Hulin doit s'exiler ; il séjourne en Allemagne, en Belgique et en Hollande et ne peut rentrer en France que le 1er décembre 1819.
Hulin s'établit à Paris ; en 1830, il achète un hôtel 13, rue du Cherche-Midi (6e arrondissement). Il meurt le 9 janvier 1841, au n° 71 de la même rue, à 82 ans (Répertoire mondial…, p. 265).
Il est inhumé à Paris, au cimetière du Sud dit de Montparnasse, 14e division, 15e ligne, près de la tombe du baron Fain (Répertoire mondial…, p. 281).
Le général-comte Hulin a légué son importante fortune à son neveu, Henri Hulin (ou Hullin), alors capitaine d'infanterie, qu'il avait adopté le 31 juillet 1833. Son titre de comte héréditaire est également passé à ce neveu, par lettres patentes du 18 novembre 1844 (7).

Auteur : Marc Allégret
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 428
Mois : avril-mai
Année : 2000
Pages : 51-52

Notes

(1) Créés par Charles IX en 1573, les gardes suisses furent organisés en régiment par Louis XIII en 1616. Dans la maison militaire du Roi, les gardes suisses venaient après les gardes françaises (créés en 1563) et, à l'inverse d'eux, portaient l'uniforme rouge rehaussé de bleu. Ils avaient aussi une solde double. En défendant Louis XVI et les Tuileries, le 10 août 1792, ils furent presque tous massacrés par la foule.
(2) Hulin avait prêté son chapeau au gouverneur, pour le protéger. Mais, attaqué par un ouvrier, qui le prenait pour le gouverneur, Hulin remit son chapeau sur sa tête. Place de Grève, il s'absente un instant et, lorsqu'il revient, voit la tête du marquis de Launay au bout d'une pique.
(3) Lors de son interrogatoire, le duc d'Enghien reconnut qu'il avait combattu contre la France dans l'armée de Condé (son grand-père), mais il contesta énergiquement sa participation à une conspiration royaliste contre le Premier Consul.
(4) Le duc d'Enghien est fusillé dans les fossés de Vincennes. À droite de la Porte du Bois, au pied de la tour d'angle, une colonne indique l'emplacement où il a été exécuté et enterré (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, p. 379).
(5) Voir Andréa Davy-Rousseau, Autour de la mort du duc d'Enghien : RSN n°334-mars 1984. On notera qu'en avril 1814, Talleyrand, président du gouvernement provisoire, a fait détruire les documents qui impliquaient sa participation à l'enlèvement et à l'exécution du duc d'Enghien.
(6) Le 28 octobre 1812, les conjurés sont traduits devant une commission militaire ; le lendemain, Malet, Lahorie et Guidal sont condamnés à mort et immédiatement fusillés, à 4 heures de l'après-midi, à la barrière de Grenelle. Le colonel Rabbe, abusé par Malet et également condamné à mort, échappe in extremis, à l'exécution : le conseil des ministres s'était souvenu qu'il avait été l'un des membres de la commission militaire qui avait condamné le duc d'Enghien (voir D. et B. Quintin, Dictionnaire des colonels de Napoléon, SPM, 1996, p. 719).
(7) Sources : Michaud, Biographie universelle, tome 20, p. 140 ; Roman d'Amat, Dictionnaire de biographie française, tome 17, p. 1515 ; G. Six, Dictionnaire des généraux de la Révolution et de l'Empire, tome 1, p. 582 ; A. Pigeard, Les étoiles de Napoléon, p. 401 ; H. Lachouque, Napoléon et la garde impériale ; Dictionnaire Napoléon : notice Hulin, par J. Garnier, p. 898 ; aff. duc d'Enghien, par J.P. Bertaud, p. 663 ; Savary, par M.Le Clèe, p. 1539 ; aff. Malet, par J.Tulard, p. 1120 ; M. Dupont, Le tragique destin du duc d'Enghien, Hachette, 1938 ; Dr Max Billard, La conspiration de Malet, Perrin, 1907 ; B. Melchior Bonnet, La conspiration du général Malet, Del Duca, 1963 ; A. Decaux, La conspiration de Malet, Presses Pocket, 1964 ; Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, 2 tomes, Éditions de Minuit.

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