JACOB, famille d’ébénistes (1765-1847)

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Trois générations de Jacob, ébénistes, se sont illustrées à Paris, de 1765 à 1847 : Georges Jacob, le père ; ses fils Georges II dit l’Aîné et François Honoré Georges ; enfin Georges Alphonse, fils de François.

JACOB, famille d’ébénistes (1765-1847)
Deux fauteuils d'une suite de quatre du château de Fontainebleau, créés par les frères Jacob © Fondation Napoléon/Thomas Hennocque

Georges Jacob (1739-1814), le père, le grand Jacob, est né à Cheny, près de Migennes (Yonne), le 6 juillet 1739.

Il était le fils d’Étienne Jacob (1705-1755), vigneron, et de Françoise Beaujean, son épouse. À la mort de son père, Georges vient à Paris, travaille chez un maître ébéniste et accède à la maîtrise en présentant, pour son chef-d’oeuvre, un petit fauteuil de bois doré (4 septembre 1765). Deux ans plus tard, il épouse, à Paris, Jeanne Loyer, originaire d’une famille de brodeurs, âgée de seize ans (1751-1817) ; ils auront cinq enfants, dont les deux aînés, Georges II et François seront, eux aussi, des ébénistes.

Très vite, une belle clientèle permet à Georges Jacob d’installer ses ateliers, d’abord rue de Cléry, puis, en 1775, 57, rue Meslée (aujourd’hui Meslay, Paris, IIIe), avec de vastes ateliers et hangars, où il occupe, au premier étage, un appartement d’une dizaine de pièces. Il fabrique alors, dans le style Louis XVI, du mobilier de salon et de chambre à coucher (fauteuils, chaises, canapés et lits de repos). Notamment, il est le fournisseur des Tuileries, de Marie-Antoinette et des princes, frères du Roi.
Lors de la Révolution, il est ruiné par l’Émigration (ses débiteurs partent sans le payer). Et, compte tenu des événements, il abandonne le style Louis XVI et opte pour le style gréco-romain, imaginant de nouvelles formes et employant essentiellement l’acajou, en véritable précurseur du style Empire. Cette novation se retrouve dans le mobilier qu’il fournit au peintre David et celui qu’il fabrique, en collaboration avec Percier et Fontaine, pour la salle de la Convention. Sa production porte l’estampille G.Jacob. Sous la Terreur, il passe, par trois fois, devant le Tribunal révolutionnaire, accusé d’avoir travaillé pour Capet et les ci-devant nobles. Malgré le don de 500 crosses de fusils et la protection de David, il est incarcéré à la Conciergerie et n’est libéré qu’après le 9 thermidor (27 juillet 1794).

Ensuite, Georges Jacob, qui a 55 ans, fait confiance à ses deux fils aînés, Georges II et François, depuis longtemps associés à ses travaux. Il leur loue son entreprise, sous la raison sociale de Jacob Frères (1796), puis, après la mort de l’aîné, Georges II (1803), en constituant avec le cadet la Société Jacob-Desmalter et Cie, qui travaillera activement pendant tout l’Empire. Georges Jacob père est arbitre auprès du Tribunal de commerce de Paris.
Cependant, la crise économique et les retards de paiement de l’État entraînent la faillite de la société en octobre 1813. Georges Jacob, qui s’était porté caution, est ruiné. Agé de 74 ans, en mauvaise santé, il se retire dans une institution de Chaillot. En novembre 1813, l’architecte Fontaine, qui surveille les travaux du palais du Roi de Rome, sur la colline de Chaillot, le présente à Napoléon, qui promet de le secourir. Mais l’Empire touche à sa fin et Georges Jacob meurt peu après, rue Meslay, le 5 juillet 1814.

Georges II Jacob, dit l’Aîné (1768-1803)

Né à Paris, le 26 mai 1768, il travaille très tôt avec son père et il est associé avec son frère, François, sous la raison sociale Jacob Frères ; les deux frères exerceront cette activité de 1796 à 1803, date de la mort de Georges II.
Demeuré célibataire, Georges II Jacob vivait dans la maison familiale, rue Meslée. De santé fragile, il s’occupait surtout de l’administration de l’affaire. C’est son frère, François, qui assurait la direction technique de la fabrique. Leurs productions porteront l’estampille Jacob Frères, Rue Meslée. Elles rappellent encore par l’élégance de leurs lignes et l’emploi de l’acajou et de différents bois, ornés de diverses incrustations, celles de la période précédente (Guy Ledoux-Lebard). Leur nouvelle ligne générale met fin à la sévérité caractérisant le style Directoire et autorise à une première rencontre avec les formes tout en rondeur de la période qui s’annonce, celle de l’harmonieux et apaisé Consulat (David Chanteranne).

C’est aux Frères Jacob que Joséphine Bonaparte commande des meubes délicats, aux formes nouvelles, pour sa maison de la rue Chantereine. Peu après, ils meublent l’hôtel de Madame Récamier, rue du Mont Blanc (Chaussée d’Antin), selon les projets de l’architecte Berthault (voir Le mobilier de Mme Récamier, par D.Chanteranne, Revue Napoléon Ier, n°6, janvier-février 2001, p.66). Le lit de Mme Récamier (Musée du Louvre) utilise, pour la première fois, la forme  » bateau  » ainsi que les cygnes au titre de la décoration.
En 1800, le Premier Consul leur commande tout le mobilier de Malmaison et celui des Tuileries. Parmi leurs autres clients, on peut citer le général Moreau, Cambacérès, Gaudin, Mlle Mars…

Aux expositions des produits de l’Industrie de l’an IX (18 septembre 1801) et de l’an X (22 septembre 1802), installées dans les galeries du Louvre (1), les frères Jacob sont récompensés par une médaille d’or :  » Leur style est d’un plus grand caractère, les détails de la sculpture y sont traités avec perfection « .
Quant Chaptal visite leur fabrique, en mars 1803, il y découvre de nombreux ateliers : menuiserie en bâtiment, menuiserie en meubles, sculpture en figures, sculpture en ornements, tournage, peinture et dorure, ébénisterie, polissage, fonte moulure, dorure sur métaux, moulure, tapisserie et serrurerie-mécanique : 322 ouvriers, 11 contremaîtres et 9 apprentis y travaillent.
Les projets de dessins de meubles, demandés à Percier et Fontaine, sont mis en oeuvre par les meilleurs artistes et artisans de l’époque. Toutes les espèces de bois sont utilisées, surtout l’acajou, l’ébène et l’if des Indes.

Georges II Jacob meurt à Paris, le 23 octobre 1803, à 35 ans. Il est inhumé à l’ancien cimetière Sainte-Marguerite jouxtant l’église de même nom (actuellement, 36, rue Saint-Bernard, Paris XIe).

François Honoré Georges Jacob (1770-1841)

Né à Paris, le 6 février 1770, il avait, lui aussi, fait son apprentissage chez son père et ajouté à son nom patronymique celui de Desmalter, en souvenir d’une terre de ses aïeux, à Cheny, en Bourgogne,  » Les Malterres « . Il s’était marié, le 21 avril 1798, avec Adélaïde Anne Lignereux, âgée de seize ans, fille de l’ébéniste Lignereux, dont il aura 5 enfants (4 filles et 1 fils, Georges Alphonse, voir ci-dessous).

À la mort du fils aîné, Georges II, le grand Georges Jacob, le père, revient aux affaires et forme une nouvelle société avec son fils cadet, François (13 novembre 1803), sous la raison sociale Jacob Desmalter et Cie. Les productions de cette nouvelle société porteront l’estampille Jacob D (Desmalter), R. Meslée, ou, plus rarement, J.D. Leur activité est intense, les commandes affluent.
Bientôt, la société est à son apogée et les fils Jacob accèdent au titre envié de  » Menuisier-ébéniste-fabricant de meubles et bronzes de Leurs Majestés Impériales… ».
Ils vont meubler la Cour impériale et les grandes familles françaises, mais un tiers de leur production partira à l’étranger. Le garde-meuble impérial reste le principal client des Jacob et il est impossible de citer les centaines de meubles qu’ils livrent pour les résidences impériales, tant en France (Tuileries, Élysée, Malmaison, Saint-Cloud, Compiègne, Fontainebleau, Rambouillet, Trianon, Strasbourg) qu’à l’étranger (château Stupinigi près de Turin, de Monte-Cavallo à Rome et de Laeken, aux portes de Bruxelles).
Il faut y ajouter les fournitures pour le service de l’Empereur aux armées (2) pour ses frères et soeurs, le Corps législatif, le conseil d’État, ou celles fournies à l’occasion du sacre à Notre-Dame.
Parmi les plus célèbres : la chambre de Napoléon Ier et celle de l’Impératrice Joséphine (Malmaison), le trône des Tuileries, celui de Saint-Cloud (1804), installé à Fontainebleau en 1808 (Fontainebleau, Musée Napoléon Ier), le grand serre-bijoux de Joséphine (1809, Louvre), le berceau du Roi de Rome commandé en 1810 avant sa naissance (Fontainebleau).

Comme on a pu l’écrire :  » Le mobilier Empire demande à être bien regardé. Les lignes sont toujours claires, les proportions parfaites. Parfois injustement taxé de rigidité, il étonne par la variété des détails que l’on découvre et qui, souvent discrets, contribuent à une harmonie d’ensemble. Le parti décoratif reste, le plus souvent, un savoir-faire du bois  » (Marie-Noëlle de Grandy, Le style Empire, sous la direction de Bernard Chevallier, Valmont Éditeur, octobre 2000, un magnifique ouvrage). Sur le joli ton de l’acajou, se détachent des ornements en bronze doré et ciselé, qui forcent l’admiration.

Mais les difficultés économiques (la crise de 1810), les retards de paiement de l’État, les prévisions optimistes du fils Jacob, qui avait vu trop grand, la volonté d’éviter des licenciements, entraînent la faillite (15 octobre 1813). Les scellés sont apposés sur les magasins et l’appartement de la rue Meslée. Cependant, les créanciers renouvellent leur confiance, accordent un concordat (18 février 1815) et la maison retrouve sa prospérité.
Sous la Restauration, elle reçoit des commandes de Louis XVIII, pour les résidences royales, de la duchesse de Berry, pour Rosny-sur-Seine, et de nombreux particuliers.
Le 1er janvier 1825, François Honoré Georges Jacob cède son affaire à son fils, Georges Alphonse, et se rend en Angleterre, appelé par le roi Georges IV, pour décorer Windsor. Après un séjour à Rome (1833), il revient à Paris, où il meurt, le 15 août 1841, à 71 ans.

Georges Alphonse Jacob-Desmalter (Paris, 25 février 1799, Paris, 7 juin 1870)

Il avait été l’élève de son père et de l’architecte Percier. Il prend la direction de l’affaire le 1er janvier 1825. Mais ne pouvant rivaliser avec les fabriques modernes (le métier s’était trop industrialisé), il cède son affaire, en 1847, à la maison Janselme, et se consacre désormais, jusqu’à sa mort, à l’architecture. Il avait épousé Hortense Ballu, soeur de Théodore Ballu, un architecte réputé.

Ainsi, s’éteignait, sous le Second Empire, le dernier des célèbres ébénistes Jacob qui ont profondément marqué de leur empreinte l’histoire de l’art en France (3).

Auteur : Allégret (Marc)
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 433
Mois : févr.-mars
Année : 2001
Pages : 77 – 78

Notes

(1) Voir la belle gravure représentant l’Exposition des produits de l’industrie, en 1801, Musée Carnavalet, Paris, in Napoléon, éd. Rencontre, 1969, tome 4, p.62-63.
(2) Parmi ces productions : petite table à écrire pliante et fauteuil destinés à l’Empereur (1813, donnés en 1815, par Napoléon lui-même, à Charles Schulmeister) ; tabourets destinés au secrétaire et à l’aide de camp de service (Fontainebleau, Musée Napoléon Ier).
(3) Sources : Jacob. Roman d’Amat, Dictionnaire de biographie française, tome 18, p.255 et suiv.; Dictionnaire Napoléon : Les Jacob et leurs fournitures, p.960, et le mobilier Empire, p.1176, par Guy Ledoux-Lebard; Bernard Chevallier, L’ABCdaire des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau, Flammarion 1997; Musée national du château de Fontainebleau, Musée Napoléon Ier, par Colombe et J.-P. Samoyault, brochure RMN, juillet 1988.

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