LA ROCHEFOUCAULT-LIANCOURT, François, duc de… (1747-1827), agronome

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François Alexandre Frédéric, duc de La Rochefoucauld-Liancourt est né le 11 janvier 1747

à La Roche-Guyon (aujourd'hui Val-d'Oise). Par sa mère, il descendait de Louvois ; par son père, Louis François Armand de Roye de La Rochefoucauld, duc d'Estissac (1695-1783), il descendait du chancelier Séguier (1588-1672) et, parmi ces ancêtres, figurait François de La Rochefoucauld (1613-1680), le célèbre auteur des Maximes.
Tout d'abord, il embrasse la carrière des armes : mousquetaire (1763), colonel du régiment de dragons La Rochefoucauld-cavalerie (1770), maréchal de camp (1788).
En 1765, par décision du Roi, il devient duc de Liancourt ; il sera fait duc de La Rochefoucauld, en juillet 1822.
Le duc de Liancourt est un esprit du XVIIIe siècle, admirateur des encyclopédistes, Diderot, d'Alembert et Grimm. Il était favorable aux idées des physiocrates, en particulier de leur fondateur, François Quesnay (1694-1774). Mais, il prétendait ne jamais  » s'être égaré  » dans une loge maçonnique, malgré les sollicitations de ses amis d'Alembert, Condorcet et du baron d'Holbach.
Comme son père, Liancourt est un grand seigneur anglophile attiré par les idées politiques et économiques d'outre-Manche. C'est au retour d'un séjour en Angleterre (1769) et de sa rencontre avec l'économiste anglais Arthur Young qu'il crée sur ses terres de Liancourt (Oise), une ferme modèle, remplace les jachères par des prairies artificielles, introduit la pomme de terre et le navet et importe des bestiaux sélectionnés. Dans les années 1780, il y associe plusieurs manufactures (fabrique de cordes, filature de coton et de laine, tuilerie-briquetterie). Désirant ajouter la bienfaisance à ces innovations, il crée une école technique pour les orphelins et les enfants des militaires pauvres de son régiment (1780). Agréée par le Roi (approuvée par le maréchal de Ségur et le comte de Guibert) en août 1786, pour la formation de cent élèves, l'école de la Montagne, à Liancourt, est le premier établissement français d'éducation élémentaire et technique.
En 1783, succédant à son père, le duc de Liancourt avait accédé à la charge de grand maître de la garde-robe du roi et était devenu l'un des proches de Louis XVI.
En 1789, il est favorable aux principes d'une monarchie constitutionnelle. Élu député aux États généraux par la noblesse du bailliage de Clermont-en-Beauvaisis, il soutient le Tiers-état. Le 14 juillet, après la prise de la Bastille, il informe le Roi, qui lui dit :  » Mais c'est une grande révolte ? « . Il répond :  » Non Sire, c'est une grande révolution « . Il est élu président de l'Assemblée nationale constituante, il fait créer et préside le Comité de Mendicité (janvier 1790) et s'occupe des hôpitaux et des secours publics. À la fin de son mandat, il abandonne la vie politique et reprend du service en Picardie, puis à Rouen, comme lieutenant général (mai 1792).
Démissionnaire le 14 août, il émigre en Angleterre, où Arthur Young le reçoit, puis aux États-Unis (1794) ; il y retrouve Talleyrand et rencontre Hamilton et Jefferson,  » le père de la Déclaration d'Indépendance américaine « . En 1797, il revient en Europe et se fixe au Danemark, à Altona, la ville-frontière voisine de Hambourg.

Rentré en France sous le Consulat (plus exactement clandestinement sous le Directoire),

il revient à Liancourt, où son école de la Montagne avait été placée sous séquestre par le département de l'Oise. Il s'efforce de reconstituer ses domaines et ses filatures.
Mais, dans l'immédiat, il s'attache à l'introduction en France de la vaccination contre la variole, découverte par le médecin anglais Jenner (1749-1823). Il lance une souscription en faveur de la vaccine (11 mai 1800). À Liancourt, la première vaccination publique a lieu le 17 pluviôse an IX (6 février 1801). La mesure s'étend peu à peu. Napoléon y était entièrement favorable. Le 14 germinal an XII (4 avril 1804), il met personnellement en place le  » Société pour l'extinction de la petite vérole en France par la propagation de la vaccine « , au sein de laquelle un comité central de 16 membres (dont La Rochefoucauld-Liancourt) veille à étendre l'opération. Et, le 10 mai 1811, à Saint-Cloud, en présence de l'Empereur, le Roi de Rome lui-même, exemple remarquable, est vacciné par le Dr Husson (1).
En ce qui concerne l'École de la Montagne, à Liancourt, le gouvernement consulaire intervient. L'école est fermée et transférée à Compiègne, sous la dénomination de Prytanée Français. En 1800, le Premier Consul visite ce nouvel établissement et, inspiré par La Rochefoucauld-Liancourt, décide de lui donner une autre destination.  » L'État, dit Bonaparte, fait de grandes dépenses pour élever ces jeunes gens et quand leurs études sont terminées, ils ne sont, à l'exception des militaires, d'aucune utilité pour le pays. Il n'en sera plus ainsi, nous en ferons désormais des sous-officiers pour l'industrie « .
Sous l'impulsion de Monge, Berthollet et Chaptal, le Prytanée de Compiègne est transformé en une École d'Arts et Métiers (décret du 6 ventôse an XI, 25 février 1803) ; l'enseignement était théorique (mathématiques et dessin) et pratique (ateliers). Les élèves n'étaient plus uniquement destinés à l'armée mais également à l'industrie naissante. Le duc de Liancourt en était l'inspecteur général. Les élèves (350 à 400) étaient répartis dans plusieurs divisions : les artistes, les plus âgés ; les commençants (qui aspiraient à la 1re division) ; enfin, les petits des femmes, les plus jeunes (en attendant qu'ils puissent entrer dans le 2e division).
En 1806, l'École de Compiègne est transférée à Châlons-sur-Marne (en Champagne), elle s'y trouve toujours.

En 1804, Napoléon crée une 2e École d’Arts et Métiers, à Beaupréau (Maine-et-Loire) ;

en 1815, elle est transférée à Angers, elle s'y trouve toujours (2) (3).
Devant le succès de ces réalisations, l'Empereur nomme le duc de Liancourt membre du Conseil des Fabriques créé en 1810 et, à ce titre, la même année, chevalier de la Légion d'honneur.
Le duc continue sa tradition d'humanisme : il est membre du Conseil général des Hôpitaux, du Conseil des prisons et des sociétés oeuvrant pour l'éducation et le développement agricole et industriel.
En mai 1815, lors des Cent-Jours, il est élu député de Clermont (Oise). Sous la seconde Restauration, il rejoint la Chambre des Pairs ; siégeant à gauche, il s'abstient dans le procès du maréchal Ney.
Avec son ami Delessert (1773-1847), il crée la première Caisse d'épargne française, celle de Paris (1818) ; et préside la société de Morale chrétienne, qui exprimait un  » christianisme de centre gauche  » (1821-1825).

Après une courte maladie, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt meurt à Paris, en son hôtel au 9 de la rue Royale, le 27 mars 1827, à 80 ans ; il avait eu une vie généreuse et bien remplie.
Dès l'annonce de son décès, les élèves de l'École des Arts et Métiers de Châlons-sur-Marne viennent à Paris et le 30 mars 1827, lors de ses obsèques, sont près de lui, en l'église de l'Assomption. Après la cérémonie religieuse, ils veulent porter le cercueil sur leurs épaules mais ils se heurtent aux porteurs. Un commissaire de police le leur interdit et l'escorte militaire, baïonnettes aux canons, les disperse. Le cercueil tombe dans la rue Saint-Honoré, se disloque et le corps du duc apparaît. Il est remis en bière et le cortège reprend sa marche sur la barrière de Clichy puis sur Liancourt, où le duc est inhumé le lendemain, dans le parc de son château. Par la suite, il sera inhumé au cimetière de Liancourt (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, p. 208). À l'époque, le scandale de ses obsèques fit grand bruit mais le pouvoir royal (Charles X), qui n'aimait ni La Rochefoucauld-Liancourt, ni l'École des Arts et Métiers de Châlons-sur-Marne, ne donna aucune explication.

Le souvenir du duc de La Rochefoucauld-Liancourt est rappelé par deux monuments, à Liancourt (Oise) et à Châlons-sur-Marne,

au centre de la place des Arts ; en outre, un médaillon est placé dans la cour d'honneur de l'École des Arts et Métiers de Châlons (Répertoire mondial…, pp. 166 et 208).
De son mariage avec Félicité Sophie de Lannion (1745-1853), le duc de La Rochefoucauld-Liancourt avait 4 enfants :
1) François Armand Frédéric (1765-1848), duc de La Rochefoucauld, propriétaire et maire de Liancourt, élu au Corps législatif (1809-1814), maréchal de camp (23 octobre 1815), député de l'Oise (octobre 1816), membre de la Chambre des Pairs (1825-1848) ; voir Dict. Napoléon, p. 1033, notice J.-L. Halperin ;
2) Alexandre François (1767-1841) préfet de Seine-et-Marne, ambassadeur à Vienne (1805), puis en Hollande (1808-1810), comte de l'Empire en 1809, inhumé au cimetière du Père-Lachaise, 14e division (Répertoire mondial…, p. 297) ; voir Dict. Napoléon, p. 1033, notice J. Tulard.
3) Aglae, † en 1789 ;
4) Frédéric Gaétan (1779-1863), marquis de Liancourt, qui, pendant une trentaine d'années, a exploité une faïencerie à Liancourt (4).
 
 
 
Auteur : Marc Allégret
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 440
Mois : avril-mai
Année : 2002
Pages : 69-70

Notes

(1) Voir Dictionnaire Napoléon, p. 1697, rubrique  » vaccine « , par le Dr Jean-François Lemaire ; Napoléon et la médecine, par le même auteur, éd. F. Bourin, 1992, p. 242 ; A. Castelot, L'Aiglon, Perrin, 1961, p. 63.
(2) Ultérieurement, des Écoles des Arts et Métiers ont été créées à Aix-en-Provence (1843), Cluny (1891), Lille (1900), Paris (1912), Bordeaux (1963), et un centre franco-allemand à Metz (1996). Du point de vue structurel, le décret du 29 avril 1963 a transformé les Écoles en une seule École : l'École Nationale Supérieure d'Arts et Métiers (ENSAM) comportant des centres régionaux et un centre interrégional à Paris. Le diplôme de ces ingénieurs est particulièrement apprécié.
(3) À l'initiative de la société des anciens élèves de l'ENSAM, une souscription faite parmi les anciens élèves  » gadz'Arts  » a permis l'achat de la Ferme de la Montagne à Liancourt (1979), berceau de l'école créée en 1780 par La Rochefoucauld-Liancourt. La Ferme a été restaurée et un musée et un centre de séminaires ont été créés.
(4) Sources : Roman d'Amat, Dictionnaire de biographie française, XIX 113 2000, fascicule CX III, p. 1033, notice P. Bret ; Dictionnaire Napoléon : rubrique  » Techniques « , par F. Beaucour, p. 1630 ; rubrique  » Arts et Métiers  » (École des…), par G. Clause, supplément p. 1767 ; J.D. de La Rochefoucauld, C. Wolikow et G. Ikni, Le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, éd. Perrin, 1980 ; Livre d'or des ingénieurs des Arts et Métiers édité par la société des anciens élèves de l'ENSAM (1980)

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