Louis Lafitte est né à Paris, le 15 novembre 1770. Élève du graveur Gilles Antoine Demarteau (1750-1802), puis du peintre Jean-Baptiste Regnault (1754-1829), il remporte le Premier Prix de Rome en 1791 sur le sujet Regulus retournant à Carthage. Son séjour à Rome est troublé par le soulèvement contre les Français en 1793 ; il se réfugie à Florence et envoie au Salon de 1795, un Gladiateur mourant (1,73 x 2,23 m ; Paris, Louvre).
Il revient à Paris en 1796. Mais, confronté à des problèmes financiers, il oriente son activité sur le dessin et la décoration. C'est ainsi qu'il fournit 12 dessins pour le Calendrier républicain (l'une de ses toiles, conservée au Musée Magnin, à Dijon, reprend son mois de Thermidor).
Il pratique aussi le transparent (décoration peinte sur papier huilé qu'on éclaire par derrière, à l'aide d'un foyer de lumière ; voir infra, à propos de la naissance du Roi de Rome). Néanmoins, au Salon de 1798, il expose le portrait de Saint-Prix, artiste au Théâtre Français.
En 1800, il travaille avec Percier à la décoration de Malmaison. « Sa collaboration ne se limite pas aux (huit) danseuses dans le goût pompéien de la salle à manger, camaïeux peints sur stuc, mais la présence d'une quarantaine de poncifs dans sa vente après décès peut laisser penser qu'il travailla également à d'autres pièces… » (A. Pougetoux).
Au Salon de 1806, il expose : Bataille de Rivoli, Feu d'artifice tiré le 16 décembre 1804, à l'occasion du couronnement, Portrait de Bernardin de Saint-Pierre, Sujet de Paul et Virginie, Mars et Vénus ; en 1808, Clémence de Napoléon envers M. de Hatzfeld.
En 1809, il reçoit la commande d'une vaste toile destinée au Sénat conservateur : L'Établissement de la République Cisalpine, à Milan, le 9 juillet 1797 (huile sur toile, 334 x 252 cm, Ile d'Aix, Musée napoléonien ; voir L'Histoire de Napoléon par la peinture, Belfond, 1991, p. 29). Mais « il ne parvient pas, malgré son sens décoratif, à composer cette scène solennelle de manière assez ample, ce qui était une véritable gageure dans un format aussi haut » (A. Pougetoux).
En 1810, Lafitte décore l'arc de triomphe provisoire de l'Étoile sous lequel devaient passer Napoléon et Marie-Louise, lors de leur entrée à Paris, le 2 avril 1810. Sur les piliers de la construction de l'ouvrage, qui ne dépassaient pas trois mètres de haut, on édifie, en un mois, un arc provisoire dressé en charpentes et en toile d'un ton de marbre jaune, selon la maquette établie par Chalgrin. Le court délai d'exécution provoque des conflits sociaux qui entraînent la réquisition des ouvriers. Lafitte réalise les bas-reliefs peints en trompe-l'oeil représentant les Embellissements de Paris, la Législation, l'Industrie nationale, la Clémence de l'Empereur, l'Arrivée de l'Impératrice. On ignore ce que Marie-Louise a pensé de cette gigantesque pièce montée ; l'Empereur, lui, en a été satisfait.
« Pour un travail d'une si prodigieuse étendue », Lafitte avait présenté un mémoire de 33 157 francs qu'on réduisit à 24 000, malgré ses protestations (1) (2).
Au Salon de 1810, il expose quatre dessins : Clémence de l'Empereur, La Législation, Les Embellissements de Paris, L'Industrie (Paris, Musée Frédéric Masson).
En 1811, il peint une aquarelle, allégorie de la naissance du Roi de Rome (21 x 10,8 cm), pour le Sénat. Le thème : le Sénat, sous la figure de Minerve, s'appuie sur le berceau du Roi ; en bas, on voit la louve allaitant Romulus et Remus (Musée national du château de Fontainebleau). Cette aquarelle était destinée à servir de modèle pour un transparent, qui sera réalisé et placé, le 9 juin 1811, au-dessus de l'entrée du Sénat, au Palais du Luxembourg (illuminations à l'occasion du baptême du Roi de Rome).
Pour ce même baptême, une médaille commémorative est gravée par la Monnaie de Paris (module 68 mm), sur un dessin de Lafitte (le graveur est Andrieu ; source Musée de le Monnaie de Paris). Elle est magnifique : à l'avers, la tête de Napoléon, de profil, couronné de laurier ; au revers, l'Empereur, en grand costume impérial, le front ceint de laurier, debout devant son trône, élève dans ses bras son jeune fils, au-dessus des fonts baptismaux. Une seconde médaille est gravée, avec la même scène que ci-dessus ; au revers, elle porte l'inscription : À l'Empereur, les bonnes villes de l'Empire (Paris, Rome, Amsterdam…, en tout 49 villes).
Entre 1800 et 1814, Lafitte fait partie des peintres et sculpteurs qui créent des modèles pour la manufacture de Sèvres ; en particulier, il dessine le modèle du vase Le triomphe du règne de Louis XIV (le dessin est à la manufacture de Sèvres).
En 1814-1816, il collabore avec Merry-Joseph Blondel pour un ensemble de papiers peints (douze motifs) en camaïeu de gris ou de sépia consacré à l'Histoire de Cupidon et Psyché (roman de Jean de la Fontaine) édité par Joseph Dufour (1752-1827 ; à Mâcon jusqu'en 1806, ensuite à Paris) (3).
Sur le plan politique, il ne souffre pas des changements de régime et travaille aussi bien pour Napoléon que pour Louis XVIII (il est nommé dessinateur du Cabinet du Roi) et Charles X.
En 1818, il restaure les peintures de l'église des Invalides. En décembre 1823, il fournit des dessins pour le décor d'une fête donnée à l'Hôtel de ville de Paris, lors du retour d'Espagne du duc d'Angoulême. Il crée des modèles d'orfèvrerie qui serviront au sacre de Charles X, des projets de broderies pour les costumes de la Cour. En 1825, il travaille au Livre du sacre de Charles X (Louvre, Cabinet des dessins) dont la gravure ne sera jamais achevée.
On peut voir ses oeuvres dans plusieurs musées de province : ainsi à Dijon (Portrait de jeune homme), à Poitiers (Portrait de famille) ; ses dessins dans les musées de Montpellier, d'Angers (Figure allégorique de la Liberté et Revers de médailles commémoratives) et de Pontoise (Achille pleurant sur le corps de Patrocle).
Louis Lafitte meurt à Paris, le 3 août 1828, dans sa 58e année. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise, 28e division ; sur sa tombe, des palettes ont été sculptées, avec son nom : L. Lafitte.
« À sa mort, il a laissé le souvenir d'un homme doué d'une grande fécondité, s'exprimant dans un style d'une originalité et d'un raffinement certains, mais à qui l'occasion de se livrer à la peinture d'Histoire aura fait défaut » (Alain Pougetoux) (4).
Marc Allégret
Revue du Souvenir Napoléonien n°439
Février-mars 2002
P.63
Notes :
(1) Georges Poisson, Napoléon et Paris (Éd. Berger-Levrault, 1964, pp. 194-195).
(2) Après bien des vicissitudes, l'Arc de triomphe, enfin terminé, sera inauguré le 29 juillet 1836. Chaque régime (Empire, Restauration, Monarchie de Juillet) en avait payé à peu près exactement le tiers.
(3) Voir Style Empire, sous la direction de Bernard Chevallier (Valmont, éditeur, octobre 2000) : Le papier peint une forme de revêtement mural, par Véronique de Bruignac-La Hougue (sur Dufour et Louis Lafitte, pp. 63 à 65).
(4) Sources : Roman d'Amat, Dictionnaire de biographie française, fascicule CIX, Lacombe-Laglenne, 1995, pp. 172-173 ; Dictionnaire Napoléon : notice L. Lafitte par A. Pougetoux, p. 1019.