LANGLOIS, Charles, (1789-1870), officier, peintre

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Dans les dernières années de sa vie, le colonel Langlois connut une célébrité étonnante qui relevait manifestement du mythe.

Lors de l'Exposition universelle de 1867, huit mois durant, il vit défiler le monde entier dans la rotonde du Panorama des Champs-Élysées où il présentait depuis deux ans, la bataille de Solferino (Lombardie, 24 juin 1859).
L'empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie invitaient les très nombreux hôtes de marque à ne pas retourner dans leurs pays sans avoir vu, au moins une fois, le panorama de leur cher colonel.
Le spectateur, placé au centre de la rotonde, encerclé par l'écume de la guerre (canons et caissons d'artillerie brisés, fusils, boulets, gabions, cadavres d'hommes et de chevaux, etc, le tout modelé en carton pâte), avait une vision panoramascopique, à 360°, de la bataille peinte sur un support entoilé de 120 m de longueur de circonférence et de 14 m de hauteur couvrant, ainsi disposé, tout le mur intérieur de l'édifice ; envoûté (« rotondisé », pourrions-nous dire) il était entré dans « l'hors du temps » : à un silence de mort succédait le timbre monocorde d'une voix d'outre-tombe, celle d'un vieux brave qui expliquait, gaule en main, le déroulement des combats.

Certes, une telle exhibition valait le déplacement, mais le personnage historique du colonel encore plus assurément. On voulait le voir, l'entendre, lui serrer la main, le féliciter. Témoin de son temps, guerrier d'un autre âge, il était impressionnant par sa stature, l'embonpoint aidant, par ses larges épaules légèrement voûtées, sa tête chenue, son visage carré aux forte lignes d'énergie et aux yeux clairs singulièrement perçants. Prodigieusement vénéré dans l'armée, choyé par le régime, sollicité par toutes les cours européennes, à venir présenter ses travaux, reconnu comme étant un des leurs par les maîtres du crayon et du pinceau du « domaine militaire » il était cependant méprisé par une gauche qui savait dénoncer tous les aspects de la propagande de l'État-Major. Et le panorama n'était pas épargné ! Et méprisé, plus encore, par tous ceux, comme Baudelaire, qui recherchaient « d'autres terres en vue » dans le monde de l'art. Toutefois, il restait le concepteur et le promoteur du panorama militaire, un des principaux illustrateurs de la grande Épopée à travers ses nombreux tableaux de batailles et ses gigantesques évocations guerrières montrant les panoramas de la Moskowa, de l'incendie de Moscou, d'Eylau et des Pyramides.

Un capitaine de l’Empire

Que savait-on de lui ? Peu de chose. Sinon qu'il avait été un soldat du grand Napoléon. Mais encore, qu'il était un héros, une « colonne brisée » à Waterloo où il avait servi dans la Garde, la Vieille, celle du dernier carré dans lequel l'Empereur s'était arrêté un moment avant de reprendre la route de Charleroi. Que, demi-solde, il s'était mis au dessin et à la peinture par goût, certes pour passer le temps. Quelle réussite ! Quel grand peintre !
Aussi loin qu'il soit permis de remonter dans les filiations généalogiques des aïeux du colonel Langlois, les registres paroissiaux nous assurent de l'éternelle paysannerie de ses ancêtres, des gens qui avaient leurs habitudes dans le pays augeron, du côté de Bonnebosq (on prononce « bonne-bo »), village situé à deux petites lieues au sud de Beaumont-en-Auge, où un lieu habité, en limite des herbages du Versan, au nord-est de cette commune, est dit encore de nos jours « Lieu Langlois », rappelant ainsi la permanence de plusieurs générations de descendants de cet Anglais qui était venu jadis fonder une communauté en cet endroit de la plantureuse Normandie.
Le colonel, couramment prénommé Charles qui, en peinture, s'était fait une signature avec « Charles Langlois », naquit, le 22 juillet 1789 à Beaumont, près de Pont-l'Évêque, au moment où une forte rumeur de foirail voulait qu'il se soit passé de graves événements insurrectionnels à Paris, le 14 du mois. Premier-né de maître Jean-Jacques Langlois (1750-1815) et de Marie-Thérèse Martin (1746-1803), son épouse, le petit Jean-Charles avait été baptisé le lendemain en l'église Saint-Sauveur.

Son père, aubergiste et édile local, notable et homme de progrès, lui fit donner, sur place, une solide éducation de base par MM. Catherine et Bretocq, deux ex-professeurs du Collège royal militaire de Beaumont : une maison d'éducation destinée à former de jeunes officiers, devenue « Collège national » en 1792, puis désaffectée en 1793. Fort de leur enseignement, il entrait au lycée de Caen, en 1803, où grâce à son application au travail et à son esprit curieux de tout et tenace, il eut vite fait de posséder le niveau nécessaire pour passer à Caen, le 14 septembre 1806, l'examen d'admission à l'École Polytechnique : reçu, le 23 octobre, et invité à se rendre à Paris, il entrait dans cette nouvelle École impériale, commandée par un général, le 20 novembre suivant.
C'est un militaire dans l'âme ! Au bout de six mois de cours et d'exercices d'application, avec dix camarades de sa promotion, il demandait, par écrit, de faire la guerre. Le 9 mai 1807, nommé « sous-lieutenant », il partait, le 19, à l'armée de Dalmatie, commandée par Marmont, où il était employé dans une compagnie du 5e régiment d'infanterie de ligne (Plauzonne, colonel) stationnée à Spatato (Split aujourd'hui) : il avait dix-huit ans.
De 1807 à 1815, il lui sera compté, dans ses états de service, huit campagnes actives : celles de Dalmatie (1807-1808), d'Autriche (1809), d'Illyrie (1810), d'Espagne (Catalogne 1811, 1812, 1813), de France (Lyonnais, Mâconnais 1814) et de Belgique (Brabant 1815).

C'est un officier instruit, plein de ressources et de zèle ; aussi, en 1808, était-il détaché pour conduire des travaux de ponts et de chaussées à Trau (Trogir aujourd'hui) sous les ordres du capitaine du Génie Daullé. En 1809, la 5e coalition contre la France s'étant constituée, il recevait le baptême du feu à Ervenik, le 27 avril. Avec l'armée de Dalmatie, 11e Corps de la Grande Armée, il effectuait une difficile marche vers l'Autriche dont la progression était soumise aux continuelles attaques des Austro-Croates de Giulay à travers la Croatie, l'Istrie, la Carniole et la Carinthie pour, enfin, le 5 juillet, bivouaquer dans l'île de Lobau. Le 6, il assistait à la deuxième journée de Wagram ; le 11, il entrait en ligne à Znaïm ; le 17, il était nommé lieutenant.
À la demande de Plauzonne, son colonel devenu général de brigade, qui voulait s'assurer les services d'un si brillant officier, il obtenait, le 3 août, une commission d'aide de camp. En 1810, il suivait son chef à Laybach que Marmont, gouverneur des Provinces Illyriennes, avait choisi comme siège de l'état-major de son armée. En 1811, nouvelle affectation : cette fois, en Espagne, car Plauzonne avait été nommé à l'armée de Catalogne. D'entrée, il était chargé de la construction d'une partie de la ligne de siège de Figueras (juin, août). Ensuite, Plauzonne, chef d'état-major de l'armée de Catalogne, l'employait au Cabinet topographique et lui demandait de réunir et de collationner tous les travaux topographiques de la province des anciennes Marches catalanes (octobre 1811 à mars 1812). Nommé capitaine le 19 avril 1812, après le départ de Plauzonne, au 2e bataillon du 67e régiment d'infanterie de ligne (Petit, colonel), il y commandait la compagnie de voltigeurs, le 25 mai.

Le « guêpier espagnol » était considéré comme une mauvaise affaire dans laquelle le soldat n'avait que des coups à prendre et rien à gagner. Lui, campagne après campagne, y avait acquis ses « lettres de noblesse » et son charisme l'avait toujours aidé à faire triompher la fraternité dans les moments les plus difficiles.
Aussi saura-t-il traduire, quinze ans plus tard, à travers plusieurs lithographies, qu'il réalisera pour son Voyage pittoresque en Espagne (Engelmann, Paris, 1826-1830), les affaires des années 1812 et 1813 en Catalogne où les légions impériales sous les lieutenants du maréchal Suchet (Decaen, Lamarque, Hamelinaye, Petit) firent des prodiges de valeur dans un pays difficile et hostile.
Comme il fut employé à effectuer la surveillance de la vallée de la Haute-Fluvia, au nord-est de Gerone, et à monter des opérations de police contre les bandes de miquelets du chanoine Rovira pour contrôler la route de Ripoll à Figueras, nous retrouvons dans son oeuvre graphique et dans son oeuvre peint l'illustration de fameux combats auxquels il participa. Citons-en quatre : ceux d'Olot (9 juin 1812), de Ridaura (29 avril 1813), de la Salud (9 juillet 1813) et de San Privat de Mallol (4 octobre 1813).
Capitaine de la compagnie de grenadiers de son bataillon (le 2e du 67e de ligne) depuis le 1er décembre 1813, il repassait les Pyrénées en janvier 1814, avec les premiers renforts de troupes consentis par Suchet au vieux maréchal Augereau, commandant l'armée de l'Est, ou du Rhône, à Lyon.
Sous Pannetier, il fut aux prises avec les Autrichiens, en février, à Villefranche-sur-Saône, à Mâcon le 18, à Bourg-en-Bresse le 20 ; puis, plus difficilement, en mars à Saint-Georges-de-Reneins, les 17 et 18 ; enfin, dans la « bataille de Lyon », à Limonest et à Vaire, le 19 et le 20, contre le gros des troupes du prince de Hesse-Hombourg. Réflexion : sans doute, avait-il trouvé trop de déconvenues de toutes sortes dans sa brève et peu glorieuse campagne de France pour laisser quelques écrits ou dessins sur le sujet.

Entre deux régimes

Première Restauration. Substitution de cocardes : la blanche remplaçait la tricolore. Toutefois, les Bourbons, qui étaient prêts à faire oeuvre de « restauration » dans une France quelque peu désemparée après plus de vingt années de guerres, allaient ménager les grands chefs militaires qui avaient accepté leur retour aux affaires. Inscrit sur les tablettes du 63e régiment de ligne (ex-67e, colonel Teulet) stationné dans la 9e division militaire à Nîmes (Gard), puis commissionné aide de camp le 26 mai 1814, c'est à Metz (Moselle) qu'il retrouvait le général Petit.
La fraternité éprouvée d'un tel homme datait de 1811, en Espagne. Et nous savons qu'elle l'accompagna sa vie durant. Cette fois Petit était intervenu auprès du ministre de la Guerre pour l'avoir à son service et donc le sortir des fins fonds de mauvaises garnisons dans lesquels il aurait végété. Mais encore, il lui avait obtenu son entrée dans l'institution royale de la Légion d'honneur, au grade de chevalier, en date du 15 octobre 1814. Et plus encore, lorsqu'il sut que le maréchal Soult remplaçait à la Guerre le général Dupont, il demanda pour Langlois, dans la lettre du 31 janvier 1815 qu'il adressa au nouveau ministre, une place de lieutenant dans les grenadiers de France, faisant remarquer que « cet officier, qui joint à une éducation très soignée les plus brillantes qualités militaires, est aussi élève de l'École polytechnique et, quoique jeune, il a fait la guerre avec distinction. Il ne peut être que fort utile au Roi qu'il soit conservé en activité de service », avançait-il.

En définitive, comme le nouveau régime pensait faire de substantielles économies en réorganisant l'armée à travers une importante réduction d'effectifs, Petit eut la désagréable surprise de ne se voir accorder qu'un seul aide de camp au lieu de deux et donc, dut-il se résigner à se séparer de son protégé. Néanmoins, Soult donna des ordres pour que le dossier Langlois lui soit soumis.
En attendant, le capitaine Charles Langlois fut informé, le 9 mars 1815, de « sa mise en position de demi-solde, à compter du 15 du mois ». Ironie du sort, Napoléon, parti de l'île d'Elbe le 26 février, où il était relégué depuis dix mois, était déjà à Lyon, le 11 mars et donc avait fait le nécessaire, décret après décret, pour rétablir dans toute son intégrité le pouvoir que son abdication de Fontainebleau lui avait retiré.
Le 22 mars, la Garde était rétablie dans ses fonctions et prérogatives. Le 1er avril, le général Petit était nommé « major-colonel » du 1er régiment de grenadier à pied. Le 15, Langlois était à ses côtés. Le 30, le décret signé par l'Empereur, à l'Élysée, concernant les promotions dans la Légion d'honneur accordées aux officiers et sous-officiers de ce corps d'élite le « requalifiait Chevalier » dans l'institution à nouveau impériale, puisque sa précédente nomination avait été annulée dans la fournée des décrets du 11 mars. Enfin, le 13 mai, il obtenait sa commission d'aide de camp pour se tenir aux ordres de son chef.

Puis tout alla très vite. Il entrait en campagne dans l'armée du Nord, le 10 juin à Soissons, passait la frontière belge le 14, assistait au combat de Gilly le 15, à celui de Fleurus-sous-Ligny le 16. À Waterloo, le 18, il ne servit qu'au soir de la bataille sur les hauteurs de la Belle-Alliance dans l'un des deux carrés de la Garde ; mais il donna toute la mesure de sa valeur militaire dans la retraite de l'armée sur Avesnes, Laon, Soisson, les 20, 21, 25 juin.
Certes, la seule consolation qui lui restait, c'était de pouvoir témoigner jusqu'à la fin de ses jours et ce, avec quelque orgueil, comme François Ier aux lendemains de Pavie, que « Tout fut perdu fors l'Honneur ! »
Tout ancien de la Vieille Garde était présumé fidèle à l'Empereur. Il ne fait aucun doute que son attachement au souvenir du grand homme était sincère, intimement profond, même. Seulement, le respect qu'il portait au troupier, au soldat, au combattant anonyme, obéissant et servant, était immense. L'avait-on obligé à remettre son épée au fourreau, qu'instinctivement il avait sorti fusains et pinceaux pour commencer à ébaucher les premiers tracés d'un long devoir de mémoire sur le papier, puis sur la toile, mais encore sur le long ruban de tissu encollé pour y faire dérouler le panorama grandiose d'une scéno-vision fantastique des plus grands théâtres d'opérations guerrières de son siècle.

Une seconde carrière

Après un temps de « vache maigre », il eut la bonne fortune de faire de la peinture sans cesser de poursuivre une carrière militaire, très « aménagée », dirions-nous aujourd'hui, pour qu'il peigne et ce, dans le cadre du Corps royal d'État-major, jusqu'en 1849, année de sa mise à la retraite. Chef de bataillon en 1830, lieutenant-colonel en 1836, colonel en 1840, il dut beaucoup sa liberté de mouvement et son crédit à de hautes protections, dont celles des maréchaux, ministres de la Guerre, Gouvion Saint-Cyr, Soult, Maison, Vaillant, et des souverains, grands amateurs de peintures militaires, Louis-Philippe et Napoléon III.
Demi-solde aux lendemains de Waterloo, fiché et surveillé, assigné à résidence à Bourges, où son régiment avait été licencié, la peinture fut son passe-temps favori tant il avait du goût pour les arts. Il débuta dans l'atelier de son logeur berruyer, Henri Boichard, ancien élève de Regnault, professeur de dessin au collège royal de ce chef-lieu du département du Cher qui, tous les deux ans, faisait un envoi au Salon à Paris.
La fraternité d'armes relayée par l'entraide maçonnique, l'attachement de cet excellent général Petit, qui le considérait comme un affectionné frère, avaient fait qu'il fût autorisé à séjourner dans la capitale, dès avril 1817, pour se perfectionner dans des ateliers de maîtres réputés. Deux mois plus tard, toujours sans emploi dans son grade de capitaine d'infanterie, il touchait à nouveau son traitement d'activité. À cette époque, on le rencontrait soit chez Girodet-Trioson, rue Neuve-Saint- Augustin, dont l'atelier jouxtait la rotonde du Panorama des Thayers accessible par le boulevard des Capucines, soit chez Vernet ou Géricault, rue des Martyrs, dont les ateliers étaient voisins par les jardins. Théodore habitait au n°23, Horace au n°2 et l'on accédait à son immense atelier en empruntant un passage qui longeait le clos du « Coccoli », un bastringue interlope de la Barrière des Porcherons, rendez-vous des lorettes et de leurs galants. Lui-même avait élu domicile dans un petit immeuble, sis au n°11, où il occupait un mauvais logement sous les combles.
Dès son arrivée à Paris, en 1817, il avait posé chez Géricault, comme modèle, pour une série d'études inspirées des guerres napoléoniennes : travaux préparatoires nécessaires à la mise en place de crayons lithographiques dont les tirages furent édités, en 1818.Quelques sujets : ce sont les suites de « caisson d'artillerie », de « retour de Russie » ou des « éclopés ».

Dans chacun de ces dessins très enlevés, la présence de Langlois est manifeste tant son allure toute militaire avait servi la traduction du courage stoïque, de l'endurance et de la miséricorde de soldats meurtris et misérables. De cette époque, Géricault a laissé de son ami une excellente mine de plomb, une esquisse pleine de force. Il l'a représenté en pied, profil perdu, bien campé, portant l'uniforme des grenadiers de la Garde impériale. Ce dessin, venu de la collection Gigoux, est aujourd'hui visible au Musée de Besançon. On l'imagine à l'aise dans un milieu resté fidèle à l'Empereur où l'on montrait du mépris pour le régime bourbonien tout en professant des idées libérales.
Chez Horace Vernet où l'on maçonnait à qui mieux mieux –Horace était de la Loge des neuf Soeurs– Langlois avait été reçu dans la coterie de tous ces grognards artistes –généraux, colonels, capitaines– qui, ne pouvant plus faire la guerre, s'essayaient à peindre les combats auxquels ils avaient assisté et qui, ne pouvant plus tuer Anglais, Prussiens, Autrichiens et Cosaques sur les champs de bataille, se donnaient au moins le plaisir de les massacrer sur la toile.
Dans cet atelier, enfumé d'idées fumeuses, circulaient un grand nombre de « pékins » belliqueux qui n'aspiraient qu'à se distinguer dans la guerre qui faisait fureur à l'époque, celle de la « peinture militaire » tout à l'honneur de l'Aigle, de l'ancienne armée et de ses hauts faits d'armes, allant de l'anecdote à la grande évocation historique. Aussi, en ces lieux consacrés, avait-on beaucoup regretté chez les Thayers le tableau intitulé « Vue de la rencontre entre les Empereurs français et russe à Tilsit » et qui n'avait plus été exposé depuis le retour des Bourbons. Et puis Napoléon était venu le voir…

Fallait-il que l'Empereur fût impressionné par l'ampleur de telles oeuvres et intéressé par le parti qu'il pouvait tirer d'un tel concept, utile à sa propagande, pour que, à Sainte-Hélène, le 4 août 1816, il en parlât à Las Cases. Nous apprenons donc dans le Mémorial que l'Empereur avait fait faire les études convenables à ce que devait être une future implantation de rotondes en maçonnerie dans les jardins du château de Versailles pour qu'il y fût produit « les panoramas de toutes les capitales où nous étions entrés victorieux, de toutes les célèbres batailles qui avaient illustré nos armes », avait-il pensé.
En définitive, ce fut Langlois qui réalisa, en partie, le rêve de l'illustre captif ! Sur les huit panoramas qu'il conçut et promut entre 1831 et 1865, quatre tenaient de l'histoire militaire de la grande Épopée à travers « La bataille de la Moskowa » en 1835, « L'Incendie de Moscou« , en 1839, « La bataille d'Eylau » en 1843 et « La bataille des Pyramides » en 1853.
Lorsqu'il mourut, le 23 mars 1870, chez lui, dans le pavillon attenant la rotonde du Panorama des Champs-Élysées, il laissait dans ses cartons les projets d'études de ceux des batailles de Friedland, d'Iéna, d'Auerstaedt, de Zurich et de Marengo.

L’avancement par la peinture

Le pied à l'étrier. Une fois de plus, sa carrière militaire était relancée grâce au général Petit qui l'incita à préparer l'examen d'entrée au Corps royal d'État-Major, nouvellement créé par le ministre de la Guerre, le maréchal Gouvion Saint-Cyr, en mai 1818, véritable pépinière d'officiers instruits pour le service de l'état-major général de l'armée : les épreuves passées en novembre, il était admis en décembre de cette même année. Ainsi donc, pendant trente ans, de 1819 jusqu'à sa mise à la retraite en 1849 (seconde partie de ses états de service) il eut la chance inouïe d'obtenir des « emplois de convenance » qui lui permirent de peindre, de montrer et de développer deux sociétés privées du Panorama, à Paris, en 1830 et en 1838 (il en créera une troisième en 1858), de faire une oeuvre de chevalet et de présenter une oeuvre panoramique.
Il faut dire que l'armée, toute puissante, s'érigeait en « approbatrice politique » des régimes et des gouvernements successifs, qu'elle donnait le ton à tout ce qui relevait de sa territorialité nationale. Et elle considérait Langlois comme un peintre national, car il travaillait à perpétuer le salut aux Armes et aux Mânes dans la mémoire collective des concitoyens, à cultiver le mythe du héros, à glorifier tous les combattants anonymes et ce, avec le nécessaire talent de l'émotion du style traduisant le goût d'une époque porté vers la « chose militaire ». Succès considérable ! Et son panorama donnait le séquentiel de cette lecture dans toute sa visualité pour embrasser les grands mouvements des affrontements d'une bataille !

De 1819 à 1830, il était au service de Gouvion Saint-Cyr (1764-1830). Le maréchal, qui avait quitté son ministère en novembre 1819, se l'était attaché « à vie » comme « aide de camp ». Lui-même ne s'était-il pas adonné à la peinture quand il était jeune avant de s'enrôler comme volontaire, en 1792 ? Aussi, lui laissait-il toute latitude pour exercer son art.
De 1830 à 1836, il était à nouveau sous les ordres de Petit, pour la troisième fois, comme commandant-aide de camp. Le général, après quinze années de traversée du désert, avait retrouvé un emploi au lendemain des « Trois Glorieuses », à Bourges où il commandait la 15e division militaire. En 1834, selon le souhait du maréchal Soult, tout-puissant à la Guerre, il allait donc l'autoriser à suivre le maréchal Maison, de passage à Paris, dans son ambassade de Saint-Petersbourg, pour aller découvrir les champs de batailles de la Grande-Armée en Russie pendant dix mois.
De 1836 à 1840, il avait son bureau rue Saint-Dominique-Saint Germain. Maison, ministre de la Guerre depuis le printemps 1835, l'avait fait nommer lieutenant-colonel le 1er janvier 1836 et l'employait à son état-major comme aide de camp. Ses successeurs, les généraux Bernard, Schneider, Despans-Cubières l'avaient maintenu dans cette position. Seul le maréchal Soult, à nouveau à la Guerre le 29 octobre 1840, et président du Conseil à la place de Thiers, devait faire valoir au Roi un avancement convenable pour lui, en rapport avec ses anciens états de service et le mérite qu'il s'était acquis dans la peinture militaire.

Enfin, de 1841 à 1849, il était attaché au Dépôt général de la Guerre. Soult, qui l'avait fait nommer colonel, le 30 décembre 1840, le plaçait au Dépôt le 13 mars 1841, dans la section historique, puis le faisait élire « membre-adjoint du Comité consultatif d'Etat-Major », le 23 septembre 1841 : le général Pelet (1777-1858) en était le président. En 1845, il l'imposait comme président du jury de la première section des examens d'entrée à l'École d'application d'État-Major.
Le Dépôt de la Guerre, 61 rue de l'Université à Paris, était le centre de la documentation de l'armée, constitué d'un service historique de conservation et d'études, d'une section de recherches statistiques, d'une direction des opérations géodésiques et topographiques de la nouvelle carte de France (carte d'état-major) et d'un atelier de dessin et d'impression. Ici, l'illustration de la lecture du récit et de la carte était mise en oeuvre par des officiers rattachés au Corps des ingénieurs géographes, bons graphistes, fin aquarellistes et observateurs avertis, qui allaient travailler sur le terrain pour reconstituer les mouvements et les affaires de campagnes de guerre des Gloires françaises du passé et du présent : c'est l'origine des collections d'aquarelles du ministère des Armées qui ornent de nos jours les murs des couloirs et des bureaux de l'état-major de l'armée.
Le colonel Langlois, acquis depuis longtemps à ces investigations, faisait entrer la peinture de bataille dans la dimension panoramique de la topographie des lieux de l'événement guerrier sans toutefois « éparpiller les acteurs », car une grande part de son talent résidait dans la synthèse qu'il savait faire du développement d'une action relatée. Entreprenant, tout à sa passion de la « reconstitution historique », fidèle ambassadeur de l'amitié, « croisiériste » averti, expéditionnaire zélé et polyglotte de surcroît (espagnol, italien, allemand), il avait visité tous les pays concernés, sauf la Grèce.

Voyages à travers le monde et le temps

En 1825, mai et juin, il avait fait un voyage en Catalogne « dans un but personnel et relatif à l'art de la peinture » dira-t-il, sans autorisation du ministre de la Guerre : ce qui lui avait valu quelques ennuis avec les autorités locales et une plainte de Madrid au gouvernement français en juillet. Il avait donc pu ramener de « cette campagne d'artiste » un bon nombre de croquis et de relevés de toute sorte qu'il utilisera pour composer son « voyage en Catalogne« , dont les meilleures lithographies restent « Le combat de Cardedeu » et « La prise de San Dimas au Montserrat ».
En 1830, il réussissait à se trouver officiellement à la suite du Corps expéditionnaire d'Alger, rien que pour voir ; le déplacement en valait la peine : un pays à découvrir et peut-être un sujet de panorama. Il embarquait à Toulon, le 25 mai et débarquait sur la plage de Sidi Ferruch, le 14 juin, avec les troupes de la 1re division commandée par le général Berthezène (un ancien de la Garde à Waterloo). Le 19, à la tête de la compagnie de voltigeurs d'un bataillon du 14e régiment de ligne (d'Armaillé, colonel) il enlevait la batterie de Sidi Fredj. Il entrait à Alger le 6 juillet et ne revenait en France qu'en septembre avec quelques carnets de dessins bien remplis dans ses bagages.

En 1832, il retournait à Alger. « Avant d'exécuter nos glorieuses campagnes de l'empire et de les offrir aux Français comme souvenir de notre gloire passée, l'engagement que j'ai pris avec la Société du Panorama m'oblige à m'occuper d'abord de celui d'Alger ». Aussi, demandait-il au ministre de la Guerre, le maréchal Soult, d'aller faire un voyage d'étude sous le couvert d'une mission officielle. Pas de refus, mais il n'obtenait qu'une simple autorisation de congé pour un voyage de deux mois et demi à ses frais, et sans autre traitement que celui de la disponibilité, le 11 avril.
En 1833, c'est la Russie. Il désirait connaître les sites des opérations militaires de la Grande Armée, en 1812, pour nourrir son imagination par des travaux de repérages préparatoires à de grandes choses. Soult, toujours à la Guerre, était d'accord. De passage à Paris, le maréchal Maison, en poste à Saint-Petersbourg, acceptait de le compter « à la suite » de son état-major comme « officier d'ordonnance » ainsi que sa charmante épouse Zoé. Partis, le 1er décembre 1833, les Langlois ne rentreront à Paris qu'en octobre 1834.

Dix mois de « mission » leur avaient permis de visiter la plupart des grands champs de batailles. Reçus à bras ouvert, lui et son épouse, par la famille impériale, ils se lièrent d'amitié avec le frère du tsar, le grand-duc Michel Pavlovitch (1798-1849) et la grande-duchesse Hélène Pavlovna, son épouse, née princesse Frédéric-Charlotte de Wurtemberg (1807-1873), qui les couvriront de diamants lorsqu'ils reprendront la route de Paris.
En 1842, juillet, août, le couple Langlois voyageait en Prusse-orientale sous le couvert d'une autorisation du ministre de la Guerre, le maréchal Soult, dans le cadre d'une mission du Dépôt. Ainsi, pendant ces mois d'été, le colonel put-il relever dans les plus grands détails le site du champ de bataille de Preussich-Eylau traversé par le Pasmar : travaux qui lui serviront à mettre en place le panorama de la fameuse bataille des 7 et 8 février 1807, immortalisée par le tableau de Gros (1771-1835), Antoine Gros, un ami, chez qui il était venu se perfectionner quelques mois, en 1831. Eylau allait être considéré par Eugène Delacroix, Paul Mantz, Horace Vernet, Dauzats, Taylor et bien d'autres membres de la très opérative Association des Artistes (peintres, sculpteurs, architectes, graveurs et dessinateurs), dite « Fondation Taylor » aujourd'hui, comme un véritable chef-d'oeuvre du genre.

Découverte de l’Égypte

En 1849, à la retraite depuis le 27 septembre, il avait une autre grande idée en tête. Un Bonaparte à la présidence de la République, nouvelle figure de proue, nouvel espoir, il s'imaginait déjà tout l'intérêt qu'il y aurait à accompagner la publicité faite au mouvement bonapartiste par une grande fresque panoramique tenant à l'audacieuse campagne d'Egypte et de Syrie (Palestine) de 1798-1799… S'accrochant à l'organisation de ce nouveau projet, il faisait demander, le 15 décembre 1849, par le ministre de l'Instruction publique et du Culte, Félix Esquirou de Parieu (1815-1893), une mission d'étude à son collègue à la Guerre, le général Henry d'Hautpoul (1789-1865) : « Monsieur le colonel Langlois, directeur du Panorama des Champs-Elysées, sollicite une mission en Egypte et en Syrie. Dans sa pensée, cette mission aurait un caractère à la fois artistique, militaire, politique et commercial. En effet, Monsieur Langlois, pour compléter l'étude de tous les champs de bataille illustrés par nos armées, se propose de dessiner en Egypte et en Syrie, les lieux où nos troupes ont combattu qui, dans l'avenir, peuvent être appelés à devenir le théâtre de nouvelles luttes. En même temps, il chercherait à connaître, en étudiant le pays, l'esprit et les tendances du nouveau vice-roi, les moyens d'attaque et de défense, la force de terre et de mer dont il pourrait disposer ; et, enfin, les champs de bataille qu'il veut relever étant situés près des grands centres, le colonel pourrait étudier, avec fruit, les questions commerciales, rechercher les moyens d'accroître notre influence pacifique dans ces contrées ».
Suite ne fut pas donnée à cette proposition. Aussi, le colonel dut-il financer son voyage au pays du kéhédive Abbas (1813-1854). Mais quelle pièce d'archive ! En fait, le colonel fit savoir au ministre qu'il était toujours prêt à faire du renseignement. Fin décembre, il embarquait à Toulon pour l'Égypte sur le Louqsor. Sept mois de voyage et d'enchantement. À Thèbes, il rencontrait Gustave Flaubert (1821-1880), Pont-l'Évêquois par Mme Fleuriot, sa mère, un « pays », en quelque sorte, et Maxime Du Camp (1822-1894), le fils du célèbre chirurgien.

Dans sa correspondance Flaubert d'Alexandrie, le 7 juillet 1850, écrivait à sa mère : « Je suis venu du Caire ici avec le colonel Langlois –l'auteur de la bataille d'Eylau, panorama que tu as sans doute vu cet hiver à Paris– et sa femme. Ces deux braves gens voyagent et travaillent toujours ensemble. Le colonel vient de passer six mois en Égypte où il a préparé un panorama de la bataille des Pyramides et de Karnac. Il est de Beaumont. Nous avons parlé du père Follebarbe, des Paris, de Trouville, etc. Il repart pour la France demain ou après-demain. Si tu étais à Paris, tu pourrais aller le voir et lui demander de mes nouvelles ; je suis sûr que tu serais bien reçue : il demeure aux Champs Élysées, au Panorama. Il a une de ces bonnes figures de vieux troupier qui inspirent la confiance ». Puis, dix jours plus tard, d'Alexandrie : « Notre ami le colonel Langlois est parti par le premier paquebot ; il doit être arrivé hier ou avant-hier à Marseille. Je l'ai averti que probablement il recevrait la visite d'une vieille dame qui viendrait lui demander de mes nouvelles. Mme Langlois, croyant que tu habitais à Paris, m'a aussitôt demandé ton adresse pour t'aller en porter. Ce sont de braves gens, très simples et très ronds. Ils ont été ensemble en Russie, en Allemagne, en Égypte ; la femme travaille avec son mari, et cette association permanente, physique et morale, a quelque chose d'assez touchant ».
De cette « campagne d'Égypte », le colonel rapportait un nombre considérable de dessins et de toiles d'étude, des esquisses et pochades nécessaires à la mise en composition de tableaux comme « Thèbes », « Ruines de Karnak » ou « Héliopolis », mais surtout indispensables au grand panorama qu'il voulait brosser de la bataille des Pyramides, du 21 juillet 1798.

Le succès des panoramas

Peintre officiel de panoramas sous le Second Empire, on le retrouvait en Crimée, en novembre 1855, avec un jeune photographe plein de talent, du nom de Méhédin qu'il avait engagé comme assistant, pour préparer quelque chose sur le siège et la prise de Sébastopol (juin à septembre 1855) qui avait causé la mort de 80000 Français et autant de Russes. Dorénavant, la photographie allait accompagner tous ses travaux d'investigation pour la mise en chantier des panoramas.
En 1860, il faisait la colonne des arts dans les journaux avec son « Siège de Sébastopol » et recevait la cravate de commandeur dans l'Ordre impérial de la Légion d'honneur, il avait été fait officier, en 1832, pour le « coup de main » qu'il avait donné aux expéditionnaires d'Alger sur le site de Sidi Ferruch.

Encouragé par le succès de « Sébastopol« , pressé par l'Empereur qui lui demandait un grand sujet sur la campagne d'Italie de 1859, il décidait de s'attaquer à « Solferino« . D'ailleurs, tout le monde parlait du « Solferino » du père Yvon, mis en cimaises au Salon de 1861, et cela l'agaçait profondément, car il considérait ce « cadet » comme un mauvais peintre de bataille.
Il entrait donc « en campagne », en juin 1862. Son épouse, qui avait été initiée à la photographie, l'accompagnait. Comme à son habitude, plusieurs mois de travaux sur place lui étaient nécessaires pour comprendre sur le terrain ce qu'avaient été les mouvements de troupes, les attaques et les multiples combats secondaires.
Et puis le drame survenait, sans prévenir ! Sa chère Zoé, déjà bien fatiguée, mourait subitement, le 27 août, à Solferino. Elle avait soixante-sept ans. Sans doute, était-ce bien là une brisure immense pour un homme de soixante-treize ans qui se retrouvait seul face à son destin ? Les Langlois, que leur ami, le général Petit, avait rapprochés, et accompagnés à l'autel, le 24 avril 1826, en l'église Saint-Sulpice, paroisse de la promise, n'avaient pas eu d'enfants. Et puis il devait beaucoup à cette femme généreuse qui lui avait donné les 32 000 Francs or de sa dot pour qu'il puisse monter son premier tour de table d'associés et construire sa première rotonde rue des Marais-du-Temple, en 1830. Admirable aussi par tant de constance éprouvée dans leur collaboration au grand oeuvre du Panorama militaire. Le panorama de « La bataille de Solferino » était inauguré en 1865. Succès considérable ! Plus de 350 000 entrées allaient être enregistrées en cinq ans.

Un vieux rêve cependant hantait encore la « folle du logis » du vieux soldat : celui d'un grand hommage à rendre à Desaix, glorieux aux Pyramides, superbe à Sediman, vertueux à Thèbes, inspiré à Marengo jusqu'au sacrifice de sa vie. La « mort de Desaix à Marengo« , le 14 juin 1800, avait été une de ses premières toiles, peinte en 1822 et gravée quelques années plus tard par Dandeleux. Aussi, voulait-il mettre en chantier le panorama de Marengo pour remplacer celui de Solferino.
En 1868, il se transportait en Italie. Ce sera sa « dernière campagne » : une campagne de trop. Le poids des ans se faisait sentir sur ses larges épaules. La tâche était bien rude pour un homme de soixante-dix-huit ans. Il rentrait à Paris fatigué. Il n'en finissait plus de se remettre de ce voyage. Sa santé s'était considérablement altérée. Il tremblait beaucoup, et donc peinait à écrire et encore plus à dessiner.

Un art aux formes diverses

Le destin voulut qu'il n'eût pas à connaître les désastres de la guerre de 1870 et la chute du Second Empire. Il s'éteignit le 23 mars chez lui, dans le pavillon attenant la rotonde du Panorama des Champs-Élysées, au premier étage, côté avenue d'Antin (avenue Franklin-Roosevelt aujourd'hui).
Son ami le docteur Félix Larrey, qu'il avait désigné comme « exécuteur testamentaire », se rapprochait de ses neveux et nièces pour, selon ses dernières volontés, le faire inhumer près de son épouse, dans la petite chapelle qu'il avait fait construire dans la cour d'honneur de l'antique prieuré bénédictin de Saint-Hymer : un lieu restauré, chargé d'histoire, qu'il avait acheté en 1837. Par testament olographe du 20 mars 1870, maintenant les dispositions qu'il avait prises dans celui du 22 mai 1863, rédigé après le décès de sa femme, il léguait à la Ville de Caen sa propriété de Saint-Hymer pourvu que celle-ci en fasse une maison de convalescence destinée aux blessés de guerre, et 256 oeuvres provenant de son atelier parisien, études, prochades, toiles-maquettes de panoramas, etc, que le maire se faisait remettre, le 25 mars 1875.

Le colonel avait débuté au Salon, en 1822, et d'entrée y obtenait une médaille d'or pour sa « Bataille de Sediman » (Égypte, 8 octobre 1798), puis une nature, en 1834, dite de « première classe », pour son « Combat de Sidi Ferruch« . En tout, il avait participé à quatorze Salons.
Plusieurs de ses tableaux, parmi les meilleurs, figurent dans les collections du Musée national du château de Versailles. Citons « Le combat de Benouth (Égypte, 8 mars 1799), « La bataille de Hoff » (Prusse, 6 février 1807), « Le combat de Castella » (Espagne, 21 juillet 1812), « Le combat de Olot » (Espagne, 4 avril 1813), « Le combat de Champ-Aubert » (France, 10 février 1814) ou encore « La bataille de Monte reau » (France, 18 février 1814). Pour la plupart, ce sont des commandes ministérielles que le roi Louis-Philippe avait demandé de faire, lui-même conseillé par son ami le peintre Horace Vernet, un ami de trente ans qui l'appelait « Monsieur de Valmy » lorsqu'il passait incognito rue des Martyrs pour apercevoir sa dernière oeuvre.

Que reste-t-il de son oeuvre ? Peut-être trois à quatre cent toiles dans le monde, dont la majeure partie se trouve dans les réserve des Musées de Versailles, de Caen, de Beaumont-en-Auge, de Saint-Petersbourg, de Varsovie.
De ses panoramas ? Rien. Sinon, une trentaine de « maquettes définitives » de quelques-uns de ses grands panoramas : celles des batailles de la Moskowa, d'Eylau, des Pyramides, de Solferino ou encore de la prise de Sébastopol.
Il a été une célébrité de son temps. Fort de sa connaissance des champs de batailles, de son expérience des états-majors et de l'érudition qu'il avait de la « chose militaire », il réalisa sur le tard une oeuvre entièrement consacrée à la guerre. Ce n'était pas un peintre de chevalet. Il voyait grand, car il était persuadé qu'il fallait faire grand pour embrasser l'ensemble des séquences de l'événementiel d'une bataille, et le panorama le lui permit. Des milliers de personnes ont vu ses oeuvres panoramiques. Il a intéressé son temps et il a touché du bout de son pinceau l'éphémère de l'éternité qui fait basculer l'homme destiné dans le mythe. Il y a un mythe Langlois.

Auteur : Philippe Vidal
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 431
Mois : Oct-Nov
Année : 2000
Pages : 29-37

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