Né à Beaune (Côte d’Or) le 10 mai 1746
Gaspard Monge était le fils de Jacques Monge, d’origine savoyarde né à Saint-Jéoire en-Faucigny, canton de Bonneville (duché de Savoie), marchand-forain (1746), artisan de Beaune (1750), marchand dans la rue Couverte, membre de la confrérie des merciers établis en l’église des Cordeliers et bâtonnier de cette confrérie (1755-1775) (1).
Son père lui fait faire ses études au collège des Oratoriens de Beaune. Il construit un modèle de pompe à incendie (1760), dresse le plan de Beaune et, le 28 mai 1762 soutient, devant ses professeurs une thèse publique de mathématiques (elle est conservée à la Bibliothèque municipale de Beaune).
Très doué, Gaspard Monge enseigne, à seize ans, la physique au collège des Oratoriens de Lyon (1762-1764). Lors d’une visite à Beaune, le lieutenant- colonel du Vignau, commandant en second de l’école royale du Génie de Mézières, rencontre Gaspard Monge. Très admiratif du plan de Beaune dressé par le jeune savant, le lieutenant-colonel lui propose le poste, à l’école, de répétiteur de mathématiques et de géométrie descriptive. La famille Monge accepte et Gaspard débarque, à Mézières, à la fin 1764. Il a dix-huit ans. Là, pour les travaux concernant les fortifications, il met au point une méthode générale de représentation géométrique connue depuis lors sous le nom de géométrie descriptive.
En 1780, Turgot le charge d’enseigner à Paris l’hydrodynamique. Cette même année, il entre à l’Académie des Sciences. En 1786, il publie son Traité élémentaire de statique. Durant son séjour à Mézières, Monge fait la connaissance d’une jeune veuve, Marie-Catherine Huart, veuve Horbon (Rocroy, 2 juin 1747/ Paris, 1846, décédée à 99 ans). Il l’épouse à Rocroy, le 12 juin 1777. Leur union sera sans nuage. « Monge était heureux, car il avait souhaité épouser une belle femme, pour avoir de beaux enfants ».
D’autre part, comme beaucoup d’officiers et de savants de l’époque, Monge, à Mézières, avait été initié à la loge maçonnique : l’Union Parfaite du Corps royal du Génie. Par la suite, il sera inscrit à la loge « Les Amis Réunis », à l’Orient de Paris (2).
Partisan de la Révolution, Gaspard Monge est nommé ministre de la Marine (avril 1792-avril 1793). À ce titre, il veille au bon fonctionnement des ports militaires, face aux menaces anglaises. Dans le même temps, il travaille à la fabrication de la poudre, dont les armées révolutionnaires avaient un urgent besoin et crée des ateliers pour la manufacture des armes. En 1794, il publie son ouvrage Description de l’art de fabriquer des canons, pour que les usines en activité connaissent les moyens de mouler, fondre et forer les canons.
Une fois la menace extérieure écartée, Monge reprend ses travaux scientifiques. Il est nommé professeur à l’École normale supérieure, où il enseigne la géométrie descriptive. En 1795, il est l’un des fondateurs de l’École Polytechnique, où il enseigne également. Dans son enseignement, Monge jugeait indispensable d’illustrer sa parole par des gestes et des mimiques qui donnaient beaucoup de clarté à ses démonstrations.
En 1796, il fait partie de la commission chargée d’aller en Italie choisir les chefs d’œuvre cédés par le Pape à la France. C’est à cette occasion qu’il fait la connaissance du général Bonaparte.
En 1798, il est élu au Conseil des Anciens par les Bouches-du-Rhône et au Conseil des Cinq-Cents par la Côte d’Or. Mais Monge n’a pas le temps de siéger. Car Bonaparte l’entraîne avec lui, en Égypte. Monge et Berthollet, dirigent les parties scientifiques et archéologiques de l’expédition ; Monge préside l’institut d’Égypte, fait lever des cartes du pays, étudier les monuments. Il donne l ‘explication scientifique des mirages (publiée dans La Décade du 28 août 1798). Il suit l’armée et Bonaparte en Syrie. Malade, il est soigné par Berthollet (3). Il revient en France, avec le général Bonaparte, sur la Muiron, et retrouve la France le 9 octobre 1799.
Après le 18 Brumaire, Monge entre au Sénat (il en sera le président en 1806), membre de la Légion d’honneur le 9 vendémiaire an XII (2 octobre 1803) ; grand officier le 25 prairial an XII (13 juin 1804), chevalier de la Couronne de fer (1805), grand-croix de l’ordre de la Réunion (13 avril 813), directeur de l’École Polytechnique après 1802, membre de l’Institut, comte de Péluse, en souvenir des travaux dans l’isthme de Suez (26 avril 1808).
Monge est très lié avec le Premier consul, puis l’Empereur, il est un familier de Malmaison et de Saint-Cloud. En 1803, il accompagne le Premier consul et Joséphine lors de leur voyage dans le Nord et en Belgique. Le 2 décembre 1804, il est présent à Notre-Dame de Paris, pour le sacre de Napoléon et le couronnement de Joséphine, dans la délégation du Sénat (Cf. J. Tulard, Le sacre de l’Empereur Napoléon, p. 29).
À Paris, avant 1800, Monge et sa famille logent au n° 28 de la rue des Petits-Augustins, aujourd’hui 7-9, rue Bonaparte (Paris 6e) ; puis, après 1800, au 31, rue Nouvelle Belle Chasse (aujourd’hui rue Bellechasse, 7e). Monge y vit sur un grand pied, avec domestiques en livrée, carrosses à deux puis six chevaux, ornés de ses armoiries. Mme Monge a bien du mal à s’adapter à ce train de vie et aux réceptions.
Elle redoute toujours les honneurs et veille aux finances familiales. En tant que directeur de Polytechnique un appartement de fonction lui est attribué au Palais-Bourbon. Monge est très affecté par le désastre de Russie. À cette annonce, par le 29e bulletin de la Grande Armée, il s’écroule, frappé d’apoplexie.
Cependant, en 1813, Monge, conformément à l’ordre de l’Empereur, se rend en Belgique, à Liège, comme commissaire extraordinaire, pour galvaniser
la défense contre l’invasion (il ne réussit pas dans l’accomplissement de cette mission).
En 1814, Monge avait été maintenu dans ses fonctions par Louis XVIII. Mais son ralliement à Napoléon, lors des Cent-Jours, lui vaut, en juillet 1815, d’être exclu de l’Institut et de l’École Polytechnique. Désormais, le moral du savant est atteint. En 1817, il est affaibli et triste. Sa fille Émilie lui dit : « Tu penses à l’Empereur, papa. Eh bien, il est revenu de l’Ile d’Elbe, il pourrait bien revenir de Sainte-Hélène ! » Après une dernière satisfaction (ses proches lui chantent la Marseillaise), Monge meurt à Paris, 31, rue de Bellechasse, le 28 juillet 1818, à 21 heures, à 72 ans.
Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise (18e division, sous un cénotaphe en forme de mausolée sur le modèle d’un temple égyptien, carrefour du Grand Rond-point (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, S.P.M., 1993, p. 264). Beaucoup de savants étaient là : Laplace, Humboldt, Lacroix, Prony, Larrey, Costaz, Geoffroy Saint-Hilaire, enfin Berthollet, qui prononce l’éloge funèbre. Les polytechniciens étaient absents : on leur avait interdit de participer. Ils viendront en groupe, lors de leur premier jour de sortie, honorer par leur démarche et des couronnes, la mémoire de leur vieux maître.
Ses cendres ont été transférés au Panthéon, le 12 décembre 1989, avec celles de l’abbé Grégoire (Répertoire mondial…, p. 264).
De son union avec Marie-Catherine Huart, Monge avait eu deux filles : Jeanne Charlotte Emilie (Mézières 1778 – Pommard 1867, 89 ans), épouse Nicolas Joseph Masey (1795) ; Louise Françoise (Mézières 1779 – Paris 1874, 95 ans), épouse Joseph Eschassériaux (1797), dont des descendants.
À Paris (5e), une belle rue Monge a été ouverte de 1859 a 1864 et la place voisine a reçu, en 1867, le nom du savant (J. Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, t. 2, p. 134). À Chambéry, il y a également une place Monge.
À Sainte-Hélène, Napoléon a donné, sur Monge, une appréciation élogieuse : « Monge était membre de la commission des sciences et des arts en Italie. Monge avait été de l’ancienne Académie des sciences. Le général en chef (de l’armée d’Italie) se plaisait dans la conversation si intéressante de ce grand géomètre, physicien de premier ordre, patriote très chaud mais pur, sincère et vrai. Aimant la France et le peuple comme sa famille, la démocratie et l’égalité comme les résultats d’une démonstration géométrique, il était d’un esprit ardent… un véritable homme de bien… Il suivit Napoléon en Égypte ; il a depuis été sénateur et lui a toujours été fidèle. Les sciences lui doivent l’excellent ouvrage de la géométrie descriptive » (A. Palluel, Dictionnaire de l’Empereur, Plon, 1969, p. 773). On pourrait aussi citer les appréciations élogieuses de l’impératrice Joséphine : 17 prairial an XIII (6 juin 1805) et de la grande-duchesse Elisa (20 mai 1806).
L’œuvre mathématique de Monge est considérable. Son ouvrage principal (Géométrie descriptive, 1799) contient la méthode de représentation plane d’une figure de l’espace par utilisation des projections orthogonales de la figure donnée sur deux plans rectangulaires (plan horizontal et plan frontal de projection) constituant l’épure… Cependant, la géométrie descriptive ne représente qu’une partie des nombreux travaux de Monge, pour qui il existe de nombreuses correspondances entre l’analyse et la géométrie et aussi entre l’algèbre et la géométrie… Plus que par la publication de ses ouvrages (citons également Application de l’algèbre à la géométrie, 1805 et Application de l’analyse à la géométrie, 1807), l’influence de Monge s’exerça par son enseignement oral et la plupart des mathématiciens français du XIXe siècle ont été ses élèves (Jacques Meyer, Universalis Encyclopédie thématique 2005, tome 9, p. 2681-2682) (4).
Marc Allégret
Revue du souvenir Napoléonien n°459, Juillet-août 2005, pp.49-50
Notes
(1) La maison natale de Gaspard Monge se trouve 6, rue Monge, à Beaune (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, p. 75).
(2) Cf. Michel Gaudard de Soulages, Hubert Lamant, Dictionnaire des Francs-Maçons, J.Cl. Lattès, 1995, p. 658-659.
(3) À Annecy, à la statue de Berthollet par Marochetti, un bas relief représente le chimiste penché sur Monge malade (Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, p. 252 ; P. Aubry, p. 257).
(4) Sources. Michaud, Biographie universelle, tome 28, p. 614 ; Dictionnaire Napoléon, p. 1186, notice Monge par Alfred Fierro-Domenech ; Napoléon (éd. Rencontre) tome 4, p. 179 ; Paul V. Aubry, Monge, le savant ami de Napoléon Bonaparte, Gauthier-Villars, Paris, 1954 : Jean-Pierre Tarin, Les notabilités du Ier Empire. Leurs résidences en Ile-de- France, C. Terana, 2002, tome 1, p. 352-353. Editions Atlas.
La glorieuse épopée de Napoléon. La France sous l’Empire, p. 71 et 79.